Une fois les deux pouvoirs temporels (article 1) et spirituels (article 2) abattues, une fois que Dieu a été remplacés par des idoles païennes (article 3), vient le temps de la dictature. C’est le quatrième projet du diable pour la domination du monde.
Quatrième projet : instauration de la dictature.
« J’ai ramassé toute la terre, sans que nul ait remué l’aile, ouvert le bec ou poussé un cri ! » (Isaïe, X : 13-14).
Ce passage est terrible, il dit que Satan prendra le contrôle de toute la terre sans que personne ne proteste. C’est l’image animalière de l’oiseau qui se laisse capturer sans bouger les ailes pour s’envoler, ou ouvrir le bec pour crier.
« Et il arrivera en ce jour-là : Le fardeau d’Assur sera ôté de ton épaule, et son joug de dessus ton cou, et ta vigueur fera éclater le joug. » (Isaïe, X : 27).
La dictature est présentée comme un fardeau pour le peuple qui n’ose se révolter. Il est un joug au-dessus du cou des hommes. La dictature n’est possible que parce que la société a perdu ses deux modèles politiques (le roi) et religieux (le pape) que Dieu a été remplacé par des idoles sans pouvoir. Ce sont les préalables à la dictature. Un vrai roi de droit divin, un vrai pape sont comme des vaccins à la dictature.
La Cinquième République telle que défini par le général de Gaule, laissait une place importante au peuple dans la prise de décision. Je me réfère au texte de la Constitution tel que publié au Journal officiel du 5 octobre 1958.
L’article 2 dit que :
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.
L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge.
L’hymne national est la « Marseillaise ».
La devise de la République est « Liberté, Egalité, Fraternité« .
Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.«
Il est dit que la Cinquième République met au centre de son fonctionnement « le peuple ». Le gouvernement est le représentant du peuple par sa composition, par sa désignation et par le contenu de ses décisions. Beau principe sur le papier.
L’article 3 précise le principe tel que défini à l’article 2.
« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par ma voie du référendum.
Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice.
Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret.
Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux Français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques.«
Le peuple s’exprime de deux manières : en élisant des représentants qui dirigeront le pays en son nom et en décidant lui-même par référendum.
Concernant les représentants élues, nous avons le président de la République et les députés de l’Assemblée nationale. L’élu est censé représenter le peuple. Toutefois l’article 27 de la Constitution vient mettre une très sévère limitation à cette représentation.
« Tout mandat impératif est nul.
Le droit de vote des membres du parlement est personnel.
La loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote. Dans ce cas, nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. »
Le mandat impératif est un contrat qui existe entre les électeurs et l’élu concernant ce qu’il doit faire une fois désigné par le corps électoral. Il doit voter ou ne pas voter tel ou tel loi. Si le député ou le président ne respect pas son mandat, il est destitué de son poste. Sous l’Ancien Régime, le député au Etats-Généraux disposait d’un mandat impératif. Les cahiers de doléances correspondaient au mandat. Le député devait exécuter fidèlement le contenu du cahier.
La Révolution « française » va introduire le caractère non-impératif du mandat. Une fois élu, le député est libre de voter ce qu’il veut. En ce sens, il n’est donc plus le représentant du peuple, mais un potentat libre d’agir comme bon lui semble. Une démocratie ne peut jamais être représentative lorsqu’il y a interdiction du mandat impératif.
L’autre moyen d’expression du peuple est le référendum. Il existe sous deux formes, le référendum de l’article 11 et le référendum de révision constitutionnelle de l’article 89.
Selon l’article 11 de 1958 :
« Le président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, comportant approbation d’un accord de Communauté ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire ) la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.«
Une réforme constitutionnelle de 1995 rajouta dans le domaine du référendum, les question portant « sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la Nation et aux services publics qui y concourent« .
En 2008, une autre révision de l’article a introduit le référendum d’initiative partagé (sorte de RIC avant l’heure).
« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an.
Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l’alinéa précédent sont déterminées par une loi organique.
Si la proposition de loi n’a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum.
Lorsque la proposition de loi n’est pas adoptée par le peuple français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l’expiration d’un délai de deux ans suivant la date du scrutin.
