La géographie sacrée est née à Sumer comme nous venons de le montrer dans les articles précédents. Elle va se transmettre en Grèce (II) par l’Asie mineure (I). Nous allons donc suivre le fil du temps en allant du plus ancien au plus récent afin de bien comprendre comment ce système de géographie sacrée, c’est construit à travers les siècles ou même les millénaires. Plus nous avanceront et plus nous auront de détails sur chaque système. Le temps effaçant les éléments les plus anciens.
I. : Les axes du monde en Asie mineure.
La transmission de la géographie sacrée va d’abord passer par Mélitène (A), puis par Sardes (B), les deux centres de l’Asie, l’un à l’Est, l’autre à l’Ouest. Il s’agira de compléter ce que j’ai déjà dit dans le deuxième article.
A. Les axes de Mélitène.
Pour Mélitène, nous avons un axe Est-Ouest (1) et un axe Nord-Sud (2) comme pour la description du Jardin d’Eden ou pour la « mappa mundi » sumérienne.
Nous devons deviner ses deux axes par supposition, car nous ne disposons d’aucun document permettant de les identifier. C’est en connaissant le système sumérien que nous pouvons établir celui centré sur Mélitène. Ce qui ne sera pas le cas de Sardes qui dispose d’une documentation plus abondante, sans pourtant atteindre celle de la Grèce que nous verrons ensuite. C’est cette absence d’indice qui permet de comprendre que le système de Mélitène est plus anciens que ceux de Sardes, de Délos ou de Delphes. Le système de Babylone a pu nous donner beaucoup d’information par la découverte de la carte du monde lors de fouille archéologique. Les centres anciens ayant laissé moins de traces que ceux plus récent.
Sur le mont Nemrod, nous trouvons de nombreux éléments astrologiques qui doivent guider notre réflexion.
Nous pouvons voir, au pied de l’autel principal une statue de Lion comme animal gardien. Cela correspond au signe astrologique du Lion.
Au départ, il y avait une double statue de lion et d’aigle, comme ailleurs sur le site. L’aigle correspond au signe astrologique du Verseau. Pour plus de détail sur la symbolique du Verseau, je vous renvoie à la lecture de mon dernier livre « les ères astrologiques« .
Nous retrouvons également la symbolique du Lion (seul) sur la fresque astrologique dite de « L’horoscope du lion ». Elle était intacte lors de sa découverte, mais fut gravement endommagée par la suite. Heureusement, un moulage avait été réalisé à l’époque. Elle n’est plus exposée sur le site depuis 2011.
Cette fresque correspondrait, selon les historiens, a une configuration astronomique du ciel, en raison de la position des étoiles sur et autour du lion.
Nous avons la Lune sur le torse autour du cou. La Lune était sans doute en Lion au moment de la configuration.
Trois étoiles sont au-dessus du Lion :
- L’étoile de gauche porte la désignation « le fougueux d’Héraclès« . Cela pourrait correspondre à Mars, dieu romain de la guerre, équivalent d’Arès chez les Grecs. Arès est en relation avec Héraclès qui est un personnage guerrier.
- L’étoile du milieu porte l’inscription « le brillant d’Apollon« . C’est une référence à Mercure qui portait le nom d’Hermès en Grèce.
- L’étoile de droite est indiquée comme « l’extrémité brillante de Zeus« . Zeus c’est Jupiter dans la mythologie romaine.
La Lune, Mars, Mercure et Jupiter en Lion. Ce n’est pas le lieu pour rechercher la date éventuelle. Surtout que la configuration a dû se produire un certain nombre de fois sur plusieurs millénaires.
Ce qui est le plus important, c’est la place centrale du Lion.
Cela pourrait être une référence à l’ère astrologique du Lion avec comme influence secondaire le Verseau représenté par l’aigle. Le Lion et le Verseau sont deux signes qui s’opposent. C’est un grand classique de la géographie sacré que de représenter les deux symboles de l’axe astrologique ensemble.
On pourrait supposer que Mélitène daterait de l’ère du Lion entre 10 000 et 8 000 avant Jésus-Christ. La date peut paraître lointaine et improbable. Il faut pour cela préciser un élément important qui vient appuyer ma thèse. A cent soixante-dix kilomètres de Mélitène se trouve un site archéologique majeur qui est venu bouleverser la chronologie des civilisations telle que nous la connaissons. Je parle de Göbekli Tepe. Selon la datation officielle, il aurait été construit au environ de 9 500 avant Jésus-Christ, selon la datation au carbonne 14.
Le site est caractérisé par des pierres monolithiques en forme de T avec des sculptures d’animaux.
Or, la région comporte de nombreux sites archéologiques de ce type.
1. L’axe Est-Ouest à Mélitène.
Concernant le système de Mélitène, nous pouvons facilement établir l’axe Est-Ouest, puisque nous connaissons les deux lieux. Il suffit de tracer une ligne depuis Mélitène d’un côté vers Tushpa (a) et de l’autre vers Sardes (b). Nous nous contentons d’appliquer le modèle mésopotamien.
a. Tushpa (Est).
Tushpa est situé sur les rives du lac Van dans l’actuel Asie mineur. Elle fait partie du système de Babylone au Nord et du système de Mélitène à l’Est. Elle est à la croisée des chemins entre la civilisation sumérienne et celle de la Grèce. Elle semble avoir joué, à ce titre in rôle important en matière de géographie sacrée.
Cette découverte, met en œuvre une règle importante en matière de géographie sacrée. En réalité, elle s’organise sur un système de trois centres qui règne en même temps. Ils sont reliés entre eux sous la forme d’un triangle. Triangle que j’appelle « triangle sacré ». Une fois leurs règnes passés, trois autres centres reliés dans un autre « triangle sacré » règne à leurs tours. Puis, il laissera la place ensuite à un autre « triangle sacré ».
Nous verrons cela au fur et à mesure de mes développements. Il est important de présenter cette synthèse dès maintenant, afin de bien comprendre la logique qui se cache derrière la géographie sacrée.
Dans le système de Mélitène, Tushpa est l’équivalent du Phison du Jardin d’Eden et de Suse de la « mappa mundi« .
Le Phison trouve sa source dans le mont Zagros qui était considéré par les Sumériens comme la porte de l’Enfer.
Suse était le lieu de naissance d’un héros de la mythologie grecque.
On peut imaginer que Tushpa serait soit le lieu de naissance d’un héros, soit la porte de l’enfer du système de Mélitène. Je n’ai rien retrouvé à ce sujet dans les auteurs antique. Nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses prudentes.
b. Sardes (Ouest).
Sardes est à l’opposé de Tushpa. Elle lui fait face. Elle est à l’Ouest. Dans le système de Mélitène, Sardes correspond au Géhon du Jardin d’Eden et à Sichem de la « mappa mundi« . Le Géhon était la porte des dieux, car son nom en sumérien signifiait « les grands ancêtres » ou « les magnifiques anciens« , alors que Sichem correspondait à un lieu de sacrifice dont on retrouve la trace dans l’Ancien testament à plusieurs reprises.
Quand est-il de Sardes dont nous possédons une description complète chez les géographes de l’Antiquité ?
La cité semble associée au mont Tmolos, un lieu sacré, si l’on écoute Homère dans l’Illiade.
« Cependant Achille plein de fureur perce les rangs des Troyens en jetant des cris épouvantables. Le brave Iphition, que la Nymphe Naïs avait eu du roi Otryntée dans la ville d’Hyda, au pied du mont Tmolos, dont les sommets sont toujours couverts de neige, eut le courage de s’opposer à ses efforts ; mais Achille d’un seul coup lui fend la tête et le renverse à ses pieds. La terre retentit de sa chute, et Achille se glorifiant de cette victoire » (Homère, l’Illiade, chant XX).
Il est fait référence au mont Tmolos couvert de neige. Cette montagne existe, elle s’appelle Tmole, en français et elle est est effectivement recouverte de neige.
On retrouve la même référence à Tmolos dans la tragédie d’Eschyle, « les Perses« .
C’est le premier texte, parvenu jusqu’à nous, évoquant Sardes et Tmolos. Sardes faisait alors partie de la coalition de Xercès contre les Grecs au moment des guerres médiques.
« LE CHOEUR DES VIEILLARDS.
Voici ce qu’on nomme les fidèles, gardiens de ces riches
demeures abondantes en or, les autres Perses étant partis
pour la terre de Hellas. Le roi Xerxès, né de Daréios, les a
choisis lui-même, à cause de leur vieillesse, pour veiller
sur le royaume.Mais déjà notre esprit est grandement troublé dans
notre poitrine par de mauvais pressentiments, en
songeant au retour du roi et de cette armée éclatante d’or.
Certes, toute la vigueur, née dans l’Asia, s’en est allée ;
et l’Asia triste regrette sa jeunesse ; et aucun messager,
aucun cavalier ne revient dans la ville royale des Perses.
Les Souziens, les Ekbataniens, et les habitants de la
vieille citadelle de Kissia sont partis, les uns sur des
chevaux les autres sur des nefs, et d’autres à pied, épaisse
foule guerrière.(…)
Puis est venue la multitude des Lydiens voluptueux,
toute la race qui habite le continent, ceux que
commandent Mètragathès et le brave Arcteus, chefs
royaux, et que Sardes qui abonde en or envoie sur des
chars sans nombre attelés de quatre ou de six chevaux,
spectacle terrible.Ceux qui habitent le Tmolos sacré, Mardôn, Tharybis,
et les Mysiens armés de piques, menacent de mettre au
cou de Hellas le joug de la servitude.«
(Eschyle, les perses dans Tragédies complètes, folio classique, p. 99-100).
La ville de Sardes est qualifiée de « Tmolos sacré« .
D’où vient ce nom de Tmolos ?
Tmolos était l’époux d’Omphale. Omphale était la reine de Lydie et Tmolos le roi. Dans d’autres versions du mythe, Tmolos est le père d’Omphale. Il aurait été Roi avant que sa fille ne lui succède. Le « Tmolos sacré » est donc à la fois le roi et la montagne qui porte son nom.
C’était une montagne recouverte de neige à proximité de Sardes qui fut le théâtre d’un célèbre jugement rendu par le roi lors d’un litige entre Apollon et Pan. La scène est relatée par Ovide dans ses « Métamorphoses« .
« Midas, qui détestait la richesse, aimait les champs et les bois, fréquentait Pan, habitait toujours dans les grottes des montagnes ; mais son intelligence restait épaisse et, comme précédemment, sa stupidité d’esprit allait à nouveau faire tort à son maître.
En effet, dominant les flots sur une large étendue, escarpé, le Tmolos se dresse bien haut ; ses deux versants sont bornés d’un côté par Sardes, de l’autre par la modeste Hypaepa. Là, tandis que Pan vante devant les tendres nymphes son art musical et module son chant léger sur ses roseaux joints par de la cire, il ose, en les comparant aux siens, mépriser les chants d’Apollon, et en vient à une compétition inégale, arbitrée par le Tmolos.
Le vieillard siègeant en juge sur son sommet, dégage ses oreilles des arbres ; des feuilles de chêne couronnent sa chevelure d’un bleu sombre, et des glands pendent de part et d’autre de ses tempes creuses.
Puis, regardant le dieu des troupeaux : « Un juge », dit le vieillard, « ne peut attendre ». Pan fait résonner sa flûte champêtre, et par son chant barbare charme Midas, qui justement était présent.
Après la prestation de Pan, le divin Tmolos se tourna vers Phébus ; la forêt qui le couvre suit le mouvement de son visage.
