L’aisné Royal sur coursier voltigeant,
Picquer viendra, si rudement courir,
Gueulle, lipee, pieds dans l’estrein pleignant
Trainé, tiré, horriblement mourir.
Le fils aîné de Louis-Philippe (« l’aisné Royal ») sera tué par un accident de carrosse le 13 juillet 1842. Il tombera à terre, car les chevaux se sont emportés (« coursier voltigeant »). Il se brisera la tête (« picquer ») sur le sol. Les chevaux se seront cabrés (« pieds dans l’estrein pleignant ») car il aura serré trop fort le mors (« Gueulle, lipee »). Le prince sera tiré au sol sur plusieurs mètres (« Trainé, tiré »). Il mourra dans d’atroces souffrances (« horriblement mourir »).
Article Wikipédia « Ferdinand-Philippe d’Orléans » :
Une mort prématurée.
Funérailles du duc d’Orléans à Paris en 1842, daguerréotype historique de l’évènement (l’image est inversée), Paris, musée d’Orsay.
De retour de Plombières, où il venait de conduire la duchesse d’Orléans, le prince royal se disposait à partir pour Saint-Omer, où il devait passer en revue une partie de l’armée d’opération sur la Marne, dont il venait de recevoir le commandement en chef, quand il se rendit le 13 juillet 1842 à Neuilly-sur-Seine pour faire ses adieux à sa famille. Les chevaux de sa calèche s’étant emportés, route de la Révolte, on affirma que le prince voulut s’élancer de la voiture mais cela a été contesté et l’autopsie peut laisser penser qu’il a été projeté hors de la voiture9. Quoi qu’il en soit, il se brisa la tête sur le pavé et mourut quelques heures plus tard. Alfred de Musset évoque cet accident dans son grand poème Le Treize Juillet (dans le recueil Poésies nouvelles).
Le roi Louis-Philippe et son épouse ne donnèrent pas suite à la proposition des ministres d’enterrer le prince dans la basilique Saint-Denis. Leur fils devait être enterré à la chapelle royale de Dreux ; sa dépouille transférée depuis le château de Neuilly pour être exposée à Notre-Dame de Paris à partir du 30 juillet et le 3 août date à laquelle fut célébré un service funèbre solennel en présence des grands corps de l’État. L’abondance de l’assistance tout au long du trajet marqua les contemporains. Jules Janin évoqua « ces prodigieux flots de population répandus dans l’espace de deux lieues et couvrant les contre-allées de deux immenses avenues, se dressant sur les trottoirs et sur les ponts d’une longue ligne de quais, s’amoncelant dans les rues, se suspendant aux fenêtres et sur les toits des maisons » et pour le préfet de police : « L’affluence qui remplissait les contre-allées des Champs-Élysées et tous les abords était d’une immensité incalculable. »
Sa mort accidentelle priva Louis-Philippe d’un soutien qui lui manqua en 1848. La monarchie de Juillet perdit avec la mort du prince le crédit de tous les espoirs suscités par le prince qui était un des membres les plus respectés et aimés de la famille royale : espoir de gloire nationale reconquise par un prince guerrier, espoir de renouveau politique animé par un prince aux idées nouvelles qu’on disait favorable au suffrage universel. La popularité du prince était un fait insoupçonné et le deuil qu’il suscita en illustre l’importance numérique et politique. Séduisant, brave, réputé acquis aux idées libérales, mais accrédité dans les milieux conservateurs d’une maturité conquise sur son ardeur juvénile, doté d’un charisme personnel, le duc d’Orléans avait réuni autour de lui des personnes de toutes conditions, de tout milieu, de toute conviction.
Les écrivains confirmèrent cette analyse :
Henri Heine nota : « Jamais la mort d’un homme n’a causé un deuil aussi général. C’est une chose remarquable qu’en France, où la Révolution n’a pas encore discontinué de fermenter, l’amour d’un prince ait pu jeter de si profondes racines et se manifester de façon aussi touchante. Non seulement la bourgeoisie qui plaçait toutes ses espérances dans le jeune prince, mais aussi les classes inférieures regrettent sa perte. »
Charles de Rémusat, dans ses Mémoires de ma vie, écrivit : « Je ne suis point fataliste et ne veux pas dire qu’à dater du 13 juillet 1842, la monarchie fut irrévocablement condamnée, mais je dis que sans ce jour fatal, elle n’aurait point péri. »
Alfred de Musset affirma : « Une heure a détourné tout un siècle. »