VI-9 : La constitution civile du clergé (1790).

Aux sacrez temples seront faicts escandales,
Comptez seront par honneurs & loüanges :
D’un que on grave d’argent d’or les medalles,
La fin sera en tourmens bien estranges.

Les églises sacrées (« Aux sacrez temples ») seront profanées (« seront faicts escandales ») par les ennemies du christianisme. Ils seront promus aux plus hautes fonctions de l’état (« Comptez seront par honneurs ») et seront l’objet de propos élogieux (« & loüanges »).

Les profanateurs seront des prêtres réfractaires qui adopteront les idées de la Révolution. Ceux qui refuseront de faire le serment seront persécuté par les Jacobins (« La fin sera en tourmens bien estranges »). Ils iront à la fête de la fédération le 14 juillet 1790. On frappera des médailles d’or et d’argent pour commémorer l’événement (« D’un que on grave d’argent d’or les medalles »).

100 000 fédérés de province parmi 400 000 à 600 000 Parisiens1,2 au Champ-de-Mars pour la fête de la Fédération.

Article Wikipédia « fête de la fédération » :

La Fête de la Fédération est la fête célébrée le 14 juillet 1790, premier anniversaire de la prise de la Bastille, sur le Champ-de-Mars de Paris. Louis XVI assiste à cette fête et y prête serment à la Nation et à la loi dans un climat d’union nationale, en présence des députés des 83 départements de l’époque.
Une seconde fédération a lieu le 14 juillet 1792, deux ans plus tard ; mais l’union et l’entraînement qui avaient marqué la première font déjà place à la méfiance. Pendant les Cent-Jours (1815), on tente de renouveler les anciennes fédérations à Paris et en Bretagne sans résultat.
Cet événement est fêté, tous les 14 juillet depuis 1880, en tant que Fête nationale française (en même temps que la Prise de la Bastille).

En 1790, l’Assemblée veut que cette première commémoration du 14 juillet 1789 soit la fête de la réconciliation et de l’unité de tous les Français[réf. souhaitée].

Origine.

Un grand nombre de départements avaient institué des fêtes civiques pour la prestation du serment civique. Dans ces fêtes, la milice populaire, les gardes nationales des districts fraternisent avec les troupes de ligne.
Ce sont ces fêtes civiques spontanées qui inspirent l’idée d’une grande fête d’union nationale aux députés de l’Assemblée constituante et au marquis de La Fayette, homme de confiance du roi Louis XVI.

Fête de la Fédération de Paris, le 14 juillet 1790.

À l’imitation des fédérations régionales de gardes nationales qui commencent dans le Midi dès août 1789 et s’étendent à toute la France, La Fayette, commandant de la Garde nationale de Paris, fait organiser à Paris pour l’anniversaire de la prise de la Bastille une fête nationale de la Fédération.
Dès le 1er juillet 1790, 1 200 ouvriers commencent les travaux de terrassement. Ils sont nourris, mais mal payés et, quand on leur reproche leur lenteur, ils menacent de quitter le chantier. Il s’agit de transformer le Champ-de-Mars en un vaste cirque, d’une capacité de 100 000 spectateurs, au centre duquel doit s’élever l’autel de la patrie. On fait appel à la bonne volonté des Parisiens. Ils répondent en masse. Louis XVI vient de Saint-Cloud donner un coup de pioche, La Fayette, en manches de chemise, travaille comme un ouvrier. C’est bientôt une fourmilière humaine, où les ouvriers du faubourg Saint-Antoine côtoient les nobles, où les moines côtoient les bourgeois, où les courtisanes donnent la main aux dames des beaux quartiers. Les charbonniers, les bouchers, les imprimeurs viennent avec leurs bannières décorées de tricolore. On chante le Ah ! ça ira et autres couplets patriotiques. Les soldats se mêlent aux gardes nationaux. On héberge les fédérés venus de la province ; ils sont au moins 50 000.

