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La géographie sacrée 5 : les axes du monde dans la Bible.

Pour le cinquième article de la série sur la géographie sacrée, je vais présenter les axes du monde dans la Bible, dans la continuité de ceux en Mésopotamie ou dans la civilisation grecque. Nous avons les axes du monde en Terre Sainte liés au Judaïsme (I) et à son transfert dans le Christianisme (II).

Il faut évoquer la mosaïque de Madaba qui est la plus ancienne représentation de la Terre Sainte encore existante de nos jours. Elle est présente à l’intérieur de l’Église Saint-Georges de Madaba dans l’actuelle Jordanie. Elle décrit d’ailleurs plus la géographie sacrée de la période chrétienne que celle de la période juive. Toutefois, elle montre la continuité entre Sumer et le Christianisme en passant par le Judaïsme. Partiellement détruite durant l’occupation musulmane des lieux, elle a ensuite été abandonnée, puis redécouverte en 1884.

Voici la superposition de la carte de Madaba sur la vraie carte de la Terre Sainte avec en clair les zones représentées et en foncé les zones qui ont été perdues. Nous y reviendrons, tout au long de l’article, compte tenu de l’importance considérable du document.

I. : Les axes du monde dans le Judaïsme.

A travers l’histoire du Judaïsme, il faut distinguer deux systèmes de géographie sacrée que nous verrons successivement, un système ayant Hébron pour centre (A) et un autre ayant pour centre de la géographie sacrée, Jérusalem (B).

A. Hébron.

Dans le précédent article, nous avons vu comment le modèle mésopotamien est passé de Babylone en Asie Mineure puis en Grèce. Dans celui-ci, nous verrons le même chemin culturel, mais cette fois-ci vers la Terre Sainte, puis vers l’Italie. Nous avions expliqué dans le deuxième article comment Abraham et sa famille quittèrent Ur pour se rendre, d’abord à Haran, puis à Hébron. Soulevons deux aspects importants de ce voyage à travers le Proche-Orient.

D’abord, Abraham emprunte une route commerciale qui existait dans la région depuis plusieurs siècles, voire des millénaires. Les routes anciennes sont aussi le témoin de la circulation de l’énergie terrestre. La route d’Ur qui passait par Babylone montait jusqu’à Haran. Est-ce un hasard ? Elle descendait également jusqu’en Terre Sainte.

Nous voyons se former un triangle sacré : Ur, Haran et Hébron.

Les axes du monde en Terre Sainte sont liés au centre installé à Hébron. Il se trouve précisément au chêne de Membré. Je vous renvoie à la lecture de mon article sur « le centre » pour plus de détails.

« Abram remonta d’Egypte vers le Midi, lui, sa femme et tout ce qui lui appartenait, et Lot avec lui. Or Abram était fort riche en troupeaux, en argent et en or. Puis il alla, de campement en campement, du Midi jusqu’à Béthel, jusqu’au lieu où il avait la première fois dressé sa tente, entre Béthel et Haï, à l’endroit où était l’autel qu’il avait précédemment élevé. Et là Abram invoqua le nom de Yahvé.

Lot, qui voyageait avec Abram, avait aussi des brebis, des boeufs et des tentes, et la contrée ne leur suffisait pas pour habiter ensemble ; car leurs biens étaient trop considérables pour qu’ils pussent demeurer ensemble. Il y eut une querelle entre les bergers des troupeaux d’Abram et les bergers des troupeaux de Lot. — Les Chananéens et les Phérézéens étaient alors établis dans le pays. — Abram dit à Lot : « Qu’il n’y ait pas, je te prie, de débat entre moi et toi, ni entre mes bergers et tes bergers ; car nous sommes des frères. Tout le pays n’est-il pas devant toi ? Sépare-toi donc de moi. Si tu vas à gauche, je prendrai la droite ; et si tu vas à droite, je prendrai la gauche. » Lot, levant les yeux, vit toute la plaine du Jourdain qui était entièrement arrosée : c’était, avant que Yahvé eût détruit Sodome et Gomorrhe, comme le jardin de Yahvé, comme la terre d’Egypte du côté de Tsoar. Lot choisit pour lui toute la plaine du Jourdain, et il s’avança vers l’orient ; c’est ainsi qu’ils se séparèrent l’un de l’autre. Abram habitait dans le pays de Chanaan, et Lot habitait dans les villes de la plaine, et il dressa ses tentes jusqu’à Sodome. Or les gens de Sodome étaient fort mauvais et grands pécheurs contre Yahvé.

Yahvé dit à Abram, après que Lot se fut séparé de lui : « Lève les yeux et, du lieu où tu es, regarde vers le septentrion et vers le midi, vers l’orient, et vers le couchant : tout le pays que tu vois, je le donnerai à toi et à ta postérité pour toujours. Je rendrai ta postérité nombreuse comme la poussière de la terre ; si l’on peut compter la poussière de la terre, on comptera aussi ta postérité. Lève-toi, parcours le pays en long et en large, car, je te le donnerai. »

Abram leva ses tentes et vint habiter aux chênes de Mambré, qui sont en Hébron ; et il bâtit là un autel à Yahvé. » (Genèse, XIII : 1-18).

Abraham, à la demande de Yahvé installa ses tentes au pied du chêne de Membré qui devient ainsi le centre de la géographie sacrée du judaïsme primitif. Yahvé indique les deux axes du monde à Abraham : l’axe Nord-sud (1), qu’il nomme « septentrion » (Nord) et « Midi » (Sud) et l’axe Est-Ouest (2), qu’il nomme « l’orient » (Est) et « le couchant » (Ouest).

Une chose frappe d’emblée. Si nous traçons une ligne continue depuis Haran en passant par Hébron nous tombons presque exactement sur Bersabée. Si nous réalisons le même travail sur la ligne qui va d’Ur en direction d’Hebron, nous trouvons à l’extrémité la ville de Gaza qui est d’une actualité brûlante depuis quelques mois.

L’idée de tracer de grandes lignes à travers l’espace géographique ne peut pas seulement être une coïncidence, ne peut pas être le fruit du hasard, mais d’une volonté humaine ou divine.

Les quatre points cardinaux sacrés du centre d’Hébron correspondent à la description de la Terre Sainte telle qu’elle fut promise par Yahvé à Moïse.

.Comme le soleil se couchait, un profond sommeil tomba sur Abram ; une terreur, une obscurité profonde tombèrent sur lui. Yahvé dit à Abram :  » Sache bien que tes descendants seront étrangers dans un pays qui ne sera pas à eux ; ils y seront en servitude et on les opprimera pendant quatre cents ans. Mais je jugerai la nation à laquelle ils auront été asservis, et ensuite ils sortiront avec de grands biens. Toi, tu t’en iras en paix vers tes pères ; tu seras mis en terre dans une heureuse vieillesse. A la quatrième génération ils reviendront ici ; car jusqu’à présent l’iniquité de l’Amorrhéen n’est pas à son comble.  » Lorsque le soleil fut couché et qu’une profonde obscurité fut venue, voici qu’un four fumant et un brandon de feu passaient entre les animaux partagés.

En ce jour-là, Yahvé fit alliance avec Abram, en disant :  » Je donne à ta postérité ce pays, depuis le fleuve d’Egypte jusqu’au grand fleuve, au fleuve de l’Euphrate : le pays des Cinéens, des Cénézéens, des Cadmonéens, des Héthéens, des Phéréséens, des Rephaïm, des Amorrhéens, des Chananéens, des Gergéséens et des Jébuséens. » (Genèse, XV : 12-21)

Le « Grand Israël ».

1. L’axe Nord-Sud pour Hébron.

Dans l’axe Nord-Sud, nous avons au Nord, Haran (a) et au Sud, Betsabée (b).

a. Au Nord : Haran.

Après le départ d’Abraham et de sa famille d’Ur, ils arrivèrent à Haran.

« Et Aran mourut en présence de Tharé, son père, au pays de sa naissance, à Ur en Chaldée. Abram et Nachor prirent des femmes : le nom de la femme d’Abram était Saraï, et le nom de la femme de Nachor était Melcha, fille d’Aran, père de Melcha et père de Jesca. Or Saraï fut stérile : elle n’avait point d’enfants. Tharé prit Abram, son fils, et Lot, fils d’Aran, son petit-fils, et Saraï, sa belle-fille, femme d’Abram, son fils, et ils sortirent ensemble d’Ur des Chaldéens, pour aller au pays de Chanaan ; mais, arrivés à Haran, ils s’y établirent.” (Genèse, XI : 28-31).

Haran était une cité sumérienne consacrée à la déesse lunaire Innana. Ce qui était également le cas d’Ur.

Abraham passe d’une cité sumérienne à l’autre. L’une comme l’autre pratiquaient un culte lunaire.

C’est à Haran que meurt le père d’Abraham.

Nous avons déjà dit cela dans le deuxième article de la série. Il ne faut point y revenir pour ne pas se répéter et alourdir le texte.

b. Au Sud : Bersabée.

Bersabée fut fondée par Abraham après un épisode resté célèbre autour d’un puits avec Abimélech.

« En ce temps-là, Abimélech, accompagné de Phicol, chef de son armée, parla ainsi à Abraham :  » Dieu est avec toi dans tout ce que tu fais. Jure-moi donc ici, par le nom de Dieu, que tu ne tromperas ni moi, ni mes enfants, ni mes petits-enfants, mais que tu auras pour moi et pour ce pays où tu séjournes la même bienveillance dont j’ai usé envers toi. » Abraham dit : « Je le jurerai  » Mais Abraham fit des reproches à Abimélech au sujet d’un puits d’eau dont les serviteurs d’Abimélech s’étaient emparés de force. Abimélech répondit : « J’ignore qui a fait cela ; toi-même tu ne m’en as pas informé, et je n’en ai entendu parler qu’aujourd’hui. » Et Abraham prit des brebis et des bœufs, et les donna à Abimélech, et ils firent alliance tous deux. Abraham mit à part sept jeunes brebis du troupeau, et Abimélech dit à Abraham : « Qu’est-ce que ces sept jeunes brebis, que tu as mises à part ? » Il répondit : « Tu accepteras de ma main ces sept jeunes brebis, afin que ce soit pour moi un témoignage que j’ai creusé ce puits. » C’est pourquoi on a appelé ce lieu Bersabée, parce que c’est là qu’ils ont tous deux prêté serment. C’est ainsi qu’ils firent alliance à Bersabée. Après quoi Abimélech se leva, avec Phicol, chef de son armée, et ils retournèrent au pays des Philistins.

Abraham planta un tamaris à Bersabée, et il invoqua là le nom de Yahvé, Dieu éternel ; et Abraham séjourna longtemps dans le pays des Philistins. » (Genèse, XXI : 22-34)

Bersabée pour les chrétiens correspond à Beer-sheba chez les Hébreux. Le puits dont parle le texte sacré existe toujours de nos jours. Un lieu divin pour les deux religions.

Le puits verra la signature d’un deuxième traité de paix entre Isaac et le roi Abimélech.

« Yahvé lui apparut cette nuit-là et dit : « Je suis le Dieu d’Abraham, ton père ; ne crains point, car je suis avec toi ; je te bénirai et je multiplierai ta postérité, à cause d’Abraham, mon serviteur. » Il éleva là un autel et invoqua le nom de Yahvé, puis il y dressa sa tente ; et les serviteurs d’Isaac y creusèrent un puits.

