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La géographie sacrée 1 : Les cinq royaumes.

J’ouvre avec cet article, une série sur la géographie sacrée. Je travaille sur la géographie sacrée et ses liens avec l’astrologie depuis de nombreuses années. J’ai plusieurs centaines de pages de textes écrits sur le sujet. Le temps est venu de structurer cela sous forme d’article puis d’un livre. Le thème est important. Il est l’un des nombreux secrets de nos élites depuis la nuit des temps. Comme tout secret, il est bien gardé et n’est jamais évoqué auprès du grand public, car trop dangereux. Il faut commencer à lever le voile pour permettre à un public plus large de le connaître, car il constitue l’une des clefs du pouvoir qu’il détienne sur nous.

J’ai souhaité commencé cette série par un article sur le Ciel selon la tradition chinoise. Le Ciel, c’est le « ho-tou« , la Terre, c’est le « lo-chou« . J’ai déjà évoqué cette question dans mon livre sur « Nostradamus et l’astrologie mondiale« . Depuis sa publication, j’ai continué de travailler et de faire des découvertes. Il faut les actualiser à travers cet article.

Dans la culture chinoise, le Ciel est représenté par un cercle qui prend la forme du « ho-tou » (I) et des cinq vertus (II) qui fait se succéder les éléments dans le temps (III). C’est selon moi une des clefs de compréhension les plus importantes de la géographie sacrée.

I : Le « ho-tou ».

Le Ciel est représenté sous la forme d’un cercle avec quatre axes en forme de croix. C’est le « ho-tou ». C’est une idée commune dans l’ensemble des traditions liées à la géographie sacrée, que ce soit à Sumer, en Grèce ou à Rome. J’ai déjà abordé la question dans mon précédent livre « Nostradamus et l’astrologie mondiale » au point de vue du temps. Je reprends mes explications pour la présenter sous l’angle de la gestion géographique des civilisations. Le « ho-tou » correspond à une vision du monde de nature céleste la plus ancienne. Elle apparaît sous les Trois Augustes (A) et sous les Cinq Empereurs (B), avant d’être théorisé par Yu le Grand (C).

A : Les Trois Augustes.

Les Trois Augustes vont jouer un rôle important en matière de géographie sacrée. Ce sont trois souverains mythiques qui auraient vécu entre 2852 et 2798 avant Jésus-Christ, selon une datation établie par des historiens jésuites.

Les Trois Augustes sont :

1. Le couple Fou-Hi et Niu-Koua.

« Fou-hi a pour attribut l’équerre et a femme le compas. On les représente toujours se tenant enlacés, car leurs corps se terminent par un nœud de serpents. » (Marcel Granet, la pensée chinoise, Editions Albin Michel, l’évolution de l’humanité, p. 153).

a. Le serpent.
a-1. En Chine.

Fou-Hi et Niu-Koua sont deux époux. Ils ont donc régné en même temps pendant trente-deux ans (2852-2820 av. J-C). Ils avaient une tête humaine, mais un corps d’animal et en particulier une queue de serpent. Ils sont d’ailleurs souvent représentés avec leurs queues entremêlées. Le serpent représente presque toujours des forces négatives telluriques que la géographie sacrée tentent de contrôler pour assurer la tranquillité et l’équilibre du monde.

a-2. A Sumer.

Un texte célèbre de la mythologie sumérienne raconte la création du monde. C’est l’enuma elish, l’épopée de la création.

« Lorsque là-haut

Le Ciel n’était pas encore ferme

N’était pas appelée d’un nom,

Seuls Apsû-le-premier

Leur progéniteur,

Et Mère (?)-Tiamat,

Leur génitrice à tous,

Mélangeaient ensemble

Leurs eaux :

Ni bancs-de-roseaux n’y étaient encore agglomérés

Ni cannaies n’y étaient discernables.« 

(Jean Botéro, Lorsque les dieux faisaient l’homme, p. 604).

Tiamat est la déesse mère primordiale qui donna naissance aux dieux du panthéon sumérien. Elle est mariée avec Apsû. Une guerre va éclater entre les dieux et le couple primordial. Apsû puis Tiamat vont être tuées par Mardouk.

« S’accumula des Armes irrésistibles ;

Elle mit-au-monde des Dragons géants,

Aux dents (point)ues,

Aux crocs (?) impitoyables,

Dont elle emplit le corps

De venin en guise de sang ;

Et des Léviathan féroces,

Qu’elle revêtit d’épouvante.« 

(Jean Botéro, Lorsque les dieux faisaient l’homme, p. 610).

Tiamat est présenté dans la traduction de Jean Bottéro comme un « léviatan féroces« , qui donna naissance à une nuée de « Dragons géants ». Le Léviathan, aussi présent dans la Bible est un dragon ou d’un serpent de mer maléfique.

a-3. En Grèce.

En Grèce, comme dans la mythologie scandinave, le serpent est remplacé par le Géant. Le Géant, joue le même rôle que le serpent comme représentation des forces tellurique de la terre. Une force négative qu’il s’agit de contrôler par la géographie sacrée.

Toutefois, nous retrouvons parfois le serpent ou sa variante, le dragon lors de la fondation d’une ville.

Par exemple lors de la fondation de l’oracle de Delphes. Le lieu était gardé par un serpent, du nom de Python. Thémis (la déesse de la justice) se servait de l’endroit pour consulter un oracle.

« Apollon, quant à lui, apprit l’art de la prophétie de Pan, le fils de Zeus et de Timbréos, et il se rendit à Delphes, où, à cette époque, Thémis rendait des oracles. Mais le serpent Python, qui gardait l’oracle, l’empêcha de s’approcher des fissures par lesquelles s’exhalaient les prophéties : alors Apollon le tua, et il se rendit maître de l’oracle. » (Apollodore, la bibliothèque, Livre I, chapitre IV, 1).

Apollon tua le serpent et s’empara de l’oracle qui devint sous sa protection la Pythie, en hommage au python. Le serpent représente l’énergie primordiale du monde, son champ magnétique. Tuer le serpent, c’est prendre le contrôle de cette énergie négative pour la transformer en une force positive.

Autre exemple, avec la fondation de Thèbes par Cadmos

Il envoya quelques-uns de ses compagnons puiser de l’eau à la fontaine d’Arès. Mais un dragon montait la garde devant la source ; certains disent que c’était le fils d’Arès lui-même. Il tua presque tous les hommes que Cadmos avait envoyés. Furieux, Cadmos tua le serpent et, sur le conseil d’Athéna, il sema les dents de la bête. Des dents semées surgirent de la terre de nombreux hommes armés, qui furent appelés Spartoi. Aussitôt ils commencèrent à s’entre-tuer, les uns volontairement, les autres sans même en avoir conscience. Phérécyde, pour sa part, soutient que quand Cadmos vit surgir de la terre ces hommes armés, il leur jeta une pierre, et chacun d’eux, croyant que son compagnon l’avait lancée, engagea le combat. Seuls cinq se sauvèrent : Échion, Udéos, Cthonios, Hypérénor, et Péloros.” (Apollodore, la bibliothèqueEditions de l’Airep. 131)

Cadmos tue le dragon pour contrôler les forces primordiales de la terre afin de construire une puissante cité.

a-4. Dans la Bible.

Le serpent joue un rôle important dans l’Ancien Testament. C’est le cas du serpent de la Genèse ou de celui fort méconnu de Moïse.

« Puis Yahvé Dieu planta un jardin en Eden du côté de l’Orient, et il y mit l’homme qu’il avait formé. Et Yahvé Dieu fit pousser du sol toute espèce d’arbres agréables à voir et bons à manger, et l’arbre de la vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Un fleuve sortait d’Eden pour arroser le jardin, et de là il se partageait en quatre bras. Le nom du premier est Phison ; c’est celui qui entoure tout le pays d’Hévilath, où se trouve l’or. Et l’or de ce pays est bon ; là aussi se trouvent le bdellium et la pierre d’onyx. Le nom du second fleuve est Géhon ; c’est celui qui entoure toute la terre de Cousch. Le nom du troisième est le Tigre ; c’est celui qui coule à l’orient d’Assur. Le quatrième fleuve est l’Euphrate. » (Genèse, II : 8-14).

Le Jardin d’Eden, comme d’ailleurs, nous le verrons plus tard avec la Jérusalem céleste, constitue le modèle de base de la géographie sacrée. Intéressons-nous uniquement, pour l’instant, au serpent.

« Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que Yahvé Dieu ait faits. Il dit à la femme : « Est-ce que Dieu aurait dit : « Vous ne mangerez pas de tout arbre du jardin ? » La femme répondit au serpent : « Nous mangeons du fruit des arbres du jardin. Mais du fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n’en mangerez point et vous n’y toucherez point, de peur que vous ne mouriez. » Le serpent dit à la femme : « Non, vous ne mourrez point ; mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal. » La femme vit que le fruit de l’arbre était bon à manger, agréable à la vue et désirable pour acquérir l’intelligence ; elle prit de son fruit et en mangea ; elle en donna aussi à son mari qui était avec elle, et il en mangea.

Leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils connurent qu’ils étaient nus ; et, ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des ceintures. Alors ils entendirent la voix de Yahvé Dieu passant dans le jardin à la brise du jour, et l’homme et sa femme se cachèrent de devant Yahvé Dieu au milieu des arbres du jardin. Mais Yahvé Dieu appela l’homme et lui dit : « Où es-tu ? » Il répondit : « J’ai entendu ta voix, dans le jardin, et j’ai eu peur, car je suis nu ; et je me suis caché. »

Et Yahvé Dieu dit : « Qui t’a appris que tu es nu ? Est-ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger ? » L’homme répondit : « La femme que vous avez mise avec moi m’a donné du fruit de l’arbre, et j’en ai mangé. »

Yahvé Dieu dit à la femme :  » Pourquoi as-tu fait cela ?  » La femme répondit :  » Le serpent m’a trompée, et j’en ai mangé. «  » (Genèse, III : 1-13).

La confrontation de la femme avec le serpent permet l’accès à l’arbre de la connaissance.

« Yahvé Dieu dit au serpent : « Parce que tu as fait cela, tu es maudit entre tous les animaux domestiques et toutes les bêtes des champs ; tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras la poussière tous les jours de ta vie. Et je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité ; celle-ci te meurtrira à la tête, et tu la meurtriras au talon. » A la femme il dit : « je multiplierai tes souffrances, et spécialement celles de ta grossesse ; tu enfanteras des fils dans la douleur ; ton désir se portera vers ton mari, et il dominera sur toi. » (Genèse, III : 14-16)

Le serpent est condamné à ramper sur le sol pour toujours et la femme écrase la tête du serpent avec son talon. C’est une belle image du plus grand principe de la géographie sacrée. Il faut écraser la tête du serpent pour en contrôler la force.

Moïse se sert d’un bâton qui va transformer plusieurs fois en serpent pour réaliser les dix plaies d’Egypte. Il le fait sur ordre de Yahvé et par la volonté du Seigneur.

« Moïse répondit, en disant : « Ils ne me croiront pas et ils n’écouteront pas ma voix ; mais ils diront : Yahvé ne t’est point apparu. » Yahvé lui dit : « Qu’y a-t-il dans ta main ? » Il répondit : « Un bâton. » Et Yahvé dit : « Jette-le à terre. » Il le jeta à terre, et ce bâton devint un serpent, et Moïse s’enfuyait devant lui. Yahvé dit à Moïse : « Etends ta main, et saisis-le par la queue, — et il étendit la main et le saisit, et le serpent redevint un bâton dans sa main, — afin qu’ils croient que Yahvé, le Dieu de leurs pères, t’est apparu, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. » (…) Quant à ce bâton, prends-le dans ta main ; c’est avec quoi tu feras les signes. «  » (Exode, IV : 1-5 ; 17).

Le bâton se transforme en serpent lorsqu’il est jeté par terre et redevient un bâton lorsqu’il le prend de nouveau dans sa main. Le lien entre le serpent et le sol devient évident, car la scène se répète plusieurs fois.

« Yahvé dit à Moïse et à Aaron : « Lorsque Pharaon vous parlera, en disant : Faites un miracle, tu diras à Aaron : Prends ton bâton et jette-le devant Pharaon ; il deviendra un serpent. » Moïse et Aaron allèrent auprès de Pharaon, et ils firent ce que Yahvé avait ordonné. Aaron jeta son bâton devant Pharaon et devant ses serviteurs, et il devint un serpent. Pharaon aussi appela ses sages et ses enchanteurs ; et les magiciens d’Egypte, eux aussi, firent la même chose par leurs enchantements : ils jetèrent chacun leur bâton, et ces bâtons devinrent des serpents. Mais le bâton d’Aaron engloutit leurs bâtons. Et le cœur de Pharaon s’endurcit, et il n’écouta point Moïse et Aaron, selon que Yahvé l’avait dit. » (Exode, VII : 8-13).

Les magiciens au service de Pharaon font le même miracle, mais le serpent de Yahvé mange les serpents de Pharaon afin de montrer la supériorité de Yahvé sur les dieux de Pharaon.

Le bâton servira ensuite pour activer les trois premières plaies d’Egypte qui concerne l’eau ou la terre.

« Yahvé dit à Moïse : « Le cœur de Pharaon est endurci ; il refuse de laisser aller le peuple. Va vers Pharaon dès le matin ; voici qu’il sortira pour aller au bord de l’eau, et tu te tiendras pour l’attendre sur la rive du fleuve. Tu prendras en main le bâton qui a été changé en serpent, et tu lui diras : Yahvé, Dieu des Hébreux, m’a envoyé vers toi pour te dire : Laisse aller mon peuple, afin qu’il me serve dans le désert. Et voici, jusqu’à présent tu n’as point écouté. Ainsi dit Yahvé : A ceci tu connaîtras que je suis Yahvé : je vais frapper les eaux du fleuve avec le bâton qui est dans ma main, et elles seront changées en sang. Les poissons qui sont dans le fleuve mourront, le fleuve deviendra infect, et les Egyptiens répugneront à boire de l’eau du fleuve.  » Yahvé dit à Moïse : « Dis à Aaron : Prends ton bâton et étends ta main sur les eaux de l’Egypte, sur ses rivières, sur ses canaux, sur ses étangs et sur tous ses réservoirs d’eau. Elles deviendront du sang, et il y aura du sang dans tout le pays d’Egypte, dans les vases de bois comme dans les vases de pierre. » Moïse et Aaron firent ce que Yahvé avait ordonné. Aaron, levant le bâton, frappa les eaux qui étaient dans le fleuve, sous les yeux de Pharaon et sous les yeux de ses serviteurs, et toutes les eaux du fleuve furent changées en sang. Les poissons qui étaient dans le fleuve moururent, le fleuve devint infect, les Egyptiens ne pouvaient plus boire de l’eau du fleuve, et il y eut du sang dans tout le pays d’Egypte. Mais les magiciens d’Egypte firent la même chose par leurs enchantements, et le cœur de Pharaon s’endurcit, et il n’écouta point Moïse et Aaron, selon que Yahvé l’avait dit. Pharaon s’en retourna et, étant entré dans sa maison, il n’appliqua point son cœur à ces choses. Tous les Egyptiens creusèrent aux environs du fleuve pour trouver de l’eau potable, car ils ne pouvaient boire de l’eau du fleuve. Il s’écoula sept jours, après que Yahvé eut frappé le fleuve. » (Exode, VII : 14-25).

Il changera l’eau en sang avec son bâton. Le texte précise même « le bâton qui a été changé en serpent« .

« Yahvé dit à Moïse : « Dis à Aaron : étends ta main avec ton bâton sur les rivières, sur les canaux et sur les étangs, et fais monter les grenouilles sur le pays d’Egypte. » Aaron étendit sa main sur les eaux de l’Egypte, et les grenouilles montèrent et couvrirent le pays d’Egypte. Mais les magiciens firent la même chose par leurs enchantements ; ils firent monter les grenouilles sur le pays d’Egypte. » (Exode, VIII : 1-4).

Le bâton fait apparaître une nuée de grenouilles avec son bâton. Le bâton réalise le miracle au contact de l’eau.

« Yahvé dit à Moïse : « Dis à Aaron : Etends ton bâton et frappe la poussière de la terre, et elle se changera en moustiques dans tout le pays d’Egypte. » Ils firent ainsi ; Aaron étendit sa main avec son bâton et frappa la poussière de la terre, et les moustiques furent sur les hommes et sur les animaux. Toute la poussière de la terre fut changée en moustiques, dans tout le pays d’Egypte. Les magiciens firent de même avec leurs enchantements, afin de produire des moustiques ; mais ils ne le purent pas. Les moustiques étaient sur les hommes et sur les animaux. Et les magiciens dirent à Pharaon : « C’est le doigt d’un dieu ! » Et le cœur de Pharaon s’endurcit, et il ne les écouta pas, selon que Yahvé l’avait dit. » (Exode, VIII : 12-15).

La troisième plaie concerne les moustiques. C’est au contact de la poussière sur la terre qu’il se réalise.