La Fête de la Fédération a lieu le 14 juillet 1790, pendant la Révolution française, un an jour pour jour après la prise de la Bastille. Les fédérés défilent avec leurs tambours et leurs drapeaux ; ils sont 100 000, y compris ceux de Paris. Les Parisiens prennent place sur les talus qu’on a élevés autour de l’esplanade. Louis XVI arrive de Saint-Cloud et prend place dans le pavillon dressé devant l’École militaire. La participation de la foule est immense, très enthousiaste, malgré le mauvais temps.
La Fayette, commandant de la Garde nationale, en grand uniforme, arrive sur un cheval blanc et monte sur l’estrade. Il prête serment le premier, au nom des gardes nationales fédérées : « Nous jurons de rester à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le roi et de protéger conformément aux lois la sûreté des personnes et des propriétés, la circulation des grains et des subsistances dans l’intérieur du royaume, la prescription des contributions publiques sous quelque forme qu’elle existe, et de demeurer unis à tous les Français par les liens indissolubles de la fraternité. ».

Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, évêque d’Autun, célèbre la messe, entouré de 300 prêtres en surplis de cérémonie. En montant sur l’estrade, il aurait dit à La Fayette : « Par pitié, ne me faites pas rire ».
Puis c’est au tour du président de l’Assemblée de prêter serment au nom des députés et des électeurs.
Enfin, le roi prête à son tour serment de fidélité aux lois nouvelles : « Moi, roi des Français, je jure d’employer le pouvoir qui m’est délégué par la loi constitutionnelle de l’État, à maintenir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par moi et à faire exécuter les lois ».
La reine, se levant et montrant le Dauphin, déclare : « Voilà mon fils, il s’unit, ainsi que moi, aux mêmes sentiments ». Le Marquis de Ferrières se souvient que : « ce mouvement inattendu fut payé par mille cris de : vive le roi, vive la reine, vive Monsieur le dauphin! »
La multitude prête serment et on entonne un Te Deum, puis on se sépare au milieu des embrassements et des vivats dont beaucoup s’adressent à Louis XVI. Ferrières raconte : « C’était un spectacle digne de l’observation philosophique que cette foule d’hommes venus des parties les plus opposées de la France, entraînés par l’impulsion du caractère national, bannissant tout souvenir du passé, toute idée du présent, toute crainte de l’avenir, se livrant à une délicieuse insouciance. »

Article de Wikipédia « Constitution civile du clergé ».

Le Comité ecclésiastique de l’Assemblée constituante.

À la suite de la Nuit du 4 août 1789, l’ordre du clergé, premier ordre en dignité de la société d’Ancien Régime, disparaît en tant que corps politique.
À l’automne 1789 commencent à la Constituante les débats sur la nouvelle organisation de l’Église de France. Le Comité ecclésiastique, présidé par Treilhard (1742-1810), est chargé d’élaborer un projet. Trois membres du comité, avocats de tendance janséniste, sont plus spécialement concernés par son élaboration : Louis-Simon Martineau (1733-1799) comme rapporteur, Armand Camus (1740-1804) et Lanjuinais (1753-1827) comme défenseurs. Membres de la magistrature qui se sont affirmés dans le mouvement de la fronde et du jansénisme parlementaire, adeptes du gallicanisme, ils considèrent qu’ils ont le droit de réformer une église de France qu’ils veulent indépendante du pape et soumise au gouvernement. Enfin, selon la tendance janséniste formée autour du diacre Pâris et en s’inspirant du richérisme, doctrine ecclésiologique très implantée dans le bas-clergé, qui prône le gouvernement démocratique des communautés paroissiales et diocésaines, ils ont l’ambition de réformer le clergé pour revenir à la pureté de l’« Église primitive » .
Le rapport de Martineau, légèrement amendé, est voté le 12 juillet 1790 : il devient la Constitution civile du clergé. Après une période d’opposition, Louis XVI finit par donner son accord le 28 juillet pour que le décret soit promulgué le 24 août 1790.

Le nouveau règlement.

Le texte comporte quatre titres :
« Des offices ecclésiastiques »
« Nomination aux bénéfices »
« Traitements et pensions »
« De la résidence »

Les offices ecclésiastiques.