Apollon, avec sa tête blonde ceinte de laurier du Parnasse, balaie le sol de sa robe teinte de pourpre tyrienne ; sur sa main gauche était posée une lyre sertie de pierreries et d’ivoire de l’Inde ; de l’autre main, il tenait son plectre. Son maintien même révélait l’artiste. Alors, d’un pouce habile il touche ses cordes ; séduit par la douceur de la musique, Tmolos décrète que Pan doit baisser ses pipeaux devant la cithare.
Ce jugement et l’avis du mont sacré agréent tout le monde. » (Ovide, Métamorphose, Livre XI, 146-172)
On assiste a une « battle » musicale entre deux dieux, Pan contre Apollon. Elle est remportée par Apollon, dont nous avons déjà dit le rôle qu’il joue en matière de géographie sacrée. On le voit, la cité est marqué par la présence du célèbre dieu grec, comme ce sera le cas à Délos et à Delphes.
Artémis est également présente quelques kilomètres plus loin, sur les rives du lac de Gygée.
« A 40 stades de la ville est un lac qu’Homère appelle le lac Gygée, mais qui plus tard a échangé ce nom contre celui de Coloé. Sur le bord de ce lac s’élève le temple de Diane Coloène en grande vénération encore aujourd’hui. Certains auteurs assurent qu’ici, pendant les fêtes, on voit les paniers danser : comment y a-t-il des gens qui aiment mieux débiter de pareils contes que de dire tout simplement la vérité, c’est ce qui me passe. » (Strabon, Géographie, XIII, 4, 5)
Diane, c’est le nom romain d’Artémis qui joue également un rôle important en matière de géographie sacrée. Lorsque vous avez Artémis ou Apollon (ou les deux) dans une cité de l’antiquité, vous pouvez être sûr qu’il s’agit d’un centre important de la géographie sacrée. Je ne le répéterais jamais assez.
Sur le bord du lac, les rois lydiens ont été également enterrés.
« Tout autour du lac Coloé sont les tombeaux des rois. Celui d’Alyatte est du côté de Sardes : c’est une immense levée de terre qui surmonte un haut soubassement en pierre, et qui, au dire d’Hérodote (I, 93), aurait été l’oeuvre de toute la populace de cette ville, des filles publiques notamment pour la plus grande part. Hérodote ajoute que toutes les filles des Lydiens se livrent à la prostitution, et c’est ce qui explique pourquoi cette sépulture royale est quelquefois appelée le monument de la Courtisane. Certains historiens assurent que le lac Coloé a été creusé de main d’homme pour recevoir le trop-plein du débordement des fleuves. Hypaepa est la première ville qu’on rencontre quand on descend du Tmole vers la plaine du Caystre. » (Strabon, Géographie, XIII, 4, 7).
Il faut dire quelques mots sur le nom du lac. Gygée ou Gygès fut un roi lydien. Il régna à une date incertaine entre le VIIIe et le VIIe siècle avant Jésus-Christ. Il est dont naturellement enterré au abord du lac comme les autres rois. Il remplaça Candaule (petit clin d’œil à Henry de Lesquen) sur le trône. Lorsque l’on découvre l’histoire entre Candaule et Gygès, décrite par Hérodote, on comprend pourquoi Henry de Lesquen préfère utiliser l’expression Candaule à la place de l’anglicisme « cuck » pour parler d’un crétin cocu.
« Voici comment la souveraine puissance, qui appartenait aux Héraclides, passa en la maison des Mermnades, dont était Crésus. Candaule, que les Grecs appellent Myrsile, fut tyran de Sardes. Il descendait d’Hercule par Alcée, fils de ce héros ; car Agron, fils de Ninus, petit-fils de Bélus, arrière-petit-fils d’Alcée, fut le premier des Héraclides qui régna à Sardes ; et Candaule, fils de Myrsus, fut le dernier. Les rois de ce pays antérieurs à Agron descendaient de Lydus, fils d’Atys, qui donna la nom de Lydiens à tous les peuples de cette contrée, qu’on appelait auparavant Méoniens. Enfin les Héraclides, à qui ces princes avaient confié l’administration du gouvernement, et qui tiraient leur origine d’Hercule et d’une esclave de Jardanus, obtinrent la royauté en vertu d’un oracle. Ils régnèrent de père en fils cinq cent cinq ans, en quinze générations, jusqu’à Candaule, fils de Myrsus.
Ce prince aimait éperdument sa femme, et la regardait comme la plus belle des femmes. Obsédé par sa passion, il ne cessait d’en exagérer la beauté à Gygès, fils de Dascylus, un de ses gardes, qu’il aimait beaucoup, et à qui il communiquait ses affaires les plus importantes. Peu de temps après, Candaule (il ne pouvait éviter son malheur) tint à Gygès ce discours : « Il me semble que tu ne m’en crois pas sur la beauté de ma femme. Les oreilles sont moins crédules que les yeux : fais donc ton possible pour la voir nue. Quel langage insensé, seigneur ! s’écria Gygès. Y avez-vous réfléchi ? Ordonner à un esclave de voir nue sa souveraine ! Oubliez-vous qu’une femme dépose sa pudeur avec ses vêtements ? Les maximes de l’honnêteté sont connues depuis longtemps : elles doivent nous servir de règle. Or une des plus importantes est que chacun ne doit regarder que ce qui lui appartient. Je suis persuadé que vous avez la plus belle de toutes les femmes ; mais n’exigez pas de moi, je vous en conjure, une chose malhonnête. »
Ainsi Gygès se refusait à la proposition du roi, en craignant les suites pour lui-même. « Rassure-toi, Gygès, lui dit Candaule ; ne crains ni ton roi (ce discours n’est point un piège pour t’éprouver) ni la reine : elle ne te fera aucun mal. Je m’y prendrai de manière qu’elle ne saura pas même que tu l’aies vue. Je te placerai dans la chambre où nous couchons, derrière la porte, qui restera ouverte : la reine ne tardera pas à me suivre. A l’entrée est un siège où elle pose ses vêtements, à mesure qu’elle s’en dépouille. Ainsi, tu auras tout le loisir de la considérer. Lorsque de ce siège elle s’avancera vers le lit, comme elle te tournera le dos, saisis ce moment pour t’esquiver sans qu’elle te voie. »
Gygès ne pouvait plus se refuser aux instances roi : il se tint prêt à obéir. Candaule, à l’heure du coucher, le mena dans sa chambre, où la reine ne tarda pas à se rendre. Gygès la regarda se déshabiller, et, tandis qu’elle tournait le dos pour gagner le lit, il se glissa hors de l’appartement ; mais la reine l’aperçut en sortant. Elle ne douta point que son mari ne fût l’auteur de cet outrage : la pudeur l’empêcha de crier, et même elle fit semblant de ne l’avoir pas remarqué, ayant déjà conçu dans le fond du coeur le désir de se venger de Candaule : car chez les Lydiens, comme chez presque tout le reste des nations barbares, c’est un opprobre, même à un homme, de paraître nu.
La reine demeura donc tranquille, et sans rien découvrir de ce qui se passait dans son âme. Mais, dès que le jour parut, elle s’assure des dispositions de ses plus fidèles officiers, et mande Gygès. Bien éloigné de la croire instruite, il se rend à son ordre, comme il était dans l’habitude de le faire toutes les fois qu’elle le mandait. Lorsqu’il fut arrivé, cette princesse lui dit : « Gygès, voici deux routes dont je te laisse le choix ; décide-toi sur-le-champ. Obtiens par le meurtre de Candaule ma main et le trône de Lydie, ou une prompte mort t’empêchera désormais de voir, par une aveugle déférence pour Candaule, ce qui t’est interdit. Il faut que l’un des deux périsse, ou toi qui, bravant l’honnêteté, m’as vue sans vêtements, ou du moins celui qui t’a donné ce conseil. » A ce discours, Gygès demeura quelque temps interdit ; puis il conjura la reine de ne le point réduire à la nécessité d’un tel choix. Voyant qu’il ne pouvait la persuader, et qu’il fallait absolument ou tuer son maître ou se résoudre lui-même à périr, il préféra sa propre conservation. « Puisque, malgré mes réclamations, dit-il à la reine, vous me forcez à tuer mon maître, je suis prêt à prendre les moyens d’y réussir. – Le lieu de l’embuscade, répondit-elle, sera celui-là même d’où il m’a exposée nue à tes regards, et le temps de l’attaque celui de son sommeil. »
Ces mesures prises, elle retint Gygès : nul moyen pour lui de s’échapper. Il fallait qu’il pérît, lui ou Candaule. A l’entrée de la nuit elle l’introduit dans la chambre, l’arme d’un poignard, et le cache derrière la porte : à peine Candaule était endormi, Gygès avance sans bruit, le poignarde, s’empare de son épouse et de son trône. Archiloque de Paros, qui vivait en ce temps-là, fait mention de ce prince dans une pièce qu’il a composée en vers ïambes trimètres.
Gygès étant monté de la sorte sur le trône, il y fut affermi par l’oracle de Delphes. Les Lydiens, indignés de la mort de Candaule, avaient pris les armes ; mais ils convinrent avec les partisans de Gygès que, si l’oracle le reconnaissait pour roi de Lydie, la couronne lui resterait ; qu’autrement elle retournerait aux Héraclides. L’oracle prononça, et le trône fut, par ce moyen, assuré à Gygès. Mais la Pythie ajouta que les Héraclides seraient vengés sur le cinquième descendant de ce prince. Ni les Lydiens ni leurs rois ne tinrent aucun compte de cette réponse avant qu’elle eût été justifiée par l’événement. Ce fut ainsi que les Mermnades s’emparèrent de la couronne, et qu’ils l’enlevèrent aux Héraclides. » (Hérodote, Histoires, Livre I, 7-13).
Selon une certaine tradition chrétienne, Gygés aurait inspiré les auteurs juifs pour le personnage de Gog qui viendra à la fin des temps pour persécutée les chrétiens avant le retour du Christ.
Nous devinons alors que Sardes, pour le centre de Mélitène, est la porte des Enfers et en particulier le lieu d’un sacrifice (celui de Caudaule) et marqué physiquement par un mausolée des rois. On peut alors déduire que Tushpa serait la porte des dieux et particulier celui de la naissance d’un dieu ou d’un héros, même si nous ne disposons d’aucune trace écrite ou archéologique. Je le dis par simple déduction.
D’autant qu’aujourd’hui, il existe un tumulus dit de Gygès entre le lac de Marmara et le temple d’Artémis. Il en existe plus de cinq cents qui ont été retrouvé dans la région. C’est sans doute à cela que fait référence Strabon, lorsqu’il parle de mausolées des rois.
2. L’axe Nord-Sud à Mélitène.
Pour l’axe Nord-Sud, nous avons l’île d’Aretias au Nord (a) et Palmyre au Sud (b).
a. Ile d’Aretias (Nord).
Lorsque j’ai découvert l’existence Mélitène, il y a quelques années, en lisant Jean Richer, je m’étais étonné de la présence dans l’axe Nord-Sud, au Nord, du territoire des Amazones. De fabuleuses guerrières qui ne vivaient qu’entre femmes et tuaient les hommes. Des féministes modernes. En quelques sortes, les ancêtres de Sandrine (ou plutôt devrais-je dire Sardine) Rousseau. Un élément ressurgit du passé, qui plonge ses racines dans l’Antiquité. Elles vivaient sur les rives du Pont Euxin, la mer noire actuelle.