« Yahvé dit à Moïse : « Pourquoi cries-tu vers moi ? Dis aux enfants d’Israël de se mettre en marche. Toi, lève ton bâton, étends ta main sur la mer, et divise-la ; et les enfants d’Israël entreront au milieu de la mer à sec. Et moi, je vais endurcir le cœur des Egyptiens pour qu’ils y entrent après eux, et je ferai éclater ma gloire dans Pharaon et dans toute son armée, ses chars et ses cavaliers. Et les Egyptiens sauront que je suis Yahvé, quand j’aurai fait éclaté ma gloire sur Pharaon, ses chars et ses cavaliers.  » (…) Moïse ayant étendu sa main sur la mer, Yahvé refoula la mer par un vent impétueux d’orient qui souffla toute la nuit ; il mit la mer à sec, et les eaux se divisèrent. Les enfants d’Israël entrèrent au milieu de la mer à sec, et les eaux formaient pour eux une muraille à leur droite et à leur gauche. Les Egyptiens les poursuivirent, et tous les chevaux de Pharaon, ses chars et ses cavaliers, entrèrent à leur suite au milieu de la mer. A la veille du matin, Yahvé, dans la colonne de feu et de fumée, regarda le camp des Egyptiens, et jeta l’épouvante dans le camp des Egyptiens. Il fit tomber les roues hors de leurs chars, qui n’avançaient plus qu’à grand’peine. Les Egyptiens dirent alors : « Fuyons devant Israël, car Yahvé combat pour lui contre l’Egypte. » Yahvé dit à Moïse : « Etends ta main sur la mer, et les eaux reviendront sur les Egyptiens, sur leurs chars et sur leurs cavaliers. » Moïse étendit sa main sur la mer, et, au point du jour, la mer reprit sa place habituelle ; les Egyptiens en fuyant la rencontrèrent, et Yahvé culbuta les Egyptiens au milieu de la mer. Les eaux, en revenant, couvrirent les chars, les cavaliers et toute l’armée de Pharaon qui étaient entrés dans la mer à la suite des enfants d’Israël, et il n’en échappa pas un seul. Mais les enfants d’Israël avaient marché à sec au milieu de la mer, les eaux ayant formé pour eux une muraille à droite et à gauche. En ce jour-là, Yahvé délivra Israël de la main des Egyptiens, et Israël vit sur le rivage de la mer les Egyptiens qui étaient morts. » (Exode, XIV : 15-18 ; 21-3).

Le bâton sert à moïse pour séparer la mer en deux.

« Le Chananéen, roi d’Arad, qui habitait le Négeb, apprit qu’Israël venait par le chemin d’Atharim. Il livra bataille à Israël et lui fit des prisonniers. Alors Israël fit un vœu à Yahvé, en disant : « Si vous livrez ce peuple entre mes mains, je dévouerai ses villes à l’anathème. » Yahvé entendit la voix d’Israël et livra les Chananéens ; on les dévoua à l’anathème, eux et leurs villes, et on nomma ce lieu Horma. Ils partirent de la montagne de Hor par le chemin de la mer Rouge, pour tourner le pays d’Edom. Le peuple perdit patience dans ce chemin, et il parla contre Dieu et contre Moïse : « Pourquoi nous avez-vous fait monter d’Egypte, pour que nous mourions dans le désert ? Il n’y a point de pain, il n’y a point d’eau, et notre âme a pris en dégoût cette misérable nourriture. » Alors Yahvé envoya contre le peuple les serpents brûlants ; ils mordirent le peuple, et il mourut beaucoup de gens en Israël. Le peuple vint à Moïse et dit : « Nous avons péché, car nous avons parlé contre Yahvé et contre toi. Prie Yahvé, afin qu’il éloigne de nous ces serpents. » Moïse pria pour le peuple. Et Yahvé dit à Moïse : « Fais-toi un serpent brûlant et place-le sur un poteau ; quiconque aura été mordu et le regardera, conservera la vie. » Moïse fit un serpent d’airain et le plaça sur un poteau, et, si quelqu’un était mordu par un serpent, il regardait le serpent d’airain, et il vivait. » (Nombre, XXI : 1-9).

Les Juifs, autour de Moïse avaient mal parlé de Yahvé. Le Seigneur envoya des serpents qui mordaient et tuaient ceux qui avaient mal parlé de Dieu. Afin de conjurer ce mauvais sort, Yahvé fit construire par Moïse, un serpent sur un poteau pour les protéger. C’est le serpent d’airain. La encore, nous voyons le bâton associé au serpent.

a-5. La vouivre.

La vouivre est un élément important de la culture populaire bourguignonne et franc-comtois. La vouivre (du latin vipera, vipère) est un serpent avec des ailes de chauve-souris, chargé de garder un trésor. Elle porte une escarbouche sur le front, c’est-à-dire une pierre précieuse.

Dans ses romans « les étoiles de Compostelle » ou « le pape des escargots », Henri Vincenot reprend la légende la vouivre.

Dans « le pape des escargots« , la Gazette, l’un des personnages du roman, parcours la Bourgogne en suivant le chemin de la vouivre.

« De ce jour, la Gazette ne sortit plus de cette fureur sacrée de visionnaire. Il courait le pays. On le vit à Semur, à Saulieu, à Lamargelle, à Saint-Seine, à Nuits, à Nolay, jusqu’à Autun. En Mâconnais comme en Morvan, en arrière-côte comme en Auxois. On le voyait trotter sur tous les chemins, on l’entendait prêcher dans les ruines de Thil et le lendemain sur la butte de Mont-Saint-Jean. Un jour, au pied de la Rochepot, un autre jour autour de l’abbaye de Fontenay. Il ne cessait de parler seul, en proie à un délire qui finit par en imposer à toute la population. (…) Et là-bas, en Bourgogne, la Gazette se démenait comme un épouvantail dans les halliers du côté de Sombernon ou au-dessus des roches de Bouillant. (…) On le vit remonter aux sources de la Seine, qui fut aux temps druidiques un lieu de pèlerinage. Il fit un long discours au-dessus de l’eau claire et y jeta une petite sculpture qu’il avait ramassée. » (Henri Vincenot, Le pape des escargots, omnibus, p.77-83).

Il découvre la tête de la grande vouivre dans le petit village de Mâlain au milieu du vieux Morvan.

« Un géographe pouvait voir qu’il longeait ainsi du haut des belvédères, la ligne de faîte qui partage les eaux entre Seine, Loire et Rhône. En réalité, et si l’on y regarde de plus près, on peut voir qu’il suivait à peu près la grande faille qui coupe la région en deux et gagne le vieux Morvan. Les savants d’aujourd’hui l’appellent la faille de Mâlain. Lui y voyait la tête de la grande Vouivre, ce serpent par lequel les Celtes personnifiaient les courants mystérieux. Pas-à-pas, il en suivait les méandres, jalonnés par les hauts lieux druidiques, sur les crêtes, aujourd’hui désertes, où l’on n’entend plus que les pattes de renards gratter sur les cailloux. » (Henri Vincenot, Le pape des escargots, omnibus, p.116-117).

Dans mon enfance, ma grand-mère me disait que Mâlain était l’entre du diable. D’ailleurs, elle a gardé dans son nom, cette trace. Mâlain ou « malin », c’est l’autre nom du diable. Il y a des grottes qui seraient l’entrée de l’enfer, le « trou du diable » disait les Bourguignons. Je me rappelle avoir été terrorisé lorsque j’ai visité ces grottes, en pensant à ce que me disait ma grand-mère.

Grotte de Mâlain.

A l’époque des Celtes, Mâlain était une grande cité qui portait le nom de « mediolanum » (le centre). Une des nombreuses « mediolanum » qui se trouvent sur le continent européen. Haut lieu de la géographie sacrée dont nous reparleront dès l’article suivant.

Mâlain.

Henri Vincenot qui était un féroce opposant au moderniste évoque la construction de l’autoroute dans les années soixante-dix (je me rappelle des travaux qui ont marqué mon enfance) pour relier Dijon à Paris, en traversant le Morvan. Dans « le pape des escargots« , Vincenot fait dire à la Gazette que l’autoroute a été construite sur le chemin de la vouivre.

« A Maconge, il était au somble de l’excitation, car après avoir passé le canal de Bourgogne, il butait sur les travaux de l’autoroute. Là, il se signait, et piquait une grande colère, s’emportant contre cette foutue saignée :

-Assez de mal, qu’on a eu ici, lui disait un contremaître.

-Vous ne m’étonnez pas mes jolis ! Et pourquoi avez-vous eu tant de mal, pourriez vous me le dire.

-On a rencontré un affleurement d’arkose qui a cassé nos forets !

-Pardi ! hurlait le vieux, c’était le dos de la vouivre !

« Et vous appelez ça de l’arkose ? Vous avez blessé le dos de la Grande vouivre ! La carapace de la Vouivre ! Vous avez arraché les écailles qu’elle se fait en se retournant dans sa caverne ! ». (Henri Vincenot, Le pape des escargots, omnibus, p. 117). 

Lorsque je jouais au rugby dans les années quatre-vingt, notre équipe n’avait pas de terrain pour jouer nos matchs. La mairie de Dijon avait prêté un terrain dans un lieu qui s’appelle « la combe à la serpent ». Le lieu n’était pas spécialement peuplé de serpents. Le serpent dont il était question, c’était la vouivre. Depuis la nuit des temps, la population disait que dans cette combe était hanté par une vouivre et qu’elle se baignait dans la Fontaine d’Ouche.

Fontaine d’ouche, Dijon.

« Dis-moi pourquoi la Vierge, dans tes cathédrales, met le pied sur le serpent ? Pourquoi les saints Michel transpercent le dragon de leur lance, sinon pour symboliser le contact du sanctuaire avec la Vouivre, ce courant tellurique qui affleure là, et par ailleurs, pour capter et en faire profiter les hommes ? « . (Henri Vincenot, Le pape des escargots, omnibus, p.91).

b Le compas et l’équerre.