Abimélech vint vers lui, de Gérare, avec Ochozath, son ami, et Phicol, chef de son armée. Isaac leur dit : « Pourquoi êtes-vous venus vers moi, vous qui me haïssez et qui m’avez renvoyé de chez vous ? »

Ils répondirent : « Nous avons vu clairement que Yahvé est avec toi, et nous avons dit : Qu’il y ait un serment entre nous, entre nous et toi, et que nous fassions une alliance avec toi. Jure de ne pas nous faire de mal, de même que nous ne t’avons pas touché, et que nous ne t’avons fait que du bien, et t’avons laissé partir en paix. Tu es maintenant le béni de Yahvé. » Isaac leur fit un festin, et ils mangèrent et burent. Et, s’étant levés de bon matin, ils se prêtèrent serment l’un à l’autre ; puis Isaac les congédia et ils s’en allèrent de chez lui en paix.

Ce même jour, les serviteurs d’Isaac vinrent lui apporter des nouvelles du puits qu’ils creusaient ; ils lui dirent : « Nous avons trouvé de l’eau. » Et il appela le puits Schibéa. C’est pour cela que la ville se nomme Bersabée jusqu’à ce jour. » (Genèse, XXVI : 24-33)

Le puits porte le nom de « puits de Shibéa » et donna son nom à la ville de Bersabée. Cela signifie « le puits du serment » ou « le puits des sept« .

Bersabée, google map.

La ville de Bersabée est représenté sur la carte de Madaba avec la représentation de ce qui ressemble à un puits au centre.

représentation de Bersabée, carte de Madaba.

2 L’axe Est-Ouest pour Hébron.

L’axe Est-Ouest comporte à l’Est la cité sumérienne d’Ur (a) et à l’Ouest par la ville de Gaza (b).

a. A l’Est : Ur (lieu de naissance).

Dans le deuxième article, nous avions vu qu’Ur était le lieu de naissance d’Abraham. Je vous renvoie à la lecture du passage concerné pour avoir plus de détails.

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b. A l’Ouest : Gaza (lieu de mort).

Gaza fait partie des cinq villes philistines de la Terre Sainte que l’on appelle le « pentapole ». Nous avons Ashdod, Ashkelon, Egron, Gath et donc Gaza.

Les Philistins font partie des fameux peuples de la mer qui ont débarqué en Méditerranée au XIe siècle avant Jésus-Christ. Peuple de la mer dont on retrouve également la trace a Sumer, en Grèce, en Egypte, et même en Irlande. Platon explique que ces peuples venaient du continent perdu de l’Atlantide. C’est une filiation plus ou moins mythique.

Goliath, le géant qui affronta le roi David, venait de la ville de Gath. Gaza sera lié à Samson. Samson est l’un des juges qui dirigèrent Israël pendant vingt ans. Le destin de Samson ressemble de manière troublante à celui d’Héraclès. La manière dont le livre des Juges relate l’histoire ressemble à un conte de fées, ce qui montre son origine mythique issue de l’inconscient collectif.

Afin de montrer le lien qui existe entre Hébron et Gaza au niveau de la géographie sacrée, il faut relater une scène étrange tirée du livre des Juges.

« Samson alla à Gaza ; il y vit une courtisane, et il entra chez elle. On l’annonça aux gens de Gaza, en disant :  » Samson est venu ici.  » Et ils l’environnèrent et se tinrent en embuscade toute la nuit à la porte de la ville. Ils se tinrent tranquilles toute la nuit, en disant :  » Attendons jusqu’à ce que luise le matin, et nous le tuerons.  » Samson demeura couché jusqu’à minuit ; à minuit, il se leva et, saisissant les battants de la porte de la ville et les deux poteaux, il les arracha avec la barre, les mit sur ses épaules et les porta sur le sommet de la montagne qui regarde Hébron. » (Juges, XVI : 1-3)

Samson emmena les battants de la porte de la ville de Gaza sur une montagne à proximité de la cité. Depuis celle-ci, on peut voir Hébron. Il est difficile d’identifier la montagne de nos jours. Est-ce une manière symbolique de dire que Gaza est l’un des quatre points cardinaux de la géographie sacrée dont Hébron serait le centre ?

Heures d’Henri II, Samson emportant les portes de Gaza. BnF

« Après cela, il aima une femme dans la vallée de Sorec ; elle se nommait Dalila. Les princes des philistins montèrent vers elle et lui dirent :  » Flatte-le et vois où gît sa grande force, et comment nous pourrons nous rendre maîtres de lui, afin de le lier et de le dompter, et nous te donnerons chacun mille et cent sicles d’argent. «  (Juges, XVI : 4-5)

Mais c’est son histoire d’amour avec la princesse philistine Dalila qui va jouer un rôle décisif dans son destin. Elle est chargée de découvrir son point faible.

« Elle lui dit :  » Comment peux-tu dire : je t’aime ! puisque ton cœur n’est pas avec moi ? Voilà trois fois que tu t’es joué de moi, et que tu ne m’as pas indiqué où gît ta grande force.  » Elle le tourmentait ainsi chaque jour et le fatiguait de ses instances ; à la fin, son âme s’impatienta jusqu’à en mourir ;
il lui ouvrit tout son cœur et lui dit :  » Le rasoir n’a jamais passé sur ma tête, car je suis nazaréen de Dieu dès le sein de ma mère. Si j’étais rasé, ma force m’abandonnerait, je deviendrais faible et je serais comme tous les autres hommes. « 

Dalila vit qu’il lui avait ouvert tout son cœur ; elle envoya appeler les princes des Philistins et leur fit dire :  » Montez cette fois, car il m’a ouvert tout son cœur.  » Et les princes des Philistins montèrent vers elle. apportant l’argent dans leurs mains. Elle l’endormit sur ses genoux et, ayant appelé l’homme, elle fit raser les sept tresses de la tête de Samson et commença à le dompter, et sa force se retira de lui. Elle dit alors :  » Les Philistins sont sur toi, Samson !  » Il se réveilla de son sommeil et dit :  » Je me tirerai d’affaire comme les autres fois, et je me dégagerai ;  » car il ne savait pas que Yahvé s’était retiré de lui. Les Philistins le saisirent et lui crevèrent les yeux et, l’ayant fait descendre à Gaza, ils le lièrent d’une double chaîne d’airain. Il tournait la meule dans la prison. » (Juges, XVI : 15-21)

Dalila va essayer sans succès d’obtenir le secret, mais c’est à la quatrième qu’elle y parvient. Nous avons-là un schéma archétypique classique dans les contes de fées. Le héros connaît trois échecs successifs qui débouchent sur une quatrième tentative couronnée de succès.

Les Philistins lui coupent les cheveux et lui crève les yeux avant de l’emmener à Gaza.

Samson capturé par les PhilistinsLe Guerchin, 1619.

« Cependant les cheveux de sa tête commençaient à repousser depuis qu’il avait été rasé. Les princes des Philistins s’assemblèrent pour offrir un grand sacrifice à Dagon, leur dieu, et pour se réjouir. Ils disaient :  » Notre dieu a livré entre nos mains Samson, notre ennemi.  » Le peuple le vit, et ils louèrent leur dieu, car ils disaient :  » Notre dieu a livré entre nos mains notre ennemi, celui qui ravageait notre pays, et qui nous tuait tant de gens.  » Quand leurs cœurs furent devenus joyeux, ils dirent :  » Qu’on fasse venir Samson, et qu’il nous divertisse !  » Ils tirèrent Samson de la prison, et il dansa devant eux. On l’avait placé entre les colonnes.

Samson dit au jeune homme qui le tenait par la main :  » Laisse-moi toucher les colonnes sur lesquelles se tient la maison et m’y appuyer. Or la maison était remplie d’hommes et de femmes ; tous les princes des Philistins étaient là, et il y avait sur le toit environ trois mille personnes, hommes et femmes, qui regardaient Samson danser.

Alors Samson invoqua Yahvé et dit :  » Seigneur Yahweh, souvenez-vous de moi, je vous prie, et donnez-moi de la force cette fois seulement, ô Dieu. afin que d’un seul coup je me venge des Philistins pour mes deux yeux.  » Et Samson, embrassant les deux colonnes du milieu sur lesquelles se tenait la maison, s’appuya sur elles, sur l’une de la main droite, sur l’autre de la main gauche. Et Samson dit :  » Que je meure avec les Philistins ! « . Et il se pencha avec force, et la maison s’écroula sur les princes et sur tout le peuple qui s’y trouvait. Ceux qu’il fit périr en mourant furent plus nombreux que ceux qu’il avait tués pendant sa vie. Ses frères et toute la maison de son père descendirent à Gaza et l’emportèrent. Lorsqu’ils furent remontés, ils l’enterrèrent entre Saraa et Esthaol, dans le sépulcre de Manué, son père. Il avait jugé Israël pendant vingt ans. » (Juges, XVI : 22-31)

Ayant retrouvé sa force, grâce à Yahvé, il détruisit le temple de Dagon, un dieu philistin, provoquant sa propre mort et celle des Philistins.

La Mort de Samson, 1650 Italie

De manière étonnante, l’actualité a remis Gaza sur le devant de l’actualité. La ville où se joua le destin de Samson qui marqua le conflit entre Philistins et Hébreux devient l’épicentre d’une guerre entre Palestiniens et Israéliens. Une volonté consciente ou inconsciente qui pousse le gouvernement israélien à reprendre le contrôle de Gaza pour disposer de l’un des points importants de la géographie sacrée de la Terre Sainte.

Dans la carte de Madaba, Gaza est partiellement représenté, comme une très grande cité, d’une taille équivalente à Jérusalem. On devine qu’il manque une partie de la ville, car il manque le début du nom dans la mosaïque parvenue jusqu’à nous. Il est écrit « za ». Il manque donc le « ga ».

B. Jérusalem.

Progressivement, le centre de la géographie sacrée va passer d’Hébron à Jérusalem. Nous pouvons suivre ce passage en lisant l’Ancien Testament.

Jérusalem entre dans la vie politique juive lorsque la ville est prise par les armées de David.

« Toutes les tribus d’Israël vinrent auprès de David, à Hébron, et dirent : « Nous voici : nous sommes tes os et ta chair. Autrefois déjà, quand Saül était notre roi, c’était toi qui menais et ramenais Israël. Et Yahvé t’a dit : « C’est toi qui paîtras mon peuple d’Israël, et c’est toi qui seras prince sur Israël. » Ainsi tous les anciens d’Israël vinrent auprès du roi, à Hébron, et le roi David fit alliance avec eux devant Yahvé, à Hébron, et ils oignirent David pour roi sur Israël.

David était âgé de trente ans lorsqu’il devint roi, et il régna quarante ans. A Hébron, il régna sur Juda sept ans et six mois, et il régna à Jérusalem trente-trois ans sur tout Israël et Juda.

Le roi marcha avec ses hommes sur Jérusalem contre les Jébuséens, habitants du pays. Et on dit à David : « Tu n’entreras pas ici, mais les aveugles et les boiteux te repousseront ». Ce qui voulait dire : David n’entrera jamais ici.

Mais David s’empara de la forteresse de Sion : c’est la cité de David. David dit ce jour-là : « Quiconque frappera les Jébuséens et atteindra par le canal… » Quant aux boiteux et aux aveugles, ce sont les ennemis de l’âme de David. De là vient le dicton : « L’aveugle et le boiteux n’entreront point dans la maison. »

David s’établit dans la forteresse et l’appela cité de David, et David bâtit à l’entour, à partir du Mello, et à l’intérieur. » (2 Samuel, V : 1-9)

Le roi David régna sept ans à Hébron et trente-trois ans à Jérusalem.