En suivant une ligne droite partant de Palmyre et passant par Mélitène, nous arrivons sur la ville moderne de Giresun et sur l’île de Giresun. C’est l’ancienne Kérassonte de l’antiquité. La ville en elle-même, fut fondé au IIe siècle après Jésus-Christ et n’a rien d’exceptionnel. En revanche, l’île est liée à la légende des Amazones. Cela rend le lieu très intéressant au niveau de la géographie sacrée.
Sur l’île, nous trouvons des fortifications, des remparts et surtout les ruines d’un temple en pierre. A l’intérieur du temple, se trouve une énorme pierre noire surnommé « Hamza ». On pense que cette pierre servait au culte de Cybèle. C’est une pierre à souhait comme ils en existaient beaucoup dans l’Antiquité. Cybèle était une divinité d’origine phrygienne adoptée ensuite par les Grecs et les Romains. Elle était la déesse de la nature sauvage, elle représentait la « magna mater« , la déesse mère. Elle était vénérée dans l’ensemble de l’Empire romain. Son culte était tellement puissant au sein de la population, que l’on ne put y mettre fin. Il y eut un transfert de culte de Cybèle à la Sainte Vierge au moment de l’émergence du Christianisme. La Vierge Marie est en quelques sortes la continuatrice de Cybèle, comme elle le fut aussi, à un moindre niveau d’Artémis. C’est ce que montre l’histoire de saint-Symphorien d’Autun.
Nous sommes dans le domaine des archétypes de l’inconscient collectif.
Dans le système de Mélitène, l’île d’Aretias correspondait au Tigre dans le Jardin d’Eden et Urartu pour la « mappa mundi« .
a. Palmyre (Sud).
Au Sud de Mélitène, nous trouvons l’extraordinaire cité de Palmyre. Elle fut constituée sur une oasis se trouvait au bord d’une route importante allant de la Mésopotamie à la Syrie. Aujourd’hui, il ne reste de Palmyre que des ruines au milieu du désert.
Au sujet de la géographie sacrée, mais au niveau de la construction des villes, Palmyre est un modèle du genre. Elle fut établie selon les principes de la géographie sacrée mis en place par les Romains avec un point central, un decumanus maximus et un cardo maximus. J’évoquerais la question dans un article spécifique, car la question est d’une grande importance. En effet, ce que j’expose dans cet article, dans le précédent et dans le suivant, c’est l’extension du decumanus maximus et du cardo maximus à l’ensemble d’un pays voir d’un continent. Il est d’ailleurs possible d’imaginer que l’un a inspiré l’autre, voir que les deux aient existé ensemble. J’ai d’ailleurs hésité a baptisé l’axe Nord-Sud, le cardo maximus et l’axe Est-Ouest, le decumanus maximus.
Pour Palmyre, nous avons un decumanus maximus qui traverse la ville de part en part, allant du point 2 (temple funéraire) au point 11 (temple de Bél). Nous avons également un cardo maximus allant du point 7 (temple de Baalshamin) au point 6 (le forum).
Le principal temple de Palmyre est celui de Bél (11). Bél fait partie de la triade divine de Palmyre composée de Bél, d’Aglibol et Yarhibol. Bél était le dieu principal de Palmyre. Aglibol était le dieu de la Lune, alors que Yarhibol était le dieu du Soleil.
Le temple fut détruit par l’Etat Islamique en 2015. Après la libération de l’antique cité, le gouvernement syrien a promis sa reconstruction, ainsi que celui de Baalshamin, détruit à la même époque.
Le temple de Baalshamin (7) était consacré à une divinité du ciel vénérée à Palmyre.
C’est une sorte de porte du Ciel situé au centre de la cité, si l’on observe le plan de la ville par satellite.
Dans le système de Mélitène, Palmyre correspond à l’Euphrate du Jardin d’Eden et à Habban, dans la « mappa mundi« . Habban se trouve pas loin de la ville d’Aden, qui fut nommé ainsi en référence au Jardin d’Eden. Il est possible d’imaginer que le temple de Baalshamin pourrait être la porte du Ciel de l’axe Nord-Sud de Mélitène.
Enfin, pour terminer sur Palmyre, il faut parler du célèbre lion de Palmyre qui fut détruit par l’Etat islamique, en juin 2015. Il fut restauré en 2017, puis installé à Damas. Ce lion renvoie bien sûr au lion de Mélitène dont nous avons déjà parlé.
B. Les axes de Sardes.
Il faut faire un bond de presque mille kilomètres pour arriver au centre énergétique suivant. Celui de Sardes.
Sardes fut fondée après la guerre de Troie.
« Sardes a l’aspect d’une grande ville. Fondée postérieurement à la guerre de Troie, elle est cependant fort ancienne. Elle possède une citadelle ou acropole très forte et a servi longtemps de résidence aux rois des Lydiens, des Mêones, pour dire comme Homère. » (Strabon, Géographie, XIII, 4, 5).
Sardes disposait d’une acropole, c’est-à-dire d’une forteresse installée en haut et au centre, regroupant plusieurs temples dédiés aux dieux de l’Olympe, dont un temple à Artémis. Selon Homère, l’acropole de Sardes aurait été construite sur le corps endormi du géant Typhon.
« L’armée s’avançait donc en ordre de bataille. A l’éclat de ses armes, on l’aurait prise pour un embrasement qui ravageait la plaine ; la terre retentissait sous leurs pieds, comme lorsque Jupiter irrité lance ses foudres sur le mont qui couvre Tiphon dans le pays des Arimes, où l’on dit qu’est le tombeau de ce géant ; la terre retentissait avec le même bruit sous cette formidable armée, qui s’avançait contre Ilion. » (Homère, l’Illiade, chant II).
La terre des Arimes était située dans la région d’Hyda, la région où se trouvait Sardes.
Le centre énergétique de Sardes et ses axes sont liés à la reine Omphale et à Héraclès. Dans un accès de folie, le héros tua Iphitos. Il se rendit àDelphes pour trouver un remède à sa folie. Afin de guérir, il devait être esclave pendant trois ans. Il sera acheté comme esclave par la reine Omphale.
« Mais toujours, à cause du meurtre d’Iphitos, Héraclès souffrait d’une grave maladie. Aussi décida-t-il de se rendre à Delphes, pour demander comment il pourrait être délivré de ce mal. Mais la Pythie refusa de lui répondre ; alors Héraclès se mit à saccager le temple, et il emporta aussi le trépied, avec l’intention de fonder son propre oracle. Apollon se battit contre lui, jusqu’à ce que Zeus jetât sa foudre entre eux, et les sépara. Héraclès obtint sa réponse : il guérirait de sa maladie à la condition qu’il se soumette à trois années d’esclavage, cédant le prix de sa vente à Eurytos comme réparation pour l’assassinat de son fils. » (Apollodore, la bibliothèque, Editions de l’aire, p. 107-108).
Comme Nemrod, Héraclès fonda de nombreuses villes qui furent des centres de la géographie sacrée. Cités qui très souvent portèrent son nom. Nemrod est associé à Mélitène, alors qu’Héraclès est lié à Sardes. C’est pour cela que le mythe de la reine Omphale et d’Héraclès est très intéressant au niveau de la géographie sacrée.
Contrairement à Mélitène, le centre de Sardes et ses axes sont mieux documentés. Nous pouvons clairement identifier un axe Est-Ouest (1) et un axe Nord-Sud (2).
1. L’axe Est-Ouest à Sardes.
L’axe Est-Ouest comprend Mélitène à l’Est (a) et le mont Sipyle à l’Ouest (b).
a. Mélitène (Est).
Nous retrouvons Mélitène comme indicateur de l’Est pour le centre de Sardes. Mélitène joue un rôle important pour le passage du triangle sacré Babylone-Tushpa-Mélitène au triangle sacré Sardes-Mélitène-Chéronèse. Comme nous l’avons déjà vu, trois centres semblent devoir régner en même temps. C’est trois centres forme un triangle dit sacré. Ensuite, il y a un transfert d’un triangle sacré à un autre triangle sacré, par l’intermédiaire d’un point de jonction entre les deux triangles. Le point de jonction, c’est Mélitène.
Nous avons donc :
- Premier triangle sacré : Babylone, Mélitène et Tushpa.
- Deuxième triangle sacré : Mélitène, Sardes et Chéronèse.
Le lien d’un « triangle sacré » à l’autre se fait par un point de jonction. C’est Mélitène.
A Mélitne, se trouve le site de Nemrod Dag, le mont Nemrod, sans doute construit en l’honneur du personnage biblique de Nemrod. Nous pouvons supposer, en fonction de ce qui a déjà été développée précédemment, que c’est à cet endroit qu’il est né, même si la trace de cette naissance a été perdu en raison de son ancienneté.
Pourquoi sa naissance ?
Car le point à l’Ouest correspond a un lieu de sacrifice.
Nous avions vu dans le troisième article de la série que Suse correspondait au lieu de la naissance du héros grec Memnon. Dans cet article, nous avons vu que Sardes, situé à l’Ouest de Mélitène, correspondait au lieu de sacrifice et que Tushpa devait être le lieu de naissance d’un dieu. Nous verrons que cette logique se retrouve également en Grèce, que ce soit à Délos ou à Delphes.
b. Mont Sypile (Ouest).
Le mont sipyle est une montage de 1513 mètres se trouvant dans un lieu proche des côtes de l’Asie mineure, en face des îles grecques. Il porte aujourd’hui, en turc, le nom de « spil dagi« . Cette montagne est associée à Tantale. C’est au sommet qu’aurait eu lieu le célèbre festin dit de Tantale.
« Zéthos épousa Thébè, qui donna son nom à la ville de Thèbes ; Amphion épousa Niobé, la fille de Tantale. Elle mit au monde sept garçons : Sipyle, Eupinytos, Isménos, Damasichthon, Agénor, Phaédimos, Tantale ; et sept filles : Éthodaia (ou Néère selon certains), Cléodoxa, Astyoché, Phthia, Pélopia, Astycratia, Ogygia. Hésiode, lui, dit que Niobé eut dix fils et dix filles ; Hérodore dit deux fils et trois filles ; Homère six fils et six filles.
Fière d’avoir tant de beaux enfants, Niobé se vanta un jour d’être une mère plus heureuse que Léto elle-même. La déesse, indignée, poussa Apollon et Artémis contre les enfants de Niobé. Toutes les filles furent tuées chez elles par les flèches d’Artémis ; et tous les garçons furent tués par Apollon, alors qu’ils chassaient ensemble sur le Cithéron. Parmi les garçons, seul Amphion se sauva, et parmi les filles, seule Chloris, l’aînée, qui épousa Nélée. Télésilla, pour sa part, déclare qu’Amyclas et Mélibée se sauvèrent et qu’Amphion fut tué par eux [les dieux]. Niobé quitta Thèbes et se réfugia auprès de son père Tantale, sur le mont Sipyle. Elle implora les dieux, et Zeus la changea en pierre ; nuit et jour, de cette pierre s’échappent des larmes. » (Apollodore, Bibiothèque, Editions de l’aire, p. 138-139)
Selon Apollodore, c’est au sommet du mont Sipyle, que Niobé fut transformé en pierre. Une pierre qui pleure nous dit-il. Aujourd’hui, il existe un rocher de forme humaine qui fut baptisé « rocher en pleurs ». Ce serait le corps de Niobé changé en pierre par Zeus.
C’est le lieu de sacrifice qui fait face à Mélitène qui concerne probablement la naissance de Nemrod.