Les diocèses et paroisses sont profondément remaniés, sur la base d’un diocèse par département : de cent trente, leur nombre est réduit à quatre-vingt-trois, et une restructuration des paroisses est projetée. Les diocèses sont regroupés, au lieu des quatorze provinces, en dix « arrondissements métropolitains », dont les sièges sont à Paris, Rouen, Reims, Besançon, Lyon, Aix, Toulouse, Bordeaux, Rennes et Bourges.
Nombre des anciens offices ecclésiastiques sont supprimés, comme les chanoines, prébendiers ou chapelains, « sans charge d’âme ». Les évêques s’entourent de vicaires épiscopaux qui, avec les directeurs et supérieurs du séminaire diocésain, forment le « conseil » qui doit donner son accord pour les actes de juridiction en rapport avec le gouvernement du diocèse.

La nomination aux bénéfices.

Les évêques sont élus par l’assemblée des électeurs du département5 et les curés par celle des électeurs du district, que les électeurs professent la religion catholique ou non. L’amendement proposé par l’abbé Grégoire, stipulant que les catholiques soient seuls électeurs, sera repoussé.
Le texte conserve la distinction entre la nomination, c’est-à-dire la désignation du titulaire, et l’institution canonique, laquelle confère la juridiction. Cependant, si l’évêque conserve l’institution des curés, il est lui-même institué non plus par le pape, mais par le métropolitain ou le plus ancien évêque de l’arrondissement métropolitain. Le pape n’est plus qu’« un chef visible de l’Église universelle »6, auquel il peut écrire en gage d’unité de foi et de communion dans le sein de l’Église catholique.
Avant leur sacre, les évêques doivent prêter « le serment solennel de veiller avec soin sur les fidèles du diocèse […], d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi et de maintenir de tout [leur] pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée Nationale et acceptée par le roi »7. Les curés devront faire de même, un dimanche, avant la grand-messe.

Des officiers civils.

Les ecclésiastiques – évêques et curés – perçoivent un traitement de l’État. Le traitement de l’archevêque de Paris est de 50 000 livres, celui des autres évêques de 20 000 livres. Les vicaires épiscopaux reçoivent entre 8 000 et 2 000 livres. Les curés entre 6 000, pour les cures de Paris, et 1 200 livres, pour les cures les moins peuplées.
Tous les religieux – évêques, prêtres, moines, moniales – ont des droits civiques qui les autorisent à quitter leurs postes ou leurs communautés monastiques.
Un ecclésiastique ne peut être maire, officier municipal ou conseiller général. Il est cependant électeur et éligible à l’Assemblée nationale.
Avant cette loi, les membres du clergé étaient soumis à la juridiction interne de l’Église, qui les astreignait au célibat, les empêchait de léguer leurs biens à leur famille et d’habiter où bon leur semblait, et les soumettait à des tribunaux ecclésiastiques, appelés officialités.
En français moderne, la loi aurait pu être appelée « loi de réorganisation de l’Église et donnant statut de citoyen-fonctionnaire-élu aux membres du clergé ». Compromis entre les tendances gallicanes, jansénistes et richéristes, la Constitution civile du clergé, tout en souhaitant établir l’indépendance, sauf en matière doctrinale, de l’Église de France à l’égard de la papauté, la soumet à l’État. Pour Pierre de la Gorce : « Peu d’actes ont aussi mal résisté au temps. Vu à distance, celui-ci ne répond à aucune conception nette. »
La controverse[modifier | modifier le code]

Portrait anonyme (XVIIIe siècle) du pape Pie VI.

