Pour cet article, il est temps de résumé ce que nous savons sur les bêtes de l’Apocalypse.
Il y a trois bêtes : la bête écarlate qui règne au Vatican au temps du pape François, la bête de la terre dotée de deux cornes, la corne argent (les banques) et la corne média (radio, télévision et journaux). L’Apocalypse nous parle d’une troisième bête, la bête de la mer. C’est celle dont nous allons parler dans cet article.
La bête de la mer apparaît dans plusieurs textes, dans la Bible (I), dans la mythologie grecque (II) et dans la littérature profane moderne (III).
I. La bête de la mer dans la Bible.
La bête de la mer est citée dans le Nouveau Testament, dans l’Apocalypse (A), comme dans plusieurs textes de l’Ancien testament (B).
A. Le Nouveau Testament : l’Apocalypse.
Voyons un par un les passages où la bête de la mer est citée.
« Puis je vis monter de la mer une bête qui avait sept têtes et dix cornes, et sur ses cornes dix diadèmes, et sur ses têtes des noms de blasphème. La bête que je vis ressemblait à un léopard ; ses pieds étaient comme ceux d’un ours, et sa gueule comme une gueule de lion. Le dragon lui donna sa puissance, son trône et une grande autorité. Une de ses têtes paraissait blessée à mort ; mais sa plaie mortelle fût guérie, et toute la terre, saisie d’admiration, suivit la bête, et l’on adora le dragon, parce qu’il avait donné l’autorité à la bête, et l’on adora la bête, en disant : « Qui est semblable à la bête, et qui peut combattre contre elle ? » Et il lui fut donné une bouche proférant des paroles arrogantes et blasphématoires, et il lui fût donné pouvoir d’agir pendant quarante-deux mois. Et elle ouvrit sa bouche pour proférer des blasphèmes contre Dieu, pour blasphémer son nom, son tabernacle et ceux qui habitent dans le ciel. Et il lui fut donné de faire la guerre aux saints et de les vaincre ; et il lui fût donné autorité sur toute tribu, tout peuple, toute langue et toute nation. Et tous les habitants de la terre l’adoreront, ceux dont le nom n’a pas été écrit dans le livre de vie de l’Agneau immolé, dès la fondation du monde. » (Apocalypse, XIII : 1-8).
1. La mer.
La bête est dite de la mer, car elle détient son pouvoir de la masse des peuples de la terre.
« Et il me dit : » Les eaux que tu as vues, au lieu où la prostituée est assise, ce sont des peuples, des foules, des nations et des langues. » (Apocalypse, XVII : 7-18).
Elle est appelée la bête de la mer, car elle puise sa force dans le peuple, la foule, les nations et les langues. C’est une bête collective. Dans le livre de Job, que nous verrons plus tard, elle fait partie des deux monstres que Dieu lui montra, le béhémoth est la bête de la terre et le Léviathan est le monstre de la mer.
2. Les sept têtes et les dix cornes.
La bête de la mer est dotée de sept têtes et de dix cornes.
La bête écarlate comporte également sept têtes et dix cornes.
Dans sa forme initiale, elle ne comportait aucune couronne. C’est l’époque où elle était surmontée d’une prostituée.
« Et je vis une femme assise sur une bête écarlate, pleine de noms de blasphème, et ayant sept têtes et dix cornes. » (Apocalypse, XVII : 3).
Puis la prostituée fut tuée par la bête. Seule resta la bête écarlate qui devient le dragon rouge.
« Un autre signe parut encore dans le ciel : tout à coup, on vit un grand dragon rouge, ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes, sept diadèmes. » (Apocalypse, XII : 3).
Le dragon rouge, c’est-à-dire la bête écarlate va connaître une transformation physique. Désormais, les sept têtes vont disposer chacune d’une couronne.
Les sept têtes représentent les sept derniers papes de la fin des temps, à partir de 1922, comme je l’ai montré dans mon premier volume sur l’Apocalypse de saint-Jean. Une idée qui me fut inspiré à la lecture des deux livres de Pierre Jovanovic, « 777 » et « 666 ».
- Pie XI (1922-1939).
- Pie XII (1939-1958).
- Jean XXIII (1958-1963).
- Paul VI (1963-1978).
- Jean-Paul Ier (1978).
- Jean-Paul II (1978-2005).
- Benoît XVI (2005-?).
Le huitième, François (2013-?), étant la bête elle-même, selon l’Apocalypse.
Enfin, avec la bête de la mer, les couronnes vont se déplacer des sept têtes aux dix cornes.
« Et les dix cornes que tu as vues sont dix rois qui n’ont pas encore reçu la royauté, mais qui recevront un pouvoir de roi pour une heure avec la bête. Ceux-ci ont un seul et même dessein, et ils mettent au service de la bête leur puissance et leur autorité. Ils feront la guerre à l’Agneau, mais l’Agneau les vaincra, parce qu’il est Seigneur des seigneurs et Roi des rois, et ceux qui l’accompagnent sont les appelés, les élus et les fidèles. » (Apocalypse, XVII : 7-18).
Les dix cornes couronnées sur la bête de la mer, ce sont les dix rois qui accompagneront le règne de la bête. Les dix rois diaboliques régneront pour un temps très court, c’est-à-dire pour une heure. Ma réflexion sur ce point précis n’est pas encore aboutie.
Voici un tableau pour résumer mes propos.
3. Le léopard, l’ours et le lion.
La bête est une sorte de chimère composée d’un léopard, d’un ours et d’un lion.
« Puis je vis monter de la mer une bête qui avait sept têtes et dix cornes, et sur ses cornes dix diadèmes, et sur ses têtes des noms de blasphème. La bête que je vis ressemblait à un léopard ; ses pieds étaient comme ceux d’un ours, et sa gueule comme une gueule de lion. » (Apocalypse, XIII : 1-2).
La description reprend les quatre animaux du chapitre VII de Daniel.
- 1er royaume : Babylone (Lion).
- 2e royaume : Perse (Ours).
- 3e royaume : Macédoine (Léopard).
- 4e royaume : Rome (monstre).
Les quatre animaux sortent également d’une mer, ce qui fait le lien avec la bête de la mer.
« Daniel prit la parole et dit : « je voyais dans ma vision pendant la nuit, et voici que les quatre vents du ciel fondaient sur la grande mer, et quatre grandes bêtes montèrent de la mer, différentes l’une de l’autre. » (Daniel, VII : 2-8).
Le quatrième royaume est représenté par une terrible bête avec des grandes dents de fer et surtout dix cornes, comme la bête de la mer de l’Apocalypse.
« Après cela, je regardais dans les visions de la nuit, et voici une quatrième bête, terrible, effrayante et extraordinairement forte ; elle avait de grandes dents de fer ; elle dévorait et brisait, et le reste, elle le foulait aux pieds ; elle était différente de toutes les bêtes qui l’avaient précédée, et elle avait dix cornes » (Daniel VII : 7).
Nous voyons donc que Daniel et saint-Jean prennent leurs sources dans une même tradition prophétique (qui est aussi celle d’Ezéquiel). Il évoque, sans aucun doute, l’un comme l’autre les mêmes événements. La source commune se trouve dans le mazdéisme. Le mazdéisme fut l’une des sources d’inspiration, du judaïsme et donc du christianisme. Il semblerait également que le mazdéisme ait également inspiré l’islam, mais ce n’est pas mon propos dans cet article. Je travaille sur un article que je publierais prochainement concernant l’influence du mazdéisme et de sa réforme zoroastrienne sur le christianisme. Un peu de patience.
Je n’en dirait pas plus sur le sujet. Je vous renvoie à la lecture de mon livre sur le « prophète Daniel et la fin des temps » dans lequel j’évoque en détail les quatre royaume et la symbolique des animaux pour chaque royaume.
4. Règne de quarante-deux mois.
La bête de la mer régnera quarante-deux mois.
« Puis je vis monter de la mer une bête qui avait sept têtes et dix cornes, et sur ses cornes dix diadèmes, et sur ses têtes des noms de blasphème. (…) Et il lui fut donné une bouche proférant des paroles arrogantes et blasphématoires, et il lui fût donné pouvoir d’agir pendant quarante-deux mois. Et elle ouvrit sa bouche pour proférer des blasphèmes contre Dieu, pour blasphémer son nom, son tabernacle et ceux qui habitent dans le ciel. Et il lui fut donné de faire la guerre aux saints et de les vaincre ; et il lui fût donné autorité sur toute tribu, tout peuple, toute langue et toute nation. » (Apocalypse, XIII : 1 ; 5-7).
Encore une fois, nous retrouvons une parfaite concordance entre Saint-Jean et Daniel concernant la durée du règne de la bête.
« Il conclura une alliance ferme avec un grand nombre pendant une semaine ; et, au milieu de la semaine, il fera cesser le sacrifice et l’oblation, et sur l’aile des abominations viendra un dévastateur, et cela, jusqu’à ce que la destruction et ce qui a été décrété se répandent sur le dévasté. » (Daniel, IX : 27).
Celui que Daniel appel « le dévastateur » viendra au milieu de la semaine et régnera sur la moitié de la semaine pour persécuter les croyants. Pour Jean de Patmos, c’est la bête de la mer qui proférera des paroles de haine contre la religion. Il ne se contentera pas de blasphémer, mais il fera la guerre à la religion du Christ.
J’en profite ici pour opérer une distinction essentielle entre la bête de l’Apocalypse (ou plutôt les bêtes) et les antéchrists. Il faut éviter toutes confusions entre les deux notions, tout en montrant les liens entre les deux. La question est fondamentale.
Nous avons trois bêtes :
- La bête écarlate : le régime communiste puis le Vatican au moment de la fin des temps (et uniquement au moment de la fin des temps).
- La bête de la terre (béhémoth) : le capitalisme avec son versant bancaire et son versant médiatique.
- La bête de la mer (léviathan) semblerait être une organisation étatique impersonnelle.
Trois bêtes, mais également trois antéchrists.
- 1er antéchrist : le communisme russe (1917-1991). C’est également la femme écarlate qui surmonte un temps la bête écarlate. Nostradamus parle lui de « grand empire de l’antéchrist » (épître Henri, 44).
- 2e antéchrist : le nazisme (1933-1945) et surtout son chef Adolf Hitler surnommé par Nostradamus, « le second antéchrist » (épître Henri, 94).
- 3e antéchrist : « l’antéchrist trois » devant régner entre 2020 et 2027 selon le quatrain VIII-77. J’ai intégré dans ma technique d’analyse les numéros des quatrains comme système de datation. Vous noterez avec moi qu’Emmanuel Macron est né en 19(77). Cela ne veut pas dire qu’il soit nécessairement le troisième antéchrist. Il faut toujours être excessivement prudent sur ce genre de sujet.