« L’autel de Zeus Olympien est à une égale distance du Pélopion et du temple d’Héra, et il s’étend en face de l’un et de l’autre. Cet autel a été érigé, suivant les uns par Héraclès Idaéen, et suivant d’autres, par des héros du pays, deux générations après Héraclès. Il est fait, de même que celui de Pergame, de la cendre des cuisses des victimes qu’on sacrifie à Zeus. Il y a aussi à Samos un autel de cendre érigé à Héra, mais il n’a rien de plus remarquable que ceux qu’on élève à la hâte dans l’Attique, et qu’on nomme Escharae. Le soubassement (prothysis) de l’autel de Zeus Olympien a cent vingt-cinq pieds de circonférence ; la partie qui s’élève au-dessus (le thysiastérion) en a trente-deux, et l’autel a en tout vingt-deux pieds de haut. On amène les victimes jusqu’à la balustrade : là, on les égorge. On en prend les cuisses, et on les porte en haut pour les faire rôtir sur l’autel. On arrive à cette balustrade par des marches de pierres qui sont aux deux côtés. De là jusqu’au haut de l’autel, ce sont des marches faites avec la cendre des victimes. Les femmes et les filles peuvent approcher jusqu’à la balustrade aux jours qu’il leur est permis d’être à Olympie ; mais il n’y a que les hommes qui puissent monter jusqu’à l’autel. Les étrangers sont reçus tous les jours à faire des sacrifices, sans qu’il soit besoin d’attendre les jours plus solennels, comme les temps de foires. Pour les Éléens, il ne se passe point de jour qu’ils ne sacrifient à Zeus Olympien. Chaque année, le dix-neuf d’Arès, les devins apportent de la cendre du prytanée ; ils la délayent dans de l’eau du fleuve Alphée, et en font une espèce de mortier dont ils enduisent l’autel ; ce mortier ne se peut faire avec d’autre eau. C’est pourquoi l’Alphée passe pour être de tous les fleuves le plus agréable à Zeus. A Didyme, ville du ressort de Milet, il y a un autel érigé, dit-on, par Héraclès de Thèbes, et construit avec du mortier délayé dans le sang des victimes ; mais cet autel étant devenu moins célèbre, les sacrifices ont diminué, et l’autel en est moins bien entretenu. » (Pausanias, Livre V, chapitre XIII).
En contrebas du mont Sipyle se trouvait un sanctuaire en l’honneur de Pélops, le fils de Tantale
2. L’axe Nord-Sud à Sardes.
L’axe Nord-Sud comprend au Sud Camiros sur l’île de Rhodes (a) et au Nord l’île de e mont Olympe de Mysie (b).
a. Camiros et Rhodes (Sud).
Camiros est situé sur l’île de Rhodes. Elle était l’une des trois cités de l’île avec Lindos et Lalysos. Ensemble, elles formèrent l’hexapole dorienne avec Cos, Cnide et Halicarnasse, c’est-à-dire une fédération de six cités. C’est le territoire en bleu sur la carte ci-dessous.
L’île était dédiée à Athéna. C’est à Camiros que se trouvait une acropole et un célèbre temple dédié à Athéna dont il ne reste rien, sauf les fondations.
Camiros se trouvait en face de Sardes, contrairement à Lindos qui était sur l’autre rive. C’est pour cela que j’ai choisi Camiros.
Camiros, Lindos et Lalysos fusionneront ensuite pour former la cité de Rhodes qui donnera son nom à l’île.
« Le premier point qu’on relève à partir de la ville de Rhodes, quand on gouverne de manière à avoir toujours la côte de l’île à sa droite, est la ville de Lindos, qui est bâtie tout au haut d’une montagne et tournée au plein midi juste dans la direction d’Alexandrie. Il s’y trouve un temple célèbre dédié à Athéné Lindienne par la piété des Danaïdes. Dans le principe, avons-nous dit, les Lindiens formaient un Etat séparé, comme les Gamiréens et les Ialysiens, mais plus tard les trois peuples se réunirent et vinrent se fondre dans Rhodes en une seule cité. Cléobule, l’un des sept Sages, était de Lindos. » (Strabon, Géographie, XIV, II, 11).
C’est à Rhodes que sera construit le célèbre colosse, l’une des sept merveilles du monde. Une statue géante en l’honneur du Soleil, le dieu Hélios.
« Bâtie à la pointe orientale de l’île [dont elle porte le nom], la ville de Rhodes par ses ports, ses rues, ses murs et son aspect général, forme une cité tellement à part, qu’il n’y a pas de ville, à ma connaissance, qui puisse lui être, je ne dis pas préférée, mais égalée seulement. J’ajouterai qu’on ne peut admirer assez l’excellence de ses lois et le soin qu’elle a toujours apporté aux diverses branches de l’administration et à la marine en particulier, ce qui lui a assuré pendant longtemps l’empire de la mer et donné les moyens de détruire la piraterie et de mériter ainsi l’alliance du peuple romain et de ses amis les rois grecs d’Asie. Or, grâce à ces alliés, elle a pu maintenir son indépendance, en même temps qu’elle se voyait décorer par eux d’une foule de monuments ou d’objets d’art, dont la plus grande partie est aujourd’hui dans le Dionysium et dans le Gymnase, tandis que le reste est dispersé dans les différents quartiers de la ville. De tous ces monuments le plus remarquable sans contredit est la statue colossale du Soleil, oeuvre de Charès, de Charès de Lindos, comme nous l’apprend l’iambographe, auteur de l’inscription :
«De sept fois dix coudées Charès Lindien l’a faite».
Par malheur le colosse gît maintenant étendu sur le sol ; renversé par un tremblement de terre, il s’est brisé en tombant à partir des genoux, et les Rhodiens, pour obéir à je ne sais quel oracle, ne l’ont point relevé. Outre ce monument, qui surpasse, avons-nous dit, tous les autres (on s’accorde en effet universellement à le ranger parmi les sept merveilles du monde) » (Strabon, Géographie, XIV, II, 5).
Le colosse fut construit en 292 avant Jésus-Christ et fut détruit en 227 ou 226 avant Jésus-Christ par un tremblement de terre.
« Vient ensuite Camiros, et, après Camiros, Ialysos, simple bourg, dominé par une citadelle ou acropole qu’on nomme l’Ochyrôme. Après quoi, un dernier trajet de 80 stades environ nous ramène devant Rhodes. Dans ce trajet, le seul point intermédiaire à remarquer est la falaise de Thoantium, qui se trouve avoir juste en face d’elle ce groupe de Chalcia, dépendant des Sporades, dont nous avons parlé précédemment. » (Strabon, Géographie, XIV, II, 11-12).
b. Cyzique et la Thrace (Nord).
L’île d’Arctonnesus dont la principale cité était Cyzique, faisait partie de la province romaine de l’Hellespont qui séparait l’Europe de l’Asie. A l’époque, il s’agissait bien d’une île. Par la suite, elle deviendra une presqu’île par le développement d’un banc de sable.
L’amphithéâtre de la ville était l’un des plus grands au monde et parfois classé dans les sept merveilles du monde, comme le colosse de Rhodes qui lui fait face dans l’axe Nord-Sud. Il impressionna sans doute en raison de ses trente-et-une colonnes de tailles fabuleuses, dont certaines sont restées debout. Les autres ayant été utilisé afin de construire la basilique Sainte-Sophie de Constantinople.
A Cyzique, il n’y a pas de lieu qui pourrait correspondre à l’Enfer. En effet, l’île de Rhodes correspond à la porte des dieux, que montre l’édification du colosse de Rhodes représentant une statue géante du dieu Soleil, Hélios. Logiquement, nous devrions retrouver une porte de l’Enfer à Cyzique. Or, ce n’est pas le cas. En revanche, si l’on poursuit la ligne allant de Rhodes, en passant par Sardes et Cyzique, nous arrivons en Thrace.
La Thrace était une région géographique habitée par un peuple réputé pour sa qualité guerrière. Il y avait beaucoup de Thraces, dans les combats de gladiateurs. D’ailleurs, le dieu de la guerre, Arès, vivait en Thrace.
Héraclès lors du huitième travail se rend en Thrace pour affronter les chevaux carnivores de Diomède.
« Le huitième travail consista à porter à Mycènes les juments du roi de Thrace Diomède. Ce dernier était le fils d’Arès et de Cyrène, et régnait sur les Bistones, un peuple de Thrace très belliqueux, et il possédait des juments anthropophages. Héraclès mit à la voile avec une équipe de volontaires, attaqua les gardiens des écuries, et mena les juments sur la plage. Mais les Bistones prirent les armes et les poursuivirent. Alors Héraclès confia les juments à Abdéros. Celui-ci était le fils d’Hermès ; originaire d’Oponte en Locride, il était aimé d’Héraclès. Mais les juments le mirent en pièces et le dévorèrent. Entre-temps, Héraclès avait défait les Bistones, tué Diomède et contraint à la fuite les survivants. Après avoir fondé la cité d’Abdéra près de la tombe d’Abdéros, le héros amena les juments à Eurysthée. Mais celui-ci, ensuite, les libéra, et les juments gagnèrent le mont Olympe, où elles furent dévorées par les bêtes sauvages. » (Apollodore, La bibliothèque, Editions de l’aire, p. 98).
Diomède est le roi de Thrace. Son père est le dieu Arès. Il est dit que son peuple était très belliqueux. Nous sommes ici en plein dans la symbolique de l’Enfer pouvant correspondre à la porte de l’Enfer du centre de Sardes. Sa capitale était à Bistrones, loin du lieu d’arrivée de l’axe en Thrace. l’île d’Arctonnesus comme la rive en face faisaient partie toutes les deux de la Thrace.
II. : Les axes du monde en Grèce.
La géographie sacrée passa ensuite de l’Asie mineure à la Grèce, avec Délos (A) et surtout de Delphes (B).
Se forme un nouveau triangle sacré entre Sardes, Delphes et Délos dont le point de jonction est Sardes.
Résumons donc le propos par ce tableau :
- Premier triangle sacré : Babylone, Mélitène et Tushpa.
- Deuxième triangle sacré : Mélitène, Sardes et Chéronèse.
- Troisième triangle sacré : Sardes, Delphes et Délos.
Le lien d’un « triangle sacré » à l’autre se fait par un des centres qui est un point de jonction. Ici, c’est d’abord, Mélitène, puis ce sera le tour de Sardes.
- Point de jonction entre le premier et le deuxième triangle sacré : Mélitène.
- Point de jonction entre le deuxième et le troisième triangle sacré : Sardes.
A. Les axes de Délos.
Nous avons un axe Nord-Sud (1) et un axe Est-Ouest (2) que nous pouvons clairement identifier sans doute possible.
1. L’axe Nord-Sud à Délos.
L’axe Nord-Sud est dans le même ordre que celui de Sardes, avec la porte de l’Enfer, au Nord sur le volcan Mosyclos sur l’île de Lemnos (a) et la porte des dieux, au Sud, le mont Ida dans l’île de Crète (b).
a. Le volcan Mosyclos (Nord).
Hephaïsta est le lieu de résidence d’Hephaïstos le dieu du feu selon le poète Homère.
« Résigne-toi, ô ma mère, sois patiente malgré ta douleur, pour qu’un fils qui t’aime ne te voie point indignement outragée ; car alors, quoique accablé de chagrin, je ne pourrais te secourir : il est difficile de résister au souverain de l’Olympe. Jadis, quand je voulus te défendre, il me saisit par le pied et me précipita du seuil divin. Je roulai tout le jour, suivant le soleil dans sa course ; et, respirant à peine, je tombai dans l’île de Lemnos : c’est là que les Sintiens me recueillirent après ma chute. » (Homère, l’Iliade, Chant I, 586-594).