Le 29 mars 1790, le pape Pie VI tient un consistoire secret, au cours duquel il dénonce particulièrement la sécularisation des biens ecclésiastiques et la suppression des vœux de religion. Le cardinal de Bernis, ambassadeur de France auprès du Saint-Siège, obtient que cette allocution ne soit pas publiée. Il s’en félicite dans ses dépêches à Montmorin tout en précisant : « Si on continue à traiter si durement l’Église de France, je ne saurais répondre à la longue de la patience du chef de l’Église catholique. »
Dans les mois qui suivent, la préparation de la Constitution civile du clergé est suivie avec anxiété aussi bien à Rome que par Louis XVI. Ce dernier sollicite les avis de deux de ses ministres : Lefranc de Pompignan, ancien archevêque de Vienne, et Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux. Se faisant les porte-parole de leurs confrères, dont la plupart siègent à l’Assemblée nationale, ils conseillent au roi de ne pas s’opposer à l’Assemblée et de rechercher un compromis avec Pie VI. Cependant, le pape écrit le 9 juillet 1790 à Louis XVI : « Nous devons vous dire avec fermeté et amour paternel que, si vous approuvez les décrets concernant le Clergé, vous induirez en erreur votre Nation entière, vous précipiterez votre Royaume dans le schisme et peut-être dans une guerre civile de religion. » Le 10 juillet, des brefs de Pie VI demandent au roi de refuser la Constitution. Ceux-ci sont remis à Louis XVI le 23 juillet. Or, la veille, celui-ci a annoncé qu’il accepterait les décrets. Croyant le Pape mal informé des affaires de France – celui-ci est en effet conseillé par le cardinal de Bernis, fort prévenu contre le nouvel ordre des choses – et persuadé de l’urgence, Louis XVI sanctionne et promulgue les décrets le 24 août 1790.
Dès le mois d’août, Mgr Asseline, évêque de Boulogne, publie une réfutation de la Constitution civile, à laquelle adhèrent quarante évêques. En octobre, Boisgelin, archevêque d’Aix, publie ses Observations sur le serment prescrit aux ecclésiastiques et sur le décret qui l’ordonne12. Tous les évêques de France adhèrent à ce texte, qui est envoyé au pape. Un très grand nombre de publications s’attachent à défendre ou à combattre la Constitution civile. Pour les uns, elle est une œuvre indispensable pour mettre fin aux abus : elle permet un retour à la pureté et à la simplicité de l’Église primitive, et elle correspond aux vœux de la Nation souveraine. Pour les autres, l’assemblée a commis un abus de pouvoir en remodelant les circonscriptions ecclésiastiques. Celles-ci n’établissent pas un pouvoir sur un territoire mais sur des âmes. Or, ce pouvoir sur les âmes ne peut être conféré que par l’Église. Le concordat de Bologne avait été établi par deux parties : le roi et le pape. Mais ce dernier n’a pas été consulté. Enfin, la Constitution est schismatique : le sacre ne donne pas à l’évêque une mission et un pouvoir de juridiction, laquelle ne peut lui être conférée que par l’Institution canonique. Cependant, en réduisant celle-ci à une formalité, puisque c’est le président de l’assemblée électorale qui proclame l’élu évêque (titre II, art. 14) et non les autorités légitimes, le lien avec le pape et l’Église est rompu. Ce qui fait écrire à Boisgelin : « Nous ne pouvons pas transporter le schisme dans nos principes.

Le serment à la Constitution civile.

Le 26 novembre, Voidel, député de la Moselle, dénonce la formation d’une ligue contre la Constitution civile. Il propose le serment obligatoire comme le moyen indispensable de régénérer l’église de France. Le décret est voté. Le Roi doit le sanctionner le 26 décembre 1790, ayant vainement espéré des concessions de la part du Pape, ce dernier ayant accepté, dix ans plus tôt, la réforme de l’Église d’Autriche opérée de façon autoritaire et unilatérale par l’empereur Joseph II, frère de Marie-Antoinette.
« Par décret de l’Assemblée nationale, et conformément à la constitution civile du clergé en date du 24 août 179015, tous les ecclésiastiques prêteront le serment exigé un jour de dimanche après la messe, en présence du conseil général de la commune et des fidèles. Ceux qui ne le prêteront pas seront réputés avoir renoncé à leur office et il sera pourvu à leur remplacement. »
Le serment était le suivant :
« Je jure de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse (ou du diocèse) qui m’est confiée, d’être fidèle à la Nation, à la Loi, au Roi et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le Roi. »
Le serment oblige prêtres et évêques à maintenir la nouvelle organisation du clergé. Pour les deux cent cinquante officiers ecclésiastiques membres de l’assemblée, le serment doit être prêté dans les huit jours, soit le 4 janvier 1791 au plus tard. À la suite de l’abbé Grégoire, cent cinq députés prêtent serment à la barre. Enfin, le 4 janvier 1791, malgré la pression des tribunes, quatre seulement jurent. En tenant compte des rétractations, ce sont quatre-vingt-dix-neuf députés ecclésiastiques qui prêtent le serment.
Le 7 janvier commencent les prestations de serment dans les provinces. Elles sont échelonnées tous les dimanches, de janvier et février 1791, à des dates différentes selon les diocèses. La quasi-totalité des évêques, sauf quatre18, et la moitié des curés, refusent alors de prêter serment.