Comme pour les quatre royaume de Daniel, au sujet des trois antéchrists, je vous renvoi a mon livre sur « Nostradamus et la fin des temps« .
La bête de la mer formerait un régime politique qui régnera dans sa forme aboutie uniquement sous le troisième antéchrist. Toutefois, la bête de la mer correspondrait à un régime mélangeant le communisme russe ou chinois, mais également le capitalisme comme je le monterais dans l’article suivant sur la synarchie.
Avec le quatrain VIII-77, on apprend que le troisième antéchrist restera sur le devant de la scène entre 2020 et 2027, alors que la bête de la mer régnera trois ans et demi (quarante-deux mois). Cela signifierait que l’antéchrist continuera son travail néfaste trois ans et demi de plus que la bête de la mer. Nous sommes dans le domaine des hypothèses très prudentes, je ne saurais pas le répéter.
B. L’Ancien Testament.
La bête de la mer apparaît dans deux textes de l’Ancien testament, le livre de Jonas (1) et celui de Job (2). Je n’évoquerai pas Daniel qui a été abordé en même temps que l’Apocalypse.
1. Jonas.
Le Léviathan (la bête de la mer) apparaît dans le livre de Jonas sous la forme d’une fabuleuse baleine qui va l’avaler puis le recracher trois jours plus tard.
« Yahvé fit qu’il y eut un grand poisson pour engloutir Jonas. Jonas demeura dans les entrailles du poisson trois jours et trois nuits » (Jonas, II : 1).
Nous devons raconter l’histoire et la mission de Jonas pour comprendre le sens du Léviathan. Le grand poisson doit jouer un rôle majeur de maturation du prophète. Il est une punition divine lorsqu’on s’écarte du bon chemin divin. Un destin parallèle avec plusieurs mythes grecs qui fait de Jonas, plus qu’un prophète juif, un héros grec. Je pense à Persée et surtout à Héraclès que nous verrons ensuite. Jonas, Persée (dont le nom est tout un programme) et Héraclès ont un point commun : avoir traversé la route du Léviathan et l’avoir vaincu. Le sens de ce mythe est d’une très haute importance pour notre époque.
« La parole de Yahvé fut adressée à Jonas, fils d’Amittaï :
« Lève-toi, va à Ninive, la grande ville païenne, et proclame que sa méchanceté est montée jusqu’à moi.«
Jonas se leva, mais pour s’enfuir à Tarsis, loin de Yahvé.
Descendu à Joppé, il trouva un navire en partance pour Tarsis. Il paya son passage et s’embarqua pour s’y rendre, loin de Yahvé. Mais Yahvé lança sur la mer un vent violent, et il s’éleva une grande tempête, au point que le navire menaçait de se briser. Les matelots prirent peur ; ils crièrent chacun vers son dieu et, pour s’alléger, lancèrent la cargaison à la mer.
Or, Jonas était descendu dans la cale du navire, il s’était couché et dormait profondément. Le capitaine alla le trouver et lui dit : « Qu’est-ce que tu fais ? Tu dors ? Lève-toi ! Invoque ton dieu. Peut-être que ce dieu s’occupera de nous pour nous empêcher de périr. » Et les matelots se disaient entre eux : « Tirons au sort pour savoir à qui nous devons ce malheur. » Ils tirèrent au sort, et le sort tomba sur Jonas. Ils lui demandèrent : « Dis-nous donc d’où nous vient ce malheur. Quel est ton métier ? D’où viens-tu ? Quel est ton pays ? De quel peuple es-tu ? » Jonas leur répondit : « Je suis Hébreu, moi ; je crains le Seigneur, le Dieu du ciel, qui a fait la mer et la terre ferme. » Les matelots furent saisis d’une grande peur et lui dirent : « Qu’est-ce que tu as fait là ? » Car ces hommes savaient, d’après ce qu’il leur avait dit, qu’il fuyait la face du Seigneur.
Ils lui demandèrent : « Qu’est-ce que nous devons faire de toi, pour que la mer se calme autour de nous ? » Car la mer était de plus en plus furieuse. Il leur répondit : « Prenez-moi, jetez-moi à la mer, pour que la mer se calme autour de vous. Car, je le reconnais, c’est à cause de moi que cette grande tempête vous assaille. » Les matelots ramèrent pour regagner la terre, mais sans y parvenir, car la mer était de plus en plus furieuse autour d’eux. Ils invoquèrent alors le Seigneur : « Ah ! Seigneur, ne nous fais pas mourir à cause de cet homme, et ne nous rends pas responsables de la mort d’un innocent, car toi, tu es le Seigneur : ce que tu as voulu, tu l’as fait. Puis ils prirent Jonas et le jetèrent à la mer. Alors la fureur de la mer tomba. Les hommes furent saisis par la crainte du Seigneur ; ils lui offrirent un sacrifice accompagné de vœux. » (Jonas, I : 1-16).
Jonas a reçu de Yahvé pour mission d’aller a Ninive, une cité païenne pour prophétiser la parole de Dieu.
Jonas va refuser de remplir sa mission et de tenter de s’enfuir à Tarsis qui correspond à la ville de Tartessos.
Tartessos est étrangement un endroit lié au destin d’Héraclès qui rencontra lui aussi une baleine. Lorsque la mythologie grecque rencontre le Judaïsme.
Héraclès se rendit dans la même région pour accomplir le dixième travail. J’ai déjà expliqué le sens de ce travail dans un autre article.
Il correspond au parcours du futur Grand Monarque à la fin des temps. Une intense péripétie autour de la Méditerrannée réalisée par Héraclès il y a plusieurs milliers d’années devra de nouveau être emprunté par le futur grand roi de France qui devra restaurer la monarchie catholique. Je n’ai pas la place dans cet article pour expliquer pourquoi j’établis un lien entre le chemin d’Heraclès durant les dixième et onzième travaux, avec celui du futur Grand Monarque. Toutefois, je peux dire tout de même qu’il y a des lieux et des chemins marqués par des traces indélébiles que les hommes parcourt depuis des milliers d’années.
Ces routes divines correspondent à des forces fondamentales que nos ancêtres connaissaient très bien. Ce sont les mêmes forces qui nourrissent les mythes issus de l’inconscient collectif des peuples. Tout ce que j’évoque dans cet article, n’est pas une élucubration d’un dément a enfermer à l’asile. Non, non. Je parle des mythes qui sont l’expression des archétypes universels. Ces mythes conduisent de manière inconsciente la vie et le destin des peuples. Il existe des forces supérieures qui dépassent la vie des simples individus et qui amènent les gens à agir d’une certaine manière et pas d’une autre. Il existe des lieux, et même des personnages archétypiques qui réveillent certaines forces inconscientes dans la population. C’est dans ce sens-là qu’il faut comprendre les prophéties. Bien derrière l’inconscient collectif se trouve Dieu. Car, en effet, qui d’autres pourrait donner vie a un tel système, aussi complexe et sur une aussi longue durée.
La région de Tartessos fait partie de ces lieux chargés d’une intense force psychologique inconsciente. Elle comporte Gibraltar et surtout Gadir. C’est à Gadir qu’Héraclès est allé chercher les bœufs de Girion pour les conduire jusqu’en Grèce. Gadir ou Gadès, correspondant à l’actuel Cadix. L’île sur laquelle Héraclès se rendit existe encore. Elle fait partir de la ville de Cadix. Elle est aujourd’hui urbanisée, mais garde les traces du passage du héros grec.
Cette rencontre inattendue entre le judaïsme (Jonas) et la Grèce (Héraclès) n’est pas anodine. Elle marque un événement majeur que personne ne devrait négliger. Nous avons-là les deux sources de la monarchie de droit divine française. La ligné davidique des rois de France via Jonas, Yahvé et Samuel, mais également l’origine troyenne de ces mêmes souverains. Car ne l’oublions jamais, le destin d’Héraclès est lié à la ville de Troie. Héraclès mena la première guerre de Troie à la suite de sa mésaventure avec le monstre marin comme nous allons le voir par la suite. La guerre relatée par Homère n’étant que le deuxième conflit.
Si Dieu a permis à Héraclès d’aller dans la région de Tartessos, il s’opposera au projet de Jonas. Son destin étant de se rendre à Ninive pour prophétiser. Yahvé fera tout pour l’empêcher d’atteindre Tartessos.
Pour tenter d’aller à Tartessos, comme attiré par une force inconnue, Jonas prendra le bateau à Joppé qui correspondait à l’actuel ville de Jaffa. Un autre lieu d’une force particulière. Jaffa touche l’actuelle capitale israélienne Tel Aviv. Jaffa a même été intégré dans la capitale qui porte désormais le nom de Jaffa-Tel Aviv. La encore, quel étrange coïncidence historique.
L’actuel Etat d’Israël est une imposture. Dieu a chassé les Juifs de la terre sainte après la destruction de Jérusalem par Titus. Les Juifs qui n’avaient pas été convertis au christianisme furent dispersés à travers le monde avec interdiction de revenir s’installer en terre sainte avant la fin des temps. C’est la mission du Grand Monarque de recréé un royaume d’Israël (et je dis bien un royaume) avec lui comme roi catholique (je dis bien catholique). Les Juifs pourront alors retourner enfin en terre sainte, à la condition de se convertir au catholicisme. C’est pour cela que la colère divine frappe régulièrement la fausse nation israélienne, comme la tempête a frappé le vaisseau de Jonas jusqu’à le faire avaler par le Léviathan.
Comme il y a des lieux marqués par le sacré en raison de l’accumulation de puissance positive, il y a aussi des endroits négatifs qui frappent de malheur ceux qui s’y aventurent. Joppé-Jaffa en fait partie. Si les gens qui ont créé l’Israël moderne croyaient en Dieu, il n’aurait pas choisi Jaffa-Tel Aviv, comme capitale. Quelle drôle d’idée. Ont-ils même lu Jonas… On t’il compris ce que Yahvé disait à Jonas. J’en doute. C’est l’inculture crasse qui frappe les dirigeants de notre époque.
Encore une fois, je ne parle pas du peuple israélien, mais de leurs dirigeants. Le peuple est toujours victime des décisions de leurs hommes politiques qui sont victime des décisons politiques. Ce genre de chose relève de la volonté des hommes qui occupent un hauts niveaux sociales. Ils ont violés la volonté de Dieu et on choisi comme symbole un lieu maléfique.
« Depuis les entrailles du poisson, il pria Yahvé son Dieu. Il disait : dans ma détresse, je crie vers Yahvé, et lui me répond ; du ventre du Shéol, j’appelle : tu écoutes ma voix. Tu m’as jeté au plus profond du cœur des mers, et le flot m’a cerné ; tes ondes et tes vagues ensembles ont passé sûr moi. Et je dis : me voici rejeté de devant tes yeux ; pourrai-je revoir encore ton saint temple ? Les eaux m’ont assailli jusqu’à l’âme, l’abîme m’a cerné ; les algues m’enveloppent la tête, à la racine des montagnes. Je descendis aux pays dont les verrous m’enfermaient pour toujours ; mais tu as fait remonter ma vie de la fosse, Yahvé mon Dieu. (…) Alors Yahvé parla au poisson, et celui-ci rejeta Jonas sur la terre ferme. » (Jonas, II : 2-7 ; 11).