La scène est également relaté par Apollodore dans sa « bibliothèque« .
« Héra engendra Héphaïstos sans aucun rapport sexuel. Homère soutient au contraire qu’Héphaïstos également est le fils de Zeus. Ce fut justement Zeus qui le jeta du haut du ciel, la fois où Héphaïstos chercha à aider Héra qui était enchaînée. Zeus l’avait suspendue en dehors de l’Olympe, parce qu’elle avait osé provoquer une tempête contre Héraclès, alors qu’il naviguait à la conquête de Troie. Héphaïstos tomba sur l’île de Lemnos et en resta boiteux ; mais Thétis le sauva.« . (Apollodore, bibliothèque, Editions de l’aire, p. 22-23).
Le dieu s’installe dans le volcan Mosyclos où se trouve sa forge pour fabriquer des armes. Au pied de celui-ci, se trouvait un temple qui lui était dédié.
Dans l’île vivaient également de curieux démons du feu, les Cabires. Cela donna naissance à un culte à mystère que l’on retrouve à Lemnos et dans d’autres îles grecques.
Enfin, c’est à Lemnos dans le volcan d’Hephaistos que fut volé le feu, par Prométhée, afin de le transmettre aux hommes.
b. Le mont Ida (Sud).
La porte des dieux se trouvait en Crète sur le mont Ida.
« L’île de Crète, qui est surtout montagneuse et boisée, possède aussi des vallées d’une grande fertilité. De ses montagnes, les plus occidentales sont connues sous le nom de monts Leuques ; elles ne le cèdent pas en hauteur au mont Taygète, et s’étendent sur une longueur de 300 stades environ, formant ainsi une chaîne ou arête qui se termine à peu près au premier isthme. Au centre de l’île, maintenant, c’est-à-dire dans la partie où elle offre le plus de largeur, s’élève l’Ida, la plus haute des montagnes de Crète, qui mesure 600 stades de tour à sa base. Là aussi se trouvent, rangées autour de l’Ida, les villes les plus importantes de l’île. Quant aux autres chaînes de montagnes, qui se dirigent, les unes au midi, les autres au levant, elles égalent à peu près la hauteur des monts Leuques. » (Strabon, Géographie, X, IV, 4).
Dans le mont Ida, il existe deux lieux qui peuvent revendiquer le statut de porte des dieux : la grotte d’Ida et la grotte de Psychro.
On apprend avec Strabon que la grotte d’Ida était surnommé « l’antre de Zeus« .
« Au dire d’Ephore, Minos avait voulu se montrer l’émule d’un ancien sage, nommé Rhadamanthe et réputé le plus juste des hommes, lequel passe pour avoir le premier civilisé l’île de Crète en la dotant de lois, de cités, de magistratures, toutes mesures présentées par lui comme des prescriptions de Jupiter. C’est donc encore, ce semble, à l’imitation de Rhadamanthe, que Minos, tous les neuf ans, se retirait sur la montagne, en un lieu dit l’Antre de Jupiter, s’y l’enfermait un temps et en ressortait muni de tables de lois qu’il assurait être les commandements mêmes du dieu, circonstance à laquelle Homère a sans doute voulu faire allusion quand il a dit : » (Strabon, Géographie, X, IV, 4).
La grotte d’Ida fait penser au buisson ardent de Moïse.
Tous les neuf ans, le roi de Crète, Minos, se rendait à l’intérieur de la grotte et ressortait avec des tables de lois. Moïse reçut de Yahvé les tables de la loi en haut de la montagne avec des dix commandements. Nous retrouvons un schéma archétypal, comme il y a des archétypes universels. Schéma comme archétypes sont issue de l’inconscient collectif. Lui-même crée par Dieu. Sans doute, Minos se rendait-il à l’intérieur de la grotte d’Ida pour récupérer les tablettes grecques de la loi, comme Moïse le fit pour les Juifs.
La grotte de Psychro est parfois dites grotte de Dikté. Elle est évoqué par Hésiode dans sa « théogonie«
« Mais Rhéa était amoureuse de Cronos et donna naissance à de splendides enfants, Hestia1,Déméter et Héra ferrée d’or. et le fort Hadès, de cœur impitoyable, qui habite sous la terre, et le bruyant tremblement de terre, et le sage Zeus, père des dieux et des hommes, par le tonnerre duquel la vaste terre est ébranlée. Ces grands Cronos avalés comme chacun sortit du sein maternel aux genoux de sa mère avec cette intention, qu’aucun autre des fiers fils du Ciel n’occuperait la fonction royale parmi les dieux immortels. Car il apprit de la terre et du ciel étoilé qu’il était destiné à être vaincu par son propre fils, aussi fort qu’il fût, grâce à l’invention du grand Zeus. deuxC’est pourquoi il ne garda pas d’aveuglement, mais regarda et engloutit ses enfants: et un chagrin incessant s’empara de Rhéa. Mais quand elle fut sur le point d’enfanter Zeus, le père des dieux et des hommes, puis elle demanda à ses chers parents, à la Terre et au Ciel étoilé, de concevoir avec elle un plan pour que la naissance de son cher enfant soit cachée, et que le châtiment puisse dépasser le grand et rusé Cronos pour son propre père et aussi pour les enfants qu’il avait engloutis. Et ils entendirent et obéirent volontiers à leur chère fille, [470] et lui raconta tout ce qui était destiné à arriver en touchant Cronos le roi et son fils au grand cœur. Ils l’envoyèrent donc à Lyctus, dans le riche pays de Crète, quand elle fut prête à porter le grand Zeus, le plus jeune de ses enfants. Il a reçu une vaste Terre de Rhéa dans la vaste Crète pour nourrir et élever. À cet endroit vint la Terre le portant rapidement à travers la nuit noire jusqu’à Lyctus d’abord, et le prit dans ses bras et le cacha dans une grotte isolée sous les lieux secrets de la terre sainte sur le mont Aegeum épais et boisé; mais au fils puissant régnant du Ciel, le roi antérieur des dieux, Elle a donné une grande pierre enveloppée dans des langes. Puis il le prit dans ses mains et le lui enfonça dans le ventre : misérable ! Il ne savait pas dans son cœur qu’à la place de la pierre, son fils était laissé derrière, invaincu et sans trouble, et qu’il allait bientôt le vaincre par la force et la force et le chasser de ses honneurs, lui-même pour régner sur les dieux immortels. » (Hésiode, Théogonie, 454-480).
Elle est également cité par Apollodore dans sa « bibliothèque« .
« Mais la première mesure de Cronos fut d’enfermer de nouveau tous ses frères dans le Tartare ; après quoi, il épousa sa sour, Rhéa. Gaia et Ouranos, cependant, lui avaient fait une prophétie : qu’un fils lui naîtrait qui lui arracherait le pouvoir. Aussi, dès qu’un de ses enfants naissait, Cronos, aussitôt, l’avalait. La première à naître – et à être avalée – fut Hestia ; puis Déméter et Héra, et enfin Hadès et Poséidon.
Furieuse, Rhéa s’enfuit en Crète : elle était enceinte de Zeus, et c’est justement en Crète qu’elle le mit au monde, dans une caverne du mont Dicté. Puis elle le confia aux Curètes et aux Nymphes Adrastée et Idas, les filles de Mélissé.
Elles nourrirent l’enfant avec le lait d’Amalthée, alors que les Curètes, en armes, surveillaient le nouveau-né à l’intérieur de la caverne, en frappant fortement leurs lances contre leurs boucliers, afin que cette clameur empêchât Cronos d’entendre les vagissements de son fils. Entre-temps, Rhéa enveloppa une pierre dans des langes, et elle la présenta à Cronos : et celui-ci, imaginant bien qu’il s’agissait du dernier né, l’engloutit. » (Apollodore, la bibliothèque, Editions de l’aire, p. 18).
Hésiode parle de la grotte d’Aegeum, alors qu’Apollodore évoque la grotte de Dicté ou de Dikté, ce qui correspond à celle de Psychro. Un lieu sublime avec d’immenses stalagmites, si l’on en croit les photos que l’on trouve sur Internet. Je n’ai, hélas, pas eu la chance de là visiter.
Que ce soit la grotte d’Ida ou celle de Psychro, ont été retrouvé de très nombreux ex-voto ou offrandes montrant l’intense activité religieuse qui marquait ses deux lieux supposé avoir vu naître le dieu des dieux de la mythologie grecque.
Il est probable que c’est la grotte de Psychro qui correspond à la porte des dieux, car elle est exactement alignée sur l’île de Lemnos et sur Délos, alors que la grotte d’Ida est légèrement excentrée. Ce qui rejoint le texte d’Apollodore qui parle de la grotte de Dicté.
2. L’axe Est-Ouest à Délos.
Dans l’axe est-ouest, nous avons Hermione à l’Ouest (a) et Didymes à l’est (b).
a. Hermione (Ouest).
A l’Ouest de Délos, nous retrouvons le lieu où Zeus et son épouse Héra ont convolé en voyage de fiançailles. Apollodore donne assez peu de détail sur le mariage de Zeus et d’Héra. Il faut aller chercher ailleurs des informations. La légende est évoquée chez Pausanias dans sa « description géographique de la Grèce« , un chef d’œuvre de l’Antiquité.
« Junon (Héra) est assise sur un trône; sa statue, d’une très grande proportion, en or et en ivoire, a été faite par Polyclète. Elle porte une couronne sur laquelle sont représentées les Grâces et les Saisons; elle tient une grenade d’une main et un sceptre de l’autre. Ce qu’on dit au sujet de la grenade étant un mystère, je ne me permettrai pas d’en parler. Quant au coucou qui est sur son sceptre, on raconte que Jupiter (Zeus), étant amoureux de Junon (Héra) encore vierge, se transforma en coucou, et que Junon (Héra) prit cet oiseau pour s’en faire un jouet. Je n’ajoute nulle foi à cette fable ni à celles du même genre qu’on raconte sur les dieux; je ne les en rapporte pas moins. » (Pausanias, Livre II, chapitre XVII).
Pausanias rapporte l’anecdote, même s’il avoue ne pas en croire un mot. Bien sûr, il ne s’agit pas d’une véritable histoire, mais d’une image symbolique issue de l’inconscient collectif. Je ne le répéterais jamais assez.
La scène aurait eu lieu au sommet du mont Thornax. Le mont Thornax porte depuis cette date le nom de « mont au coucou ».
« En prenant la route qui conduit directement à Masès, si vous tournez à gauche, après avoir marché sept stades, vous trouvez le chemin d’Halicé. Cette ville, déserte maintenant, était jadis habitée, et il est question d’Halicé sur les cippes des Épidauriens, dont les inscriptions nous apprennent les guérisons faites par Esculape. Je ne connais, du reste, aucun écrit digne de confiance, où il soit parlé de la ville d’Halice ou de ses habitants. La route qui y conduit passe entre le mont Pron et celui qui, connu anciennement sous le nom de Thornax, s’appela depuis Coccygium, parce que Jupiter (Zeus) s’y métamorphosa, dit on, en coucou. Jupiter (Zeus) a un temple au sommet de cette montagne, comme Junon (Héra) au sommet du Pron. Au bas du Coccygium est un autre temple, qui n’a plus ni portes, ni toit, ni statue. On dit qu’il était dédié à Apollon. Arrivé là, si vous quittez la grande route, vous trouvez un chemin qui vous conduit à Masès, ancienne ville dont parle Homère dans le catalogue des Argiens. Elle sert maintenant de port aux Hermionéens. » (Pausanias, Livre II, chapitre XXXVI).