Mais c’est sous le règne de son successeur, Salomon, que Jérusalem va devenir le véritable centre sacré du Judaïsme, avec la construction du Temple.

« Salomon dominait sur tous les royaumes, depuis le fleuve jusqu’au pays des Philistins et à la frontière d’Egypte ; ils apportaient des présents et ils furent assujettis à Salomon tous les jours de sa vie.

Salomon consommait chaque jour en vivres : trente cors de fleur de farine et soixante cors de farine commune, dix bœufs gras, vingt bœufs de pâturage et cent moutons, sans compter les cerfs, les chevreuils, les daims et les volailles engraissées. Car il dominait sur tout le pays au delà du fleuve, depuis Taphsa jusqu’à Gaza, sur tous les rois au delà du fleuve ; et il avait la paix avec tous ses sujets de tous côtés. Juda et Israël habitaient en sécurité, chacun sous sa vigne et sous son figuier, depuis Dan jusqu’à Bersabée, pendant tous les jours de Salomon. Salomon avait quarante mille stalles pour les chevaux destinés à ses chars, et douze mille chevaux de selle. Les intendants pourvoyaient à l’entretien du roi Salomon et de tous ceux qui étaient admis à la table du roi Salomon, chacun pendant son mois ; ils ne laissaient rien manquer. Ils faisaient aussi venir de l’orge et de la paille pour les chevaux de trait et de course dans le lieu où ceux-ci se trouvaient, chacun selon ce qui lui avait été prescrit.

Dieu donna à Salomon de la sagesse, une très grande intelligence et un esprit étendu comme le sable qui est au bord de la mer. La sagesse de Salomon surpassait la sagesse de tous les fils de l’Orient et toute la sagesse de l’Egypte. Il était plus sage qu’aucun homme, plus qu’Ethan l’Ezrahite, plus qu’Héman, Chalcol et Dorda, les fils de Mahol, et sa renommée était répandue parmi toutes les nations d’alentour. Il prononça trois mille maximes, et ses cantiques furent au nombre de mille et cinq. Il disserta sur les arbres, depuis le cèdre qui est au Liban jusqu’à l’hysope qui sort de la muraille ; il disserta aussi sur les quadrupèdes et sur les oiseaux, et sur les reptiles, et sur les poissons. On venait de tous les peuples pour entendre la sagesse de Salomon, de la part de tous les rois de la terre qui avaient entendu parler de sa sagesse. » (1 roi, V : 1-14)

Ce passage du livre des rois concernant le règne du roi Salomon est très intéressant au sujet de la géographie sacrée. Le texte nous dit qu’il dominait un immense territoire en citant comme limite, Gaza ou Bersabée. Deux références qui renvoient au centre d’Hébron.

« Hiram, roi de Tyr, envoya ses serviteurs vers Salomon, car il avait appris qu’on l’avait oint pour roi à la place de son père, et Hiram avait toujours été l’ami de David. Et Salomon envoya dire à Hiram : « Tu sais que David, mon père, n’a pu bâtir une maison au nom de Yahvé, son Dieu, à cause des guerres dont ses ennemis l’ont entouré, jusqu’à ce que Yahvé les eût mis sous la plante de ses pieds. Maintenant, Yahvé, mon Dieu m’a donné du repos de tous côtés ; il n’y a plus d’adversaire, plus d’affaire fâcheuse. Et voici que je pense à bâtir une maison au nom de Yahvé, mon Dieu, comme Yahvé l’a déclaré à David, mon père, en disant : C’est ton fils, que je mettrai à ta place sur ton trône, qui bâtira la maison à mon nom. Et maintenant, ordonne que l’on coupe pour moi des cèdres sur le Liban. Mes serviteurs seront avec tes serviteurs, et je te donnerai pour le salaire de tes serviteurs tout ce que tu diras ; car tu sais qu’il n’y a personne parmi nous qui s’entende à couper le bois comme les Sidoniens. »

Lorsque Hiram entendit les paroles de Salomon, il eut une grande joie et il dit : « Béni soit aujourd’hui Yahvé qui a donné à David un fils sage pour régner sur ce grand peuple ! » Et Hiram envoya dire à Salomon : « J’ai entendu ce que tu m’as envoyé dire ; je ferai ce que tu désires au sujet des bois de cèdre et des bois de cyprès. Mes serviteurs les descendront du Liban à la mer, et je les ferai flotter par mer jusqu’au lieu que tu m’enverras dire ; là, je les ferai délier, et tu les prendras. Et toi, tu accompliras mon désir, en fournissant les vivres à ma maison. ». » (1 roi, V : 15-23)

David aurait voulu construire un temple afin d’accueillir l’Arche d’Alliance, mais Yahvé s’y opposa en raison des nombreuses guerres que devait mener David contre ses voisins. Ce rôle devait être dévolu à son fils Salomon. La paix ayant été instaurée et la Terre Sainte conquise, Salomon fut chargé d’édifier le temple. Pour mener à bien sa mission, il demanda au roi de Tyr Hiram de l’aider. Hiram fut l’un des architectes du premier temple, un personnage qui sera ensuite repris par la symbolique franc-maçonne.

Nous retrouvons à Jérusalem, un axe Nord-Sud (1) et un axe Est-Ouest (2).

1 L’axe Nord-Sud pour Jérusalem.

Dans l’axe Nord-Sud, nous avons au Nord, Bethel ainsi que Aï (a) et au Sud, Bethléem (b).

a. Au Nord : Béthel et Haï.

Nous l’avions vu lors de l’étude des axes du monde à Sumer, en Asie Mineure comme en Grèce, qu’il y a traditionnellement un dédoublement de l’axe Nord-Sud sur un des éléments de l’axe. Parfois, c’est le Nord d’autres fois, c’est le Sud. Nous retrouvons ce même phénomène en Terre Sainte pour le centre de Jérusalem. Cela est décrit dans une scène de la Genèse lors du détour d’Abraham à Hébron au pied de l’arbre de Membré.

« Yahvé dit à Abram : « Va-t-en de ton pays, de ta famille et de la maison de ton père, dans le pays que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation, je te bénirai et je rendrai grand ton nom. Tu seras une bénédiction : Je bénirai ceux qui te béniront, et celui qui te maudira, je le maudirai, et toutes les familles de la terre seront bénies en toi. »

Abram partit, comme Yahvé le lui avait dit, et Lot s’en alla avec lui. Abram avait soixante-quinze ans quand il sortit de Haran. Abram prit Saraï, sa femme, et Lot, fils de son frère, ainsi que tous les biens qu’ils possédaient et les serviteurs qu’ils avaient acquis à Haran, et ils partirent pour aller au pays de Chanaan. Et ils arrivèrent au pays de Chanaan. Abram traversa le pays jusqu’au lieu nommé Sichem, jusqu’au chêne de Moré. — Les Chananéens étaient alors dans le pays. — Yahvé apparut à Abram et lui dit : « je donnerai ce pays à ta postérité. » Et Abram bâtit là un autel à Yahvé qui lui était apparu. Il passa de là à la montagne, à l’orient de Béthel, et il dressa sa tente, ayant Béthel au couchant et Haï à l’orient. Là encore il bâtit un autel à Yahvé, et il invoqua le nom de Yahvé. » (Genèse, XII : 1-8).

Abraham se trouve à Hébron. Il voyage en direction d’une montagne sur laquelle il construit un autel en l’honneur de Yahvé. Le nom de ce lieu n’est pas précisé. De son point d’observation, il voit Béthel (a-1) à l’Ouest et Haï (a-2) à l’Est.

Bethel et Aï, google map.

Sur la carte de Madaba, seule Béthel est figurée. Il n’y a pas de représentation de la cité sur la carte, mais uniquement l’indication de son nom.

a-1. Béthel.

Après Abraham, c’est au tour de Jacob d’y connaître une aventure là-bas (a-1-1), puis c’est le prophète Elie qui montera au Ciel depuis Béthel (a-1-2), c’est le roi d’Israël, Jéroboam, qui construisit un veau d’or sur l’emplacement de l’autel de Jacob (a-1-3), un monument qui sera détruit par le roi de Juda Ezechias (a-1-4). Béthel a été identifié à un village palestinien devenu une colonie juive (a-1-5).

a-1. Jacob à Béthel.

Abraham observe le paysage se trouvant au Nord et découvre deux points : il y a Béthel au couchant, donc à l’Ouest, (1) et Haï à l’Orient, c’est-à-dire à l’Est (2). C’est exactement ce que nous pouvons voir sur une carte géographique. Béthel est au Nord-Ouest d’Hébron et Aï est au Nord-Est d’Hébron. Comme nous allons le voir, les découvertes archéologiques sont venues confirmer le texte biblique.

Abraham va quitter Ur en Mésopotamie pour rejoindre Haran, Sichem puis Hébron. Nous l’avions déjà vu. Jacob, le petit-fils d’Abraham, va faire le chemin inverse de son grand-père, en se rendant à Haran, la terre de ses ancêtres. Sur le chemin, il va rencontrer Dieu à Béthel.

« Jacob partit de Bersabée et s’en alla à Haran. Il arriva dans un lieu ; et il y passa la nuit, parce que le soleil était couché. Ayant pris une des pierres qui étaient là, il en fit son chevet, et il se coucha dans ce lieu. Il eut un songe : et voici, une échelle était posée sur la terre et son sommet touchait au ciel ; et voici, sur elle des anges de Dieu montaient et descendaient, et au haut se tenait Yahvé. Il dit : « Je suis Yahvé, le Dieu d’Abraham, ton père, et le Dieu d’Isaac. Cette terre sur laquelle tu es couché, je te la donnerai, à toi et à ta postérité. Ta postérité sera comme la poussière de la terre ; tu t’étendras à l’occident et à l’orient, au septentrion et au midi, et toutes les familles de la terre seront bénies en toi et en ta postérité. Voici, je suis avec toi, et je te garderai partout où tu iras et je te ramènerai dans ce pays. Car je ne t’abandonnerai point que je n’aie fait ce que je t’ai dit. »

Jacob s’éveilla de son sommeil et il dit : « Certainement Yahvé est en ce lieu, et moi je ne le savais pas ! » Saisi de crainte, il ajouta : « Que ce lieu est redoutable ! C’est bien ici la maison de Dieu, c’est ici la porte du ciel. » S’étant levé de bon matin, Jacob prit la pierre dont il avait fait son chevet, la dressa pour monument et versa de l’huile sur son sommet. Il nomma ce lieu Béthel ; mais primitivement la ville s’appelait Luz. Et Jacob fit un voeu en disant : « Si Dieu est avec moi et me garde dans ce voyage que je fais ; s’il me donne du pain à manger et des habits pour me vêtir, et si je retourne heureusement à la maison de mon père, Yahvé sera mon Dieu ; cette pierre que j’ai dressée pour monument sera une maison de Dieu, et je vous paierai la dîme de tout ce que vous me donnerez. » » (Genèse, XXVIII : 10-22).

Jacob découvre qu’à Bethel se trouve une échelle qui montre au Ciel. Au sommet de l’échelle, se trouvait Yahvé. Sur l’échelle, il aperçoit des anges qui montent de la Terre vers le Ciel ou descendent du Ciel vers la Terre. C’est donc la porte du Ciel, comme l’indique le texte biblique, reprenant le modèle sumérien, comme nous l’avions vu dans un article précédent.