Fou-Hi dispose d’une équerre et Niu-Koua d’un compas. Deux symboles traditionnels des architectes repris abusivement par la franc-maçonnerie. Mais sauf qu’ici, nous sommes dans une autre culture très éloignée de celle de la franc-maçonnerie, mais surtout, cela se passe plusieurs millénaires avant que la première loge ne soit crée.

2 L’architecture du monde.

Sous le règne de Fou-Hi et Niu-Koua, l’architecture du monde était basée sur la superposition de deux systèmes :

« L’architecture du Monde fut d’abord imaginée, plus simplement. On ne comptait que quatre colonnes, et l’on ne connaissait que quatre montagnes cardinales. « Quatre montagnes » est le nom des chefs que le Suzerain chargeait d’assurer la paix dans les Quatre Directions et qu’il recevait en ouvrant les Quatre Portes de sa résidence. Les Montagnes ont dans la nature un rôle analogue à celui des Chefs dans la société. Elles assurent la stabilité de l’Univers. Mythiquement, il n’y a point de différence entre la lutte engagée par un usurpateur contre le souverain légitime et l’attaque menée contre une montagne par un génie mauvais qu’on se représente sous l’aspect d’un Vent soufflant en tempête et faisant choir le toit des maisons. » (Marcel Granet, la pensée chinoise, Editions Albin Michel, l’évolution de l’humanité, p. 284-285).

Les quatre colonnes correspondaient au Ciel et à les huit secteurs de la Terre. C’est une division de l’univers qui a été repris presque partout, y compris dans le Catholicisme, puisque le texte du Credo évoque le Ciel et la Terre dès le début.

« Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre ; et en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie, a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort et a été enseveli, est descendu aux enfers, le troisième jour est ressuscité des morts, est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant, d’où il viendra juger les vivants et les morts. Je crois en l’Esprit-Saint, à la sainte Eglise catholique, à la communion des saints, à la rémission des péchés, à la résurrection de la chair, à la vie éternelle. Amen.« 

Dieu est le créateur du Ciel et de la Terre.

Dans la tradition chinoise, le Ciel serait rond et la Terre carré.

Nous retrouvons cette distinction entre ciel rond et terre carré dans la Jérusalem céleste de l’Apocalypse de Saint-Jean.

« Alors l’un des sept anges qui tenaient les sept coupes pleines des sept dernières plaies, vint me parler et me dit : « Viens, je te montrerai la nouvelle mariée, l’Epouse de l’Agneau. » Et il me transporta en esprit sur une grande et haute montagne, et il me montra la ville sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel d’auprès de Dieu, brillante de la gloire de Dieu, et l’astre qui l’éclaire est semblable à une pierre très précieuse, à une pierre de jaspe transparente comme le cristal. (…) La ville est quadrangulaire, et sa longueur est égale à sa largeur. Il mesura la ville avec son roseau, jusqu’à douze mille stades ; la longueur, la largeur et la hauteur en sont égales. Il en mesura aussi la muraille, de cent quarante-quatre coudées, mesure d’homme, qui est aussi mesure d’ange. » (Apocalypse, XXI : 9-11 ; 16-17).

La description parle d’une ville quadrangulaire. Elle est illuminée par un astre (donc de forme ronde) semblable à un jaspe transparent comme le cristal. Le mot jaspe vient du latin « iaspidem« , pierre tachetée. Elle était la pierre la plus précieuse sous l’antiquité et servait pour diverse sculpture.

La Jérusalem céleste en mandala, atelier Anne de Quatrebarbes, 1984.

Un carré dans un cercle, c’est la figure du mandala, de l’occulus romain et de sa forme chrétienne le vitrail.

Mandala sur le sol de Pompéi.
La rosace de Notre-Dame de Paris.

Le Ciel serait porté par la Terre par l’intermédiaire de quatre colonnes ou montagnes. La Terre se trouverait sur le dos d’une tortue qui nagerait dans l’Univers.

Cela fait penser à la fabuleuse série de romans « d’héroïc fantasy » de Terry Pratchett, « les annales du disque-monde » que j’ai lu avec passion dans ma jeunesse. Quelle ne fut pas ma surprise quelques années plus tard, en lisant les livres sur la Chine de Marcel Granet, de découvrir, que l’auteur britannique s’était inspiré de la tradition chinoise, pour imaginer son univers totalement délirant. Derrière l’humour dévastateur, se trouvaient cachées des notions philosophiques importantes. C’est souvent le cas avec Terry Pratchett.

Les quatre colonnes et le centre correspondent dans le monde chinois aux cinq montagnes sacrées dont nous reparleront plus tard.

2 La réforme de l’architecture du monde par Niu-Koua.

Avant l’avènement du couple impérial Fou-Hi et Niu-Koua, le monde ne fonctionnait pas correctement.

« Jadis lorsque Niu-Koua entrepris d’aménager l’Univers, « les Quatre Pôles étaient renversés, les Neuf Provinces fissurées, le Ciel ne couvrait point partout, la Terre ne supportait pas tout le pourtour (pou-tcheou), le Feu incendiait sans s’éteindre jamais, les Eaux inondaient sans jamais s’apaiser, les Bêtes féroces dévoraient les hommes valides, les Oiseaux de proie enlevaient les débiles. Niu-Koua, alors, fondit les pierres de cinq couleurs pour réparer le Ciel azuré ; elle coupa les pieds de la Tortue pour dresser les Quatre Pôles ; elle tua le Dragon noir pour mettre en ordre le pays de Ki  ; elle entassa de la cendre de roseau pour arrêter les Eaux licencieuses. Le Ciel fut réparé, les Quatre Pôles se dressèrent, les Eaux licencieuses furent asséchées, le pays de Ki fut mis en équilibre (p’ing), les bêtes féroces périrent, les hommes valides subsistèrent, la Terre carrée porta sur son dos, le Ciel rond tint embrassé » et l’union (ho) se fit entre le yin et le yang. » (Marcel Granet, la pensée chinoise, Editions Albin Michel, l’évolution de l’humanité, p. 285).

Les quatre montagnes qui permettaient de tenir le Ciel au-dessus de la Terre étaient renversées. Ce qui faisait que le Ciel ne recouvrait pas entièrement la Terre.

Les neuf provinces étaient fissurées. Le feu incendiait la terre sans jamais s’éteindre, les eaux inondaient le sol sans jamais s’évacuer. Toutes ses perturbations étaient provoquées par un dragon noir, sorte de Satan version chinoise.

Comme le relate Marcel Granet, c’est Niu-Koua qui répara le Ciel afin de lui donner son rôle et sa puissance. Elle fit fondre cinq pierres de cinq couleurs différentes afin de réparer le Ciel.

Elle coupa les pieds de la tortue afin d’équilibrer les quatre piliers et que le Ciel recouvre parfaitement la Terre. Enfin, elle tua le dragon noir, le brûla, et utilisa ses cendres pour éteindre les feux et assécher les inondations.

Une fois, l’équilibre du monde rétabli sous les trois Augustes Souverains, le monde pouvais être mis en ordre avec les Cinq Empereurs.

B : Les Cinq Empereurs.

Les cinq souverains sont l’incarnation des cinq éléments, des cinq vertus. Chaque souverain a pour emblème un élément, une sorte de vertu totale.

« Les Souverains, qui sont les réalisations les plus parfaites du type, règnent, mais n’inventent pas. Investis d’une Vertu plus complète et qui semble, en un sens, plus abstraite, ils se bornent à civiliser par le rayonnement d’une puissance ordonnatrice. » (Marcel Granet, la civilisation chinoise, Editions Albin Michel, l’évolution de l’humanité, p. 21)

Chacun est le créateur d’une civilisation.

« Un Souverain est un sage qui possédant une vertu plus humaine à la fois et plus abstraite que la vertu propre aux héros, civilise le monde par l’effet direct de son efficace et règne, d’accord avec le Ciel, pour le bonheur exact et bienfaisant. Ses ministres agissent, inspirés par sa Vertu. Quant à lui, il règne, sans penser à gouverner. Il emploie à créer ou plutôt à sécréter l’ordre. Cet ordre est, avant tout, moral, mais il embrasse toutes choses. L’époque des Souverains est l’âge des mérites civiques, l’ère de l’humanité parfaite (jen). » (Marcel Granet, la civilisation chinoise, Editions Albin Michel, l’évolution de l’humanité, p. 23)

Nous avons les empereurs suivants :

  1. Empereur jaune : 2698-2597 av. J-C.
  2. Tchouan-Hiu : 2597-2435 av. J-C.
  3. Kao-Sin : 2435-2357 av. J-C. L’empereir blanc.
  4. Yu le Grand : 2357-2255 av. J-C.
  5. Chouen : 2255-2205 av. J-C.
L’empereur jaune.

Pour l’instant, intéressons-nous uniquement à Yu le Grand.

C : Yu le Grand.

Yu le Grand est le fondateur de la dynastie des Hia. Il est le créateur de la royauté en Chine. Il sera également celui qui organisera le temps et l’espace.