Lorsque le référendum a conclu à l’adoption du projet ou de la proposition de loi, le Président de la République promulgue la loi dans les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats de la consultation.«
Pour organiser un référendum d’initiative populaire, il faut la signature d’un dixième des électeurs et un cinquième des parlementaires, députés et sénateurs. En ce qui concerne le nombre d’électeurs les conditions sont très difficiles à atteindre, rendant son usage impossible comme nous l’avons vu avec l’initiative contre la privatisation des aéroports de Paris.
Le référendum de l’article 11 fut utilisé huit fois depuis 1958 :
- 8 janvier 1961 sur l’autodétermination de l’Algérie.
- 8 avril 1962 sur les accords d’Evian.
- 28 octobre 1962 sur l’élection du président au suffrage universel direct.
- 27 avril 1969 sur la réforme du Sénat et la régionalisation.
- 23 avril 1972 sur l’entrée du Royaume-Uni, de l’Irlande, du Danemark et de la Norvège dans l’Union européenne.
- 6 novembre 1988 sur l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie.
- 20 septembre 1992 sur le Traité de Maastricht.
- 29 mai 2005 sur le traité constitutionnel de l’Union européenne.
Le référendum concernant la révision de la Constitution est indiqué à l’article 89.
« L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier Ministre et aux membres du Parlement.
Le projet ou la proposition de révision doit être voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum.
Toutefois, le projet de révision n’est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le bureau du congrès est celui de l’Assemblée Nationale.
Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire.
La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision.«
La révision de la Constitution se fait à l’initiative du Président, du Gouvernement ou d’un membre du parlement, puis par le vote en terme identique par les deux assemblées. Ensuite, le texte doit être soumis au référendum. Et que, a titre exceptionnel, il peut être adopté par le Congrès. Or, depuis plusieurs décennies, en violation du texte constitutionnel, la pratique a été inversée. On soumet toutes les révisions au Congrès et à titre exceptionnel, on fait voter le peuple. C’est un détournement très grave qui n’est pas assez soulevé par les adversaires de la République.
Pour preuve, le référendum de l’article 89 ne fut utilisé qu’une seule fois depuis 1958 : le 24 septembre 2000 sur la réduction du mandat du président à cinq ans.
On le voit le référendum est escamotée au profit des représentants du peuple sans mandat impératif, c’est-à-dire libre de voter ce qu’il veulent. Tout est fait pour qu’une petite minorité oligarchique dispose de tous les pouvoirs. Il faut écarter le peuple des véritables choix politiques. Le gueux du bas est juste bon pour désigner son maître lors du scrutin. Ensuite, il rentre dans sa niche et doit subir les décisions prise sans lui, voir même contre lui.
C’est une véritable séparation entre une « élite » et le peuple. Cette vision politique entre dans un courant de pensée religieux que l’on appelle « antinomisme ».
Dans certaines traditions religieuses, il existe des hommes ou des femmes particulières qui peuvent accéder à une connaissance suprême. Il se trouve au-dessus des humains ordinaires, de la masse informe des gueux.
Au XIVe siècle, le mouvement des Béguines dans le nord de la France va donner naissance à une étrange spiritualité qui s’inspira de la vision antinomiste du monde. Je parle de Marguerite Porete qui va écrire un livre, en 1296, qui restera célèbre : « le miroir des âmes simples« . Marguerite terminera sur le bûcher en place de grève, le 1er juin 1310.
Le texte de Marguerite Porete donnera naissance au mouvement hérétique du « libre-Esprit » dont les adeptes se feront appeler « turlupin » (ne rigolez pas). Le « libre-Esprit » comme plus-tard le « libre-penseur » reniera la hiérarchie de l’Eglise et mettra toute son énergie et sa pensée vers Dieu sans intermédiaire.
Il prône la pauvreté ce qui permet de le laver de tous les péchés. Il doit écouter son esprit et réaliser toutes ses envies pour devenir libre. Ainsi, il ne peut faire le mal, car il écoute ses désirs. En plus de la pauvreté, le turlupin doit pratiquer l’amour charnel, sans limite, avec les autres membres de son groupe. Pour eux, lorsqu’on a atteint un certain niveau de spiritualité, les désordres physiques et sexuels n’atteignent plus l’âme.
