La libération de la France de l’occupation anglaise par Sainte-Jeanne d’Arc fut annoncée par plusieurs prophéties dont la plus connue fut celle de Merlin l’enchanteur. Il me paraît fondamental de revenir sur cette question. En effet, d’autres prophéties annoncent l’avènement du Grand Monarque le futur roi de France. Prouver que des prophéties ont annoncé l’arrivé de libératrice, permet de garder espoir pour celle du souverain de la fin des temps qui restaurera la monarchie de droit divin et libérera le pays de l’occupation étrangère. Deux époques qui se ressemblent étrangement.
Merlin l’enchanteur était le conseiller du roi Arthur. Nous sommes ici dans la légende du Graal, mais pas seulement. C’est aussi un souverain bien réel qui régna au Ve siècle. En 425, Merlin reçut une prophétie alors qu’il se trouvait à Vortigern au Pays de Galles. Elle circula d’abord à l’oral avant d’être posé sur le papier, vers 1135, dans le livre « Historia regnum brittannie » par Geoffroy de Monmouth.
Ce livre va connaître un immense succès tout au long du Moyen-âge et va susciter l’intérêt des Français au moment de la guerre de Cent Ans. Dans deux passages, Merlin annonce la venue d’une femme vierge né en Lorraine qui libérera la France de l’occupation anglaise.
Le texte original en latin donne :
» Trois fontaines jailliront, dont les ruisseaux diviseront l’île en trois parties. Quiconque boira de l’eau de la première ne sera jamais malade et jouira l’une vie éternelle. Quiconque boira de l’eau de la seconde mourra d’une soif inextinguible, avec un visage pâle et horrible. Quiconque boira de l’eau de la troisième mourra de mort subite, et la tombe rejettera son corps. Pour éviter une telle calamité, les hommes du pays s’efforceront de tarir les deux sources malfaisantes par mille moyens; mais toutes les matières qu’on y entassera prendront une autre forme. La terre se changera en pierre, la pierre se changera en bois, le bois se changera en cendre, la cendre se changera en eau. Alors du bois chenu sortira une vierge qui arrêtera le fléau. Après y avoir employé tous ses artifices, elle tarira de son souffle les deux fontaines malfaisantes; puis, buvant à longs traits de l’eau de la fontaine salutaire, elle portera dans une main la forêt de la Calédonie, dans l’autre, la tour de Londres. Quand elle marchera, sous ses pas jaillira une flamme accompagnée d’une fumée de soufre.«
Tout d’abord, Sainte Jeanne d’Arc est annoncé comme une vierge qui arrêtera le fléau de l’occupation anglaise.
Au moment de son apparition publique, Jeanne se présente comme pucelle et envoyé de Dieu pour faire sacrer le roi et libérer la France. L’annonce ne passe pas dans l’oreille d’un sourd et va faire écho, dans l’esprit des gens, à la prédiction de Merlin. C’est pour cela que le dauphin et sa cours va là recevoir et l’écouter.
Personne n’explique, pourquoi, les Français vont vérifier sa virginité. Ni le (très mauvais) film de Luc besson, ni les milieux catholique conciliaire ou traditionaliste totalement hermétique au surnaturel et à la vraie foi. L’événement est capital, car il permet de donner de la crédibilité à son discours. Si elle n’avait pas été vierge, elle aurait été rejetée et personne n’aurait cru en sa mission divine. C’est parce que le roi et son entourage avait connaissance du texte de Merlin qu’elle fut cru et suivi.
La prédiction dit également qu’elle est née « au bois chenu ». Elle fut précisément interrogée sur cette question lors du procès de Rouen. Voici , le dialogue qui concerne le « bois chenu » , ce qui prouve une nouvelle fois que Français comme Anglais connaissait le texte de Merlin :
« interroguée de l’arbre. Respond : que assez près de Dompremy, a un arbre qui se appelle l’Arbre des Dames, et les autres l’appellent l’Arbre des Fées; et auprès a une fontaine ; et a ouy dire que les gens malades de fièbvres en boivent; et mesme en a veu aller quérir pour en guarir ; mais ne scait se ils en guarisoient ou non.
Item, dit : qu’elle a ouy dire que les malades, quant ils se peuvent lever, vont à l’arbre pour leur esbattre ; et dist que c’est ung grand arbre nommé Fou, dont vient de beau may ; et souloit estre à monseigneur Pierre de Bolemont.
Item, qu’elle alloit aucunes fois avecques les autres jeunes filles, en temps d’esté, et y faisoit des chappeaux pour Nostre-Dame de Dompremy.
Item y dit : qu’elle a ouy dire à plusieurs anciens, non pas de son lignaige, que les Fées y repairoient ; et a ouy dire à une nommée Jehanne, femme du mari de la fille de sa marraine, qu’elle les avoit veues là. Se il estoit vrai, elle ne scait.
Itenm, dit : qu’elle ne veit jamais Fée qu’elle saiche, à l’arbre ne ailleurs.
Item, dit : qu’elle avoit veu mectre ès branches dudit arbre des chappeaux par les jeunes filles; et elle mesme y en a mis avecques les autres filles ; et aucunes fois les emportoient, et aucunes fois laissoient.
Item, dit : que depuis qu’elle sceut qu’elle debvoit venir en France, elle fit pou d’esbatements , et le moins qu’elle peut ; et ne sçait point que depuis qu’elle eust entendement qu’elle ait dansé près dudit arbre ; mais aucunes fois y peut bien avoir dansé avecques les enfants ; mais y avoit plus chanté que dansé.
Item, dit bien : qu’il y a ung bosc que l’on appelle le Bosc Chesnu, que on voit de l’huys de son père ; et y a petite espace, non pas d’une lieue ; mais qu’elle ne scait, ne ouyst oncques dire, que les fées y repairassent.
Item , dit : qu’elle a ouy dire à son père que on disoit au pays qu’elle avoit prins ses révélations à l’Arbre et des Fées ; mais non avoit, et lui disoit bien le contraire. Et dit outre: quant elle vint devers le roy, que aucuns, demandoient si en son pays avoit poinct de bois que on appelast le Bois Chenu ; car il y avoit prophéties qui disoient que de debvers le Bois Cbesnu debvoit venir une pucelle qui venroit faire merveilles; mais en ce n’a poinct adjousté de foy.«
(Chronique et procès de la Pucelle d’Orléans d’Enguerrand de Monstrelet)
Jeanne explique que près de la maison de son père à Domremy, on trouvait un arbre et une fontaine où des fées apparaissaient pour guérir les gens. C’est le bois chenu.
En 1881, à l’endroit où se trouvait l’arbre aux fées fut battit une basilique. Au moins, les catholiques du XIXe siècle connaissaient et reconnaissaient le sens des prophéties.
Le texte de Merlin dit qu’elle portera dans une main la forêt de Calédonie et dans l’autre la Tour de Londres. La Calédonie, c’est l’Ecosse et la Tour de Londres, c’est l’Angleterre. C’est une référence explicite à la confrontation militaire contre l’Anglois et à l’alliance française avec l’Ecosse.
Enfin, le dernier passage concerne la mort sur le bûcher, puisqu’il est dit : « Quand elle marchera, sous ses pas jaillira une flamme accompagnée d’une fumée de soufre.«