« Il y avait en lui une Vertue capable d’unifier l’Empire « Sa voix était l’étalon des sons, son corps l’étalon des mesures de longueur ». Il put donc déterminer les Nombres qui servent à régler le Temps et l’Espace, ainsi que la Musique qui crée l’harmonie universelle. Il fixa les tributs, « mit en ordre parfait les six domaines de la Nature », et logea à des places convenables Chinois et Barbares, de façon que l’Empire connût la Grande Paix. Comme de justes, il parcourut les Quatre Orients, afin de marquer les bornes du Monde et de la Chine. » (Marcel Granet, la civilisation chinoise, Edition Albin Michel, l’évolution de l’humanité, p. 27-28)

Une légende raconte que sous le règne de Yu le Grand, un cheval dragon, une étrange créature dont seule la Chine a le secret, sorti du fleuve jaune pour lui donner le « ho-tou ». A la mort de Yu le « ho-tou » fut perdu, puis fera de nouveau son apparition sous la dynastie des Song au XIIe siècle. Pour tout le reste de mon exposé, c’est de lui dont je parlerais.

Peinture de Yao par Kanō Sansetsu. Japon, période Edo, 1632.

Le « ho-tou » des Song est représenté par des points noirs et blancs représentant le yin (noir) et le yang (blanc). Il est dessiné en forme de croix.

carré ho-tou.

C’est une division du monde en croix. Une partie centrale (le cinq) et quatre secteurs aux points cardinaux. Les quatre angles sont doublés, avec deux nombres qui lui sont affectés.

Le « ho-tou » représente le ciel, il est de forme circulaire, même si la représentation se fait par une croix. Le cercle est statique. Il y a une forme de mouvement, tout en étant statique, avec un balancier alternatif, entre le centre et les quatre pointes de la croix. C’est comme une libellule, qui bat des ailes tout en restant immobile.

II : Les cinq vertus.

Dans le plus ancien livre chinois, le « Hong-fan« , on retrouve une classification des cinq éléments dès le chapitre un. Les cinq éléments (A) sont l’une des bases les plus importantes de la pensée chinoise. Ils déterminent beaucoup de choses au niveau du temps, de l’espace et de la vie politiques.

« Le dialogue qui ouvre le Hong Fan exprime assurément l’idée que l’aménagement de l’Univers implique une répartition des choses et des hommes, laquelle peut se traduire tout aussi bien par un arrangement en 9 Rubriques que par une distribution en 5 Eléments. » (Marcel Granet, la pensée chinoise, Editions Albin Michel, l’évolution de l’humanité, p. 141).

En Occident, nous avons quatre éléments au lieu de cinq, car nous ne considérons pas le centre comme un élément. De même, le contenu des éléments n’est pas le même. Il n’y a pas de « métal » ou de « bois », alors que la Chine ne connaît pas l’élément « air ».

Nous retrouvons ce schéma de cinq dynasties associé à un lieu géographique : quatre points cardinaux et le centre à l’origine de Sumer (B) et de l’Irlande (C). C’est un point capital de la géographie sacrée.

A : Les cinq vertus en Chine.

Les cinq éléments ou cinq vertus de la pensée chinoise sont l’Eau (1), le Feu (2), le Bois (3), le Métal (4) et la Terre (5).

1. L’eau (1 et 6).

L’élément « eau » correspond aux nombres « 1 » et « 6 ».’

En Chine, le Nord se trouve en bas.

Le mont qui correspond au Nord, c’est le mont Heng du Nord. Le mont Heng du Nord se compose de deux sommets de deux mille cent quatre-vingt-dix mètres et de deux mille dix-sept mètres séparés par le « col du dragon d’or ». Il est situé dans la province du Shanxi. C’est le moins vénéré des cinq montagnes. Il n’y a pas de pèlerinage important ou de temples majeurs. En revanche, le lieu fut marqué par de nombreuses batailles militaires en raison de ses fortifications naturelles.

2. Le Feu (2 et 7).

L’élément « feu » correspond aux nombres « 2 » et « 7 ».

En Chine, le Sud se trouve en haut.

Le mont qui correspond au Sud, c’est le mont Heng du Sud. Le mont Heng du Sud se trouve dans le Hunan et culmine à mille trois cents mètres. C’est le moins haut des cinq montagnes.

Au pied de la montagne se trouve le plus grand temple du sud de la Chine. Il est dit « Grand temple du mont Heng ». Il date du VIIIe siècle. En 1882, il a été reconstruit sur le modèle de la cité interdite de Pékin. Il fut dégradé sous la révolution culturelle, car il était accusé de propagation des idées des « quatre Anciens » de la culture classique chinoise.

Grand temple du mont Heng.

3. Le Bois (3 et 8).

L’élément « bois » correspond aux nombres « 3 » et « 8 ».

En Chine, l’Est se trouve à gauche.

Le mont qui correspond à l’Est, c’est le mont Tai. Le mont Tai est situé dans le Shandong. Il culmine à mille cinq cent quarante-cinq mètres. Il est surnommé le « pic de l’empereur de Jade » ou « la montagne la plus connue sur terre ». L’empereur de Jade est une divinité du Ciel dans le taoïsme.

C’est la plus ancienne des cinq montagnes de Chine. Elle est associée à l’Est et au lever du Soleil.

Temple du mont Tai.
Pont immortel, mont Tai.

En son sommet a été construit un complexe de plusieurs temples, dont le pèlerinage est une véritable épreuve physique. Le pèlerin passe de cent cinquante mètres à mille cinq cents mètres de hauteur en gravissant les mille sept mille deux cents marches d’un escalier interminable, les onze portes et les quatorze arches.

C’est en quelques sortes la porte du ciel.

4. Le Métal (4 et 9).

L’élément « métal » correspond aux nombres « 4 » et « 9 ».

En Chine, l’Ouest se trouve à droite.

Le mont qui correspond à l’Ouest, c’est le mont Hua situé dans le Shaanxi. Son nom signifie « magnifique ». Ce qui est le cas, car elle comporte de nombreuses falaises très difficiles d’accès. Il culmine à deux mille deux cents mètres de haut. A l’origine, on ne pouvait y accéder que par un seul chemin de quinze kilomètres par un escalier très raide. Désormais, il y a trois voies, et même des téléphériques. C’est un lieu de pèlerinages importants qui attirent une grande foule de visiteurs.

Le mont Hua reste toutefois une montagne très dangereuse qui pourrait en faire une sorte de porte des enfers.

Chemin des pèlerins sur le mont Hua.

5. La Terre (5).

L’élément « terre » correspond au nombre « 5 ».

En Chine, le centre est un élément à part entière. Sa couleur est le jaune.

Le mont qui correspond au centre est le mont Song. Le mont Song est situé dans la province du Hénan. Il est l’élément central du système des cinq montagnes avec un sommet à mille cinq cents mètres.

Temple en haut du mont Hua.

Le mont Hua comporte un grand nombre de temples, de monastère et d’université importante pour la Chine. On comprend que c’est le lieu central du pays.

Voici la liste :

B : Les cinq dynasties sumériennes.

Le système chinois des cinq éléments se trouve également à Sumer.

Des tablettes cunéiformes comportant des souverains mésopotamiens nous ont été transmis depuis la cité d’Ur, d’Isin et de Larsa. La plus complète est le célèbre bloc d’Isin-Larsa écrit sur les quatre côtés par deux colonnes. Elle indique les souverains mésopotamiens depuis les origines, avant le déluge, jusqu’au XVIIIe siècle avant Jésus-Christ.

La liste royale sumérienne.

Les Sumériens divisaient le temps selon trois niveaux : un sar durait 3 600 ans, un ner durait 600 ans et un soss, 60 ans.

Elle commence par cette phrase étrange.

« Après que la royauté descendit du ciel, elle alla à Eridug. »

Nous sommes dans la période d’avant le déluge. Selon les tablettes, elle dura 211 800 ans. Celle-ci fit l’objet d’une intense polémique compte tenu de sa longueur. Je ne traiterais pas dans cet article de ce sujet qui relève des ères astrologiques et de la grande année. Grande année qui prit probablement naissance à Sumer.

Nous avons successivement cinq villes qui se sont succédé comme capitale : Eridu, Bad-Tibira, Larak, Sippar et Shuruppak.

A la fin du XIXe siècle, une tablette fut découverte à Nippur. C’est « la genèse d’Eridu ». Elle relate le destin de Sumer depuis la création du monde jusqu’au déluge.

« Je le conseillerai, je superviserai son travail pour qu’il construise son pays sur des fondations solides. Lorsque le sceptre royal fut descendu du ciel, que la haute couronne et le trône de la royauté furent descendus du ciel, que les rites divins et les lois divines furent établies et que les villes furent fondées dans les lieux saints, les noms des cinq villes furent proclamés et leurs Dieux tutélaires attribués. La première de ces villes Eridu, fut donnée à Enki le chef. La seconde, Bad-Tibira, fut donnée à la Maitresse (Inanna). La troisième, Larak, a été donné à Pabilsaĝ. La quatrième, Sippar, fut donnée à Utu, le Héros. La cinquième, Shuruppak, fut donnée à Sud (Ninlil). Et quand les noms de ces villes furent annoncées et que leurs Dieux tutélaires furent attribués, la rivière nettoya les canaux bloqués par l’argile apportée par le vent, le nettoyage des petits canaux permis une récolte abondante. » (Tablette CBS 10673, recto, second colonne, 84-100).