Photo de l’échelle de Jacob dans l’original 
Luther Bibles (de 1534 et aussi de 1545).

Yahvé lui réitère alors sa promesse de lui donner cette terre en indiquant les quatre points cardinaux correspondant aux axes Est-Ouest et Nord-Sud. C’est l’indication du point central et des deux axes du monde, dont Béthel est le point correspondant à l’Ouest, au couchant.

Jacob va marquer le lieu en construisant un monument de pierre. Ce monument portera le nom de bétyle, du latin Baetylus, du grec Báitylos. En latin, comme en grec, celui-ci signifie une pierre qui fait l’objet d’une grande vénération. On pense à l’omphalos de Delphes, c’est-à-dire à une pierre qui va symboliser le centre du monde. j’en ai parlé dans un précédent article. Toutefois, le bétyle n’est pas un omphalos, car il ne représente pas le centre du monde, mais l’un des points cardinaux par rapport à un centre.

L’idée de sculpter un monument de pierre sur le modèle de Jacob à Béthel sera reprise par le monde catholique à travers les églises, les cathédrales. L’idée chrétienne de l’église ou de la cathédrale comme bétyle trouve sa source d’inspiration chez Jacob. On construit de grands monuments sur le centre et les quatre points cardinaux des terres chrétiennes. On retrouve cela en France, en Espagne, en Italie, et même en Terre Sainte. Il y a une filiation directe entre Béthel et les cathédrales. La cathédrale est une pierre taillée sur laquelle un prêtre va répandre de l’huile sainte, comme le fit Jacob. C’est une pierre dressée qui devient une maison de Dieu.

Jacob va rencontrer une deuxième fois Yahvé à Béthel.

« Dieu dit à Jacob :  » Lève-toi, monte à Béthel et demeures-y, et dresse là un autel au Dieu qui t’est apparu quand tu fuyais devant Esaü, ton frère.2 Jacob dit à sa famille et à tous ceux qui étaient avec lui :  » Otez les dieux étrangers qui sont au milieu de vous ; purifiez-vous et changez de vêtements. Nous nous lèverons et nous monterons à Béthel, et là je dresserai un autel au Dieu qui m’a exaucé au jour de mon angoisse, et qui a été avec moi, dans le voyage que j’ai fait. «  Et ils donnèrent à Jacob tous les dieux étrangers qui étaient entre leurs mains et les boucles qu’ils avaient aux oreilles, et Jacob les enfouit sous le térébinthe qui est à Sichem. Ils partirent, et la terreur de Dieu se répandit sur les villes d’alentour, et on ne poursuivit pas les fils de Jacob. Jacob, avec tous les gens qui étaient avec lui, arriva à Luz, au pays de Chanaan : c’est Béthel. Il y bâtit un autel, et il appela ce lieu El-Béthel, car c’est là que Dieu lui était apparu lorsqu’il fuyait devant son frère.

Alors mourut Débora, nourrice de Rebecca, et elle fut enterrée au-dessous de Béthel, au pied du chêne auquel on donna le nom de Chêne des pleurs.

Dieu apparut encore à Jacob, après son retour de Paddan-Aram, et il le bénit. Dieu lui dit :  » Ton nom est Jacob ; tu ne seras plus appelé Jacob, mais Israël sera ton nom.  » Et il le nomma Israël. Dieu lui dit :  » Je suis le Dieu tout-puissant. Sois fécond et multiplie ; il naîtra de toi une nation et une assemblée de nations, et de tes reins sortiront des rois. Le pays que j’ai donné à Abraham et à Isaac, je te le donnerai, et je donnerai ce pays à ta postérité après toi.  » Et Dieu remonta d’auprès de lui, dans le lieu où il lui avait parlé. Et dans le lieu où il lui avait parlé, Jacob dressa un monument de pierre, sur lequel il fit une libation et versa de l’huile. Il donna le nom de Béthel au lieu où Dieu lui avait parlé.« 

Ils partirent de Béthel. Il y avait encore une certaine distance avant d’arriver à Ephrata, lorsque Rachel enfanta, et son accouchement fut pénible. Pendant les douleurs de l’enfantement, la sage-femme lui dit :  » Ne crains point, car c’est encore un fils que tu vas avoir.  » Comme son âme s’en allait, — car elle était mourante, — elle le nomma Bénoni ; mais son père l’appela Benjamin. Rachel mourut, et elle fut enterrée au chemin d’Ephrata, qui est Bethléem. Jacob éleva un monument sur sa tombe ; c’est le monument de la Tombe de Rachel, qui subsiste encore aujourd’hui. » (Genèse, XXXV, 1-20)

A Béthel, Yahvé demande à Jacob de changer de nom. Désormais, il portera le nom d’Israël et donnera son nom au pays où il vit. La Terre Sainte deviendra Israël.

a-2. Elie à Béthel.

La chose est moins connue, c’est également depuis Béthel monta au Ciel pour rejoindre Dieu.

« Lorsque Yahvé fit monter Elie au ciel dans un tourbillon, Elie s’en allait de Galgala avec Elisée. Elie dit à Elisée : « Reste ici, je te prie, car Yahvé m’envoie jusqu’à Béthel. » Elisée répondit : « Yahvé est vivant et ton âme est vivante ! Je ne te quitterai point ! » Et ils descendirent à Béthel. Les fils des prophètes qui étaient à Béthel sortirent vers Elisée, et lui dirent : « Sais-tu que Yahvé enlèvera aujourd’hui ton maître de dessus ta tête ? » Il répondit : « Je le sais aussi ; tenez-vous en paix. » Elie lui dit : « Elisée, reste ici, je te prie, car Yahvé m’envoie à Jéricho. » Il répondit : « Yahvé est vivant et ton âme est vivante ! Je ne te quitterai point ! » Et ils arrivèrent à Jéricho. Les fils des prophètes qui étaient à Jéricho s’approchèrent d’Elisée et lui dirent : « Sais-tu que Yahvé enlèvera aujourd’hui ton maître de dessus ta tête ? » Il répondit : « Je le sais aussi ; tenez-vous en paix. » » » (2 rois, II : 1-5).

Elie est un prophète de l’Ancien Testament qui vécut au IXe siècle avant Jésus-Christ. Il lutta contre les adeptes de la religion de Baal. Il affronta également le roi Achab et la reine Jezabel. A la fin de sa vie, il monta au Ciel depuis Béthel pour rejoindre Yahvé. Le lieu n’est de toute évidence pas choisi au hasard. C’est là que se trouve, pour le judaïsme, la porte du Ciel qui permet de rejoindre Yahvé. Elie n’emprunte pourtant pas l’échelle, mais monte au Ciel avec un char comme le relate la tradition.

Ascension du prophète Élie remettant son manteau à son disciple Élisée (face droite du sarcophage dit de « la Remise de la Loi », musée du Louvre).
L’ascension d’Élie dans une fresque byzantine.
a-3. Le veau d’or à Béthel.

Sous le règne du roi d’Israël Jéroboam, nous retrouvons Béthel. Le souverain hébreu fit installer deux veaux d’or dans son royaume. L’un à Béthel et l’autre à Dan.

« Après s’être consulté, le roi fit deux veaux d’or, et il dit au peuple : « Assez longtemps vous êtes montés à Jérusalem ! Israël, voici ton Dieu, qui t’a fait monter du pays d’Egypte. » Il plaça l’un de ces veaux à Béthel, et il mit l’autre à Dan. Ce fut là une occasion de péché, car le peuple allait jusqu’à Dan adorer l’un des veaux. » (1 rois, XII : 28-30).

La scène intervient au moment de la division du royaume des Juifs, après la mort du roi Salomon. Le fils de Salomon, Roboam, succède à son père sur le trône de Juda à Jérusalem. Il est contesté par un général, Jéroboam qui monte sur le trône du royaume d’Israël. C’est une période intéressante de l’histoire du Judaïsme politique.

Au départ, nous avons un seul royaume, celui de David et de Salomon dont la capitale était à Jérusalem.

A la mort de Salomon, le royaume unique va se diviser en deux royaumes rivaux :

  • Le royaume de Juda (Jérusalem) avec pour roi Roboam.
  • Le royaume d’Israël (Samarie) avec pour roi Jéroboam.

Le roi d’Israël va faire construire deux veaux d’or aux deux extrémités de son royaume. l’un à Béthel et l’autre à Dan.

Par la suite, Béthel deviendra un lieu de culte tout au long de l’Ancien Testament.

« Et les enfants d’Israël, s’étant levés, montèrent à Béthel, et consultèrent Dieu, en disant : « Qui de nous montera le premier pour combattre les fils de Benjamin ? » Yahvé répondit : « Que Juda monte le premier. » » (Juges, XX : 18).

Gravure du veau d’or à Béthel, 1897.
a-4. La destruction du monument de Béthel par Ezéchias.

Finalement, le monument construit par Jacob sera détruit sur ordre du roi de Juda Ezéchias.

« La troisième année d’Osée, fils d’Ela, roi d’Israël, régna Ezéchias, fils d’Achaz, roi de Juda. Il avait vingt-cinq ans lorsqu’il devint roi, et il régna vingt-neuf ans à Jérusalem. Sa mère s’appelait Abi, fille de Zacharias. Il fit ce qui est droit aux yeux de Yahvé, selon tout ce qu’avait fait David, son père. Il fit disparaître les hauts lieux, brisa les stèles, coupa les aschérahs, et mit en pièces le serpent d’airain que Moïse avait fait, car les enfants d’Israël brûlaient jusqu’alors des parfums devant lui : on l’appelait Nohestan. Il mit sa confiance dans Yahweh, Dieu d’Israël, et il n’eut pas son semblable parmi tous les rois de Juda qui vinrent après lui ou qui le précédèrent. Attaché à Yahvé, il ne se détourna pas de lui, et il observa ses commandements que Yahvé avait prescrits à Moïse. Et Yahvé fut avec Ezéchias, et il réussit dans toutes ses entreprises. » (2 rois, XVIII : 1-7).

Ezechias était le roi du royaume de Juda. C’est sous son règne que le royaume concurrent d’Israël fut envahi par les Assyriens qui déportèrent une partie de la population, alors que l’autre partie trouva refuge sur ses terres. Puis, le roi assyrien Sénachérib va envahir le royaume de Juda et assiéger Jérusalem. Mais finalement, un ange détruira l’armée assyrienne.

L’ange détruisant l’armée de Sennacherib devant Jérusalem, gravure sur bois de Gustave Doré.

C’est donc ce roi très pieux qui prendra la décision de détruire le monument de Béthel, sans que l’on sache bien s’il s’agit de l’autel de Jacob ou du veau d’or. Il est possible que le veau d’or ait été installé sur l’autel de Jacob et qu’Ezéchias ait détruit les deux en même temps. Quoi qu’il en soit, de nos jours, il n’y a plus de trace de ce monument, ce qui rendit difficile l’identification de Béthel par les archéologues.

a-5. L’identification de Béthel par l’archéologie.

Nous avons probablement retrouvé Béthel grâce aux travaux d’Edward Robinson (1794-1863) publié, en 1882, dans son livre « Biblical researches in Palestine« . C’est en lisant les descriptions de l’environnement géographique dans le texte sacré, comme chez Eusèbe de Césarée ou Saint Jérome qu’il parvient à identifier le lieu probable où se trouvait Béthel. Il identifie un petit village palestinien qui portait le nom de « Beitin » qui reprend le mot hébreu « Béthel ». De nombreuses fouilles archéologiques auront lieu en 1934, 1954, 1957 et 1960. Les Israéliens ont édifié, en 1977, la colonie de « Béthel » sur l’emplacement du village.