Finalement l’antinomisme distingue une « basse église » formé des croyants ordinaires et une « haute église », composée d’une élite de spirituel se plaçant au-dessus des préceptes moraux ordinaires. Nous y arrivons. C’est le modèle politique sur lequel va se construire la franc-maçonnerie et la Cinquième République, pour ne parler que d’elle.
Clément V, dans sa lettre de 1311 à l’évêque de Crémone, Rainero de Casulis, « contre la secte du Libre-Esprit », s’élèvera contre « un certain nombre d’hommes et de femmes, tant membres d’un ordre religieux que laïques, qui veulent introduire dans l’Église un genre de vie abominable, qu’ils appellent la liberté de l’esprit, c’est-à-dire la liberté de faire tout ce qui leur plaît ».
Le modèle antinomiste ne se retrouve pas seulement dans les dérives hérétiques du catholicisme. Le judaïsme n’est pas exempt de reproche à ce sujet. Cela concerne de manière évidente une secte également hérétique pour le judaïsme. Je parle du sabbataïsme et du frankisme.
« Dans l’histoire des religions, on rencontre fréquemment des hommes qu’on appelle « pneumatiques » (pneumatikoï) ou « spirituels » (spirituales). Ce sont de tels hommes qui ont permis le développement du sabbatéisme. Ils sont connus dans la tradition juive sous le nom de « spirituels », d’« extravagants » ou, dans le langage du Zohar, de « maîtres de l’âme sainte ». Ces termes ne sont pas appliqués au juste à qui il a pu arriver au cours de sa vie d’être « mû par l’esprit ». Ils ne sont appliqués qu’à ces rares hommes qui fréquentent le « palais du roi » (hekhal ha melekh), c’est-à-dire qui vivent dans une communion continuelle avec le monde spirituel dont ils ont franchi les portes, soit qu’ils y demeurent réellement après avoir abandonné leur existence antérieure, soit qu’ils en aient capté une « étincelle » ou une « âme sainte », comme seuls les élus ont le privilège de pouvoir le faire. » (Gershom Scholem, le messianisme juif, p. 152).
Dans la tradition religieuse, pas seulement juive, il existe des hommes particuliers qui peuvent accéder à la connaissance suprême. Il se trouve au-dessus des humains ordinaires. Ce sont les saints, les prophètes que nous connaissons dans chaque religion. Le sabbatéisme c’est appuyé sur cette tradition, tous en la modifiant.
« Les êtres qui ont reçu de telles faveurs n’étaient plus considérés à certains égards comme soumis aux lois de la réalité quotidienne, ayant reçu en eux-mêmes le monde caché de la lumière divine. Naturellement, ces « spirituels » se sont toujours considérés comme formant un groupe à part, d’où ce sentiment particulier de « supériorité » par lequel ils se caractérisent : le monde des affaires matérielles paraît bas à leur regard altier. Il y a chez eux tous les antécédents qui permettent la formation de la secte et celle-ci offre aux illuminati à la fois un point de ralliement pour tous ceux qui sont du même esprit et un refuge en face de l’incompréhension des masses frustres et non éclairées. Les sectaires se regardent comme l’avant-garde d’un monde nouveau. » (Gershom Scholem, le messianisme juif, p. 152).
La différence entre un véritable homme saint et le gourou d’une secte, c’est que le gourou utilise l’acquisition d’une prétendue connaissance cachée pour s’extraire du genre humain. Cette élite, en raison de se savoir dissimulé considère qu’elle n’est plus soumise aux mêmes lois que le petit peuple.
Nous avons donc deux niveaux :
- Une élite ayant atteint un degré de connaissance spirituel élevée sur un savoir caché.
- Une masse immense de gueux inculte et pas très évoluées au niveau spirituel.
C’est en pensant à cette conception religieuse que Nostradamus déclare que l’histoire du monde sera secrètement manipulée par des sectes.