Les cinq villes furent fondées sur des lieux sacrés, sous la protection d’un dieu tutélaire.

Les rois sumériens ont mis en place le principe de la monarchie de droit divin. C’est ce qu’explique l’historien Georges Roux.

« Les dieux avaient créé les hommes pour les servir, fixant eux-mêmes les détails de ce service et « réglant parfaitement les rites ». Mais l’humanité n’était qu’un immense troupeau, une multitude à laquelle il fallait des guides, des bergers, des rois-prêtres choisis par eux pour appliquer les lois divines et seuls ces chefs comptaient. Dans des temps très anciens, donc, « la tiare altière et le trône de royauté » étaient descendus du ciel et depuis lors, une série de rois conduisait les destinées de Sumer au nom des dieux et pour leur plus grande gloire. Ainsi justifiait-on la théorie d’une monarchie de droit divin qui prévalut dans l’Iraq antique du début à la fin de son histoire. » (Georges Roux, La Mésopotamie, p. 105).

La « Genèse d’Eridu » explique que Dieu a fait descendre du ciel le sceptre, la couronne et le trône royal.

« Je le conseillerai, je superviserai son travail pour qu’il construise son pays sur des fondations solides. Lorsque le sceptre royal fut descendu du ciel, que la haute couronne et le trône de la royauté furent descendus du ciel, que les rites divins et les lois divines furent établies et que les villes furent fondées dans les lieux saints. » (Tablette CBS 10673, recto, second colonne, 84-100).

Le livre « Inanna et Enki » reprend le même message en le développant. Inanna, reine d’Uruk, rend visite à Enki d’Eridu pour se voir offrir les attributs de la royauté (on parle de « me »).

« Par mon prestige ! par mon apsû !

A la sainte Inanna, ma fille, je vais offrir,

Sans que nul m’en empêche,

L’office de En ; celui de Lagal ; la fonction sacrée ;

L’auguste Couronne légitime et le Trône royal !

Par mon prestige ! par mon Apsû !

A la sainte Inanna, ma fille, je vais offrir

Sans nul m’en empêche,

L’Auguste Sceptre ; le Bâton de commandement : le noble Manteau ;

Le Pastorat et la Royauté !

Et Inanna les prit« 

(Jean Bottéro, Lorsque les dieux faisaient l’homme, p. 232)

Nous avons quatre-vingt-quinze éléments constitutifs de la civilisation sumérienne, dont les quinze premiers relèvent du pouvoir politique et religieux.

Nous retrouvons, comme dans « la Genèse d’Eridu« , les cinq signes extérieurs de royauté descendu du ciel.

Ils seront transmis aux autres civilisations à travers le temps jusqu’aux monarchies française et russe. Ce sont les regalia.

C : Les « tuatha dé Danann » (les tribus de la déesse Dana) d’Irlande.

Je suis d’accord avec vous, pas besoin de parler du sionisme tout le temps et de tout mettre sur le dos des Juifs. Certains en son obsédée et cela masque les autres facteurs.

Le système des cinq montagnes se retrouve également dans la culture celte en Irlande. Ce sont les « Tuatha dé Danann », les « tribus de la déesse Dana« . Ce sont des dieux qui viennent de quatre îles du nord du monde (1) apportant cinq talismans (2). Elles formeront les cinq régions traditionnelles de l’Irlande (3).

On retrouve se vieux mythe irlandais dans le « Lebor Gabála Érenn« . Ce livre n’a pas été publié en Français. Il existe de nombreuses éditions anglaise.

1 : Les quatre îles du Nord.

Les « tuatha dé Danann », sont des peuples qui viennent de quatre îles du nord du monde. Quatre îles auxquelles il faut rajouter l’île d’accueil : l’Irlande.

Nous avons donc cinq îles, comme nous avions cinq montagnes en Chine ou cinq cité à Sumer.

  1. Falias.
  2. Findias (signifie « blanche »).
  3. Gorrias (signifie « feu, inflamation« ).
  4. Murias. (signifie « la mer« ).
  5. Irlande.

Selon les régions et les cultures, il y a une adaptation d’un mythe commun à l’ensemble de l’humanité.

Au nombre de quatre, les îles du Nord sont dirigées chacune par un druide primordial :

2 : Les cinq talismans.

Des quatre îles, viendront cinq talismans :

  1. La pierre de Fal.
  2. L’épée de Nuada.
  3. La lance de Lug.
  4. Le chaudron de Dadga.
  5. La massue de Dadga.
a. La pierre de Fal.

La pierre de Fal vient de l’île de Falias.

Elle est le symbole de la souveraineté. Elle est censée crier lorsqu’elle se trouve en présence d’un homme digne d’être le roi.

La pierre du destin sur la colline de Tara,

Elle a été placée à Tara lors de l’arrivée en Irlande.

Tara est le centre de l’Irlande.

Situation géographique de Tara.

Il y a beaucoup de pierre faiseuse de roi équivalente en Europe (Angleterre, Ecosse, Scandinavie).

b. L’épée du roi Nuada.

L’épée du roi Nuada se trouvait à Findias.

L’épée avait la capacité de trancher le fer, et même l’acier. Elle était invincible et entraînait des blessures mortelles. Elle luisait en permanence d’une lueur blanche, ce ce qui lui attribua le surnom de « Claiomh Solais » (« l’épée de lumière« ).

Timbre de 6 pennys (Irlande, 1922-1923) représentant l’épée de Nuada. Au dessus de l’épée est écrit « An Claiḋeaṁ Soluis » (« L’Épée de Lumière »).

C’est Excalibur, que l’on retrouve dans la légende arthurienne.

c. La lance de Lug.

La lance de Lug se trouvait à Gorias.

La lance est une arme qui provoque la mort à chaque coup qu’elle porte à ses adversaires.

La lance sert à l’adoubement des rois.

La lance doit être plongée dans le chaudron de Dagda rempli de sang pour éviter qu’elle ne détruise tout ce qui se trouve autour d’elle.

d. Le chaudron et la massue.

C’est de l’île de Murias que viennent les deux talismans du Dagda : le chaudron d’immortalité et la massue de vie et mort.

Le chaudron, rempli de sang ne se vide jamais. Il représente l’abondance. C’est l’image du Graal dans la légende arthurienne.

La Massue a une double vertu, elle tue par l’une des extrémités et ressuscite par l’autre. C’est le droit de vie et de mort du roi.

3 : Les cinq royaumes irlandais.

Le système des cinq îles et des cinq talismans va donner naissance à cinq royaumes celtes d’Irlande.

Les cinq royaumes sont :

Les cinq régions traditionnelles de l’Irlande.

Les cinq royaumes se retrouvent aujourd’hui dans la division géographique de l’Irlande.

L’Irlande du Nord anglaise, c’est le royaume d’Ulster.

L’Irlande républicaine comprend trois provinces :

Le royaume central a disparu, divisé entre la république d’Irlande et l’Irlande du Nord.

Dans les compétitions de rugby, les clubs irlandais correspondent à quatre des cinq royaumes (disparition du royaume centrale, le « Meath »).

Chacun des royaumes dispose d’une capitale où siège le roi :

Les cinq régions traditionnelles de l’Irlande.
a. Ulster : Emain Macha.

Pour l’Ulster, la capitale où siégeait le roi se trouvait à Emain Macha.

Aujourd’hui, c’est un petit monticule de terre de quarante mètres de haut.

Au sommet et au centre du monticule se trouve une maison ronde surnommé « Chraebruad » que l’on traduit par « l’édifice à branches rouges » ou « l’édifice à pôles rouges« . Les guerriers qui le protégeaient étaient surnommés « les chevaliers de la branche rouge« .

Reconstition de « maison ronde » au centre de Emain Macha.
b. Connacht : Cruachan.

Pour le Connacht, le siège du roi était Cruachan.

Cruachan est actuellement situé près de Tulsk dans le comté de Roscommon. Sur six kilomètres carrés, nous retrouvons deux cent quarante sites archéologiques. Le site le plus important est le monticule de Rathcroghan sur lequel se trouvait une enceinte et un immense bâtiment circulaire dont il ne reste aucune trace apparente.

c. Munster : Cnoc Aine.

Pour le Munster, c’est Cnoc Aine.

Croc Aine se trouvait sur le site actuel de Rock of Cashel à l’est de la ville de Cashel.

Il s’agit là encore d’un monticule qui comprenait une tour ronde, une cathédrale et une chapelle.

C’est en ce lieu que Saint Patrick montra une feuille de trèfle en disant, « ceci est la sainte-trinité« .

La tour ronde.
La tour ronde et la cathédrale.
La chapelle.
d. Leinster : Dun Ailinne.