Vue aérienne de Beit El
a-2. Aï.

A quelques kilomètres de Béthel se trouvait haï. Une ville moins importante que Béthel qui ne semble citée qu’une seule fois dans l’Ancien Testament, dans le livre de Josué aux chapitres sept et huit.

« Les enfants d’Israël commirent une infidélité au sujet de l’anathème. Achan, fils de Charmi, fils de Zabdi, fils de Zaré, de la tribu de Juda, prit des choses dévouées, et la colère de Yahvé s’enflamma contre les enfants d’Israël.

Josué envoya de Jéricho des hommes vers Haï, qui est près de Beth-Aven, à l’orient de Béthel ; il leur dit : « Montez et explorez le pays. » Ces hommes montèrent et explorèrent Haï. Revenus auprès de Josué, ils lui dirent : « Que le peuple ne monte pas tout entier ! Deux mille hommes ou trois mille hommes n’ont qu’à monter et ils battront Haï ; ne fatigue pas tout le peuple pour cette ville, car ses habitants sont peu nombreux. »

Environ trois mille hommes du peuple y montèrent, mais ils prirent la fuite devant les hommes d’Haï Les gens d’Haï leur tuèrent environ trente-six hommes ; ils les poursuivirent depuis la porte jusqu’à Sabarim, et les battirent à la descente. Et le cœur du peuple se fondit et il perdit tout courage.


Josué déchira ses vêtements et se prosterna, le visage contre terre, devant l’arche de Yahvé, jusqu’au soir, lui et les anciens d’Israël, et ils jetèrent de la poussière sur leur tête. » (Josué, VII : 1-6)

Dans le chapitre sept, les Hébreux échouent à prendre la ville de Haï, malgré la présence à leurs côtés de l’arche d’alliance.

« Yahvé dit à Josué : « Ne crains point et ne t’effraie point. Prends avec toi tous les hommes de guerre, lève-toi et monte contre Haï. Vois, j’ai livré entre tes mains le roi d’Haï et son peuple, sa ville et son territoire. Tu traiteras Haï et son roi comme tu as traité Jéricho et son roi ; seulement vous pillerez pour vous son butin et son bétail. Dresse une embuscade derrière la ville. »

Josué se leva avec tous les gens de guerre, pour monter contre Haï. Josué choisit trente mille hommes vaillants, et les fit partir de nuit. Il leur donna cet ordre : « Soyez sur vos gardez : vous vous mettrez en embuscade derrière la ville, mais sans vous éloigner beaucoup de la ville, et tous, tenez-vous prêts. Moi, et tout le peuple qui est avec moi, nous nous approcherons de la ville ; et quand ils sortiront au-devant de nous, comme la première fois, nous fuirons devant eux. Ils sortiront pour nous poursuivre, jusqu’à ce que nous les ayons attirés loin de la ville, car ils diront : Ils fuient devant nous, comme la première fois. Et nous fuirons devant eux. Alors, sortant de l’embuscade, vous vous emparerez de la ville ; Yahvé, votre Dieu, la livrera entre vos mains. Quand vous aurez pris la ville, vous la brûlerez ; vous agirez selon la parole de Yahvé. Voyez : je vous ai donné mes ordres. »
Josué les fit partir, et ils allèrent se poster en embuscade entre Béthel et Haï, à l’occident d’Haï. Quant à Josué, il passa cette nuit-là au milieu du peuple.

Josué se leva de bon matin et, ayant passé le peuple en revue, il monta à la tête du peuple, lui et les anciens d’Israël, contre Haï. Tous les hommes de guerre qui étaient avec lui montèrent et s’approchèrent ; arrivés en face d’Haï, ils campèrent au nord de la ville, ayant la vallée entre eux et Haï. Josué prit environ cinq mille hommes, et les mit en embuscade entre Béthel et Haï, à l’occident de la ville. Lorsque le peuple eut ainsi disposé tout le camp, qui était au nord de la ville, et son embuscade à l’occident de la ville, Josué s’avança durant cette nuit au milieu de la vallée.

Dès que le roi de Haï vit cela, les hommes de la ville se levèrent en hâte de bon matin, et sortirent à la rencontre d’Israël pour le combattre ; le roi s’avança avec tout son peuple vers le lieu convenu, en face de la plaine, ne sachant pas qu’il y avait derrière la ville une embuscade dressée contre lui. Josué et tout Israël se laissèrent battre devant eux, et ils s’enfuirent par le chemin du désert. Alors tout le peuple qui était dans la ville se rassembla pour les poursuivre ; ils poursuivirent Josué et se laissèrent attirer loin de la ville. Il ne resta pas un homme dans Haï et dans Béthel qui ne sortit pour poursuivre Israël ; laissant la ville ouverte, ils poursuivirent Israël.

Yahvé dit à Josué : « Etends vers Haï le javelot que tu as à la main, car je vais la livrer en ton pouvoir. » Et Josué étendit vers la ville le javelot qu’il avait à la main. Dès qu’il eut étendu sa main, les hommes de l’embuscade se levèrent en hâte du lieu où ils étaient et, prenant leur course, ils entrèrent dans la ville et l’occupèrent ; et ils se hâtèrent de mettre le feu à la ville. Les hommes d’Haï, regardant derrière eux, aperçurent la fumée de la ville qui montait vers le ciel, et ils ne purent plus se sauver d’aucun côté, le peuple qui fuyait vers le désert se retournant contre ceux qui le poursuivaient.
Et Josué et tout Israël, voyant la ville prise par les hommes de l’embuscade, et la fumée de la ville qui montait, se retournèrent et battirent les hommes d’Haï. Les autres sortirent de la ville au-devant d’eux, et les hommes d’Haï se trouvèrent enveloppés par les Israélites, par les uns d’un côté, par les autres de l’autre côté. Et les Israélites les battirent, sans leur laisser ni un survivant ni un fugitif ; ils prirent vivant le roi d’Haï et l’amenèrent à Josué.

Lorsqu’Israël eut achevé de tuer tous les habitants d’Haï dans la campagne, dans le désert, où ils l’avaient poursuivi, et que tous furent jusqu’au dernier passés au fil de l’épée, tout Israël revint dans la ville et la passa au fil de l’épée.

Le nombre total de ceux qui périrent en ce jour fut de douze mille, tant hommes que femmes, tous gens d’Haï. Josué ne retira pas sa main qu’il tenait étendue avec le javelot, jusqu’à ce qu’il eût traité comme anathème tous les habitants d’Haï. Les Israélites prirent seulement pour eux le bétail et le butin de cette ville, selon l’ordre de Yahvé qu’il avait prescrit à Josué. Josué brûla Haï, et en fit pour toujours un monceau de ruines, qui subsiste encore aujourd’hui. Il fit pendre à un arbre le roi d’Haï et l’y laissa jusqu’au soir. Au coucher du soleil, Josué donna l’ordre de descendre son cadavre de l’arbre ; on le jeta à l’entrée de la porte de la ville, et on éleva sur lui un grand monceau de pierres, qui subsiste jusqu’à ce jour.

Alors Josué bâtit un autel à Yahvé, Dieu d’Israël, sur le mont Hébal, selon l’ordre que Moïse, serviteur de Yahvé, avait donné aux enfants d’Israël, comme il est écrit dans le livre de la loi de Moïse, un autel de pierres brutes, sur lesquelles on n’avait pas brandi le fer. Ils y offrirent des holocaustes à Yahvé, et firent des sacrifices pacifiques. Là Josué écrivit sur les pierres une copie de la loi que Moïse avait écrite en présence des enfants d’Israël. Tout Israël, ses anciens, ses officiers et ses juges, se tenaient des deux côtés de l’arche, devant les prêtres lévitiques, qui portaient l’arche de l’alliance de Yahvé, les étrangers aussi bien que les enfants d’Israël, une moitié du côté du mont Garizim, une moitié du côté du mont Hébal, selon l’ordre que Moïse, serviteur de Yahvé, avait donné auparavant de bénir le peuple d’Israël. Puis Josué lut toutes les paroles de la loi, la bénédiction et la malédiction, suivant tout ce qui est écrit dans le livre de la loi. Pas un mot de tout ce que Moïse avait prescrit que n’ait lu Josué en présence de toute l’assemblée d’Israël, des femmes et des enfants, et des étrangers qui vivaient au milieu d’eux.
 » (Josué, VIII : 1-35)

Quelques jours plus tard, les armées de Josué vont prendre la ville sur les conseils de Yahvé. L’ensemble de la population sera tué. Il est difficile de juger ce genre de comportement avec nos yeux d’hommes du XXIe siècle sans tomber dans l’anachronisme. Les armées romaines ou grecques adoptaient le même comportement sans que cela ne choque les historiens. Par exemple, la prise de Carthage par les armées romaines. Pourquoi le même comportement par les Juifs de l’Ancien Testament choquerait-il ? Et que penser des troupes de Mahomet dans leurs conquêtes militaires. Il n’y a qu’un Youssef Hindi dans son débat face à Jean Messiah pour nier qu’elles aussi ont commis des actes cruels face à leur adversaire vaincus.

Gustave Doré, « Josué brûle la ville d’Aï » (1866) ; La Grande Bible de Tours.

Actuellement, Haï correspondrait à la ville palestinienne de « Et-Tell ». Comme pour Béthel, elle a été identifiée par Edward Robinson (1794-1863). Le nom arabe « Et-Tell » signifie la même chose que l’Hébreu « Haï », c’est-à-dire « la ruine ». C’est la ruine qui resta après la victoire des armées de Josué. Nous retrouvons les vestiges d’une ancienne cité sur les lieux correspondant en tout point à a ce qui est décrit dans la Bible.

Ruine de Béthel.

b. Au Sud : Béthléem.

Avant même la naissance du Christ, Bethléem était considéré comme le troisième lieu saint du Judaïsme pour deux raisons. C’est d’abord là que mourut Rachel (b-1), c’est ensuite l’endroit où naquit le roi David (b-2). Ce qui paraît étonnant, c’est que la ville est à la fois le lieu de naissance et de mort d’un héros.

b-1. Le tombeau de Rachel.

Une scène célèbre de la Genèse se déroule à Béthléem-Ephrata.

« Ils partirent de Béthel. Il y avait encore une certaine distance avant d’arriver à Ephrata, lorsque Rachel enfanta, et son accouchement fut pénible. Pendant les douleurs de l’enfantement, la sage-femme lui dit :  » Ne crains point, car c’est encore un fils que tu vas avoir.  » Comme son âme s’en allait, — car elle était mourante, — elle le nomma Bénoni ; mais son père l’appela Benjamin. Rachel mourut, et elle fut enterrée au chemin d’Ephrata, qui est Bethléem. Jacob éleva un monument sur sa tombe ; c’est le monument de la Tombe de Rachel, qui subsiste encore aujourd’hui. » (Genèse, XXXV : 16-19).

Rachel enceinte quitte Béthel pour se rendre à Béthléem. Symboliquement, elle parcourt l’axe Nord-Sud d’un point à l’autre.

Rachel accouche lorsqu’elle arrive à Béthléem-Ephrata. La naissance de l’enfant se passe mal. L’enfant est vivant, mais Rachel meurt. L’enfant est le douzième et dernier enfant de Jacob. Il portera le nom de Benjamin.

Jacob eut deux femmes : Léa et Rachel. Il eut également deux maîtresses : Bilha et Zilpa..