« Et les contrées, villes, cités, et provinces qui auront laissé les premières voies pour se délivrer, se captivant plus profondément seront secrètement fâchez de leur liberté et parfaitement religion perdue, commenceront de frapper dans la partie gauche, pour retourner à la dextre. » (Nostradamus, épître Henri, 51).
Le culte du secret dans le frankisme, ira jusqu’à détruire les documents de la secte pour interdire au peuple d’en connaître l’existence.
« Dans, certains pays, il devint un mouvement puissant, mais, pour diverses raisons, internes ou externes, son existence fut volontairement cachée au grand public. En particulier, ses porte-parole s’abstinrent de faire imprimer leurs écrits doctrinaux. Les quelques livres qu’ils publièrent en cachent deux fois plus qu’ils n’en révèlent. Ils ont cependant produit une riche littérature qui circula seulement dans les groupes de « croyants » (ma’aminim) terme par lequel les sectaires sabbatéens choisirent en général de se désigner eux-mêmes. (…) Tant que le sabbatéisme demeura une force vivante à l’intérieur du ghetto juif, menaçant de miner l’existence même du judaïsme rabbinique, ses adversaires travaillèrent sans relâche à éliminer et à détruire systématiquement tous les écrits des sabbatéens leur tombant sous la main. (…) Le résultat fut que nombre de leurs écrits se sont perdus sans laisser de traces et, s’il n’y avait eu que les autorités rabbiniques, rien ne nous en serait parvenu, si ce n’est quelques extraits tendancieux cités dans les ouvrages de polémique anti-sabbatéenne. » (Gershom Scholem, le messianisme juif, p. 142-143).
Sabbataï Tsevi, ayant eu accès à la connaissance cachée, se considéra comme autorisé à enfreindre la loi.
« Dans ses moments d’exaltation religieuse, il en vint à commettre des actes étranges consistant à enfreindre la loi. » (Gershom Scholem, le messianisme juif, p. 116).
La loi que viole Sabbataï Tsevi concerne surtout les règles sexuelles.
« Nous voyons se faire jour chez Nathan de Gaza et Abraham Cardoso un autre thème qui marquera l’hérésie sabbatéenne au XVIIe et au XVIIIe siècles, mais qui sera aussi particulièrement dangereux et discutable : le thème de l’abrogation des tabous sexuels, en particulier de la prohibition de l’inceste comme critère de la Tora messianique. (…) On déclara que les interdictions liées à la malédiction de la femme après la chute devaient perdre de leur force dans le monde messianique. Or, suivant un texte du Talmud, ces interdictions sont avant tout de nature sexuelle. » (Gershom Scholem, le messianisme juif, p. 134).
De nombreux rituels sexuels se déroulaient chez les sabbatéens.
« Des rituels orgiaques se sont déroulés de façon constante dans les groupes sabbatéens et dans les cercles des Dunmeh jusque vers 1900. » (Gershom Scholem, le messianisme juif, p. 135).
Cette division sociale se retrouve dans le cinéma et dans la littérature moderne. C’est presque un thème récurant dont on peut s’étonner de l’étrange obsession.
Le livre « la machine à explorer le temps » de Herbert Georges Wells reprend cette idée. Le recueil date de 1895, à la fin du XIXe siècle, dans un monde en pleine transformation politique et économique. Il commence par décrire la planète terre en 802 000 après Jésus-Christ. Le héros atteint ce temps très reculé en utilisant une machine à voyager dans le temps. Ce n’est qu’un prétexte pour opposer son époque, le siècle de l’Angleterre victorienne, et une évolution futur de cette société poussé jusqu’à son terme. Le livre, souvent oublié, est l’une des œuvres politique la plus importante de tous les temps, au même titre que « le meilleur des mondes » ou « 1984 », que j’aborderais ensuite. Ces deux livres ne font que reprendre l’idée soulevée par Wells.
Le monde du futur oppose deux humanités très différentes.
« Je ne sais pas combien de temps je restai â regarder dans ce puits. Il me fallut un certain temps pour réussir à me persuader que ce que j’avais vu était quelque chose d’humain. Graduellement la vérité se fit jour : l’Homme n’était pas resté une espèce unique, mais il s’était différencié en deux animaux distincts ; je devinai que les gracieux enfants du monde supérieur n’étaient pas les seuls descendants de notre génération, mais que cet être blême, immonde, ténébreux, que j’avais aperçu, était aussi l’héritier des âges antérieurs. » (H. G. Wells, La machine à explorer le temps, chapitre 8, explorations).