Le mont du coucou se trouve à proximité de la cité d’Hermione. Hermione était un personnage de la mythologie grecque. Hermione est née de l’union de Ménélas et d’Hélène. Elle est une Atrides dont le destin tragique ressemble à celui des Labdacides à Thèbes. C’est une famille marquée par le vice, la tragédie et le meurtre dont Hermione est à l’origine.
Est-ce le nom de la cité ou celui de l’héroïne qui inspira J. K. Rowling, pour la création du personnage d’Hermione Granger dans la série de romans « Harry Potter« . Plus que les romans, ce qui a sans doute marqué toutes les mémoires, ce sont les films, diffusés entre 2001 et 2011. Il y a comme cela des séries de films qui s’impriment très profondément dans l’esprit des spectateurs, quel que soit d’ailleurs les générations. On pense aussi à « Star wars » (la guerre des étoiles), à « Indiana Jones » ou au « Seigneur des anneaux« . Souvent, ils puisent dans les symboles des temps anciens. Des images mythologiques ou religieuses. C’est leur secret. C’est ce qui fait leur puissance d’évocation et leur forte imprégnation dans la mémoire. Il évoque chez chacun d’entre nous des symboles de l’Inconscient collectif. Les écrivains et les cinéastes connaissent ses mécanismes psychologiques. La mythologie grecque, comme d’ailleurs l’Ancien Testament, sont une source inépuisable d’inspiration pour le monde moderne.
De l’union de Zeus et d’Héro au mont Thornax naîtra Héphaïstos qui joua un rôle important dans l’île de Lemnos. Les points d’arrivée des axes semblent devoir se répondre symbolique à travers l’espace. Hermione et Lemnos sont les deux portes de l’Enfer. l’une donne naissance à Héphaïstos et l’autre est sa demeure. L’aspect sacrificiel de la porte de l’Ouest se retrouve dans le nom d’Hermione qui fait référence aux Atrides.
b. Didymes (Est).
A l’Est, nous avons le très important temple de Didymes avec son oracle. Comme pour le volcan de Lemnos ou le mont Ida en Crète, nous sommes en présence de lieu majeure de la civilisation grecque. Je n’ai pas essayé de faire coller ma théorie en cherchant de manière capillotractée des lieux correspondant à ce que je cherchais. C’est justement tout l’inverse. Ce sera d’ailleurs encore plus frappant lorsque nous verrons Delphes. Ces lieux ont été choisis, car il s’alignait selon des axes géographiques et qu’il correspondait à des caractéristiques précises. Soit une porte des dieux, soit une porte de l’enfer, c’est-à-dire une montagne ou une grotte, voire les deux (mon Général). La question la plus importante, concerne l’aspect volontaire ou pas de cette organisation géographique de l’espace sacré. Volonté des hommes ou de Dieu ? En cas de volonté humaine, il est nécessaire. Que soit présente une force politique unificatrice capable de prendre les bonnes décisions. Nous verrons dans un autre article que cette force politique centrale existait en Grèce. Ce fut l’amphictyonie de Delphes.
Il n’y a que deux temples oraculaires en Asie Mineure : Didymes et Claros.
Nous trouvons trois temples oraculaires en Grèce continentale : Delphes, Dodone et l’amphiaréion d’Oropos.
Tous les oracles ne sont pas des centres énergétiques. C’est uniquement le cas de Delphes.
Didymes est le point à l’Est du centre de Délos.
C’est dire l’importance du temple oraculaire de Didyme durant l’Antiquité, même si le nom est totalement tombé dans l’oubli de nos jours.
Didymes qui porte aujourd’hui le nom de Didim, en turc, est lié au signe astrologique du Gémeaux par son nom (didymoi, jumeaux), ainsi que le relate Lucien de Samosate dans « de l’astrologie« .
« Convaincus de ces vérités, les anciens se servaient très souvent de la divination et ne la regardaient pas comme superflue. Ils ne fondaient pas de ville, n’élevaient pas de murailles, ne livraient pas de combat, ne se mariaient pas, sans avoir pris conseil des devins, dont ils ne séparaient pas les oracles de la science astrologique. À Delphes, la vierge prophétique est un symbole de la vierge céleste. Le dragon placé sous le trépied n’est doué de la voix que parce qu’il y a un dragon qui brille parmi les astres, et l’oracle d’Apollon, établi à Didyme, n’est, à mon avis, ainsi nommé que par allusion aux Gémeaux du ciel. » (Lucien de Samosate, de l’astrologie, 23).
Les Gémeaux du Ciel dont parle Lucien, c’est le couple Apollon-Artémis, frère et sœur, née sur l’île de Délos. Comme nous l’avons déjà vu, ils sont liés à l’astrologie et à la géographie sacrée. Cette vérité est encore plus vraie à Didymes qu’ailleurs. Car si à Delphes, l’oracle est lié uniquement à Apollon, ici à Didymes, il concerne le frère et la sœur. Il y avait un temple dédié à Apollon (celui où se déroulaient les séances divinatoires) et un temple dédié à Artémis. A Delphes, il n’y a pas de temple pour Artémis.
Le temple d’Artémis est plus modeste que celui d’Apollon.
Le temple d’Apollon accueille l’oracle, comme le fait remarquer le géographe Strabon.
« Tout de suite après le cap Posidium, lequel dépend du territoire de Milet, si l’on remonte vers l’intérieur l’espace de 18 stades environ, on rencontre d’abord, dans, le canton dit des Branchides, le Manteum ou Oracle d’Apollon Didyméen. Ce sanctuaire partagea le sort des autres temples de l’Ionie, qui, à l’exception du temple d’Ephèse, furent tous brûlés par Xerxès. Quant aux Branchides, qui avaient livré les trésors du dieu au roi fugitif, ils prirent le parti de suivre Xerxès et de quitter le pays pour ne pas porter la peine de leur sacrilège et de leur trahison. A la place de ce premier sanctuaire, les Milésiens construisirent un temple qui surpassait par ses dimensions tous les temples connus, et qui, à cause de cela même, ne reçut jamais sa toiture. L’enceinte principale, capable d’enfermer tout un bourg, se trouve placée entre deux aisé ou bois magnifiques, l’un intérieur, l’autre extérieur, et a comme dépendances différents sanctuaires qui contiennent le Mantéum et tous les objets nécessaires au culte. C’est en ce lieu que la Fable place la scène des amours d’Apollon et de Branchus. On y a réuni à titre de pieuses offrandes les chefs-d’oeuvre les plus précieux de l’art antique. Du temple à la ville le chemin n’est rien, qu’on s’y rende par terre ou qu’on descende jusqu’à la côte pour regagner Milet par mer. » (Strabon, Livre XIV, chapitre I, 5).
Strabon évoque l’immensité du temple. Il suffit de regarder les photos des lieux, et en particulier les personnes qui marchent sur l’escalier, pour imaginer la taille du temple.
Il existait un pèlerinage vers le mantéum de Didymes, comme pour Delphes. C’est la version grecque du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle ou de Lourdes. Il fallait obligatoirement emprunter la « voie sacrée ». Les pèlerins arrivaient en bateau depuis le port de Panormos, spécialement dédié pour accueillir les voyageurs en direction de Didymes. Depuis le port, il marchait durant six kilomètres jusqu’au temple, en passant par Milet.
B. Les axes de Delphes.
Enfin, nous terminons cet article très long, par Delphes qui était considéré par les Grecs comme le nombril du monde. Nous trouvons à Delphes, un axe Nord-Sud (1) et un axe Est-Ouest (2).
1. Axe Nord-Sud à Delphes.
L’axe nord-sud est inversé par rapport à celui de Délos, surtout en ce qui concerne l’axe Nord-Sud entre la porte du Ciel et la Porte de l’Enfer. Ce phénomène d’inversion, ne se produit pas pour l’axe Est-Ouest, sans doute parce que le Soleil se lève toujours à l’Est et se couche à l’Ouest.
Pour Sardes :
- Au Nord : la porte de l’Enfer (la Thrace).
- Au Sud : la porte des dieux (Colosse de Rhodes).
Pour Délos :
- Au Nord : la porte des dieux (le volcan Mosyclos).
- Au Sud, la porte de l’Enfer (le mont Ida).
Mais pour Delphes :
- Au Nord : la porte des enfers avrc le Cap Ténare (a).
- Au Sud : la porte des dieux avec Tempé (b).
a. Le Cap Ténare (Nord).
Le cap Ténare était considéré comme la porte des Enfers, selon Pausanias, même si lui n’y croit pas beaucoup.
« A cent cinquante stades de Teuthroné, s’offrent le promontoire Ténare, et les ports Achilléus et Psamathus. ll y a sur ce promontoire un temple en forme de grotte, et devant ce temple une statue de Neptune. Quelques poètes Grecs, prétendent qu’Hercule ramena par là le chien des enfers, mais aucun chemin souterrain n’aboutit à cette grotte et l’on aura peine à se persuader, que des dieux aient une demeure souterraine, au lieu où les âmes se réunissent. Hécatée de Milet a imaginé une hypothèse plus vraisemblable; il place sur le Ténare un serpent monstrueux, qu’on nommait le chien des enfers, parce que son venin était si subtil, que ceux qu’il mordait mouraient sur le champ : Hercule le conduisit à Eurysthée. Homère a dit le premier qu’Hercule amena le chien des enfers, mais il ne lui donne point de nom et n’en décrit pas la forme, comme il le fait pour la Chimère. Les poètes des siècles suivants l’ont nommé Cerbère, lui ont donné trois têtes, et en tout le reste la forme d’un chien : cependant Homère, par ce nom de chien des enfers, a pu vouloir désigner un serpent, tout aussi bien qu’un animal domestique. » (Pausanias, Livre III, Chapitre XXV).
Pausanias situe la grotte qui ouvre l’entrée des enfers en dessous du temple de Poséidon, mais avoue lui-même n’avoir rien vue.
Strabon précise que la grotte se situe à proximité du cap Ténare.
« Si nous rangeons, maintenant, la côte du golfe, ce qui s’offre à nous d’abord, c’est le Ténare qui s’avance en tome de pointe et que couronne un temple de Neptune entouré de son alsos ou bois sacré, puis nous voyons tout près s’ouvrir cette caverne, si célèbre dans la fable, par où Hercule sortit des enfers traînant après soi Cerbère enchaîné. » (Strabon, Géographie, VIII, 5 : 1).
Or, a quelques kilomètres de Ténare se trouve la grotte d’Alepotrypa. Son nom, en grec ancien signifie « Le trou du renard ».
C’est le plus important site funéraire jamais retrouvé en Europe Certaines sépultures dateraient de quatre mille ans avant Jésus-Christ, ce qui montre bien son rôle de porte de l’enfer dans la culture grecque.
Le cap Ténare apparaît dans le douzième travail d’Heraclès.
« Comme douzième travail, il lui fut imposé de ramener Cerbère de l’Hadès. Cerbère avait trois têtes de chien, une queue de dragon et toute la longueur de son dos était hérissée de têtes de serpents de toutes espèces.
Pour se préparer à cette entreprise, Héraclès se rendit à Éleusis, auprès de Mélampous, afin d’être initié aux mystères. Or, en ce temps-là, l’initiation n’était pas accordée aux étrangers ; aussi, pour cette raison, Héraclès dut-il se faire adopter par Pylios. Et, de surcroît, il ne pouvait pas assister aux mystères parce qu’il n’avait pas été purifié après le meurtre des Centaures. Eumolpos le purifia, et finalement Héraclès fut initié.