Pour le Leinster, le lieu sacré du roi était Dun Ailinne. Actuellement situé à Knockaulin dans le comté de Kildare. Il n’y a plus aucune trace visible sur le site de l’ancienne capitale royale. Des fouilles archéologiques ont confirmé que le site avait accueilli une structure ronde en bois et en pierre.

e. Meath : Uisneach.

Pour le Meath, outre Tara (lieu du sacre des Grand Roi de toute l’Irlande), nous avions comme capitale royale du royaume de Meath, Uisneach.

La colline d’Uisneach est proche du centre géographique de l’Irlande. Dans la mythologie irlandaise, c’est le centre sacré de l’Irlande, le lieu de sépulture des tuatha dé Danann et l’endroit où se réunissait l’assemblée des druides irlandais. Il est étonnant que ce centre soit très proche du centre géographique. Les Celtes connaissaient sans doute la manière de le calculer.

Le site comprenait un arbre sacré et une pierre dite des divisions. Cette pierre était considérée comme l’omphalos ou l’axis mundis de l’Irlande. Nous en parlerons au prochain article.

Pierre des divisions.

III : La succcession des éléments.

Les cinq éléments vont se succéder dans le temps (A) selon un plusieurs modèles (B) avec des conséquences politiques (C).

A : La notion de temps en Chine.

« La vertu propre du Temps est de procéder par révolution. Cette nature cyclique l’apparente au rond et l’oppose à l’Espace, dont le premier caractère est d’être carré. » (Marcel Granet, la pensée chinoise, Editions Albin Michel, l’évolution de l’humanité, p. 80)

Le déroulement du temps est cyclique. C’est ce qui explique que le Ciel est représenté sous la forme d’un cercle. Alors que la Terre est représentée par carré comme les quatre points cardinaux de l’espace.

« Les Chinois décomposent le Temps en périodes comme ils décomposent l’Espace en régions, mais ils définissent chacune des parties composantes par un lot d’attributs. Cette définition est acceptée par tous les esprits : à chaque espèce de Temps correspond une notion impersonnelle, bien concrète. Ce caractère concret éclate dans le fait que chaque période est marquée par des attributs propres à une saison de l’année, à une heure du jour. » (Marcel Granet, la pensée chinoise, Editions Albin Michel, l’évolution de l’humanité, p. 85).

Le temps des Chinois est constitué de plusieurs cycles appelés des ères comprenant des dynasties, des règnes, des périodes quinquennales et des années.

L’année est elle-même divisé en quatre saisons. Ce découpage s’inscrit dans des durées plus longues : dynastie, règne ou partie de règne.

B : Les modèles de succession des éléments.

Nous avons trois types de cycles :

1. Le cycle de génération.

Le cycle de génération est appelé également cycle d’engendrement. Il indique quel élément donne naissance à un autre élément.

Le Métal peut être fondu et devenir liquide. L’Eau se transforme en Eau.

L’Eau arrose et fait pousser les arbres. L’Eau se transforme en Bois.

Le Bois peut être allumé et produire du Feu.

Le Feu peut brûler les végétaux qui se transforment en cendre. Le Feu se transforme en Terre.

La Terre contient des minéraux, source du Métal.

2. Le cycle de domination.

Le cycle de domination est également appelé le cycle de destruction. Il indique quel élément combat ou détruit, tel autre élément.

Le Métal peut trancher le Bois.

Le Bois peut puiser la Terre.

La Terre peut absorber l’Eau.

L’Eau peut éteindre le Feu.

Le Feu peut faire fondre le Métal.

3. Le cycle du « ho-tou« .

Le « ho-tou » est un cycle particulier qui semble répondre à une autre logique. Il mélange certains éléments du cycle de génération et d’autre du cycle de domination. Il en reprend certains aspects en inversant les rapports.

L’Eau est remplacée par le Feu (1 à 2 : 6 à 7). C’est dans le cycle de destruction. L’Eau éteint le Feu.

Le Feu est remplacé par le Bois (2 à 3 ; 7 à 8). C’est l’inversion du cycle de destruction. Toutefois, le Feu brûle le Bois.

Le Bois est remplacé par le Métal (3 à 4 ; 8 à 9).  C’est l’inversion du cycle de destruction.

Le Métal est remplacé par la Terre (4 à 5). C’est l’inversion du cycle de génération.

Le cycle du « ho-tou » ne concerne pas seulement la succession des éléments comme les deux autres cycles, mais un ensemble de caractéristiques qui donne une teinte particulière à chaque époque. Les Chinois parlent d’emblème. Les emblèmes vont se succéder l’une à l’autre au niveau politique et dynastique. Il ne faut donc pas prendre un élément de l’emblème isolément, mais l’emblème dans son ensemble.

Il va donc y avoir une succession d’un élément à la suite d’un autre. Lorsqu’ un élément domine, il va prendre la place centrale et déplacer les autres éléments pour qu’ils occupent les quatre places autour de lui. Une nouvelle dynastie va prendre la place de l’ancienne qui aura été chassée du pouvoir. Ce changement de dynastie va produire un certain nombre de conséquences.

C : Les conséquences politiques des cycles.

« Le pouvoir de toute dynastie résulte d’une Vertu (to) ou d’un Prestige (tcheng ou cheng), puis décline (ngai), et, après une résurrection (hong) éphémère, s’épuise et ‘éteint (mie). » (Marcel Granet, la civilisation chinoise, Editions Albin Michel, l’évolution de l’humanité, p. 25).

Nous observons plusieurs étapes pour chaque dynastie : au moment de la mort de la dynastie, elle est remplacée par une autre dynastie dans l’ordre de succession du « ho-tou« . Au moment du passage d’une dynastie à une autre, le nouveau chef va d’abord détruire l’ancienne dynastie lors d’une cérémonie d’expulsion (1) et ensuite prendre un certain nombre de décrets qui vont instaurer un ordre nouveau (2).

1. La destruction de l’ordre ancien.

Une fois, l’installation au pouvoir d’une nouvelle dynastie, le nouveau pouvoir doit détruire l’ordre ancien. En effet, deux dynasties ne peuvent pas rester ensemble sur un même territoire. Il faut les séparer par une frontière.

On organise une cérémonie d’expulsion de l’ancien pouvoir. Cela consiste à bannir aux marges du monde l’ancienne dynastie. L’ordre ancien doit achever de s’éteindre aux confins du monde. Cela permet de rendre cohérent le territoire en créant un fossé entre l’ancien et le nouveau pouvoir. Il faut empêcher l’ordre ancien de contaminer l’ordre nouveau.

On ne détruisait pas les autels de l’ancienne dynastie, on les emmurait.

Pourquoi ne pas détruire l’ancienne dynastie ?

On espérait un retour de fortune pour l’ordre ancien.

Les Chinois admettent que les dynasties se relayait au pouvoir, animées de vertus différentes et se succédant de façon cyclique. Tant que régnait l’une des cinq vertus qui caractérise une ère, les quatre autres se trouvaient en dehors de l’Empire dans une sorte de quarantaine restauratrice, dans l’attente de revenir sur le devant de la scène.

« La dynastie doit alors être éteinte (mie), supprimée (tsiue ou mie-tsiue : exterminée), car elle n’a plus le Ciel pour elle (pou Tien) : le Ciel (Tien) cesse de traiter ses rois comme des fils (tseu). Une famille ne peut fournir à la Chine des Rois, fils du Ciel (Tien tseu), que pour la période où le Ciel lui, octroie une investiture (ming). Cette investiture, ce mandat céleste, est toujours temporaire. Le Ciel est changeant, inexorable. » (Marcel Granet, la civilisation chinoise, Editions Albin Michel, l’évolution de l’humanité, p. 25).

C’est la notion chinoise de « mandat du ciel« . Elle est l’équivalent de notre monarchie de droit divin. Régulièrement, les dynasties perdent leurs mandats du ciel au profit d’une autre dynastie. Chez nous aussi, Dieu retire sa faveur à une dynastie pour la confier à une autre. C’est le passage des rois mérovingiens aux rois carolingiens, puis des rois carolingiens aux rois capétiens. A chaque fois, il y a une sorte de légitimation divine qui se produit. Je ne le ferais pas ici, mais il est possible de lire l’histoire de France à travers ce processus de destruction et de reconstruction des dynasties.

« Toute dynastie qui garde le pouvoir quand son temps est fini ne possède plus qu’une puissance de fait. En droit, elle est usurpatrice. Les fondateurs de la dynastie dont le temps est venu remplissent une mission céleste en supprimant la Dynastie périmée et devenue maléficiente. (…) Leur victoire est la preuve que le Ciel leur a confié son mandat (ming). » (Marcel Granet, la civilisation chinoise, Editions Albin Michel, l’évolution de l’humanité, p. 25).

Nous avions vu dans le cas des cinq dynasties sumériennes une idée équivalente.

« Après que la royauté descendit du ciel, elle alla à Eridug. »

Dès le début de la tablette des dynasties royales, on indique que la royauté descendit du Ciel. Nous l’avons vu, elle a pris la forme de cinq objets royaux attribués au roi en exercice. Durant toute l’histoire sumérienne, nous observons une succession de dynasties. Le Ciel passe d’une dynastie à l’autre sur le modèle chinois.