Léa donna naissance à six enfants :

  • Ruben : l’aîné.
  • Siméon : le deuxième.
  • Lévi : le troisième.
  • Juda : le quatrième.
  • Issacha : le neuvième.
  • Zabulon : le dixième.

Rachel donna naissance à deux enfants :

  • Joseph : le onzième.
  • Benjamin : le douzième.

Bilha donna naissance à deux enfants :

  • Dan : le cinquième.
  • Nephtali : le sixième.

Zilpa donna naissance à deux enfants :

  • Gad : le septième.
  • Aser : le huitième.

Rachel fut enterré à l’entrée de Bethléem dans un endroit qui existe encore de nos jours. C’est le troisième lieu saint du judaïsme.

Bethlehem Rachel tomb (Bible), Betlehem, 1880
Tombeau de Rachel.

Les trois lieux saints du Judaïsme, dans l’ordre, sont :

  • Jérusalem : le mont du Temple.
  • Hébron : Le tombeau des Patriarches.
  • Bethléem : le tombeau de Rachel.

Les deux premiers lieux saints correspondent aux deux centres de la géographie sacrée. A ma connaissance, Bethléem n’a jamais été un centre de la géographie sacrée dans le Judaïsme.

b-2. Le lieu de naissance du roi David.

Bethléem est le lieu de naissance du roi David. La rencontre entre Samuel et David se fait dans la famille du futur roi. Yahvé cherche un successeur à Saül.

« Yahvé dit à Samuel : « Jusques à quand pleureras-tu sur Saül, alors que je l’ai rejeté, afin qu’il ne règne plus sur Israël ? Remplis ta corne d’huile et va ; je t’envoie chez Isaï de Béthléem, car j’ai vu parmi ses fils le roi que je veux. » Samuel dit : « Comment irais-je ? Saül l’apprendra, et il me tuera. » Et Yahvé dit : « Tu prendras avec toi une génisse, et tu diras : C’est pour offrir un sacrifice à Yahvé que je suis venu. Tu inviteras Isaï au sacrifice, et je te ferai connaître ce que tu auras à faire, et tu oindras pour moi celui que je te désignerai. » Samuel fit ce que Yahvé avait dit, et il se rendit à Bethléem. Les anciens de la ville vinrent inquiets au-devant de lui et dirent : « Ton arrivée est-elle pour la paix ? » Il répondit : « Pour la paix ! Je viens pour offrir un sacrifice à Yahvé. Sanctifiez-vous et venez avec moi au sacrifice. » Et il sanctifia Isaï et ses fils et les invita au sacrifice.

Lorsqu’ils furent entrés, Samuel aperçut Eliab et dit : « Certainement l’oint de Yahvé est devant lui. » Et Yahvé dit à Samuel : « Ne prends pas garde à sa figure et à la hauteur de sa taille, car je l’ai écarté. Il ne s’agit pas de ce que l’homme voit ; l’homme regarde le visage, mais Yahweh regarde le cœur. » Isaï appela Abinadab et le fit passer devant Samuel ; et Samuel dit : « Ce n’est pas encore celui-ci que Yahvé a choisi. » Isaï fit passer Samma ; et Samuel dit : « Ce n’est pas encore celui-ci que Yahvé a choisi. » Isaï fit passer ses sept fils devant Samuel ; et Samuel dit à Isaï : « Yahvé n’a choisi aucun de ceux-ci. »

Alors Samuel dit à Isaï : « Sont-ce là tous les jeunes gens ? » Il répondit : « Il y a encore le plus jeune, et voilà qu’il fait paître les brebis. » Samuel dit à Isaï : « Envoie-le chercher, car nous ne nous mettrons point à table qu’il ne soit venu ici. » Isaï l’envoya chercher. Or il était blond, avec de beaux yeux et une belle figure. Yahvé dit : « Lève-toi, oins-le, car c’est lui ! » Samuel, ayant pris la corne d’huile, l’oignit au milieu de ses frères, et l’Esprit de Yahvé fondit sur David à partir de ce jour et dans la suite. » (1 Samuel, XVI : 1-13)

C’est à Bethléem que David va être sacré avec l’huile sainte pour devenir le futur roi de Jérusalem.

Bethléem est la ville de naissance de son père Isaï et de ses enfants, dont David. Nous le voyons, c’est une ville importante pour le Judaïsme. Et cela, bien avant la naissance de Jésus.

« Or David était fils de cet Ephratéen de Bethléem de Juda nommé Isaï, qui avait huit fils ; cet homme, au temps de Saül, était vieux, avancé en âge. Les trois fils aînés d’Isaï étaient allés suivre Saül à la guerre ; et les noms de ces trois fils qui étaient allés à la guerre étaient Eliab l’aîné, Abinadab le second, et Samma le troisième. David était le plus jeune. Les trois aînés suivaient Saül, et David allait et venait d’auprès de Saül, pour paître les brebis de son père à Bethléem. » (1 Samuel, XVII : 12-15)

Dans ce passage, on retrouve David qui fait de nouveau paître ses brebis à Bethléem dans l’attente d’être roi.

« Et toi, Bethléem Ephrata, petite pour être entre les milliers de Juda, de toi sortira pour moi celui qui doit être dominateur en Israël, et ses origines dateront des temps anciens, des jours de l’éternité. » (Michée, V : 1)

Le prophète Michée annonce la naissance à Bethléem d’un messie. C’est Jésus qui naîtra dans la ville à l’endroit où se trouve actuellement la basilique de la Nativité.

Bethléem est représenté dans la mosaïque de Madaba sous la forme de la basilique de la Nativité.


2 L’axe Est-Ouest pour Jérusalem.

Dans l’axe Est-Ouest, nous avons à l’Est, le mont Nebo (a) et à l’Ouest, Ashdod (b).

a. A l’Est : Mont Nébo.

Le mont Nebo est le point de la géographie sacrée situé à l’Est de Jérusalem.

Le mont Nebo est lié à la vie de Moïse comme le relate cet épisode célèbre de sa vie.

« Moïse monta, des plaines de Moab, sur le mont Nébo, au sommet du Phasga, en face de Jéricho. Et Yahvé lui montra tout le pays : Galaad jusqu’à Dan, tout Nephthali et le pays d’Ephraïm et de Manassé, tout le pays de Juda jusqu’à la mer occidentale, le Négeb, le district du Jourdain, la vallée de Jéricho qui est la ville des palmiers, jusqu’à Ségor. Et Yahvé lui dit : « C’est là le pays au sujet duquel j’ai fait serment à Abraham, à Isaac et à Jacob, en disant : Je le donnerai à ta postérité. Je te l’ai fait voir de tes yeux ; mais tu n’y entreras point. » » (Deutéronome, XXXIV : 1-4)

C’est depuis le mont Nebo que Yahvé montre à Moïse son futur pays. Il voit le territoire du futur Israël depuis le mont Nebo. Il ne le verra qu’à distance. En effet, Moïse mourra quelques jours plus tard et sera enterré sur le mont, sans jamais avoir touché le sol de la Terre Sainte. Ce lieu est marqué par la présence de Moïse au niveau de la géographie sacrée, nous avons la basilique du mausolée de Moïse (a-1) et le serpent d’Airain (a-2).

Vue sur le mont Nébo depuis l’est.
a-1. La basilique du mausolée de Moïse.

A l’endroit supposé de la mort de Moïse, fut construite une basilique chrétienne au IVe siècle. Elle existe toujours de nos jours.

Sur le sol de la basilique, on peut observer une magnifique mosaïque.

Mosaïque, basilique du mausolée de Moïse.
a-2. Le serpent d’airain.

A l’endroit où Moïse observa la terre sainte, fut construit un serpent d’Airain.

La sculpture du serpent d’airain et la vue vers la Terre promise, la mer Morte et Jérusalem.

Le serpent d’Airain renvoie à un autre épisode de la vie de Moïse.

« Ils partirent de la montagne de Hor par le chemin de la mer Rouge, pour tourner le pays d’Edom. Le peuple perdit patience dans ce chemin, et il parla contre Dieu et contre Moïse : « Pourquoi nous avez-vous fait monter d’Egypte, pour que nous mourions dans le désert ? Il n’y a point de pain, il n’y a point d’eau, et notre âme a pris en dégoût cette misérable nourriture. »

Alors Yahvé envoya contre le peuple les serpents brûlants ; ils mordirent le peuple, et il mourut beaucoup de gens en Israël. Le peuple vint à Moïse et dit : « Nous avons péché, car nous avons parlé contre Yahvé et contre toi. Prie Yahvé, afin qu’il éloigne de nous ces serpents. » Moïse pria pour le peuple. Et Yahvé dit à Moïse : « Fais-toi un serpent brûlant et place-le sur un poteau ; quiconque aura été mordu et le regardera, conservera la vie. »
Moïse fit un serpent d’airain et le plaça sur un poteau, et, si quelqu’un était mordu par un serpent, il regardait le serpent d’airain, et il vivait
. » (Nombre, XXI : 4-9).

Comme je l’ai déjà expliqué dans les précédents articles, la présence d’un serpent, comme d’un dragon ou d’un géant, indique toujours la présence d’un lieu important de la géographie sacrée. Le serpent symbolise les forces telluriques qui parcourent la Terre. La géographie sacrée est là pour canaliser ces forces telluriques. Le mont Nebo est un lieu important de la géographie sacrée de la Terre Sainte, comme l’indique la présence d’un serpent d’airain.

b. A l’ouest : Ashdod.

Ashdod est le point situé à l’Ouest de Jérusalem. Nous l’avons déjà dit, c’est l’une des cinq villes philistines.

Les Philistins enlèvent l’arche d’alliance et l’emmenère à Ashdod.

« Les Philistins, s’étant emparés de l’arche de Dieu, la transportèrent d’Eben-Ezer à Azot. Les Philistins prirent l’arche de Dieu, la firent entrer dans la maison de Dagon, et la placèrent auprès de Dagon. Le lendemain, les Azotiens se levèrent de bon matin, et voici que Dagon était étendu la face contre terre devant l’arche de Yahvé. Ils prirent Dagon et le remirent à sa place. Le jour suivant, ils se levèrent de bon matin et voici que Dagon était encore étendu la face contre terre devant l’arche de Yahvé ; la tête de Dagon et ses deux mains détachées gisaient sur le seuil, et il ne lui restait que le tronc en forme de poisson. C’est pourquoi les prêtres de Dagon et tous ceux qui entrent dans la maison de Dagon à Azot ne posent pas le pied sur le seuil de Dagon, jusqu’à ce jour.

La main de Yahvé, s’appesantit sur les Azotiens et les désola ; il les frappa de tumeurs, à Azot et dans son territoire. Voyant ce qui arrivait, les Azotiens dirent : « Que l’arche du Dieu d’Israël ne reste pas chez nous, car il appesantit sa main sur nous et sur Dagon, notre dieu. Et ils convoquèrent chez eux par des envoyés tous les princes des Philistins, et ils dirent : « Que ferons-nous de l’arche du Dieu d’Israël ? » Les princes répondirent : « Que l’on transporte à Geth l’arche du Dieu d’Israël ! » Et l’on y transporta l’arche du Dieu d’Israël. » (1 Samuel, V : 1-8)

L’arche provoqua de graves problèmes. En particulier, le dieu Philistin Dogon est profané plusieurs fois par l’arche. Cela inquiéta les Philistins qui décidèrent de rendre l’arche d’alliance aux Juifs.