Ayant atteint le cap Ténare, en Laconie, là où s’ouvre le passage pour descendre dans l’Hadès, Héraclès s’y engagea et descendit. Quand les âmes le virent, elles s’enfuirent toutes, excepté Méléagre et la Gorgone Méduse. Alors Héraclès sortit son épée, comme si la Gorgone avait été vivante, mais Hermès l’avertit qu’il ne s’agissait là que d’un vain fantasme. Arrivé près de la porte de l’Hadès, il trouva Thésée et Pirithoos, celui qui avait aspiré à la main de Perséphone ; c’est pourquoi ils étaient à présent prisonniers. Dès qu’ils virent Héraclès, ils tendirent aussitôt les mains vers lui, dans l’espoir que sa force pourrait les délivrer. Le héros réussit à prendre Thésée par la main et à le mettre debout ; mais, alors qu’il tentait de relever Pirithoos, la terre trembla, et il dut lâcher prise. Puis il fit rouler la pierre qui écrasait Ascalaphos. Et pour offrir un sacrifice de sang aux âmes, il égorgea une bête du troupeau d’Hadès. Mais leur gardien, Ménétès, fils de Ceuthonymos, le défia à la lutte. Héraclès aussitôt le maintint fermement par la taille et lui brisa les côtes. Perséphone alors intercéda en sa faveur et Héraclès le laissa aller.
Il parla ensuite à Hadès de Cerbère et le dieu lui permit de l’emmener, à la condition qu’il le vainque sans armes. Héraclès le trouva près des portes de l’Achéron : protégé par sa cuirasse et recouvert de sa peau de lion, il lui mit les mains autour du cou et ne bougea plus jusqu’à ce que la bête, suffoquant, tombe à terre. Héraclès alors la prit, et remonta non loin de Trézène. Déméter, ensuite, transforma Ascalaphos en hulotte. Héraclès montra Cerbère à Eurysthée puis le ramena dans l’Hadès. » (Apollodore, la bibliothèque, Editions de l’aire, p. 105-107)
b. Tempé (Sud).
Si l’on remonte selon une ligne droite depuis le cap Ténare en passant par Delphes, nous arrivons à Tempé. C’est la porte des dieux de Delphes.
La vallée de Tempé est le nom donné par les anciens Grecs à la gorge creusée par le Pénée, entre le mont Olympe au Nord et le mont Ossa au Sud, pour s’ouvrir un passage de la plaine de Thessalie vers la mer.
Le mont Olympe est le lieu de résidence des dieux grecs depuis qu’ils y ont évincé les titans, Ophion et Typhon. C’est un endroit paisible et isolé des intempéries. Il ne faut pas confondre le mont Olympe, où vivent les dieux et le sanctuaire d’Olympie dans le Péloponnèse.
La vallée de Tempé était consacrée au culte d’Apollon. Elle était traversée par la rivière Penée.
« Ces plaines occupent juste le centre de la Thessalie et constituent une fort riche contrée : par malheur, il y en a une partie qui se trouve exposée à de fréquentes inondations. Le fleuve Pénée, en effet, qui coupe en deux la Thessalie et qui reçoit [dans son long parcours] un grand nombre d’affluents, est sujet à déborder souvent. On dit même qu’anciennement toute cette plaine, enfermée de trois côtés par des montagnes et bordée d’autre part par le littoral, dont le niveau est sensiblement plus élevé que le sien, formait un immense lac, mais qu’à la suite de violents tremblements de terre une brèche s’était ouverte [à la hauteur de] Tempé, qui avait séparé l’Ossa de l’Olympe, et qui, livrant passage au Pénée, avait permis à ses eaux de s’écouler vers la mer. La plaine s’en était trouvée naturellement asséchée, néanmoins il y est resté un fort grand lac, le Nessonis, et un autre plus petit, et plus rapproché aussi de la côte, qui se nomme le Boebéis. » (Strabon, IX, V, 2).
Tous les neuf ans, une procession partait de Delphes, afin de se rendre dans la vallée pour y cueillir le laurier sacré. Elle était composée de jeunes enfants.
On parlait de « daphnéphorie« . Daphnéphorie pour « la fête de Daphné.
Pourquoi Daphné ?
Il faut parler de l’histoire d’amour entre la nymphe Daphné et Apollon.
« Le premier objet de la tendresse d’Apollon fut Daphné, fille du fleuve Pénée(31). Cette passion ne fut point l’ouvrage de l’aveugle hasard, mais la vengeance de l’amour irrité : Le Dieu de Délos, dans l’orgueil de sa victoire, avait vu Cupidon qui tendait avec effort la corde de son arc : « Faible enfant, lui dit-il, que fais-tu de ces armes pesantes ? Ce carquois ne sied qu’à l’épaule du dieu qui peut porter des coups certains aux bêtes féroces comme à ses ennemis, et qui vient d’abattre, sous une grêle de traits, ce monstre dont le ventre, gonflé de tant de poisons, couvrait tant d’arpents de terre. Contente-toi d’allumer, avec ton flambeau, je ne sais quelles flammes amoureuses, et garde-toi bien de prétendre à mes triomphes. »
Le fils de Vénus, répondit : « Apollon, rien n’échappe à tes traits, mais tu n’échapperas pas aux miens : autant tu l’emportes sur tous les animaux, autant ma gloire est au dessus de la tienne. » Il dit, et, frappant la terre de son aile rapide, il s’élève et s’arrête au sommet ombragé du Parnasse : il tire de son carquois deux flèches dont les effets sont bien différents ; l’une inspire l’amour, et l’autre le repousse : la première est dorée, sa pointe est aiguë et brillante, la seconde n’est armée que de plomb, et sa pointe est émoussée. C’est de ce dernier trait que le dieu atteint la fille de Pénée ; c’est de l’autre qu’il blesse Apollon et le perce jusqu’à la moelle des os. Apollon aime aussitôt, et Daphné hait jusqu’au nom de son amant ; émule de la chaste Diane, elle aime à s’égarer au fond des bois, à la poursuite des bêtes féroces, et à se parer de leurs dépouilles.
Un seul bandeau rassemble négligemment ses cheveux épars. Mille amants lui ont offert leur hommage ; elle l’a rejeté, et pleine d’un dédain sauvage pour les hommes qu’elle ne connaît pas encore, elle parcourt les solitudes des forêts, heureuse d’ignorer et l’amour et l’hymen et ses nœuds. Souvent son père lui disait : « Ma fille, tu me dois un gendre. » Il lui répétait souvent : « Ma fille, tu me dois une postérité. »
(…)
Il voit les cheveux de la nymphe flotter négligemment sur ses épaules. « Et que serait-ce, dit-il, si l’art les avait arrangés ? » Il voit ses yeux briller comme des astres : il voit sa bouche vermeille (c’est peu que de la voir) : il admire et ses doigts et ses mains, et ses bras plus que demi-nus ; et ce que le voile cache à ses yeux, son imagination l’embellit encore.
Daphné fuit plus rapide que le vent, et c’est en vain qu’il cherche à la retenir par ses discours : « Nymphe du Pénée, je t’en conjure, arrête : ce n’est pas un ennemi qui te poursuit. Arrête, nymphe, arrête ! la brebis fuit le loup, la biche le lion, et devant l’aigle s’envole la tremblante colombe ; chacun se dérobe à son ennemi. Mais c’est l’amour qui me précipite sur tes traces. Malheureux que je suis ! Prends garde de tomber ! Que ces épines cruelles ne blessent pas tes pieds délicats ! Que je ne sois pas pour toi une cause de douleur ! Les sentiers où tu cours sont rudes et difficiles : Ah ! de grâce, modère ta vitesse, ralentis ta fuite, et je ralentirai moi-même mon ardeur à te suivre. Connais du moins celui qui t’aime : ce n’est point un sauvage habitant des montagnes, ni un pâtre hideux préposé à la garde des bœufs et des brebis : imprudente, tu ne sais pas qui tu fuis, tu ne le sais pas, et c’est pour cela que tu fuis : Delphes, Claros,(32) Ténédos(33) et Patare(34) obéissent à mes lois. Jupiter est mon père : ma bouche dévoile aux mortels l’avenir, le passé, le présent : ils me doivent l’art d’unir aux accents de la lyre les accents de la voix. Mes flèches sont sûres de leurs coups : hélas ! il en est une plus sûre encore qui m’a percé le cœur. Je suis l’inventeur de la médecine ; le monde m’honore comme un dieu secourable, et la vertu des plantes est sans mystères pour moi ; mais en est-il quelqu’une qui guérisse de l’amour ? Mon art, utile à tous les hommes, est, hélas ! impuissant pour moi-même ! »
Il parlait ; mais, emportée par l’effroi, la fille de Pénée précipite sa fuite, et laisse bien loin derrière elle Apollon et ses discours inachevés. Elle fuit, et le dieu lui trouve encore des charmes : le souffle des vents soulevait à plis légers sa robe entr’ouverte ; Zéphire faisait flotter en arrière ses cheveux épars, et sa grâce s’embellissait de sa légèreté. Las de perdre dans les airs de vaines prières, et se laissant emporter par l’amour sur les traces de Daphné, le jeune dieu les suit d’un pas plus rapide. Lorsqu’un chien gaulois découvre un lièvre dans la plaine, on les voit déployer une égale vitesse, l’un pour sa proie, l’autre pour son salut : le chien vole, comme attaché aux pas du lièvre ; il croit déjà le tenir, et le cou tendu, allongé, semble mordre sa trace ; le lièvre, incertain s’il est pris, évite la gueule béante de son ennemi, et il échappe à la dent déjà prête à le saisir. Tels on voit Apollon et Daphné : l’espérance le rend léger, la peur la précipite. Mais, soutenu sur les ailes de l’amour, le dieu semble voler ; il poursuit la nymphe sans relâche, et, penché sur la fugitive, il est si près de l’atteindre, que le souffle de son haleine effleure ses cheveux flottants.
Trahie par ses forces, elle pâlit enfin, et, succombant à la fatigue d’une course aussi rapide, elle tourne ses regards vers les eaux du Pénée. « S’il est vrai, s’écrie-t-elle, que les fleuves participent à la puissance des dieux, ô mon père, secourez-moi. Et toi, que j’ai rendue témoin du funeste pouvoir de mes charmes, terre, ouvre-moi ton sein, ou détruis, en me changeant, cette beauté qui cause mon injure. » À peine elle achevait cette prière, que ses membres s’engourdissent ; une écorce légère enveloppe son sein délicat ; ses cheveux verdissent en feuillage, ses bras s’allongent en rameaux ; ses pieds, naguère si rapides, prennent racine et s’attachent à la terre ; la cime d’un arbre couronne sa tête ; il ne reste plus d’elle-même que l’éclat de sa beauté passée.
Apollon l’aime encore, et, pressant de sa main le nouvel arbre, il sent, sous l’écorce naissante, palpiter le cœur de Daphné. Il embrasse, au lieu de ses membres, de jeunes rameaux, et couvre l’arbre de baisers, que l’arbre semble repousser encore : « Ah ! dit-il, puisque tu ne peux devenir l’épouse d’Apollon, sois son arbre du moins : que désormais ton feuillage couronne et mes cheveux et ma lyre et mon carquois. Tu seras l’ornement des guerriers du Latium, lorsqu’au milieu des chants de victoire et d’allégresse, le Capitole verra s’avancer leur cortège triomphal. Garde fidèle du palais des Césars, tu couvriras de tes rameaux tutélaires le chêne qui s’élève à la porte de cette auguste demeure ; et de même que ma longue chevelure, symbole de jeunesse, sera toujours respectée et du fer et des ans, je veux aussi parer ton feuillage d’un printemps éternel. » Il dit, et le laurier, inclinant ses jeunes rameaux, agita doucement sa cime : c’était le signe de tête de Daphné, sensible aux faveurs d’Apollon. » (Ovide, métamorphose, Livre premier, chapitre VII).