Réponse officielle du pape Pie VI.

Le pape Pie VI, qui ne répond pas durant des mois aux demandes pressantes de l’ambassadeur de France, fait connaître sa réponse officielle par les brefs Quod aliquantum, du 10 mars 1791, et Caritas, du 13 avril 1791. Il demande aux membres du clergé n’ayant pas encore prêté serment de ne pas le faire, et à ceux qui ont déjà prêté serment de se rétracter dans l’espace de quarante jours. Les élections épiscopales et paroissiales sont déclarées nulles et les consécrations d’évêques sacrilèges. La publication des brefs est interdite, mais ceux-ci circulent clandestinement et sont largement connus.
Malgré les nombreuses rétractations de prêtres assermentés au sein de l’Église de France, une situation de schisme divise le clergé en prêtres constitutionnels, désignés comme « intrus », et prêtres insermentés, désignés comme « réfractaires ». La rupture entre la Révolution et l’Église catholique semble inévitable.
Par souci d’apaisement, et en application de la liberté religieuse affirmée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, sur proposition de Talleyrand et Sieyès, l’Assemblée constituante vote le 7 mai 1791 un décret qui donne le droit aux prêtres insermentés de célébrer la messe dans les églises constitutionnelles. Les catholiques qui refusent la nouvelle église ont la possibilité de louer des édifices pour le culte.

Assermentés et insermentés.

On appelle insermentés les prêtres qui refusent de prêter serment à la Constitution civile du clergé. La quasi-totalité des évêques (sauf cinq), la totalité des prêtres des Missions étrangères de Paris et une grosse moitié des curés seront des prêtres réfractaires.
On appelle assermentés – ou « jureurs » ou « intrus » – les prêtres qui prêtent serment à la Constitution civile du clergé. Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, Henri Grégoire, Yves Marie Audrein sont les premiers à appartenir au clergé constitutionnel. Le premier évêque constitutionnel est Louis-Alexandre Expilly de La Poipe, recteur (curé) de Saint-Martin-des-Champs près de Morlaix, élu député du clergé en août 1788, et qui préside ensuite à l’Assemblée constituante la commission qui rédige la Constitution civile du clergé. Il est sacré évêque du Finistère à Paris par Talleyrand, lui-même évêque, en 1790, avant d’être guillotiné le 22 mai 1794.

Typologies des prestations de serment.

Avec l’historien Jean de Viguerie, on peut distinguer six manières de prêter le serment :
le serment prêté purement et simplement ;
le serment d’abord refusé puis prêté ;
le serment prêté avec restriction ou avec rétractation partielle – ainsi Bernard Bellegarrigue, curé de Born dans la Haute-Garonne, jure le 13 mars 1791 en précisant « D’après l’instruction de l’Assemblée Nationale qu’elle n’entend porter aucune atteinte à la religion catholique, apostolique et romaine. » ;
le serment prêté puis entièrement rétracté ;
le refus avec explication, souvent fondé sur l’argument de l’impossibilité en conscience ;
le refus pur et simple.
En fonction de la position hiérarchique
L’historien américain Timothy Tackett note que la proportion de réfractaires était, dans le haut clergé (évêques), très supérieure à celle observée dans le bas clergé (prêtres et vicaires). Il note par ailleurs que les vicaires étaient statistiquement davantage réfractaires que les curés.
En fonction de la géographie
En général, les régions périphériques seront davantage réfractaires. Cela pourrait être lié aux différences culturelles, soulignées par l’usage encore très répandu de langues régionales : par exemple, en Bretagne, avec 20 % de jureurs24 ou en Alsace, avec seulement 8 % de jureurs dans le Bas-Rhin. Dans ce contexte, on peut aussi citer le Nord, la Lorraine, le Languedoc et l’Auvergne. Cela pourrait peut-être aussi s’expliquer du fait d’une certaine méfiance vis-à-vis des décisions de la capitale.
La diffusion des idées des Lumières est sans doute également l’un des facteurs de motivation pour prêter ou non serment. La présence d’un nombreux clergé gallican et/ou janséniste dans le Bassin parisien est, pour certains historiens, l’une des raisons pour lesquelles le serment y a rencontré beaucoup de succès (90 % de jureurs dans le Loiret). Les autres régions à majorité de jureurs sont la Bourgogne, la Provence (96 % de jureurs dans le Var25) et les régions littorales du Sud-Ouest.
Au total, au niveau national, en tenant compte des rétractations intervenues après les brefs pontificaux, on atteindrait une proportion de 47 à 48 % de jureurs.