La prise de l’Arche lors de la bataille d’Eben Ezer. Fresque de la synagogue de Doura-Europosiiie siècle.

Enfin, Ashdod est représenté dans la carte de Madaba.

II. : Les axes du monde dans le Christianisme.

Après le triangle sacré, Ur-Haran-Hébron, va se former un deuxième triangle sacré, Jérusalem (A), Rome (B) et Constantinople (C).

Ce deuxième triangle sacré forme les trois centres du christianisme et fonctionne encore de nos jours. Nous vivons toujours sous le règne de ce triangle sacré. Il revêt donc une très grande importance à mes yeux. C’est la clef de compréhension de l’histoire du monde, passé, présente, et même future.

Rome-Jérusalem-Constantinople.

Le triangle sacré chrétien a été mis en place à partir du règne de Constantin. Avant, il y eut la tentative de développement de la pentarchie, c’est-à-dire des cinq Eglises patriarcales autour de la Méditerranée. La pentarchie fait penser au système des cinq royaumes que nous avons vu dans le premier article.

Rome refusa la pentarchie, ce qui entraîna l’instauration du triangle sacré Rome, Constantinople et Jérusalem. Un triangle qui relève pleinement de la géographie sacrée et de son intégration dans le christianisme. Ce triangle fut construit par Constantin, comme nous le verrons dans le détail. Par la suite, la lutte entre l’Islam et le christianisme va être de prendre le contrôle de chacune des trois villes afin d’affaiblir le christianisme. Aujourd’hui, Constantinople est sous contrôle musulman et Jérusalem sous celui du Judaïsme. Seule Rome reste Chrétienne. Dans le futur, le Grand Monarque qui doit venir à la fin des temps a pour objectif de refonder le triangle sacré chrétien en récupérant Constantinople et Jérusalem. Il permettra au Christianisme de reprendre sa pleine puissance.

A. Jérusalem (325).

Jérusalem fut la première ville fondée comme centre religieux du christianisme par Constantin. C’est le moment où fut fondée l’omphalos de Jérusalem, en 325, par Hélène (1) avec deux axes afin de marquer géographiquement le territoire (2).

1. L’omphalos de Jérusalem.

De son vivant, Jésus va se représenter comme un omphalos (a), une fois mort, le lieu de sa dernière demeure devient le Saint-Sépulcre, ce dernier lieu deviendra l’omphalos chrétien de Jérusalem (b).

a. Le Christ se présente comme un omphalos.

Nous avions vu au sujet de Béthel que Jacob avait rêvé d’une échelle qui montait au ciel. L’échelle était empruntée par des anges.

Jésus semble décrire la même scène que celle de Jacob, sans toutefois faire référence explicitement à Béthel.

« Le jour suivant, Jésus résolut d’aller en Galilée. Et il rencontra Philippe. Et Jésus lui dit : « Suis-moi. » Philippe était de Bethsaïde, la ville d’André et de Pierre. Philippe rencontra Nathanaël et lui dit : « Nous avons trouvé celui dont Moïse a écrit dans la Loi, ainsi que les Prophètes : c’est Jésus, fils de Joseph de Nazareth. » Nathanaël lui répondit : « Peut-il sortir de Nazareth quelque chose de bon ? » Philippe lui dit : « Viens et vois. » Jésus vit venir vers lui Nathanaël, et dit en parlant de lui : « Voici vraiment un Israélite, en qui il n’y a nul artifice. » Nathanaël lui dit : « D’où me connaissez-vous ? » Jésus repartit et lui dit : « Avant que Philippe t’appelât, lorsque tu étais sous le figuier, je t’ai vu. » Nathanaël lui répondit : « Rabbi, vous êtes le Fils de Dieu, vous êtes le Roi d’Israël. » Jésus lui repartit : « Parce que je t’ai dit : Je t’ai vu sous le figuier, tu crois ! Tu verras de plus grandes choses que celle-là. » Et il ajouta : « En vérité, en vérité, je vous le dis, vous verrez désormais le ciel ouvert, et les anges de Dieu montant et descendant sur le Fils de l’homme. » » (Jean, I : 43-51).

Béthel était la porte du Ciel du Judaïsme, Jésus se présente comme la porte du Ciel du Christianisme. A travers lui montent et descendent les anges du Ciel. Le Christ est une échelle divine qui permet d’accéder au Ciel. Jésus-Christ est une sorte d’omphalos. Etant mort à Jérusalem, la cité devient le centre de la géographie sacré en Terre Sainte.

b. Le Saint-Sépulcre comme omphalos chrétien de Jérusalem.

Le centre de la géographie sacré de Jérusalem se trouve à l’intérieur du saint-sépulcre. Là où fut enterré le Christ.

D’ailleurs, pour confirmer mon analyse, à l’intérieur du saint-Sépulcre, nous l’avons vu lors du deuxième article, se trouve un omphalos. C’est l’omphalos chrétien de Jérusalem, il se compose de deux axes et quatre points cardinaux partant d’un centre.

Le monde chrétien a repris les concepts de la géographie sacrée grecque pour les christianiser. Un processus bien connu. C’est pour cela que l’on peut parler d’helléno-christianisme.

Le Saint-Sépulcre a été construit sous Constantin, à partir de 325. L’évêque de Jérusalem, Macaire demande à l’empereur Constantin de construire une église à l’emplacement de la mort du Christ. Constantin envoie un architecte. Il va faire araser la montagne où se trouvait la grotte où fut déposer le corps sans vie du Christ. Il va faire construire un ciborium, un édifice destiné à accueillir le tombeau de Jésus. On parle d’aediculium en latin ou de kouvouklion en grec. Dans les années suivantes, on édifiera un ensemble de bâtiments qui seront inauguré le 13 septembre 335 (dix ans plus tard).

2. L’axe de la cité de Jérusalem.

Jusqu’à présent, nous avons vu les axes du monde à l’échelle d’un pays ou d’un continent. Nous allons aborder un autre aspect de la géographie sacrée, celui des axes de la géographie sacrée à l’échelle d’une ville.

Avec la culture romaine, les villes sont construites par des arpenteurs. Ils vont utiliser les principes de la géographie sacrée.

L’arpenteur fixe d’abord un centre appelé « umbilicus solis« .

A partir de ce centre, il va fixer les deux axes de la ville :

  • Le « Cardo maximus » : représente l’axe Nord-Sud (a).
  • Le Decumanus maximus : c’est l’axe Est-Ouest (b).

A chaque extrémité des axes, on construisant des portes. Entre chaque porte, on va édifier des fortifications.

Après la révolte des Juifs et la victoire de Titus en 70 après Jésus-Christ, l’antique Jérusalem fut rasé puis reconstruite à la Romaine selon ses principes de géographie sacrée. Elle fut renommée « Aelia capitolina« 

C’est à partir de cette nouvelle ville romaine que fut édifié la Jérusalem chrétienne que nous connaissons actuellement. Une Jérusalem née sous le règne de Constantin et que l’on retrouve représenté dans la carte de Madaba. Cette carte nous montre la géographie sacrée de Jérusalem. Nous allons l’étudier dans ce chapitre.

a. Le cardo maximus.

Jérusalem, telle que nous la montre la représentation de Madaba, est traversée d’un bout à l’autre par une grande artère, le cardo maximus.

Le cardo maximus est visible dans la ville par son allée centrale à colonnade. Dans certains endroits, ses colonnes sont encore visibles de nos jours.

Lorsqu’on observe un plan du vieux Jérusalem sur une carte moderne, on remarque très nettement le tracé du cardo maximus d’un bout à l’autre de la ville. D’ailleurs, certains secteurs du tracé sont indiqués comme étant « le cardo ». Sur le tracé, se trouve la basilique du Saint-Sépulcre.

Sur la représentation de Jérusalem dans la mosaïque de Madaba, on observe que les deux extrémités du cardo sont marqué par une porte ou un monument. Au Nord, nous avons la porte de Damas (a-1) et au Sud la porte de Sion (a-2).

A : Porte de Damas ; B : Porte de Saint-Étienne ; C : Porte Dorée ; D : Porte de Jaffa ; E : Porte de la Néa ; F : Bâtiment non identifié ; G : Saint Sépulcre ; H : La Nea ; J : Église de la Sainte Sion.

a-1. La porte de Damas.

La « porte de Damas » est le nom de cette porte pour les Chrétiens. Elle s’appelle « porte de la colonne » en arabe et « porte de Sichem » en hébreux.

A l’origine en effet, la porte était agrémentée d’une colonne installée en hommage à l’empereur Hadrien. La colonne était surmontée d’une statue d’Hadrien. Elle est représentée sur la carte de Madaba. La porte dans sa forme actuelle fut édifiée par Soliman le Magnifique en 1537.

a-2. La porte de Sion.

A l’extrémité Sud du cardo se trouve la porte de Sion représentée sur la mosaïque de Madaba (lettre E) avec son église de Sion (lettre E et J).

A : Porte de Damas ; B : Porte de Saint-Étienne ; C : Porte Dorée ; D : Porte de Jaffa ; E : Porte de la Néa ; F : Bâtiment non identifié ; G : Saint Sépulcre ; H : La Nea ; J : Église de la Sainte Sion.

La porte fut construite en 1540 à l’emplacement d’une ancienne porte dite des Juifs. En arabe, elle s’intitule d’ailleurs la « porte du quartier juif ». En hébreu, elle s’intitule la « porte du roi David », car depuis cette porte, on se dirige vers le tombeau de David situé au sommet du mont Sion.

La porte de Sion entre 1898 et 1914.
Porte de Sion en 2005.

Aujourd’hui, il n’y a plus d’église de la Néa ou d’église de Sion à côté de la porte. En revanche, nous trouvons le monastère de Saint-Jacques qui se trouve en face de la porte avec à l’intérieur une cathédrale de Saint-Jacques. Il date des premiers siècles du christianisme et fut construit sur la tombe de Jacques le Juste, frère du Christ et premier évêque de Jérusalem.

b. Le decumanus maximus.

La carte de la vieille ville de Jérusalem montre de manière très nette, que de nos jours, le decumanus maximus structure encore la ville sainte.

Le decumanus maximus de Jérusalem traverse la ville de Jérusalem depuis la porte de Jaffa (b-1) en direction du lieu de l’ancien temple qui porte aujourd’hui le nom d’esplanade des mosquées (b-2).

b-1. La porte de Jaffa.

On parle de « porte de Jaffa » ou de « porte de l’Ami » (nom arabe pour Hébron), car depuis cette porte, la route se dirige vers Jaffa et Hébron.

On parle également de la « porte de la tour de David », car au pied de la porte, se trouve la forteresse de David.

b-2. Le mont du temple.

Le decumanus se dirige vers le mont du temple. C’est là que se trouvait le Temple, lieu sacré du Judaïsme. Mais pas seulement pour le Judaïsme, puisque pour les Chrétiens, c’est dans le Temple que Jésus est allé avec la Sainte-Vierge discuter avec les docteurs de la loi lorsqu’il était enfant. C’est également là qu’il chassa les marchands. Il a également parlé de sa future destruction, et qu’il le reconstruirait en trois jours lors de son retour à la fin des temps.

Maquette du temple de Salomon exposé à Jérusalem.

Effectivement, le Temple fut détruit par les armées de Titus. A la place, les Musulmans ont construit deux mosquées : le Dôme du Rocher et la Mosquée Al-Aqsa.