Nous avons les Eloïs, beaux, sveltes et intelligents.
« D’autres encore arrivèrent et j’eus bientôt autour de moi un groupe d’environ huit ou dix de ces êtres exquis. L’un d’eux m’adressa la parole. Il me vint à l’esprit, assez bizarrement, que ma voix était trop rude et trop profonde pour eux. Aussi je hochai la tête, et lui montrant mes oreilles, je la hochai de nouveau. Il fit un pas en avant, hésita et puis toucha ma main. Je sentis alors d’autres petits et tendres tentacules sur mon dos et mes épaules. Ils voulaient se rendre compte si j’étais bien réel. Il n’y avait rien d’alarmant à tout cela. De fait, il y avait dans les manières de ces jolis petits êtres quelque chose qui inspirait la confiance, une gracieuse gentillesse, une certaine aisance puérile. Et d’ailleurs ils paraissaient si frêles que je me figurais pouvoir renverser le groupe entier comme un jeu de quilles. Mais je fis un brusque mouvement pour les prévenir, lorsque je vis leurs petites mains roses tâter la machine. Heureusement, et alors qu’il n’était pas trop tard, j’aperçus un danger auquel jusqu’alors je n’avais pas pensé. J’atteignis les barres de la machine, je dévissai les petits leviers qui l’auraient mise en mouvement, et je les mis dans ma poche. Puis je cherchai à nouveau ce qu’il y aurait à faire pour communiquer avec mes hôtes.
Alors, examinant de plus près leurs traits, j’aperçus de nouvelles particularités dans leur genre de joliesse de porcelaine de Saxe. Leur chevelure, qui était uniformément bouclée, se terminait brusquement sur les joues et le cou ; il n’y avait pas le moindre indice de système pileux sur la figure, et leurs oreilles étaient singulièrement menues. Leur bouche était petite, avec des lèvres d’un rouge vif, mais plutôt minces ; et leurs petits mentons finissaient en pointe. Leurs yeux étaient larges et doux et (ceci peut sembler égoïste de ma part) je me figurai même alors qu’il leur manquait une partie de l’attrait que je leur avais supposé tout d’abord. » (H. G. Wells, La machine à explorer le temps, chapitre 2, dans l’âge d’or).
Les Eloïs vivent dans une sorte de Jardin d’Eden proche de la nature qui nous fait penser à l’âge d’or promis à la fin des temps dans l’Apocalypse ou chez Isaïe. Ils vivent dans de vieux bâtiments de pierres noircies par le temps et effritées. Il n’y a plus ni mauvaises herbes, ni animaux sauvages. Les Eloïs sont végétariens comme nos grands bourgeois actuels sont vegan.
« Ainsi je fus conduit vers un vaste monument de pierre grise et effritée, de l’autre côté du Sphinx de marbre blanc, qui, tout ce temps, avait semblé m’observer, en souriant de mon étonnement. Tandis que je les suivais, le souvenir de mes confiantes prévisions d’une postérité profondément grave et intellectuelle me revint à l’esprit et me divertit fort.
L’édifice, de dimensions colossales, avait une large entrée. J’étais naturellement tout occupé de la foule croissante des petits êtres et des grands portails ouverts qui béaient devant moi, obscurs et mystérieux. Mon impression générale du monde ambiant était celle d’un gaspillage inextricable d’arbustes et de fleurs admirables, d’un jardin longtemps négligé et cependant sans mauvaises herbes. Je vis un grand nombre d’étranges fleurs blanches, en longs épis, avec des pétales de cire de près de quarante centimètres. Elles croissaient éparses, comme sauvages, parmi les arbustes variés, mais, comme je l’ai dit, je ne pus les examiner attentivement cette fois-là. La machine fut abandonnée sur la pelouse parmi les rhododendrons.