Finalement, Jonas ira à Ninive et convertira la ville qui échappera à la punition de Dieu. On découvre dans ce livre un Yahvé plein de miséricorde et d’amour qui ressemble beaucoup au comportement de Dieu dans le Nouveau Testament. Cela apporte la preuve que le Yahvé de l’Ancien Testament et le Dieu du Nouveau Testament sont la même divinité.
Le livre de Jonas est l’un des livres de l’Ancien Testament les plus étrange. Minuscule par sa taille (seulement quatre chapitres), mais immense par son importance pour notre futur.
2. Job.
J’ai déjà abordé le livre de Job dans cette série d’articles. Je ne traiterais que de la description du Léviathan. Elle est présente dans deux chapitres : le XL et le XLI.
Le chapitre XL :
« Tireras-tu Léviathan avec un hameçon, et lui serreras-tu la langue avec une corde ? Lui passeras-tu un jonc dans les narines, et lui perceras-tu la mâchoire avec un anneau ? T’adressera-t-il d’ardentes prières, te dira-t-il de douces paroles ? Fera-t-il une alliance avec toi, le prendras-tu toujours à ton service ? Joueras-tu avec lui comme avec un passereau, l’attacheras-tu pour amuser tes filles ? Les pêcheurs associés en font-ils le commerce, le partagent-ils entre les marchands ? Cribleras-tu sa peau de dards, perceras-tu sa tête du harpon ? Essaie de mettre la main sur lui : souviens-toi du combat, et tu n’y reviendras plus. » (Job, XL : 25-32).
Le Léviathan est décrit comme un monstre marin furieux qu’il faut contraindre par des chaînes et des cordes.
Le chapitre XLI :
« Voici que le chasseur est trompé dans son attente ; la vue du monstre suffit à le terrasser. Nul n’est assez hardi pour provoquer Léviathan : qui donc oserait me résister en face ? Qui m’a obligé, pour que j’aie à lui rendre ? Tout ce qui est sous le ciel est à moi.
Je ne veux pas taire ses membres, sa force, l’harmonie de sa structure. Qui jamais a soulevé le bord de sa cuirasse ? Qui a franchi la double ligne de son râtelier ? Qui a ouvert les portes de sa gueule ? Autour de ses dents habite la terreur. Superbes sont les lignes de ses écailles, comme des sceaux étroitement serrés. Chacune touche sa voisine ; un souffle ne passerait pas entre elles. Elles adhèrent l’une à l’autre, elles sont jointes et ne sauraient se séparer. Ses éternuements font jaillir la lumière, ses yeux sont comme les paupières de l’aurore. Des flammes jaillissent de sa gueule, il s’en échappe des étincelles de feu. Une fumée sort de ses narines, comme d’une chaudière ardente et bouillante. Son souffle allume les charbons, de sa bouche s’élance la flamme. Dans son cou réside la force, devant lui bondit l’épouvante. Les muscles de sa chair tiennent ensemble ; fondus sur lui, inébranlables. Son cœur est dur comme la pierre, dur comme la meule inférieure. Quand il se lève, les plus braves ont peur, l’épouvante les fait défaillir. Qu’on l’attaque avec l’épée, l’épée ne résiste pas, ni la lance, ni le javelot, ni la flèche. Il tient le fer pour de la paille, l’airain comme un bois vermoulu. La fille de l’arc ne le fait pas fuir, les pierres de la fronde sont pour lui un fétu ; la massue, un brin de chaume ; il se rit du fracas des piques. Sous son ventre sont des tessons aigus : on dirait une herse qu’il étend sur le limon. Il fait bouillonner l’abîme comme une chaudière, il fait de la mer un vase de parfums. Il laisse après lui un sillage de lumière, on dirait que l’abîme a des cheveux blancs. Il n’a pas son égal sur la terre, il a été créé pour ne rien craindre. Il regarde en face tout ce qui est élevé, il est le roi des plus fiers animaux. » (Job, XLI : 1-26)
Le Léviathan a été créé pour défier le pouvoir royal de nature divine.
Le texte biblique indique que le léviathan « n’a pas son égal sur la terre, il a été créé pour ne rien craindre. Il regarde en face tout ce qui est élevé, il est le roi des plus fiers animaux« . Il n’a peur de rien et dispose d’une fierté et d’une arrogance sans égale. Sa puissance dépasse tout ce qui existe sur terre. Gardez-bien cette description à l’esprit, nous en reparlerons au moment d’évoquer le livre de Thomas Hobbes.
II. La bête de la mer dans la mythologie grecque.
Dans la mythologie grecque, la baleine intervient toujours pour sacrifier une jeune fille qu’un héros vient sauver in extrémis. De l’union du héros et de la princesse vont naître plusieurs dynasties de rois. Nous avons Persée et Andromède (A), mais également Héraclès et Hésione (B). Dans les deux histoires, la baleine est un monstre sanguinaire envoyé par Poséidon qui porte le nom de Céto.
A Persée et Andromède.
Le roi Céphée régnait en Ethiopie. Son épouse, Cassiopée, avait défié les Néréides dans un concours de beauté. Elle prétendait être la plus belle femme du monde.
« Persée arriva en Éthiopie, où régnait Céphée, et il découvrit qu’Andromède, la fille du roi, avait été exposée pour devenir la proie d’un monstre marin. Car Cassiopée, l’épouse de Céphée, avait osé défier les Néréides dans un concours de beauté, en se vantant d’être plus belle qu’elles toutes. Les Néréides s’étaient offensées, et Poséidon se mit en colère : il envoya une inondation pour dévaster tout le territoire, et aussi un monstre marin. Ammon avait alors donné sa réponse : la seule façon de faire cesser ce fléau était de livrer Andromède, la fille de Cassiopée, en pâture au monstre. Céphée, sous la pression de ses sujets Éthiopiens, obéit : il enchaîna sa fille à un rocher. Quand Persée l’aperçut, il tomba immédiatement amoureux d’elle, et il promit à Céphée de tuer le monstre et de sauver Andromède, à condition de l’avoir pour épouse. L’accord fut scellé par un serment. Persée attaqua le monstre marin d’en haut, le tua et libéra la jeune fille. » (Apollodore, La bibliothèque, II-4:3).
Les Néréides sont des nymphes marines. Il y a cinquante Néréides qui forment le cortège de Poséidon. Ce sont des jeunes filles très belles avec des perles dans les cheveux qui voyagent dans la mer en surmontant un dauphin ou un hippocampe.
Plusieurs vont se sentir vexées par les propos de Cassiopée et vont aller se plaindre auprès de Poséidon. Le dieu de la mer va envoyer un monstre marin dévaster l’Ethiopie. Pour mettre un terme au massacre, le roi et la reine vont devoir sacrifier leur fille, Andromède, en l’attachant sur un rocher au bord de la mer.
Or, Persée, qui voyageait dans la région, tomba amoureux d’Andromède. Il ira la sauver des griffes du monstre. L’ayant sauvée, il va l’épouser.
Persée et Andromède quittèrent l’Ethiopie et se rendirent en Grèce pour accomplir leurs destins.
« Persée se rendit à Argos, en compagnie de Danaé et d’Andromède, pour rencontrer Acrisios. Quand ce dernier vint à l’apprendre, encore inquiet à cause de l’antique prophétie, il quitta Argos et gagna le territoire des Pélasges. » (Apollodore, La bibliothèque, II-4:4).
L’antique prophétie dont parle Apollodore concerne un oracle de la Pythie de Delphes, dont il faut dire quelques mots afin de bien comprendre ce qui va suivre. Acrisios était le roi d’Argos. Il eut une fille, Danaé. Il s’inquiéta de savoir s’il aurait un jour, un héritier mâle pour lui succéder sur le trône. Il alla consulter la Pythie.
« Acrisios, entre-temps, avait interrogé l’oracle du dieu afin de savoir comment il pourrait avoir des enfants mâles. Le dieu lui répondit qu’il aurait un petit-fils de sa fille, mais que celui-ci le tuerait. Craignant que cela ne se produisît, Acrisios enferma Danaé dans une salle souterraine, toute en bronze. Mais la jeune fille fut séduite par Proétos, suivant une version de l’histoire, et c’est ce qui fit éclater la discorde entre Proétos et Acrisios. Mais suivant une autre version, Zeus se changea en pluie d’or et, par le toit, se laissa couler dans le sein de Danaé. Quand Acrisios apprit que Danaé avait mis au monde le petit Persée, il ne voulut pas croire qu’il était de Zeus : il enferma Danaé et son petit-fils dans un coffre qu’il jeta à la mer. Poussé par le courant, le coffre arriva à Sériphos, et Dyctis prit l’enfant et l’éleva. » (Apollodore, La bibliothèque, II-4:1).
Acrisios va être tué par Persée lors d’une compétition sportive organisée par le roi de Larissa.
« Teutamidès, le roi de Larissa, avait organisé des épreuves athlétiques en l’honneur de son père mort, et Persée voulut participer aux jeux. Dans l’épreuve du pentathlon, son disque atteignit Acrisios à un pied et le tua sur le coup. Ainsi la prophétie s’était-elle réalisée. Persée ensevelit Acrisios à l’extérieur de la ville. Puis, honteux de retourner à Argos pour obtenir la succession au trône du roi qui était mort par sa faute, il alla à Tirynthe, où régnait Mégapenthès, le fils de Proétos, et il échangea le trône d’Argos contre le sien. Ainsi Mégapenthès régna sur Argos, et Persée sur Tirynthe, et il fortifia aussi Mycènes et Midéa. » (Apollodore, La bibliothèque, II-4:4).
Persée et Andromède auront de nombreux enfants qui deviendront roi et fonderont des dynasties en Ethiopie et à Mycènes. C’est la fonction du héros.
« Il eut des enfants d’Andromède ; avant son départ pour la Grèce, était né Persès, qui resta vivre avec Céphée (de lui vient, dit-on, la dynastie perse) ; mais à Mycènes naquirent Alcéos, Sthénélos, Héléos, Mestor, Électryon, et une fille, Gorgophoné, qui épousa Périérès.
Alcéos eut un fils, Amphitryon, et une fille Anaxo, d’Astydamie, la fille de Pélops. » (Apollodore, La bibliothèque, II-4:5).