2. L’instauration de l’ordre nouveau.

L’instauration de l’ordre nouveau va prendre la forme de la promulgation d’un nouveau calendrier (a) et l’inauguration d’une nouvelle capitale (b).

a. L’instauration d’un nouveau calendrier.

Au moment même ou une dynastie chinoise proclamait son avènement, elle promulguait un nouveau calendrier destiné à particulariser sa période de domination.

« Pour que l’Univers se présente comme un ensemble ordonné, il faut et suffit qu’un Calendrier promulgué régente, dans un Monde rénové, une Ere nouvelle. Le Monde est recréé à neuf sitôt qu’un Chef digne d’exercer une mission civilisatrice a mérité de se voir « confier les Nombres » du Calendrier du Ciel (Tien tche li chou). Inversement, l’Univers se détraque lorsqu’une Vertu décadence fait perdre leur ordre aux Nombres du Calendrier (li chou). » (Marcel Granet, la pensée chinoise, Editions Albin Michel, l’évolution de l’humanité, p. 132).

Au lieu de citer des exemples tiré de l’histoire chinoise, qui ne parlerait pas beaucoup a un public français, parlons de la France et de la Russie.

En 1792, après la Révolution française, les nouvelles institutions républicaines vont instaurer un nouveau calendrier dit révolutionnaire. Il sera en vigueur jusqu’en 1805.

En 1918, la révolution russe va instaurer un nouveau calendrier. Ils abandonneront le calendrier julien pour adopter le calendrier grégorien, c’est-à-dire celui en vigueur dans le reste du monde. Il fallut rajouter treize jours à la date du calendrier julien pour passer au calendrier grégorien.

On le voit dans ses deux exemples, la chute des monarchies française et russe entraîna un changement de calendrier pour marquer la fin d’une époque et le début d’une autre.

b. L’instauration d’une nouvelle capitale.

Toutes ses dynasties ont un centre, c’est-à-dire une capitale. Il n’y a pas d’ordre sans centre. La notion de centre est liée à la notion d’axe dont nous reparleront dans un autre article.

« La capitale, où l’on s’assemble, doit être choisie (après une inspection de l’étendue) dans un site qui s’atteste voisin de « la résidence céleste », dans un site qui, par la convergence des rivières et la confluence des climats, s’avère comme le centre du monde. » (Marcel Granet, la pensée chinoise, Editions Albin Michel, l’évolution de l’humanité, p. 83).

Reprenons les exemples français et russes pour l’appliquer au changement de capitale.

Pour la France, un premier changement de capitale était intervenu sous le Roi Louis XIV, avec la construction du château de Versailles. La Révolution française va quitter Versailles pour retourner à Paris.

Nous retrouvons le même mouvement de yo-yo en Russie. Pierre le Grand déplaça la capitale de la Russie de Moscou à Saint-Pétersbourg. La Révolution russe ferra le chemin inverse reprenant l’ancienne capitale tsariste, Moscou, comme nouvelle capitale de l’Etat soviétique.

Dans la suite des articles, j’expliquerais pourquoi Versailles ? Pourquoi Paris ? Pourquoi Moscou et Saint-Pétersbourg. Il y a des raisons liées à la géographie sacrée qui relèvent de la plus haute importance.

IV : Les quatre cavaliers de l’Apocalypse et la tradition chinoise.

Au début de mon premier livre sur « l’Apocalypse de Saint-Jean et la fin des temps » j’évoquais les quatre cavaliers de l’Apocalypse et surtout l’importance de leurs couleurs. Les cavaliers de couleurs se succèdent selon un rythme précis. Couleurs et succession des cavaliers reprennent le modèle chinois des cinq royaumes.

Nous trouvons dans l’ordre, le chevalier blanc (A), le chevalier rouge (B), le chevalier noir (C) et le chevalier pâle (D).

A : Le chevalier blanc.

Le cheval blanc apparaît deux fois dans l’Apocalypse de Saint-Jean.

Une première fois au début lors de la description des quatre cavaliers.

« Et je vis paraître un cheval blanc. Celui qui le montait avait un arc ; on lui donna une couronne, et il partit en vainqueur et pour vaincre. » (Apocalypse, VI : 2).

Le premier Cheval correspond au triomphe de l’Eglise d’avant 1914.

Une deuxième fois à la fin de l’Apocalypse.

« Puis je vis le ciel ouvert, et il parut un cheval blanc ; celui qui le montait s’appelle Fidèle et Véritable ; il juge et combat avec justice. Ses yeux étaient comme une flamme ardente ; il avait sur la tête plusieurs diadèmes, et portait un nom écrit que nul ne connaît que luimême ; il était revêtu d’un vêtement teint de sang : son nom est le Verbe de Dieu. Les armées du ciel le suivaient sur des chevaux blancs, vêtues de fin lin, blanc et pur. De sa bouche sortait un glaive affilé à deux tranchants, pour en frapper les nations ; c’est lui qui les gouvernera avec un sceptre de fer, et c’est lui qui foulera la cuve du vin de l’ardente colère du Dieu tout-puissant. Sur son vêtement et sur sa cuisse, il portait écrit ce nom : Roi des rois et Seigneur des seigneurs. » (Apocalypse, XIX :11-16).

Un cheval blanc arrive. Il est monté par un homme portant une couronne d’or et un arc à la main. Il est là pour vaincre.

Un nouveau triomphe aura lieu en l’honneur de la victoire militaire du Grand Monarque et de ses alliés russes.

Dans les cinq royaumes chinois, la couleur blanche correspond au métal, à l’Automne et à l’Ouest. C’est le 4 et le 9.

B : Le chevalier rouge.

Le cheval rouge vient après le cheval blanc.

« Et quand il eut ouvert le deuxième sceau, j’entendis le second animal qui disait :  » Viens !  » Et il sortit un autre cheval qui était roux. Celui qui le montait reçut le pouvoir d’ôter la paix de la terre, afin que les hommes s’égorgeassent les uns les autres, et on lui donna une grande épée. » (Apocalypse, VI : 3-4)

Le cheval est roux, rouge ou de feu, selon les traductions. C’est la couleur de la guerre, de la révolution. Le chevalier annonce la Première Guerre mondiale. Les hommes s’égorgent mutuellement. Avec sa grande épée, il sème le trouble et la discorde.

Dans la tradition chinoise, le rouge, c’est le feu, l’Eté et le Sud. C’est le 2 et le 7.

C : Le chevalier noir

Le cheval noir vient après le cheval rouge.

« Et quand il eut ouvert le troisième sceau, j’entendis le troisième animal qui disait :  » Viens !  » Et je vis paraître un cheval noir. Celui qui le montait tenait à la main une balance ; et j’entendis au milieu des quatre animaux comme une voix qui disait :  » Une mesure de blé pour un denier ! Trois mesures d’orge pour un denier !  » Et :  » Ne gâte pas l’huile et le vin ! «  » (Apocalypse, VI : 5-6).

Le cheval est noir, pour figurer le deuil dans lequel les habitants de la terre ont été plongés après le premier conflit mondial. Le noir introduit également le caractère très sinistre de la période qui s’annonce. Elle sera marquée par la famine, la crise économique et la montée des périls.

Le cavalier noir porte à la main une balance. Elle est destinée à peser les denrées exactement et avec parcimonie. C’est le symbole de la justice depuis l’antiquité.

Le cavalier pèse une mesure de blé et trois mesures d’orge. Ce sont des éléments très importants. Il annonce la crise économique de 1929.

Le cavalier ne doit pas souiller l’huile et le vin. Ce sont deux denrées qui doivent être protégées dans l’intérêt de Dieu. L’huile est issue de l’olive, tout du moins en ce qui concerne le Moyen-Orient, alors que le vin provient de la vigne. Deux symboles religieux très puissant. Voilà pourquoi, le divin demande au chevalier de ne pas les toucher.

Dans les cinq royaumes chinois, le cheval noir correspond à l’Eau, l’Hiver et au Nord. C’est le 1 et le 6.

D : Le chevalier pâle.

Le dernier cheval est le cheval de couleur pâle.

« Et quand il eut ouvert le quatrième sceau, j’entendis la voix du quatrième animal qui disait :  » Viens !  » Et je vis paraître un cheval de couleur pâle. Celui qui le montait se nommait la Mort, et l’Enfer le suivait. On leur donna pouvoir sur la quatrième partie de la terre, pour faire tuer par l’épée, par la famine, par la mortalité et par les bêtes féroces de la terre. » (Apocalypse, VI : 7-8).

Le quatrième cavalier, qui monte un cheval livide, verdâtre, de couleur cadavérique, se nomme « la Mort » ou « l’enfer« . C’est la Deuxième Guerre mondiale.

Dans la théorie des cinq royaumes chinois, la couleur pâle correspond au bleu chinois. Elle est associée au Bois, au Printemps et à l’Est. C’est le 3 et le 8.

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