L’arche de l’entrée était richement sculptée, mais je ne pus naturellement pas observer de très près les sculptures, encore que j’aie cru apercevoir, en passant, divers motifs d’antiques décorations phéniciennes, frappé de les voir si usées et mutilées. Je rencontrai sur le seuil du porche plusieurs êtres plus brillamment vêtus et nous entrâmes ainsi, moi habillé des ternes habits du XIXe siècle, d’aspect assez grotesque, entouré de cette masse tourbillonnante de robes aux nuances brillantes et douces et de membres délicats et blancs, dans un bruit confus de rires et d’exclamations joyeuses.
Le grand portail menait dans une salle relativement vaste, tendue d’étoffes sombres. Le plafond était dans l’obscurité et les fenêtres, garnies en partie de vitraux de couleur, laissaient pénétrer une lumière délicate. Le sol était formé de grands blocs d’un métal très blanc et dur – ni plaques, ni dalles, mais des blocs –, et il était si usé, par les pas, pensai-je, d’innombrables générations, que les passages les plus fréquentés étaient profondément creusés. Perpendiculaires à la longueur, il y avait une multitude de tables de pierre polie, hautes peut-être de quarante centimètres, sur lesquelles s’entassaient des fruits. J’en reconnus quelques-uns comme des espèces de framboises et d’oranges hypertrophiées, mais la plupart me paraissaient étranges.
Entre les tables, les passages étaient jonchés de coussins sur lesquels s’assirent mes conducteurs en me faisant signe d’en faire autant. En une agréable absence de cérémonie, ils commencèrent à manger des fruits avec leurs mains, en jetant les pelures, les queues et tous leurs restes dans des ouvertures rondes pratiquées sur les côtés des tables. Je ne fus pas long à suivre leur exemple, car j’avais faim et soif ; et en mangeant je pus à loisir examiner la salle.
La chose qui peut-être me frappa le plus fut son délabrement. Les vitraux, représentant des dessins géométriques, étaient brisés en maints endroits ; les rideaux qui cachaient l’extrémité inférieure de la salle étaient couverts de poussière, et je vis aussi que le coin de la table de marbre sur laquelle je mangeais était cassé. Néanmoins l’effet général restait extrêmement riche et pittoresque. Il y avait environ deux cents de ces êtres dînant dans la salle, et la plupart d’entre eux, qui étaient venus s’asseoir aussi près de moi qu’ils avaient pu, m’observaient avec intérêt, les yeux brillants de plaisir, en mangeant leurs fruits. Tous étaient vêtus de la même étoffe soyeuse, douce et cependant solide.
Les fruits, d’ailleurs, composaient exclusivement leur nourriture. Ces gens d’un si lointain avenir étaient de stricts végétariens, et tant que je fus avec eux, malgré mes envies de viande, il me fallut aussi être frugivore. À vrai dire, je m’aperçus peu après que les chevaux, le bétail, les moutons, les chiens avaient rejoint l’ichtyosaure parmi les espèces disparues. Mais les fruits étaient délicieux ; l’un d’eux en particulier, qui parut être de saison tant que je fus là, à la chair farineuse dans une cosse triangulaire, était remarquablement bon et j’en fis mon mets favori. Je fus d’abord assez embarrassé par ces fruits et ces fleurs étranges, mais plus tard je commençai à apprécier leur valeur. » (H. G. Wells, La machine à explorer le temps, chapitre 2, dans l’âge d’or).
Sous terre vivent des Morlocks être blême et immonde. On retrouve une opposition beau/laid traditionnel dans ce genre de pensée politique. Il s’agit de rendre repoussant le prolétaire pour que l’oligarchie ne soit pas tentée de sympathiser avec lui. Nous retrouvons cette division aujourd’hui dans notre société. L’oligarque dispose d’une médecine efficace et de la possibilité de faire de la chirurgie esthétique, alors que le prolétaire n’a pas les moyens financiers de se soigner correctement ou de gommer ses défauts physiques. C’est, dans ce cadre-là qu’il faut comprendre l’expression « sans-dents » de François Hollande. Le riche se fait installer de fausses dents en porcelaines pour remplacer celle qui tombe, alors que le gueux n’a plus les moyens de se payer même un dentier.