A Mycènes, Persée et Andromède eurent un fils, Alcéos. Alcéos épousa Astydamie et eut un fils, Amphitryon. Amphitryon est le père d’Héraclès. Il y a donc une continuité dynastique entre Héraclès et Persée. Héraclès est l’arrière-petit-fils de Persée.
B. Heraclès et Hésione.
Héraclès est né à Thèbes de l’union supposé entre Amphitryon et Alcmène. Un certain nombre légende circule sur sa naissance miraculeuse, comme ce fut le cas pour Persée.
« Avant qu’Amphitryon ne revienne de Thèbes, Zeus arriva dans la nuit, et il fit en sorte que cette nuit-là soit longue comme trois ; puis il prit l’aspect d’Amphitryon, se coucha dans le lit avec Alcmène, et il l’entretint de ses victoires dans sa guerre contre les Téléboéens. Quand ensuite Amphitryon arriva, et qu’il vit que sa femme ne l’accueillait pas chaleureusement, il lui en demanda la raison. Et Alcmène lui répondit qu’elle l’avait déjà fait à son retour, le soir précédent, en dormant avec lui. Amphitryon se rendit alors chez le devin Tirésias, qui lui révéla que Zeus, lui-même, s’était uni à sa femme. Alcmène mit au monde deux enfants, de Zeus : Héraclès, plus vieux d’une nuit, et d’Amphitryon : Iphiclès. Quand le bébé avait huit mois, Héra envoya dans son berceau deux serpents terrifiants, parce qu’elle désirait sa mort. Alcmène cria, appela Amphitryon au secours, mais Héraclès s’était déjà redressé ; il avait déjà tué les serpents, en les étranglant, un dans chaque main. Phérécyde soutient pour sa part qu’Amphitryon, pour savoir lequel des deux enfants était le sien, jeta les serpents dans le lit : Iphiclès s’enfuit, Héraclès, lui, les affronta, et Amphitryon comprit que son fils était Iphiclès. » (Apollodore, La bibliothèque, II-4:8).
Laomédon est le roi de Troie. Afin de défendre sa ville, il entreprend de construire une imposante fortification.
« En ces jours, la cité était affligée par un grave fléau, à cause de la colère d’Apollon et de Poséidon. Les deux dieux, en effet, pour mettre à l’épreuve l’outrecuidance du roi Laomédon, avaient pris l’apparence de deux mortels, et s’étaient accordés avec lui de fortifier les murs de la citadelle de Pergame, en échange d’une rétribution. Mais quand ensuite ils eurent achevé le travail, Laomédon refusa de les payer. Alors Apollon envoya une épidémie et Poséidon un monstre marin ; ce dernier, sortant des eaux avec la marée, s’aventurait sur la terre ferme et causait des ravages parmi les hommes. Les oracles avaient révélé que ce grand malheur prendrait fin si Laomédon exposait sa fille Hésioné en pâture au monstre : aussi la jeune fille était-elle enchaînée à un rocher près de la mer. Héraclès vit la jeune fille exposée sur le rocher, et promit qu’il la libérerait si Laomédon lui cédait les juments que Zeus lui avait données en échange de l’enlèvement de Ganymède. Laomédon lui donna sa parole, Héraclès tua le monstre et sauva la jeune fille. Mais le roi refusa de lui donner la rétribution promise : alors Héraclès menaça de faire la guerre à Troie, puis il repartit. » (Apollodore, La bibliothèque, II, 5 :9)
Le mur qui protège Troie, qui porte le nom de « citadelle de Pergame », sera construit par Apollon et Poséidon prenant l’apparence de simple mortel. Le roi ayant refusé de payer le salaire des deux dieux, fut puni. Poséidon envoya un monstre marin (le même qu’en Ethiopie) pour ravager le royaume de Troie. Pour mettre fin aux ravages du Léviathan, comme en Ethiopie, le souverain devra sacrifier sa fille, la belle Hésione, attaché a un rocher sur le bord de la mer. Héraclès, qui passait par là, propose de la sauver en échange de son mariage avec elle.
Le roi qui avait promis la main de sa fille, refusa d’honorer sa parole une foi le monstre tué. Héraclès menaça alors d’entrer en guerre contre Troie.
« Une fois ses années de servitude terminées, et désormais guéri de son mal, Héraclès réunit une armée de nobles volontaires et s’en alla faire la guerre à Troie, avec dix-huit navires à cinquante rangées de rameurs.
Ayant débarqué à Troie, il laissa Oïclos à la garde des navires et, en compagnie des autres valeureux guerriers, il partit attaquer la cité. Laomédon, pendant ce temps-là, courut aux navires en compagnie de ses sujets et tua Oïclos ; mais ensuite il fut repoussé par les troupes d’Héraclès et contraint à subir un siège à l’intérieur de la ville.
Télamon fit une brèche dans les murs et entra le premier dans la cité, et Héraclès après lui. Comme il vit que Télamon était entré le premier, Héraclès brandit son épée et le poursuivit pour le tuer, car il ne supportait pas que quelqu’un soit considéré comme meilleur que lui. Mais Télamon, prévoyant, se baissa pour ramasser des pierres, et, à Héraclès qui lui demandait ce qu’il faisait, il répondit : « Je veux construire un autel à Héraclès Victorieux. » Héraclès en fut très heureux, et quand il eut prit la ville, et tué Laomédon et ses enfants mâles, Podarcès excepté, il récompensa Télamon en lui offrant Hésione, la fille de Laomédon.
Il permit en outre à Hésione d’emmener un des prisonniers, celui qu’elle voudrait. Hésione choisit son frère, Podarcès, mais Héraclès dit qu’il devait d’abord devenir esclave, et sa soeur, par la suite, pourrait payer son rachat. Ainsi Hésione paya son rachat avec le voile qui lui couvrait le visage, et depuis ce moment Podarcès fut appelé Priam. » (Apollodore, La bibliothèque, II-6:4).
Ayant vaincu Troie, il tua le roi Laomédon. Il n’épousa pas Hésione, mais l’offrit à Télémon. Il ne fonda pas de nouvelle dynastie avec la princesse dont il venait de sauver la vie. En revanche, il eut plusieurs enfants avec d’autres femmes qui deviendront les rois Héraclides qui gouverneront quasiment toutes les cités du Péloponnèse. Je m’arrêterais là, le sujet est trop vaste, tout en s’éloignant du thème de l’article.
III. La bête de la mer dans la littérature moderne.
Parmi les nombreux livres ayant évoqué la bête de la mer sous la forme d’une monstruosité marine, je ne citerais que deux livres, les plus importants : « le Léviathan » de Thomas Hobbes (A), « Moby Dick » d’Herman Melville (B) ou « les possédés » de Fiodor Dostoïevski (C). J’aurais pu aussi parler du « paradis perdu » de John Milton, mais faute de place, je ne le ferais pas, avec grand regret, tant l’œuvre du génial poète anglais est une source inépuisable en matière de démonologie.
A. « Le léviathan » de Thomas Hobbes.
Thomas Hobbes (1588-1679) est un penseur politique anglais. Il est né un an avant l’assassinat du roi français Henri III (1589) et le début de règne chaotique d’Henri IV. La montée du protestantisme provoque, guerre et troubles révolutionnaires, en France. C’est toujours dans ce genre de contexte que prend naissance les idées politiques et religieuses majeures. Le trouble et la confrontation favorisent l’émergence de nouvelles conceptions. C’est une règle historique.
Thomas Hobbes va adopter les idées protestantes et tenter de construire une nouvelle forme d’Etat conforme à la doctrine protestante. En 1551, le roi d’Angleterre Charles Ier est exécuté. La monarchie est renversée et sera remplacée par un régime politique dirigé par Oliver Cromwell. C’est à ce moment-là que Hobbes va publier son célèbre « Léviathan« .
Son livre propose de remplacer la vision traditionnelle de la monarchie de droit divin (conforme à la conception catholique du monde) par un gouvernement dit « absolutiste ». Il va reprendre des idées politiques nées en France sous la plume de Jean Bodin (1530-1596) et des juristes (Guy Coquilles, Charles Loyseau ou Cardin Le Bret) pour les adapter au nouveau régime né de la révolution anglaise.
Dans l’introduction du « Léviathan » Thomas Hobbes, explique sa conception de l’Etat.
« La nature, qui est l’art pratiqué par Dieu pour fabriquer le monde et le gouverner, est imitée par l’art de l’homme, qui peut, ici comme ça beaucoup d’autres domaines, fabriquer un animal artificiel. (…) Mais l’art va plus loin en imitant l’œuvre raisonnable et la plus excellente de la nature : l’homme. C’est l’art, en effet, qui crée ce grand LEVIATHAN, appelé REPUBLIQUE ou ETAT (CIVITAS en latin) qui n’est autre chose qu’un homme artificiel, quoique de stature et de force plus grandes que celle de l’homme naturel, pour la défense et la protection duquel il a été conçu. En lui, la souveraineté est une âme artificielle, car elle donne vie et mouvement au corps tout entier ; les magistrats et les autres officiers judiciaires et d’exécution sont des articulations artificielles ; la récompense et le châtiment par où la souveraineté, attachant à son service, chaque articulation et chaque membre, met ceux-ci en mouvement pour accomplir leur devoir, sont les nerfs , tout comme cela se produit dans le corps naturel, l’opulence et la richesse de tous les membres particuliers sont la force ; le salus populi (sécurité du peuple) est son affaire ; les conseillers, qui suggèrent les choses qu’il lui est utile de savoir, sont la mémoire ; l’équité et les lois sont une raison et une volonté artificielles ; la concorde est sa santé, la sédition sa maladie et la guerre civile sa mort. Enfin, les pactes et conventions à partir desquels les parties de ce corps politique ont été originairement fabriquées, mises ensemble et réunies, sont pareils au fiat ou à se faisons l’homme que Dieu prononça lors de la création. » (Thomas Hobbes, Le Léviathan, folio, p. 63-64).
Disons-le sans ambiguïté, l’absolutisme est une pensée politique protestante (même si cela ne va pas plaire a certain) qui s’oppose à la monarchie de droit divin d’essence catholique. Le fondement du pouvoir n’est plus le même. Dans la catholicisme, le pouvoir politique est l’émanation de Dieu, le Roi est le représentant de Dieu sur terre, son lieutenant. Dans le protestantisme, le pouvoir politique est rationnellement organisé. On remplace Dieu par des hommes doués de raison. Dieu est remplacé par l’homme. Le protestantisme a pour principal objectif de détruire la hiérarchie religieuse catholique, le Pape, mais également le roi de droit divin (les monarchomaques).
Hobbes oppose Dieu qui créa le monde et l’homme qui créa un animal artificiel. Cet animal artificiel, c’est le Léviathan, l’Etat ou la république. L’homme remplace Dieu. Nous sommes pleinement dans notre conception moderne du pouvoir. Ce sont les hommes qui rédigent les constitutions à la place de Dieu.
