Littérature

La France périphérique et Fractures françaises de Christophe Guilluy.

Je vous présente ensemble l’analyse de deux livres du géographe et sociologue Christophe Guilluy : “Fractures françaises” (2010) et “La France périphériques” (2015).

Les deux recueils traitent du même sujet. Cinq ans venant séparer leurs publications, l’auteur a été obligé de revenir et d’affiner sa recherche sur la division de la société française en deux blocs désormais irréconciliables. La France mondialisée et la France périphérique.

Il m’a paru intéressant de revenir sur le sujet compte tenu de l’actualité de la crise migratoire et de la révolte des gilets jaunes. Car il me semble que l’on ne peut rien comprendre à ces deux crises sans avoir lu Christophe Guilluy.

Il montre une population blanche des classes populaires ou moyennes chassés du territoire des grandes villes par un double processus.

Les classes supérieures occupent les centres des grandes villes en chassant les gens modestes de leurs quartiers traditionnelles. C’est la gentrification.

La classe aisée alliée avec les populations immigrées de la banlieue chasse également les personnes « blanche » de milieu pauvre de la banlieue

Ce double départ les repousse vers ce que Guilluy appelle la « France périphérique », c’est-à-dire les villages autour des métropoles et la campagne au coeur du pays.

L’alliance des « bobos » et des étrangers se fait contre les Français de souche.

Le problème est que les grandes métropoles voient également une concentration de l’activité économique, des administrations et des transports.

« Cette recomposition sociale et économique est portée par la « métropolisation », c’est-à-dire la concentration dans les grandes villes des activités qui portent désormais l’économie française ; un modèle de développement économique qui n’intègre pas les classes populaires. Pour la première fois dans l’histoire, les classes populaires ne sont plus au coeur de la production des richesses. Si le marché de l’emploi métropolitain créé les conditions de la présence des cadres, et à la marge, des immigrés, il créé à l’inverse les conditions de l’éviction des plus modestes. Le résultat est imparable.
Ouvriers, employés, petits paysans, petits indépendants, retraités et jeunes de ces catégories vivent désormais à l’écart des « territoires qui comptent » (…) Elle contribue à une recomposition du paysage politique entre ceux qui plébiscitent la mondialisation libérale et ceux qui la subissent »

(Christophe Guilluy, Fractures françaises, p. 91-92 ; 93).

La classe aisée, vainqueur de la mondialisation, plébiscite la mixité dans les villes. Ils utilisent l’immigration comme force de travail bon marché. Elle l’utilise contre le français de souche. Mais attention, la classe aisée si favorable aux étrangers ne veut pas vivre à leur proximité. La mixité en parole, mais surtout pas en acte.

« Contrairement à la bourgeoisie traditionnelle, les bobos vivent dans des quartiers marqués par une très grande mixité sociale et ethnique. Ce choix résidentiel, souvent imposé par des opportunités foncières, témoigne a priori d’une plus grande tolérance à la diversité sociale et culturelle. Les bobos portent ainsi très haut l’argumentaire du « vivre ensemble ».
Dans ces quartiers, ce discours vient opportunément masquer la violence sociale engendrée par l’appropriation d’un parc de logements et de quartiers hier populaires. Il permet par ailleurs d’occulter le rapport de classes, pourtant très marqué, entre les bobos et les couches populaires.
(…)

L’analyse fine des quartiers mixtes des grandes villes montre ainsi une très grande segmentation du parc de logements. Dans ces quartiers en voie de gentrification, des copropriétés privées peuvent côtoyer, sur le même îlot, des groupes de logements sociaux ou d’immeubles privés précarisés. Cette fracture spatiale et sociale en forme de léopard est aussi une fracture ethno-culturelle. Dans les quartiers du Nord et de l’Est parisien, ceux qui s’embourgeoisent le plus rapidement depuis les années 1990, il n’est pas rare de trouver des copropriétés privées occupées exclusivement par des bobos, « blancs », jouxtant des immeubles où demeure une majorité de ménages précarisés d’origine maghrébine et africaine. Ces copropriétés privées, immeubles anciens, espaces industriels ou artisanaux réhabilités ou constructions nouvelles, se multiplient dans l’ensemble des anciens quartiers populaires. Ces espaces, souvent sécurisés, sont autant d’enclaves sociales. Ces espaces homogènes socialement et culturellement illustrent les limites de la “ville mixte ». (…) En plan rapproché, la ville « arc-en-ciel » laisse la place à un découpage du parc de logements qui nous ramène plus à l’Afrique du Sud au temps de l’Apartheid.
(…)
On a coutume d’opposer l’ouverture de la ville mixte à l’entre-soi xénophobe de la France pavillonnaire. L’analyse des stratégies résidentielles dans les quartiers hétérogènes et « boboïsés » montre que l’entre-soi des couches supérieures ne se porte pas mal dans les quartiers multi-culturels. Le grégarisme résidentiel des bobos avec digicode et interphone, n’a en réalité pas grand-chose à envier en matière de délimitation d’une sphère privée au petit lotissement. »

(Christophe Guilluy, Fractures françaises, p. 145-146).

Dans le cas de figure, de la vague migratoire des années 2010, on aide les étrangers pour ne plus aider les Européens de souches.
L’assistance des migrants se fait aux détriments des populations locales européennes que l’on précipite dans la pauvreté. L’aide que l’on accorde à ceux qui arrive d’Afrique, est payée sur l’argent que l’on donnait auparavant au plus modeste. On réduit donc, le soutien au gens les plus pauvre. Pendant ce temps, les riches, qui souvent, sont favorables à cet accueil, augmentent leurs revenus, sans donner un centime aux étrangers qui arrivent. De nombreuses pétitions de vedette du cinéma ou de la musique, qui circulent, demandent l’accueil des migrants. En revanche, leurs cachets n’ont jamais été aussi élevés, alors que les revenus des plus modestes sont en dessous du seuil de pauvreté.

C’est justement cette France périphérique que l’on retrouve dans le mouvement des gilets jaunes. La chose frappe l’esprit de ceux qui ont lu l’œuvre de Christophe Guilluy.

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