« La lune descendait à l’ouest ; sa clarté mourante et les premières pâleurs de l’aurore se mêlaient en demi-lueurs spectrales. Les buissons étaient d’un noir profond, le sol d’un gris sombre, le ciel terne et triste. Au flanc de la colline, je crus apercevoir des fantômes. À trois reprises différentes, tandis que je scrutais la pente devant moi, je vis des formes blanches. Deux fois je crus voir une créature blanche, solitaire, ayant l’aspect d’un singe, qui remontait la colline avec rapidité ; une fois, auprès des ruines, je vis trois de ces formes qui portaient un corps noirâtre. Elles faisaient grande hâte et je ne pus voir ce qu’elles devinrent. Il semblait qu’elles se fussent évanouies parmi les buissons. L’aube était encore indistincte, vous devez le comprendre, et j’avais cette sensation glaciale, incertaine, du petit matin que vous connaissez peut-être. Je doutais de mes yeux. (…) L’impression que j’eus de cet être fut naturellement imparfaite ; mais je pus remarquer qu’il était d’un blanc terne et avait de grands yeux étranges d’un gris rougeâtre, et aussi qu’il portait, tombant sur les épaules, une longue chevelure blonde. Mais, comme je l’ai dit, il allait trop vite pour que je pusse le voir distinctement. Je ne peux même pas dire s’il courait à quatre pattes ou seulement en tenant ses membres supérieurs très bas. Après un moment d’arrêt, je le suivis dans le second monceau de ruines. Je ne pus d’abord le trouver ; mais après m’être habitué à l’obscurité profonde, je découvris, à demi obstruée par un pilier renversé, une de ces ouvertures rondes en forme de puits dont je vous ai dit déjà quelques mots. Une pensée soudaine me vint. Est-ce que mon animal avait disparu par ce chemin ? Je craquai une allumette et, me penchant au-dessus du puits, je vis s’agiter une petite créature blanche qui, en se retirant, me regardait fixement de ses larges yeux brillants. Cela me fit frissonner. Cet être avait tellement l’air d’une araignée humaine ! Il descendait au long de la paroi et je vis alors, pour la première fois, une série de barreaux et de poignées de métal qui formaient une sorte d’échelle s’enfonçant dans le puits. À ce moment l’allumette me brûla les doigts, je la lâchai et elle s’éteignit en tombant ; lorsque j’en eus allumé une autre, le petit monstre avait disparu. (…) Voici ce nouveau point de vue. Évidemment cette seconde espèce d’hommes était souterraine. Il y avait trois faits, particulièrement, qui me faisaient penser que ses rares apparitions au-dessus du sol étaient dues à sa longue habitude de vivre sous terre. Tout d’abord, il y avait l’aspect blême et étiolé commun à la plupart des animaux qui vivent dans les ténèbres, le poisson blanc des grottes du Kentucky, par exemple ; puis, ces yeux énormes avec leur faculté de réfléchir la lumière sont des traits communs aux créatures nocturnes, témoins le hibou et le chat. Et enfin, cet évident embarras au grand jour, cette fuite précipitée, et cependant maladroite et gauche, vers l’obscurité et l’ombre, et ce port particulier de la tête tandis que le monstre était en pleine clarté, tout cela renforçait ma théorie d’une sensibilité extrême de la rétine. » (H. G. Wells, La machine à explorer le temps, chapitre 8, explorations).
Les Morlocks vivent sous terre dans un véritable gruyère de tunnels et de galeries. Ils étaient les esclaves des hommes du haut, en produisant les biens nécessaires. Ils sont en contact avec la surface par l’intermédiaire de puits d’où s’échappe de la fumée. Le terme Morlock renvoie de manière évidente au démon Moloch dont nous avons parlé lors de l’article précédent.