Thomas Hobbes expose le plan de son livre. Il est très intéressant et riche d’enseignement.
« Pour décrire la nature de cet homme artificiel, je considérerai :
Premièrement, sa matière et son artisan, qui sont l’homme.
Deuxièmement, comment et selon quelle conventions il est fabriqué ; quels sont les droits et juste puissance ou pouvoir d’un souverain ; et par quoi il se conserve et se dissout.
Troisièmement, ce qu’est un Etat chrétien.
Enfin, ce qu’est le royaume des ténèbres. » (Thomas Hobbes, Le Léviathan, folio, p. 65).
La première partie porte le nom « de l’homme » et la deuxième partie « de l’Etat« . L’Etat serait donc une création humaine. L’homme viendrait concurrencer Dieu comme créateur. Dieu a créé la nature, mais l’homme lui a créé l’Etat.
Les deux dernières parties opposent « l’Etat chrétien » et « le royaume des ténèbres« . Notons le vocabulaire utilisé par l’auteur. L’Etat (donc celui créé par l’homme) est dit « chrétien », alors que le royaume (donc le roi) est dit des « ténèbres ». Selon lui, la monarchie serait diabolique alors que l’Etat serait de nature divine, alors même qu’il aura été créé par l’homme, donc sans l’intervention de Dieu). Ce vocabulaire en dit long sur les conceptions de l’auteur sur les différents régimes.
Thomas Hobbes a inversé le sens des mots. Le royaume est chrétien et l’Etat représente les ténèbres. Voilà le vrai sens des mots. Le diable aime inverser le sens des mots. Toujours avoir le réflexe de remettre les mots et les définitions à leurs places.
Chez Saint-Augustin, dans la « cité de Dieu« , le vocabulaire est très différent. L’auteur reprend la pensée du Christ et de Saint-Paul en opposant deux cités, celle de la terre et celle du ciel. Jésus ayant déclaré devant le sanhédrin au moment de son procès, que son royaume n’était pas de ce monde, il règne donc dans le Ciel au côté de Dieu.
Le Christ délègue son pouvoir à des autorités humaines par l’intermédiaire de deux glaives. Le glaive spirituel est donné au Pape, le glaive temporel au Roi ou à l’Empereur.
L’absolutisme proposé par Jean Bodin dans les « six livres de la république » (1576) ne reprend pas la théorie des deux glaives. Il explique que la base d’une société, c’est la famille. Les familles vont se regrouper pour former une société, puis un Etat. On parle de thèse paternaliste. Il n’y a plus de justification divine du pouvoir. Le pouvoir de l’Etat est défini comme une puissance absolue (l’autorité qu’elle confère surpasse toutes les autres) et perpétuelle (elle ne peut pas disparaître).
Hobbes va aller beaucoup plus loin, en justifiant le rôle de l’Etat par la théorie du contrat social. Il n’est pas l’inventeur du concept, avant lui, par Grotius, dans un sens restreint. Hobbes va en faire un élément essentiel de la justification du pouvoir politique contre Dieu et le Christ. Elle sera reprise par John Locke (le grand penseur de la glorieuse révolution anglaise de 1689) et par Jean-Jacques Rousseau (un des grands penseurs de la révolution française). Il faut bien prendre soin de distinguer le contrat social de Hobbes, de Locke et de Rousseau de nature très différente.
La théorie du « contrat social » oppose toujours deux étapes dans le processus politique : un point de départ dit « état de nature » et un point d’arrivé dit « un contrat social ». « L’état de nature » va mettre en évidence un défaut dans la nature de l’homme que le « contrat social » va tenter de pallier en proposant une solution.
J’utilise beaucoup de guillemet, car je ne partage pas du tout cette conception fumeuse et irrationnelle. Remplacer Dieu par un état de nature de l’homme ne fait pas froncer les sourciles de ceux qui dénonce la conception théocratique du pouvoir. Etrange contradiction qui ne cesse de me surprendre. Nous sommes plusieurs milliard sur terre à croire en Dieu, alors que ceux qui nous impose ce genre de théorie irrationnelle, ne représente qu’une infime minorité de la population. Cet état de nature n’est prouvé par aucune étude anthropologique ou historique. Alors que la conception théocratique du pouvoir politique a montré son efficacité en construisant des Etats (preuve historique à l’appui).
Bien comprendre le processus du contrat social :
1ere étape : un état de nature qui met en évidence un problème.
2e étape : signature d’un contrat social afin de palier au problème.
3e étape : création de l’état.
Pour Hobbes, la nature de l’homme est mauvaise. En conséquence, l’état de nature est une sorte d’enfer. La liberté et l’égalité entre les hommes entraîneraient l’insécurité et la peur. Chacun a peur d’être agressé. C’est la loi du plus fort qui règne, d’où la célèbre de Hobbes, « homo homini lupus », « l’homme est un loup pour l’homme« . L’état de nature hobbesien est donc un état de guerre de tous contre tous. Il va donc falloir mettre fin à cette guerre civile.
C’est très différent chez John Locke et Jean-Jacques Rousseau pour qui la nature de l’homme est bonne. Une nature bonne, mais avec quelques défauts.
Pour Locke, l’homme à l’état de nature, dois assurer sa propre survie en s’assurant les biens de première nécessité, mais il doit faire face à certains hommes qui ne respectent pas les autres. Il faut donc assurer la sécurité contre cette minorité de délinquants qui perturbe la vie en société.
Chez Rousseau, les hommes sont bons, mais à l’état de nature, ils vivent isolés et dispersés. Ils peuvent parfois s’associer ponctuellement pour certaines tâches communes. Il faut rompre l’isolement et permettre la réalisation de biens communs de manière permanente.
Or, seul l’état de nature de Hobbes va générer « le Léviathan », la bête de la fin des temps. C’est une chose fondamentale à comprendre. Une clef de lecture essentielle pour éclairer la dictature sanitaire covidienne. Hobbes est le seul à avoir donné le nom d’un monstre démoniaque de l’Ancien testament à son Etat idéal. Ce n’est pas un hasard.
En effet, pour Hobbes, c’est l’individu qui est à la base du pacte social. Nous entrons pleinement dans l’ère de l’individu comme molécule d’une société au détriment du groupe comme entité collective. Dans la vision traditionnelle du pouvoir, les deux glaives sont attribués à des autorités qui dirigent des organisations collectives qui guident les hommes. L’appartenance à un groupe social est fondamentale. Or, pour Thomas Hobbes, les groupes sociaux n’existent plus, seuls l’individu a de l’importance. La société est une collection de molécules individuelles. Cette disparition des groupes sociaux qui encadre la vie des humains doublé d’une promotion de l’individualisme va favoriser la création d’une entité monstrueuse.
Une multitude des volontés individuelles séparées vont décider ensemble de déléguer leurs libertés et leurs droits à une créature extérieure. Le pacte est passé au profit d’un tiers bénéficiaire. Ce tiers bénéficiaire, c’est le Léviathan.
Dans ce contrat, chacun renonce à sa liberté et à l’égalité, afin d’avoir en échange la paix et la sécurité. Une fois le contrat social signé, l’individu ne participe plus à la décision politique. L’individu abandonne tout à l’Etat en échange de sa sécurité. Cela ne vous rappelle rien.
Ce n’est plus aux individus de juger ce qui est bien ou mal, juste ou injuste, c’est au Léviathan de le faire. L’Etat qui détermine ce qu’il entend par juste ou injuste, par bien ou mal. C’est en cela que le Léviathan de Hobbes est absolue. Il est absolue, car il peut faire ou défaire la loi selon son bon plaisir. Il est maître de la loi. Il n’est limité par aucune règle religieuse ou morale. Nous le verrons plus tard, l’absolutisme de Hobbes est en réalité un totalitarisme. Il sera la source d’inspiration des trois totalitarisme du XXe et XXIe siècle : le communisme, le nazisme et le corporatisme (en anglais) dit aussi synarchisme (en français) dont nous parlerons en détail dans l’article suivant.
Le contrat créateur du Léviathan est irrévocable. Il ne peut disparaître que dans deux hypothèses, radicales, peuvent mettre fin à l’Etat léviathanesque : une grande défaite militaire et la guerre civile. Dans les deux cas de figure, l’Etat s’effondre, car il n’aura pas été en mesure d’assurer la sécurité des individus.
Je ne saurais jamais insister assez (jusqu’au risque d’être lourd) pour bien faire passer le message et surtout faire comprendre le lien avec la dictature sanitaire actuelle et le livre de Thomas Hobbes. Nous ne retrouvons pas la même logique et les mêmes conséquences chez John Locke ou chez Jean-Jacques Rousseau.
Avec Locke, le contrat social est un contrat synallagmatique conclut entre la masse des individus et le gouvernement. Il opère un transfert de souveraineté au profit du gouvernement. Le transfert n’est pas total, car l’individu conserve pour lui une partie de ses droits, ceux qui sont étroitement liés à l’individu : la liberté et le droit de propriété.
Le contrat social de John Locke crée une opposition fondamentale entre l’individu et l’Etat. Le pacte social est un traité de paix qui pose une frontière entre l’individu et l’Etat, c’est-à-dire qu’on va délimiter le domaine respectif de l’Etat et de l’individu. Il y a donc une survivance de l’état de nature.
La chose est importante. Avant 2020, quoi que cela pourrait être discuté, l’Etat français se référaient aux idées de Locke. L’Etat respectait plus ou moins bien les libertés de chacun et le droit de propriété. En 2020, l’Etat bascule de manière brutale et visible dans l’absolutisme de Hobbes. Les libertés ne sont plus garantie et s’annonce la fin de la propriété privée. A la vérité, le processus de basculement entre Locke et Hobbes fut plus progressif. Il commença sous Valery Giscard d’Estaing et s’accéléra avec Nicolas Sarkozy puis Hollande. Emmanuel Macron parachevant une mutation commencé depuis bien longtemps.
Pour Locke, la souveraineté de l’Etat est limitée de deux manières :
- L’individu peut refuser l’obéissance si le souverain excède les limites posées par le contrat (droit de désobéissance).
- L’individu peut s’opposer au souverain en fonction des limites posé par le contrat (droit d’insurrection).
Nous pourrions disserter longtemps sur l’évolution du droit de désobéissance et d’insurrection. Il n’existe plus sous la France de Macron. Là encore le processus fut long et progressif. Je date de la présidence de Nicolas Sarkozy sa première remise en cause. Avec Sarkozy et son Premier ministre (François Fillon), pour la première fois, le pouvoir politique niait le droit du peuple à contester dans la rue les décisions politiques du pouvoir. Manifester et faire grève ne servaient plus à rien, l’Etat restait droit dans ses bottes. Jacques Chirac fut le dernier président a céder face à un intense mouvement populaire (CPE en 2006).