Élection du nouveau clergé.

Pour remplacer les prêtres réfractaires, il faudra élire de nouveaux prêtres : quatre-vingts évêques sont alors élus et environ vingt mille prêtres sont remplacés. L’abbé Grégoire, curé et député, qui avait participé à la rédaction du projet de Constitution civile du clergé, sera élu évêque constitutionnel de Loir-et-Cher, et deviendra, de fait, le chef de l’Église constitutionnelle de France. Il faut souligner que ces élections sont ouvertes aux non-catholiques, ce qui ne pouvait qu’irriter les fidèles et la Papauté.

Conséquences de la Constitution civile du clergé et du serment.

La plupart des prêtres réfractaires prennent le parti de la contre-révolution et les patriotes suspectent les ecclésiastiques, ce qui engendre des haines passionnées. De très nombreux catholiques, paysans, artisans ou bourgeois, qui avaient soutenu le Tiers état, rejoignent ainsi l’opposition. Dans l’ouest de la France, alors que des régions comme la Bretagne ou la Vendée avaient soutenu les débuts de la Révolution, celles-ci deviennent des foyers de troubles et de guerres liés à la contre-révolution.

« Décret de l’Assemblée national [sic] qui supprime les ordres religieux et religieuses. Le mardi 16 février 1790. » Caricature anonyme de 1790. « Que ce jour est heureux, mes sœurs. Oui, les doux noms de mère et d’épouse est bien préférable à celui de nonne, il vous rend tous les droits de la nature ainsi qu’à nous. »
Les débats agitent en profondeur la société française pendant les six premiers mois de 1791, et commencent à couper le pays en deux. Ils divisent des familles, rompent des amitiés anciennes. Charrier de la Roche, défenseur de la Révolution, constate en octobre 1791 : « On accrédite des préjugés incendiaires dont les mieux intentionnés n’ont aucun moyen de se garantir, on sème, on entretient l’aigreur et l’animosité contre les sectateurs les plus paisibles du parti que l’on n’a pas adopté. »
Le 29 novembre 1791, un décret donne aux administrateurs locaux la possibilité de déporter les prêtres de leur domicile en cas de trouble.

Les suites.

Des mesures de déchristianisation se poursuivent en France en 1793 et 1794, avec le développement du culte de la Raison et de l’Être suprême, et la fermeture des églises au culte du 31 mai 1793 jusque vers novembre 1794.
Les lois de 1790 – hors Constitution civile du clergé, réservée au culte catholique – permettent des mesures de tolérance par rapport aux protestants et aux juifs, accordant à ces derniers la citoyenneté.
Les prêtres réfractaires sont l’objet d’une sévère répression, notamment sous la Terreur, et sont confondus à cette période avec les autres, les prêtres constitutionnels (ou assermentés, ou jureurs).
Dans la Rhénanie occupée par les forces françaises (1793), le mouvement de sécularisation chasse l’archevêque de Mayence de ses terres. La désacralisation des symboles et des édifices religieux et aristocratiques favorise l’émergence du pouvoir bourgeois dans le Saint Empire.