Daphné, pour échapper à l’amour d’Apollon se transforme en laurier. Daphné veut dire « laurier » en grec. Elle servira à honorer les vainqueurs des Jeux olympiques ou les généraux victorieux à Rome.
« Les Amphictyons établirent aussi alors pour la première fois des prix pour les athlètes; les exercices furent les mêmes qu’à Olympie, à cela près qu’ils n’y admirent point les chars à quatre chevaux, et qu’ils instituèrent la course de Dolichus et celle du Diaulus pour les enfants. A la seconde pythiade, ils supprimèrent les prix et oronnèrent qu’à l’avenir on ne donnerait qu’une couronne aux vainqueurs (…) La tradition qui suppose qu’Apollon fut amoureux de Daphné, fille du Ladon, est, à ce que je crois, le seul motif pour lequel on ait, aux jeux pythiques, adopté la couronne de laurier pour les vainqueurs. » (Pausanias, Géographie de la Grèce, Livre IV, chapitr VII).
La procession tous les neuf ans pour aller chercher le laurier, dans la vallée de Tempé, fait penser au roi de Crète Minos qui allait chercher, lui aussi, tous les neuf ans, les tables de la loi dans la grotte d’Ida. La grotte d’Ida était l’équivalent, pour Délos, de la vallée de Tempé. Dans les deux cas de figure, il y a utilisation d’un rite équivalent, dont nous reparlerons, dans un prochain article sur l’organisation du monde en huit secteurs avec un renouvellement du monde tous les neuf ans.
Enfin, il faut évoquer (et seulement évoquer), que ce rituel de la procession des lauriers, a été repris dans le Christianisme avec le dimanche des rameaux. Il marque l’entrée du Christ à Jérusalem, avant Pâques. Il fut accueilli par des milliers de personnes qui lui firent une haie d’honneur avec des branches couvertes de feuilles d’arbres.
2. Axe Est-Ouest à Delphes.
L’axe Est-Ouest correspond à l’axe des solstices marqué par les lieux de levé et de couché du soleil, selon un point central. Le lieu de levé du soleil est indiqué par un lieu de naissance d’un dieu. Il se trouve à l’Est. C’est Thèbes (a). Le lieu de couché du soleil est marqué par un lieu de sacrifice. Il est à l’Ouest, c’est le cap Leucade (b).
a. Thèbes (Est).
Thèbes est une cité importante dans l’histoire grecque. C’est l’une des plus anciennes cités. A l’origine de Thèbes, il y a Cadmos, qui ensuite devint Thèbes.Cadmos est la plus ancienne cité grecque. On fonda juste en dessous de Cadmos, la cité de Thèbes.
« Quand Téléphassa mourut, Cadmos l’ensevelit puis, après avoir été l’hôte des Thraces, il se rendit à Delphes pour interroger le dieu sur la disparition de sa sa soeur Europe. Le dieu lui répondit de ne plus se soucier d’Europe, mais plutôt de prendre une vache pour guide, et de fonder une ville où, par fatigue, la vache se poserait à terre. Ayant reçu cette réponse, Cadmos se mit en route à travers la Phocide ; il rencontra une vache dans les pâturages de Pélagon. Alors, il la suivit. Après avoir traversé la Béotie, l’animal s’étendit là où, aujourd’hui, s’élève la cité de Thèbes. Cadmos décida de sacrifier la vache à Athéna : il envoya quelques-uns de ses compagnons puiser de l’eau à la fontaine d’Arès. Mais un dragon montait la garde devant la source ; certains disent que c’était le fils d’Arès lui-même. Il tua presque tous les hommes que Cadmos avait envoyés. Furieux, Cadmos tua le serpent et, sur le conseil d’Athéna, il sema les dents de la bête. » (Apollodore, la bibliothèque, Editions de l’aire, p. 131).
Le serpent ou le dragon représente l’énergie de la terre que doit canaliser le héros fondateur d’une ville. Cadmos tue le dragon pour fonder Thèbes. Thèbes est le point d’arrivée de l’axe Est-Ouest, c’est-à-dire celui de l’Est, le lieu de naissance d’un dieu ou d’un héros divin. Or, justement, c’est à Thèbes que Zeus séduisit Europe pour donner naissance à Héraclès.
« Avant qu’Amphitryon ne revienne de Thèbes, Zeus arriva dans la nuit, et il fit en sorte que cette nuit-là soit longue comme trois ; puis il prit l’aspect d’Amphitryon, se coucha dans le lit avec Alcmène, et il l’entretint de ses victoires dans sa guerre contre les Téléboéens. Quand ensuite Amphitryon arriva, et qu’il vit que sa femme ne l’accueillait pas chaleureusement, il lui en demanda la raison. Et Alcmène lui répondit qu’elle l’avait déjà fait à son retour, le soir précédent, en dormant avec lui. Amphitryon se rendit alors chez le devin Tirésias, qui lui révéla que Zeus, lui-même, s’était uni à sa femme. Alcmène mit au monde deux enfants, de Zeus Héraclès, plus vieux d’une nuit, et d’Amphitryon Iphiclès. Quand le bébé avait huit mois, Héra envoya dans son berceau deux serpents terrifiants, parce qu’elle désirait sa mort. Alcmène cria, appela Amphitryon au secours, mais Héraclès s’était déjà redressé ; il avait déjà tué les serpents, en les étranglant, un dans chaque main. Phérécyde soutient pour sa part qu’Amphitryon, pour savoir lequel des deux enfants était le sien, jeta les serpents dans le lit : Iphiclès s’enfuit, Héraclès, lui, les affronta, et Amphitryon comprit que son fils était Iphiclès. » (Apollodore, Bibliothèque, Editions de l’aire, p. 89).
Héraclès est né de l’union de Zeus qui a pris l’apparence d’Amphitryon pour séduire Alcmène. Il est donc le fils du dieu des dieux.
« Amphitryon enseigna à Héraclès l’art de guider le char, Autolycos lui enseigna la lutte, Eurytos comment utiliser l’arc et les flèches, Castor lui montra le maniement de l’épée, Linos lui apprit à jouer de la lyre. Linos était le frère d’Orphée ; arrivé à Thèbes, il était devenu un citoyen Thébain ; mais un jour Héraclès jeta sur lui sa lyre et le tua, dans un accès de colère parce que Linos l’avait lui-même frappé. Jugé pour meurtre, Héraclès évoqua la loi de Rhadamanthe, en vertu de laquelle qui se défend d’un agresseur par la force doit être considéré comme innocent ; et ainsi fut-il absous. Mais Amphitryon, de crainte qu’Héraclès ne commette d’autres actes de ce genre, l’envoya dans ses champs, pour garder les troupeaux. Et là, le garçon grandit en force et en corpulence, plus que tous les autres. Il suffisait de le regarder pour savoir qu’il était le fils de Zeus : il mesurait quatre coudées et ses yeux lançaient des éclairs de feux. Jamais il ne ratait sa cible, ni avec son arc, ni avec sa lance. » (Apollodore, Bibliothèque, Editions de l’aire, p. 89-90).
Héraclès était d’une intelligence supérieure et d’une force exceptionnelle en raison de son origine divine.
a. Le cap Leucade (Ouest)
Le point vernal est le lieu où se couche le soleil. Au niveau de la géographie sacrée, il correspond à un lieu où est sacrifié un dieu. Pour Delphes, c’est le cap Leucade situé sur l’île du même nom. L’île est connue pour ses fabuleuses falaises de craie blanche. L’une d’elles portait de nom de « cap de la Dame » ou de « saut de Leucade ».
Le lieu est cité par Strabon dans sa géographie.
« C’est du haut de ce cap, dominé aujourd’hui encore par le temple d’Apollon-Leucate que l’on faisait le saut terrible, qui, suivant une croyance généralement répandue, pouvait seul guérir du mal d’amour. (…) Ménandre, on le voit, attribue formellement à Sapho l’origine du saut de Leucade ; mais d’autres auteurs plus versés que lui dans la connaissance des antiquités assurent que ce fut Céphale, fils de Déionée, qui le premier chercha dans cette épreuve un remède à la passion qu’il ressentait pour Ptérélas. De toute antiquité, du reste, il avait été d’usage à Leucade, que chaque année, le jour de la fête d’Apollon, on précipitât du haut du cap Leucate, à titre de victime expiatoire, quelque malheureux poursuivi pour un crime capital. On avait soin seulement de lui empenner tout le corps et de l’attacher à des volatiles vivants qui pouvaient, en déployant leurs ailes, le soutenir et amortir d’autant sa chute. De plus, au-dessous du rocher, un grand nombre de pêcheurs dans leurs barques attendaient le moment de la chute, rangés en cercle, et prêts à recueillir la victime et à la transporter loin de Leucade, si le sauvetage réussissait. » (Strabon, Géographie, X, II, 9).
La tradition de se jeter dans le vide depuis le cap Leucade remonterait au mythe de Céphale.
« Céphale qui, par la suite, épousa Procris, la fille d’Érechthée. Puis l’Aurore tomba amoureuse de lui et l’enleva. » (Apollodore, la bibliothèque, Editions de l’aire, p. 47).
» D’Hermès, Hersé eut un fils, Céphale. Éos, qui était tombée amoureuse de Céphale, l’enleva et fit l’amour avec lui en Syrie. De leur union naquit un fils, Tithonos, qui engendra Phaéton, qui, à son tour, engendra Astinoos, qui à son tour engendra Sandocos. » (Apollodore, la bibliothèque, Editions de l’aire, p. 184).
Céphale formait un couple divin, avec la sublime Proscris. Eos était le troisième larron. C’était une titanide, elle était amoureuse de Céphale et tenta de briser le couple.
« Procris partit pour Athènes, et se réconcilia avec Céphale et, avec lui, participa à une chasse, car c’était une chasseresse avertie. Procris suivit son époux parmi les buissons et Céphale, sans savoir qu’il s’agissait de sa femme, lança son javelot, l’atteignit et la tua. Jugé à l’Aréopage, Céphale fut condamné à un exil perpétuel. » (Apollodore, la bibliothèque, Editions de l’aire, p. 189).
Ses manigances provoquèrent la mort accidentelle de Proscris par son mari. Celui-ci, transis de douleur se rendit au cap Leucade et se jeta à la mer.
De l’histoire de ce lieu est née une tradition de sacrifice humain pour rappeler la mort de Céphale. Céphale est le fils du roi de Phocide Déion. La phocide est la région de Grèce où se trouve justement Delphes. Nous voyons là le lien entre le centre et son point vernal. La mythologie et l’astrologie rejoignent la géographie sacrée.
Toujours dans le monde grec, il existait un important centre énergétique dans le Sud de l’Italie dite « Grande Grèce ». Je parle de Cumes dont j’ai déjà abordé le sujet dans mon livre « la prophétie du Grand Monarque« . Cumes qui était un oracle, comme Delphes ou Dydimes s’organisait autour de deux axes Nord-Sud et Est-Ouest. Je n’en parlerais pas dans cet article, même si le lieu relève pleinement de la culture grecque. Cumes sera repris et contrôlé par la Rome antique qui en fera l’un de ses centres les plus important.
Le prochain article concernera la Terre Sainte et le Christianisme qui va reprendre à son compte ses principes afin de les christianiser.