Le sommet fut atteint avec le mouvement des gilets jaunes qui fut traité comme un mouvement de factieux dangereux pour la « démocratie » par une classe politico-médiatique unanime. Or, un Etat qui ne garantit plus aux citoyens le droit à la désobéissance et à l’insurrection, ne saurait se référer à Locke. Nous sommes entrées de plein pied dans le contrat social de Hobbes. Un contrat qui ne tolère aucun droit à la remise en cause du souverain. Rappelez-vous, seule une défaite militaire totale ou une guerre civile peut mettre fin au Léviathan. Pour Locke, il y a un droit à la désobéissance, et même à l’insurrection lorsque le chef de l’Etat viole le contrat. Or, vous conviendrez avec moi, qu’un Etat qui criminalise le doit à l’insurrection et à la désobéissance interdit toute contestation de son autorité. Reste alors comme seul issu possible au Léviathan sa destruction par une guerre civile. Macron et la cliques qui l’entoure est donc entrée dans une spirale mortelle avec le peuple.
Parlons concrètement. Lorsque nous utilisons l’expression contrat social, nous faisons référence à un contrat bien réel. C’est une Constitution adoptée par référendum. Or, sommes nous encore sous un véritable contrat social ?
Le contenu de la Constitution a été modifié sans le consentement populaire, de trop nombreuses fois depuis les années soixante-dix. On a utilisé la voie du Congrès au détriment du référendum.
De même, et c’est le plus grave, le fondement philosophique du texte constitutionnel a été modifié sans que le peuple n’ait été consulté et encore moins informé. La Constitution de la Cinquième République, encore en vigueur se réfère clairement et sans ambiguïté aux valeurs de John Locke (garantie des libertés et de la propriété privée). Or, le pouvoir politique et médiatique considère que le modèle de référence est désormais Thomas Hobbes avec un Etat absolu voir totalitaire auquel il est interdit de s’opposer. C’est un véritable coup d’Etat silencieux. Pour la première fois dans l’histoire politique française, il y a une discordance entre la lettre du texte de la Constitution et l’exercice réel du pouvoir par les médias et les hommes politiques.
Avec Rousseau, le contrat crée un Etat qui ne doit pas porter atteinte à l’autonomie individuelle. L’Etat est composé de l’ensemble des individus vivant sur un territoire. Chacun est sujet de l’Etat et membre de cet Etat. Une double appartenance qui est fondamentale. Il dispose des deux casquettes. Cela a une conséquence concrète, la loi votée par l’Etat est l’expression de la volonté générale, c’est-à-dire de la volonté de l’ensemble du peuple. Pour cela, il faut que la loi soit votée par l’ensemble de la population, c’est-à-dire à l’unanimité, de telle sorte que chacun ayant consentie à la loi, soit obligé de la respecter.
Le modèle de Jean-Jacques Rousseau, en ce qui concerne la France, ne fut jamais mis en œuvre. Nous pouvons éventuellement le retrouver en Suisse, avec les votations, une sorte de référendum d’initiative populaire (le RIC version helvétique) qui permet l’intervention directe du peuple dans la discussion et l’adoption d’une loi.
B. « Moby Dick » d’Herman Melville.
Il faut en venir au roman d’Herman Melville sur la baleine blanche « Moby Dick« . Un de mes romans culte.
Malgré son apparence, le livre est un ouvrage politique d’une très grande puissance. Il ne parle pas seulement de la pêche à la baleine. Le poisson géant devient une sorte de métaphore de Dieu et de l’infini de l’univers, comme le fait justement remarquer Jorge Luis Borges, dans la préface du roman en version espagnole (bienheureux les lecteurs maîtrisant la langue de Cervantès). J’aurais aimé lire et comprendre l’espagnol, uniquement pour pouvoir lire la traduction de Borges.
« Durant l’hiver 1851 Melville publia Moby Dick, le roman infini qui a été déterminant pour sa gloire. Page après page le récit s’agrandit jusqu’à usurper les mesures du cosmos ; au début, le lecteur peut supposer que le sujet en est la vie misérable des chasseurs de baleine ; puis il croit que le thème en est la folie du capitaine Achab, dont l’idée fixe est d’attaquer et de tuer la Baleine blanche ; et il réalise enfin que la Baleine et Achab et cette poursuite qui n’en finit pas sur les océans de la planète sont des symboles et des miroirs de l’Univers. » (Jorge Luis Borges, Œuvres complètes, Préfaces avec une préface aux préfaces, La pléiade, p. 403).
Le héros du roman, le jeune Ismaël va rejoindre le « péquod« , le navire du capitaine Achab afin de chasser la baleine.
« Mais comment se fait-il qu’après avoir maintes fois reniflé l’air comme un marin marchand, je me suis mis dans la tête de faire un voyage pour pêcher la baleine ? L’invisible espion des Parques qui me surveille tout le temps et m’influence mystérieusement peut le dire, lui, mieux que quiconque ; et mon voyage à la pêche à la baleine fait partie du grand programme que la Providence a établi depuis longtemps. (…) Un des premiers de ces mobiles était la prodigieuse image de la grande baleine elle-même. Ce monstre étrange et mystérieux éveille ma curiosité. » (Herman Melville, Moby Dick, folio classique, p.46-47).
Achab avait perdu une de ses jambes dans un combat homérique contre Moby Dick. Après sa défaite, il resta endormi trois jours et trois nuits comme mort, avant de revenir à la vie. Depuis cette date, il est obsédé la baleine blanche. Il là cherche durant tout le roman comme une obsession.
« – Oui Starbuck, oui vous tous, gars, c’est Moby Dick qui m’a démâté ; c’est à Moby Dick que je dois ce moignon mort sur lequel je m’appuie maintenant. Oui, oui, brama-t-il avec un sanglot bruyant, animal, terrible, le sanglot d’un élan frappé au cœur ? Oui, c’est cette baleine blanche maudite qui m’a démâté, qui a fait de moi pour l’éternité un pauvre terrien boitillant !
Dressant alors les deux bras en l’air, il hurla sans mesure des imprécations.
– Oui, oui, je la pourchasserai autour du cap de Bonne-Espérance, et autour du cap Horn, et autour du Maelström de Norvège, et autour des flammes de l’enfer, avant de renoncer à l’atteindre ! Et c’est pour ça que vous vous êtes embarqués, les gars ; pour chasser cette baleine blanche, des deux côtés du globe jusqu’à ce qu’elle rejette du sang noir par ses évents et roule sens dessus dessous, les nageoires en l’air. Qu’est-ce que vous en dites, les gars ? Serrons-nous les mains pour cette entreprise ; êtes-vous d’accord ? Vous n’avez pas l’air d’avoir froid aux yeux ! » (Herman Melville, Moby Dick, folio classique, p.235).
La quête d’Achab est une lutte à mort, contre la force qui se cache derrière la baleine.
« – Te venger sur une simple brute muette, répliqua Starbuck, qui ne t’a frappé que par l’instinct le plus aveugle… Folie ! S’acharner contre une chose muette, capitaine Achab, me semble un blasphème.
– Une fois de plus écoute-moi, et un ton en dessous. Gars, tous les objets visibles ne sont que des mannequins de carton, mais dans chaque événement… dans l’acte vivant… derrière le fait incontestable, quelques chose d’inconnu et qui raisonne se montre derrière le mannequin qui, lui, ne raisonne pas. Si l’homme veut frapper, qu’il frappe à travers le mannequin ! Comment le prisonnier pourrait-il s’évader, atteindre l’air libre sans percer la muraille ? Pour moi, cette baleine blanche est cette muraille, tout près de moi. Parfois je crois qu’au-delà il n’y a rien . Mais tant pis. Ca me travaille. Ca m’écrase ! Je vois en elle une force outrageante avec une ruse impénétrable que je hais avant tout, et que la baleine blanche soit l’agent ou que la baleine soit k’essentiel, j’assouvirai cette haine sur elle. » (Herman Melville, Moby Dick, folio classique, p.236).
La baleine Moby Dick provoque une peur panique chez la plupart des marins.
« Car le fabuleux naît du corps même de tout événement surprenant et terrible (comme l’arbre abattu donne naissance au champignon) et dans la vie maritime, les rumeurs folles sont nombreuses partout où il y a une réalité suffisante pour qu’elles puissent prendre racine. En cela, la mer dépasse la terre (…) Avec un métier comme le sien, le baleinier est enveloppé d’influences qui tendent toutes à féconder son imagination de maintes naissances féeriques.
Quoi de surprenant alors si, d’avoir traversé d’aussi vastes espaces, les jets de la Baleine Blanche ont fini par être gonflés de toutes sortes de suggestions morbides informes comme le fœtus et surnaturellement agencées ? Moby Dick entraînait avec elle tout un appareil de terreurs invisibles. Son nom seul provoquait une telle panique que très peu de chasseurs, parmi ceux qui l’avaient entendu, consentaient à affronter les périls de sa gueule. » (Herman Melville, Moby Dick, folio classique, p.256-257).
Pour Achab, Moby Dick représente une puissance maléfique incommensurable qu’il tente de vaincre par tous les moyens.
« Le plus terrible était que, dans sa frénésie maniaque, il en arrivait à l’identifier, non seulement avec toutes ses souffrances physiques, mais aussi avec ses souffrances morales. La Baleine Blanche nageait devant lui comme l’incarnation de toutes ces puissances malignes que certains hommes de nature profonde sentent en train de les ronger (…) dans son délire, il les incarnait dans la Baleine Blanche tant détestée, et, tout mutilé qu’il était, il se lançait contre elle. Tout ce qui rend fou et qui tourmente, tout ce qui remue le fond trouble des choses, toute vérité contenant une partie de malice, tout ce qui est démoniaque dans la vie et dans la pensée, tout mal était pour ce fou d’Achab, visiblement personnifié, et devenait affrontable, en Moby Dick. Il avait amassé sur la bosse blanche de la baleine la somme de rage et de haine ressentie par toute l’humanité depuis Adam, et, comme si sa poitrine avait été un mortier, il y faisait éclater l’obus de son cœur brûlant. » (Herman Melville, Moby Dick, folio classique, p.261-262).
On découvre que le Léviathan de Melville est une créature démoniaque vivant au milieu de la mer. Elle est indestructible. Le combat entre Achab et Moby Dick dura trois jours et se termina par la défaite totale d’Achab. Il ne connaîtra pas le même destin que Jonas, Persée ou Héraclès.