Nous sommes ici, en plein dans la géographie sacrée des trois grandes religions monothéistes. Un intense combat se déroule sous nos yeux, entre le Judaïsme qui souhaite reconstruire le Temple en détruisant les deux mosquées et l’Islam qui entend protéger les deux mosquées de la destruction. En ce qui concerne les Chrétiens, quelle que soit leur obédience, doivent soutenir la reconstruction du Temple. En effet, Jésus a promis de le reconstruire lors de son retour à la fin des Temps. C’est un combat eschatologique de grande importance qui se déroule sous nos yeux en ce moment.

A noter que le decumanus dans sa direction vers l’Est se dirige donc vers le mont du temple, mais également vers la porte dorée. La porte dorée est la seule porte extérieure qui permet d’accéder au mont du Temple.

La porte dorée est actuellement murée. Elle a été murée par les autorités ottomanes, car selon la légende, c’est par cette porte que le Messie doit entrer dans Jérusalem à la fin des temps. Il existe la même légende à Constantinople.

La porte dorée est représentée sur la carte de Jérusalem de Madaba.

B. Rome (326-337).

Rome est le deuxième centre de la géographie sacrée chrétienne créé par Constantin (1) avec deux axes afin de marquer géographiquement le territoire (2).

1. L’omphalos de Rome.

Le Christ désigna Saint-Pierre comme le fondement de la future organisation de l’Eglise (a), il mourut à Rome donnant une primauté à la cité italienne sur les autres (b) sur l’emplacement de sa tombe fut édifié la basilique Saint-Pierre (c). Le centre de la géographie sacré fut installé sur la place Saint-Pierre de Rome (d).

a. Saint-Pierre et l’omphalos de Rome.

Jésus confie à Saint-Pierre le soin de bâtir son Église, c’est-à-dire d’être à la tête de la hiérarchie des évêques.

« Et vous, leur dit-il, qui dites-vous que je suis ? « 

Simon Pierre, prenant la parole, dit :  » Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant. « 

Jésus lui répondit :  » Tu es heureux, Simon, fils de Jean, car ce n’est pas la chair et le sang qui te l’ont révélé, mais c’est mon Père qui est dans les cieux. Et moi je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux : et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux.  » Alors il défendit à ses disciples de dire à personne qu’il était le Christ. » (Mathieu, XVI : 15-18)

Saint-Pierre est la pierre sur laquelle Jésus va bâtir son église. C’est sur son tombeau que sera édifié un monument qui constituera le centre de l’Église catholique.

C’est le même processus qu’à Jérusalem dont le centre fut construit sur le tombeau du Christ.

Saint-Pierre est mort et enterré à Rome. La pierre qui doit servir de base à l’édifice de l’Église se trouve donc à Rome.

b. La primauté de Rome.

En 325, le canon numéro 6 du Concile de Nicée confirme les privilèges des patriarcats métropolitains d’Alexandrie, de Rome, d’Antioche et de Jérusalem. Il manque Constantinople pour former la pentarchie dont nous avons déjà parlé. Mais ce qui est important dans ce texte, outre la présence de Rome et Jérusalem, c’est qu’il précise que l’évêque de Rome ne dispose de l’autorité que pour l’Italie septentrionale. L’évêque de Rome est alors contesté par son collège, évêque de Milan, la nouvelle capitale de l’Empire.

L’évêque de Rome, Damase Ier (366-384) est le premier à revendiquer la primauté de Rome sur l’ensemble de l’Eglise.

c. La basilique saint-Pierre.

La basilique où vivait l’évêque de Rome fut édifiée par Constantin à la demande du pape Silvestre Ier, entre 326 et 337.

On choisi comme emplacement la colline du Vatican, sur un ancien cirque où fut enterré Saint-Pierre.

La basilique comportait un atrium, c’est-à-dire une cour carrée avec une fontaine en forme de pomme de pin. La fontaine était installée au centre de l’atrium.

Cet atrium et sa fontaine se trouvait à l’ouest de l’actuel place Saint-Pierre.

La pomme de pin se trouvait initialement au sommet du panthéon. Elle était installée au sommet de la coupole.

Lorsque la pomme de pin fut enlevée pour être installée dans la basilique romaine des papes, elle laissa un trou dans le vide au sommet que l’on peut encore voir de nos jours.

La coupole est d’ailleurs conçue comme une gigantesque pomme de pin, avec un escalier à l’extérieur et des écailles à l’intérieur.

coupole du panthéon romains, vue extérieure.
coupole du panthéon, vue de l’intérieur.

Le quartier où se trouvait la pomme de pin porte aujourd’hui le nom de « Pigna », la pomme de pin en italien.

Le Panthéon était un temple dédié à tous les dieux, comme son nom l’indique. Il sera transformé en église dédiée à la sainte-Vierge par le pape Boniface IV.

d. La place Saint-Pierre.

C’est Alexandre VI, en 1492, qui va entreprendre la construction d’une nouvelle basilique. En 1505, Jules II détruit l’ancienne basilique romaine, afin d’entreprendre les travaux. Elle sera consacrée par Urbain VIII en 1626. C’est l’aboutissement du projet de Constantin de construire à Rome le cœur du christianisme, du centre de la géographie sacré de Rome.

La pomme de pin fut d’abord le centre. Nous avions vu dans le premier article de la série sur la géographie sacrée que les Sumériens matérialisaient le centre de la géographie sacré par une pomme de pin, préfiguration de l’omphalos de Delphes ou de la belle Artémis. La pomme de pin fut installée dans la basilique romaine au centre l’atrium.

L’omphalos de Rome se trouvait alors dans la pomme de pin, qui était d’abord au sommet du Panthéon, puis à l’intérieur de la cour carrée de la vieille basilique romaine dans le quartier du Vatican.

En 1608, la pomme de pin fut déplacée une nouvelle fois et installée sur son emplacement actuel, la « fontana de la pigna » à l’intérieur du Vatican.

Emplacement actuel de la pomme de pin, cité du Vatican.
Gros plan de la pomme de pin, cité du Vatican.
Plan large de la pomme de pin, cité du Vatican.

A partir du XVIIe siècle, le centre de la géographie sacrée de la Rome chrétienne est installé au centre de la place Saint-Pierre.

Au centre de la place, se trouve désormais un obélisque.

Place Saint-Pierre de Rome, Google earth.

2. Les axes de Rome.

Nous voyons également que la place Saint-Pierre de Rome marque aussi le cardo maximus de la ville.

Il y a d’un côté vers la basilique saint-Pierre, et de l’autre vers le château saint-ange.

C. Constantinople (330).

Constantinople est le troisième et dernier centre de la géographie sacrée du christianisme. Elle va être construite par l’empereur Constantin sur les fondements de l’ancienne cité de Byzance. Elle fut inaugurée le 11 mai 330 par l’empereur en personne qui décida que la nouvelle cité porterait son nom. Constantinople, la ville de Constantin. C’est l’aboutissement du grand projet de Constantin à l’échelle de la Méditerranée. Un projet lié à la géographie sacrée. Constantinople devient un omphalos (1) avec deux axes (2).

1. L’omphalos de Constantinople.

Très vite Constantinople va prendre de l’importance et venir concurrencer Rome en matière religieuse.

a. L’émergence de Constantinople.

Le canon 3 du concile de Constantinople réunit en 381, indique que l’évêque de Constantinople a le deuxième rang protocolaire derrière l’évêque de Rome dans la hiérarchie de l’Église. Le texte fait de la ville la deuxième Rome.

En 451, le canon 28 du concile de Chalcédoine fait de l’évêque de Constantinople l’égal de celui de Rome. Cela va entraîner la protestation énergique de l’évêque de Rome, Léon Ier (440-461). L’évêque de Rome obtiendra gain de cause et Rome gardera la primauté universelle pour l’ensemble de l’Eglise.

Nous voyons déjà se dessiner une querelle entre une Église d’Occident (Rome) et une Église d’Orient (Constantinople). Un processus qui atteindra son sommet lors du grand schisme en 1096. Le schisme est le résultat d’une longue bataille de plusieurs siècles entre Rome et Constantinople pour la domination de l’Église. Ici, la géographie sacrée vient rejoindre la géographie humaine et surtout religieuse. Chaque centre de géographie sacrée va dominer l’esprit des populations qui vivent autour d’elle.

b. Les sept collines de Constantinople.

Rome est surnommé la ville aux sept collines.

C’est la même chose pour Constantinople qui comporte elle aussi sept collines. Chacune de ses collines est surmontée d’une église et désormais d’une mosquée.

Il faut aussi signaler que Jérusalem fut également considéré comme une ville ayant sept collines. C’est apparemment un élément important pour choisir un centre de géographie sacrée dans le christianisme.

b. La basilique Sainte-Sophie.

Toutefois, venons en à l’omphalos de Constantinople. C’est la coupole de la basilique Sainte-Sophie.

Comme pour Rome, la construction du centre de la géographie sacrée de Constantinople se fit en plusieurs étapes. Constantin a initié l’idée. Elle sera ensuite mise en œuvre par ses successeurs. Au départ, c’est l’église Sainte-Irénée qui servait de centre. Lors de l’inauguration de Constantin, en 330, il n’y a pas encore de basilique Sainte-Sophie.

Une première église sera construite par Constance II (337-361) aux environs de 346. Elle ne portait pas encore le nom de Sainte-Sophie, mais « Magna Ecclesia », « la Grande Eglise ». Elle sera consacrée le 15 février 360.

Un deuxième édifice fut construit par l’Empereur Théodose II (402-450) . Il fut inauguré le 10 octobre 415. Elle porte encore le nom de « Magna Ecclesia« . Lors de la révolte de Nika, un incendie va détruire le bâtiment, les 13 et 14 janvier 532.

Enfin, la basilique actuelle fut édifiée à partir du 23 février 532. Il fallait reconstruire l’église détruite. La décision sera prise par l’empereur Justinien Ier (527-565). C’est également Justinien qui l’inaugurera le 27 décembre 537.

Deux tremblements de terre, en août 553 et décembre 557, vont provoquer des fissures sur le dôme de Sainte-Sophie. Un troisième tremblement de terre provoque l’effondrement, le 7 mai 558. La reconstruction du dôme s’achèvera en 562, encore sous Justinien.

La basilique Sainte-Sophie, Constantinople.

2. Les axes de Constantinople.

a. L’axe Nord-Sud.

En prenant pour centre le dôme de Sainte-Sophie, nous trouvons dans l’axe Nord-Sud, au Nord, le palais de Topkapi et au Sud, le palais sacré, qui sera remplacé ultérieurement par la mosquée Bleue.

Mosquée bleue, Constantinople.
Maquette palais Topkapi.
Palais du Topkapi.

b. L’axe Est-Ouest.

Il n’y a pas d’axe Est-Ouest visible à l’œil nu à Constantinople.

En revanche, comme à Jérusalem, il y a une porte d’or.

La porte d’or se trouve dans la forteresse d’Edikul.

La porte d’or de Constantinople est accompagnée de la même légende que celle de Jérusalem. Une ancienne prophétie dit que le Grand Monarque fera son entrée dans la ville par cette porte. Aujourd’hui, elle est murée, mais le mur sera abattu lors de la venue du Grand Monarque, comme à Jérusalem. Car seul ce Grand Roi pourra la franchir.

Porte d’or de Constantinople.

La porte d’or est sans doute le point le plus à l’Ouest de l’axe Est-Ouest en passant par Sainte-Sophie. En revanche, je n’ai pas trouvé le point le plus à l’Est, sans doute en raison de la proximité de la mer.

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