C. « Les possédés » de Fiodor Dostoïevski.
1912, le tsar Nicolas II célèbre en grande pompe le centenaire de la campagne de Russie. Un an plus tard en 1913, nouvelle grande fête cette fois-ci pour le quatrième centenaire de la dynastie des Romanov. L’empereur et son régime semblent au sommet de sa gloire. Et pourtant, l’année suivante éclatera la Grande Guerre qui lui sera fatale. Il ne le sait pas encore, mais il ne lui reste que cinq ans à vivre. Un régime millénaire va bientôt s’effondrer sous les yeux éberlués du monde. Une stupéfaction considérable qui allait provoquer un tremblement de terre mondiale dont nous ressentons encore les contrecoups. J’exagère à peine, tant 1917 fut une date majeure dans l’histoire de l’humanité, comme le fut jadis 1789. Il y aura, un avant et un après. Pourtant, la catastrophe était tellement prévisible. La bête de l’Apocalypse allait prendre le contrôle de la Russie, première marche vers le contrôle du monde. Certains esprits éclairés avaient annoncé ce qui allait arriver. Personne ne les a entendus, ne les a pris au sérieux.
Un siècle plus tard, presque jour pour jour, Emmanuel Macron commémorait, le 11 novembre 2018, le centenaire de l’armistice de la Première Guerre mondiale. Planait, autour de la cérémonie des ombres bien menaçants, comme jadis autour de Nicolas II. Je m’en étais étonné à l’époque dans plusieurs de mes textes. Les futurs gilets jaunes pointaient déjà leurs nez autour d’un Macron aveugle, lors de son parcours mémoriel en Picardie, scène surréaliste diffusée en direct sur les chaînes d’information. De même, la dictature se préparait dans les arrières cabinets ministériels ou dans les instances européennes, quasiment à ciel ouvert. La encore, il suffisait d’observer et de lire les documents gouvernementaux qui circulaient, pour comprendre qui allait arriver. J’en parlais dans plusieurs textes sans être beaucoup pris au sérieux. La bête de l’événement allait prendre le pouvoir, et certains feignant d’être étonné. Une étrange coïncidence entre la Russie et la France à cent ans d’écart.
En 1857 sortait un livre d’Henry Thomas Buckle, « Histoire de la civilisation en Angleterre » qui à ma connaissance n’a jamais été traduit en Français. Ce qui est une grave lacune. Une habitude très française. Une certaine élite qui contrôle la presse et le monde l’édition passent toujours à côté des œuvres majeures pourtant diffusé et connu dans le reste du monde. Un oubli volontaire, car ce genre d’idée va à l’encontre de leurs intérêts fondamentaux.
Le même travail fut réalisé partiellement pour la Révolution française par Paul Hazard dans son remarquable « La Crise de la conscience européenne« . J’ai en particulier beaucoup apprécié ses développements sur la comète de 1680 et le combat des modernes contre l’existence du diable. Ils voulaient nier l’existence des manifestations du surnaturel catholiques, afin de le remplacer par une autre forme de surnaturelle, celui de la science. Je traiterais ce cette question dans l’article suivant sur le synarchisme. Il faudra prendre le temps de bien expliquer les choses.
L’écrivain anglais pour les Révolutions anglaises (1651 et 1689) et son homologue français pour la Révolution française de 1789 vont expliquer que les deux événements avaient été précédés d’un intense travail intellectuel. Ce travail intellectuel prépara le terrain et les esprits à la révolution réelle, à la prise du pouvoir des idées nouvelles par ceux qui les défendent. La révolution intellectuelle précède toujours un renversement révolutionnaire de l’ordre établi. Les deux livres montrent l’importance de la bataille des idées pour conquérir la direction d’un pays.
La Russie a connu ce genre de révolution intellectuelle à partir de 1860 annonçant une terrible chute pour l’autocratie russe.
Un article publié dans le journal russe « kolokol » (la cloche) publié au début de l’année 1860 un article qui reprend le concept d’une guerre des idées annonciatrice de la prise du pouvoir des idées nouvelles. J’ai trouvé le texte dans l’histoire de la Russie de Michel Heller.
« De tous les points de notre immense patrie, du Don et de l’Oural, de la Volga et du Dniepr, un gémissement s’élève, et prend de l’ampleur, le tumulte monte : c’est le premier grondement de la vague marine écumante, annonciatrice de tempêtes. » (Michel Heller, Histoire de la Russie et de son Empire, tempus, p. 1138).
De cette effervescence culturelle russe, va naître une œuvre majeure, celle de Fiodor Dostoïevski et plus particulièrement son roman « les possédés » ou « les démons » selon la traduction du titre. Dans la meilleure version, celle des éditions « livre de poche », les deux titres sont présents sur la couverture.
Le titre original, c’est « Бeсы« , qui se prononce « biéssi« . « Biéssi », est un mot pluriel qui désigne des entités démoniaques qui vivent au milieu des hommes et les poussent à faire des choses mauvaises. J’ai toujours été fasciné par l’intense vocabulaire de la langue russe pour parler du diable et de ses agents. Nous ne disposons pas d’autant de mots dans la langue française. Le diable est une obsession typiquement russe, il est omniprésent chez Dostoïevski. Les démons qui amènent les hommes à mal agirent sur le fond en prenant également possession de l’âme.
En exergue du roman, l’auteur présente deux textes.
Le premier concerne une poésie d’Alexandre Pouchkine qui décrit très biens les petits démons qui poussent les hommes à mal agir et la possession qu’ils entraînent.
« Quand vous me tueriez, je ne vois nulle trace ;
Nous nous sommes égarés, qu’allons-nous faire ?
Le démon nous pousse sans doute à travers les champs
Et nous fait tourner en divers sens.Combien sont-ils ? Où les chasse-t-on ?
Pourquoi chantent-ils si lugubrement ?
Enterrent-ils un farfadet,
Ou marient-ils une sorcière ?«A. Pouchkine.
Une ancienne version (le premier lien) sans annotation en commentaire.
Le deuxième extrait cité par Dostoïevski est beaucoup plus clair. Un homme était possédé par plusieurs démons. Jésus va le libérer de sa possession. Les démons quittèrent le corps de l’homme et entrèrent dans celui d’un troupeau de porc. Le troupeau possédé se jeta dans un lac et fut noyé.
« Or, il y avait là un grand troupeau de pourceaux qui paissaient sur la montagne ; et les démons Le priaient qu’Il leur permît d’entrer dans ces pourceaux, et Il le leur permît. Les démons, étant donc sortis de cet homme, entrèrent dans les pourceaux, et le troupeau se précipita de ce lieu escarpé dans le lac, et fut noyé. Et ceux qui les paissaient, voyant ce qui était arrivé, s’enfuirent et le racontèrent dans la ville et à la campagne. Alors les gens sortirent pour voir ce qui s’était passé ; et étant venus vers Jésus, ils trouvèrent l’homme duquel les démons étaient sortis, assis aux pieds de Jésus, habillé et dans son bon sens ; et ils furent saisis de frayeur. Et ceux qui avaient vu ces choses leur racontèrent comment le démoniaque avait été délivré. » (Évangile selon saint Luc, ch. VIII, 32-37.)
La question du titre du livre est loin d’être anecdotique. Il donne une idée sur le contenu et sur la manière d’interpréter les personnages. Attention, il existe deux versions des « Possédés » en livre de poche.
La deuxième version, la plus récente (deuxième lien), qui comporte de nombreux commentaires pour comprendre l’arrière-plan du texte. J’ai lu les deux livres, et je vous recommande la version plus récente ci-dessus.
La publication des « possédés« , eut lieu en 1871, au moment où à Paris les communards tentèrent de renverser une assemblée à majorité monarchiste et où à Rome le pouvoir temporel du Pape était remis en cause par la création d’un Etat italien unifié. Les deux mouvements révolutionnaires français et italien ont été mené par la franc-maçonnerie contre les valeurs royalistes et catholiques. Un remake de 1789.
Le roman montre l’intense bataille des idées qui précéda la Révolution russe. On assiste, comme un témoin, à l’ensemble du processus. Le roman sur ce point est d’une incroyable richesse. A lire, à relire, à étudier dans le détail pour comprendre comment renverser un pouvoir millénaire. Nous voyons naître sous nos yeux le futur Léviathan.
A l’époque les gens se réunissaient dans des salons, dans des clubs et discutaient de politique et de religion. C’est dans ce milieu que vont naître des « idées nouvelles« , pour reprendre l’expression de Dostoïevski.
« L’époque était alors singulière ; quelque chose de nouveau était né qui ne ressemblait en rien à l’ancien calme, quelque chose de vraiment très étrange mais qu’on ressentait partout; même à Skvorechniki. Divers bruits nous parvenaient. Les faits étaient connus, plus ou moins, mais il était évident qu’outre les faits il y avait des idées nouvelles qui les accompagnaient et cela à profusion. Or c’est là ce qui était troublant : on ne parvenait pas à s’adapter et à savoir ce que ces idées signifiaient au juste. » (Dostoïevski, Les possédés, livre de poche, p. 47)
Les deux personnages principaux du roman, la riche Varvara Petrovna Stavroguine et Stepane Trofimovich Verkhovenski, le précepteur de son fils, vont prendre part activement à cette promotion des « idées nouvelles ».
« Varvara Pétrovna se lança entièrement dans les « idées nouvelles » et donna des soirées. Elle invita les littérateurs et on lui amena aussitôt une foule. Plus tard ils vinrent d’eux-mêmes, sans invitation ; l’un amenait l’autre. Jamais encore elle n’avait vu pareils littérateurs. Ils étaient incroyablement vaniteux, cela tout à fait ouvertement, comme s’ils remplissaient par là un devoir. Certains (quoique pas tous, et de loin) allaient jusqu’à se présenter ivres mais comme s’ils voyaient en cela une beauté particulière, découverte de la veille seulement. Ils étaient tous étrangement fiers de quelques chose. Sur tous les visages était écrit qu’ils venaient tout juste de découvrir quelque secret d’une importance capitale. (…) Il était assez difficile de savoir ce qu’ils avaient écrit au juste ; pourtant, il y avait là des critiques, des romanciers, des dramaturges, des satiriques, des pamphlétaires. » (Dostoïevski, Les possédés, livre de poche, p. 48)
Les fils des deux personnes personnages principaux, Piotr Verkhovenski et Nikolaï Stavroguine, vont créer une cellule secrète afin de préparer la prise du pouvoir des « idées nouvelles » et le renversement de la monarchie. Avec un prodigieux talent littéraire Fiodor Dostoïevski, va montrer le basculement d’une simple discussion amicale dans des salons littéraire, certains vont basculer dans l’action, dans la mise en œuvre concrète des « idées nouvelles ». On passe de la vitrine légale à l’action terroriste clandestine. Cela me fait penser aux poupées matriochka, tellement emblématique de l’âme russe.
« Piotr Stepanovitch avait réussi à former chez nous un « groupe de cinq » à l’instar de celui qu’il avait déjà créé à Moscou et aussi, comme on le sait aujourd’hui, dans notre district, parmi les officiers. Ces cinq élus étaient maintenant assis autour de la table commune et avaient très habilement su se donner l’air de gens ordinaires, de sorte que personne n’aurait pu les reconnaître pour ce qu’ils étaient. (…) Ces cinq-là avaient tous constitué leur premier groupe avec l’ardente conviction qu’il ne s’agissait que d’une unité parmi des centaines et des milliers d’autres groupes de cinq comme le leur disséminés dans toute la Russie, et que tous dépendaient de quelque lieu central, immense mais secret, qui à son tour était organiquement lié à la révolution universelle en Europe. » (Dostoïevski, Les possédés, livre de poche, p. 483-484)
On reste muet de stupéfaction, lorsque l’auteur explique comment les cellules révolutionnaires vont s’organiser pour prendre le pouvoir.
« Ecoutez, nous fomenterons des troubles, balbutiait l’autre rapidement et presque comme en proie au délire. Vous ne croyez pas que nous formerons des troubles ? Nous fomenterons de tels troubles que tout s’en ira sur ses bases. (…) Dix petits groupes seulement comme celui-ci à travers la Russie, et je suis insaisissable. (…) Encore quelques groupes comme celui-là et, j’aurai partout des passeports et de l’argent, ne fût-ce que cela. Ne fût-ce que cela ? Et des lieux sîrs, et on n’aura qu’à chercher. Qu’on extirpe un groupe, on se cassera les dents sur un autre. Nous déclencherons des troubles… » (Dostoïevski, Les possédés, livre de poche, p. 514)
En lisant ses lignes, j’ai l’impression que l’on parle de cellule terroriste islamique d’al Qaïda ou de Daesh. Le propre d’un chef d’œuvre universel est que chaque époque croit y lire une description des événements qu’il vit. Le génie littéraire comprend le sens de la marche du monde, il sait lire dans l’inconscient collectif, les archétypes universels qui influencent les hommes. Et encore, je ne parle pas de tous les sujets qu’évoquent « les possédés« , il est question de destruction de l’éducation pour fabriquer des crétins (plus docile) ou de comment faire une propagande efficace. Deux sujets d’une incroyable modernité.
Je voulais me concentrer plus spécifiquement sur le modèle de société que proposent les « hommes nouveaux« . Un des membres du groupe des cinq, Chigaliev, a écrit un livre où il propose une organisation politique de la société selon les nouvelles idées. Là encore, accrochez-vous. Vous n’allez pas en croire vos yeux (ou vos oreilles, si vous lisez mon texte à haute voix).
« Il propose, à titre de solution définitive du problème, le partage de l’humanité en deux parties inégales. Un dixième obtient la liberté individuelle et des droits illimités sur les neuf autres dixièmes. Ceux-ci doivent perdre leur individualité et devenir une sorte de troupeau et, par une obéissance absolue, parvenir, au moyen d’une série de transformations, à l’innocence primitive, quelques choses comme le paradis primitif, quoiqu’ils doivent cependant travailler. Les mesures que préconise l’auteur pour enlever la volonté aux neuf dixièmes de l’humanité et pour transformer en un troupeau, au moyen de la rééducation de générations entières, sont très remarquables, fondées sur des données naturelles et forts logiques. » (Dostoïevski, Les possédés, livre de poche, p. 498)
L’auteur propose une division de l’humanité en deux groupes. Une élite composé de dix pourcent de la société et une masse de gueux de quatre-vingt dix pourcent.
- Elite : 10 %.
- Masse de gueux : 90%.
Les « dix pour-cent » disposent de droits alors que le reste n’en a aucun, sauf celui d’obéir à l’élite.
Le texte parle de « troupeau », comme des moutons. Un terme méprisant.
Nous sommes loin des idées de Karl Marx sur l’exploitation du peuple par de riches capitalistes et la dictature du prolétariat comme solution.
Le projet est un contre-marxisme. Il faut renforcer la domination des capitalistes sur les ouvriers et instaurer une dictature de l’élite économique.
D’ailleurs petite parenthèse, j’ai toujours été étonné, qu’en France, les chercheurs et intellectuels fasse du régime bolchevique russe une filiation quasi-exclusive vers le marxisme. C’est une grave erreur. Le bolchevisme est né du foisonnement intellectuel russe. Ses références sont presque exclusivement russes.
Il faut citer, parmi tant d’autres, le roman « Que faire ?« , de Nikolaï Tchernychevski, qui joua un rôle considérable dans la préparation intellectuel à la Révolution de 1917.
Lénine a lu avec passion le roman de Tchernychevski. Il lui a rendu hommage en intitulant l’un de ses livres du même titre. « Que faire ?« , n’est pas le titre d’un livre de Lénine par hasard. Le livre de Lénine, est, comme le roman de Tchernichevski, une œuvre fondamentale pour comprendre la révolution russe.
Il faut lire a ce sujet, un excellent article d’Irina Paperno sur « Tchernychevski et l’âge du réalisme » sur « open éditions book ». Voici ce qu’elle dit sur l’influence du que-faire ? » dans l’histoire politique russe.
« De l’avis de nombre de contemporains – tant parmi les admirateurs de Tchernychevski que parmi ses critiques les plus féroces –, aucun autre ouvrage, aucun roman de Tourgueniev ou de Dostoïevski, aucun écrit de Tolstoï n’eut une influence aussi palpable sur la société russe et les lecteurs de l’époque que ce roman (que beaucoup jugeaient mal écrit). Certains contemporains le qualifièrent de « nouvel Évangile » et le comparèrent, par son impact, à la Bible. Des années plus tard, Lénine déclara que ce livre était l’un de ceux qui avait le plus contribué à faire de lui un révolutionnaire. En Union soviétique, il figurait dans les lectures obligatoires des programmes scolaires. » (Irina Paperno, Tchernychevski et l’âge du réalisme, Tchernychevski et l’âge du réalisme – Individu et littérature – ENS Éditions (openedition.org)
Tchernychevski ne parle pas seulement du programme politique qui fut mis en oeuvre à partir de 1917, mais du Léviathan de 2020. C’est pour cela qu’il faut lire et relire le « Que faire ? » de tchernychevski comme celui de Lénine à l’aune de la dictature sanitaire.
Les aventures de Rakhmetov sont sur ce point très actuelle. Comme chez Dostoïevski, il est question d’une hiérarchisation de la société entre les « hommes nouveaux« , c’est-à-dire la couche dirigeante et le reste du peuple. La hiérarchisation de la société entre une élite supérieure et une masse de gueux est l’une des marques de la bête. Elle indique a coup sûr que le léviathan n’est pas loin. Nous retrouvons cette logique dans la dictature sanitaire née en 2020.
Autre moment important dans le passage des « possésés » cité plus haut. L’auteur fait référence au « paradis primitif » et à « l’innoncence primitive« . Il y a beaucoup de choses à dire à ce sujet.
Qu’est-ce que le « Paradis primitif ?
C’est le Paradis avant l’expulsion d’Adam et Eve, avant la faute du serpent. Pour être plus précis l’auteur parle « d’une série de transformations de l’innocence primitive« . Il est question clairement de l’intervention du serpent, c’est-à-dire du diable qui a mis fin à l’innocence du couple initiale. Adam et Eve ayant été expulsé par Dieu, ils n’ont plus accès au Paradis. Avec le Christ et son sacrifice, les hommes peuvent retourner au Paradis après la mort, si, et seulement si, ils se sont bien comportés durant leur vie. Le Paradis est une récompense donnée par Dieu.
Chigalov et avec lui les « hommes nouveaux » veulent déplacer le Paradis sur terre et le donner uniquement à certains hommes, membre de l’élite, c’est-à-dire au dix pour-cent. Les quatre-vingt-dix pour-cent restant n’auront que l’enfer sur terre, mais cela n’est pas dit explicitement, mais on le devine par le sens du texte.
C’est une violation de la loi divine. En plus d’être au Ciel après la mort, le Paradis est réservé potentiellement à tous les hommes chrétiens. L’élite chigalévienne n’est ni chrétienne, ni méritante par son comportement. C’est une inversion totale du sens de la religion chrétienne typiquement satanique. Le paradis pour les « mauvais hommes » et l’enfer pour les « bons hommes ».
« – Je propose non pas une infamie, mais un paradis, le paradis terrestre, et il ne peut y en avoir d’autres sur terre, conclut impérieusement Chigaliev.
– Et moi, au lieu du paradis, s’écria Liamchine, je prendrais ces neuf dixièmes de l’humanité, si tant est qu’on ne sache qu’en faire, et je les ferais sauter , et je ne laisserait qu’une poigné de gens instruits qui commenceraient à vivre heureux scientifiquement. » (Dostoïevski, Les possédés, livre de poche, p. 498)
Ce passage est mondialement connu, fut commenté et cité d’inombrable fois. Il aborde un autre élément important du projet politique des « hommes nouveaux ». Le génocide de masse.
L’un des contradicteurs de Chigaliev propose, comme solution au problème des neuf dixièmes de la population, une extermination de masse. On pense immédiatement au Goulag et aux effroyables massacres de la guerre civile (1918-1921).
Chose étonnant, depuis que je suis enfant, j’entends parler du chiffre hallucinant et surréaliste de cent millions de morts pour le régime communisme russe. Il faut lire « les possédés » pour comprendre le code envoyés par ces gens-là. Plusieurs fois dans le roman, les membres de la cellule révolutionnaire parlent de tuer cent millions de personnes. Le chiffre revient comme un leitmotiv récurrent dans leurs bouches. C’est un chiffre imaginaire inventé par Dostoïevski. Il ne correspond à aucune réalité historique. Cela n’enlève rien au caractère sanguinaire du régime soviétique, mais soyons précis et exact pour combattre plus efficacement le mal.
En lisant ce passage, je pense aussi à notre époque, au génocide silencieux du prolétariat par la dictature sanitaire. Le grand projet du Léviathan est d’éliminer le surnombre des humains.
Je pourrais encore parler de longues heures du roman de Dostoïevski, un livre qui exerça une profonde influence sur ma pensée politique.
Je voulais pour terminer sur ce sujet parler de la dimension religieuse des « hommes nouveaux » du Léviathan. Nous l’avons entraperçu parfois au grès des extraits. A un moment dans le livre, l’un des personnages pose la question qui tue, la seule vraie question qui sous-entend toutes les autres : croyez-vous en Dieu ? C’est la question essentielle, la seule et unique qui a de l’importance.
« – Je voudrais seulement savoir : vous-même croyez-vous en Dieu ?
– Je crois en la Russie, je crois à son orthodoxie… Je crois au corps du Christ… Je crois que c’est en Russie qu’aura lieu le nouvel avènement… Je crois… Begaya Chatov délirant.
– Mais en Dieu ? en Dieu ?
– Je… Je croirai en Dieu. » (Dostoïevski, Les possédés, livre de poche, p. 320)