« Sous mes pieds, par conséquent, la terre devait être fantastiquement creusée et percée de tunnels et de galeries, qui étaient la demeure de la race nouvelle. La présence de cheminées de ventilation et de puits au long des pentes de la colline – partout, en fait, excepté au long de la vallée où coulait le fleuve – indiquait combien ses ramifications étaient universelles. Quoi de plus naturel que de supposer que c’était dans ce monde souterrain que se faisait tout le travail nécessaire au confort de la race du monde supérieur ? L’explication était si plausible que je l’acceptai immédiatement, et j’allai jusqu’à donner le pourquoi de cette division de l’espèce humaine. Je crois que vous voyez comment se présente ma théorie, encore que, pour moi-même, je dusse bientôt découvrir combien elle était éloignée de la réalité. » (H. G. Wells, La machine à explorer le temps, chapitre 8, explorations).
Le monde qu’annonce « la machine à explorer le temps » est l’aboutissement de la lutte des classes commencée au XIXe siècle en particulier à travers sa division entre bourgeoisie et ouvriers. Pour ceux qui n’ont vu que les films, cette lutte des classes apparaît uniquement dans le livre. Un aspect volontairement gommé pour le grand public.
« Tout d’abord, procédant d’après les problèmes de notre époque actuelle, il me semblait clair comme le jour que l’extension graduelle des différences sociales, à présent simplement temporaires, entre le Capitaliste et l’Ouvrier ait été la clef de la situation. Sans doute cela vous paraîtra quelque peu grotesque – et follement incroyable – mais il y a dès maintenant des faits propres à suggérer cette orientation. Nous tendons à utiliser l’espace souterrain pour les besoins les moins décoratifs de la civilisation ; il y a, à Londres, par exemple, le Métropolitain et récemment des tramways électriques souterrains, des rues et passages souterrains, des restaurants et des ateliers souterrains, et ils croissent et se multiplient. Évidemment, pensais-je, cette tendance s’est développée jusqu’à ce que l’industrie ait graduellement perdu son droit d’existence au soleil. Je veux dire qu’elle s’était étendue de plus en plus profondément en de plus en plus vastes usines souterraines, y passant une somme de temps sans cesse croissante, jusqu’à ce qu’à la fin… Est-ce que, même maintenant un ouvrier de certains quartiers ne vit pas dans des conditions tellement artificielles qu’il est pratiquement retranché de la surface naturelle de la terre ?
De plus, la tendance exclusive de la classe possédante – due sans doute au raffinement croissant de son éducation et à la distance qui s’augmente entre elle et la rude violence de la classe pauvre – la mène déjà à clore dans son intérêt de considérables parties de la surface du pays. Aux environs de Londres, par exemple. La moitié au moins des plus jolis endroits sont fermés à la foule. Et cet abîme – dû aux procédés plus rationnels d’éducation et au surcroît de tentations, de facilités et de raffinement des riches –, en s’accroissant, dut rendre de moins en moins fréquent cet échange de classe à classe, cette élévation par intermariage qui retarde à présent la division de notre espèce par des barrières de stratification sociale. De sorte qu’à la fin, on eut, au-dessus du sol, les Possédants, recherchant le plaisir, le confort et la beauté et, au-dessous du sol, les Non-Possédants, les ouvriers, s’adaptant d’une façon continue aux conditions de leur travail. Une fois là, ils eurent, sans aucun doute, à payer des redevances, et non légères, pour la ventilation de leurs cavernes ; et s’ils essayèrent de refuser, on put les affamer ou les suffoquer jusqu’au paiement des arrérages. Ceux d’entre eux qui avaient des dispositions à être malheureux ou rebelles durent mourir ; et, finalement, l’équilibre étant permanent, les survivants devinrent aussi bien adaptés aux conditions de la vie souterraine et aussi heureux à leur manière que la race du monde supérieur le fut à la sienne. À ce qu’il me semblait, la beauté raffinée et la pâleur étiolée s’ensuivaient assez naturellement. » (H. G. Wells, La machine à explorer le temps, chapitre 8, explorations).
Autre chef d’œuvre immortel, rédigé cette fois-ci au XXe siècle, le roman de Georges Orwell, « 1984« . Nous retrouvons la même distinction sociale entre une oligarchie dominante et un prolétariat déclassé. Celle-ci est exprimée à travers les membres du Parti ANGSOC et le prolétariat.
Le livre se distingue de « la machine à explorer le temps » en parlant de trois classes.
« Au cours des époques historiques, et probablement depuis la fin de l’âge néolithique, il y eut dans le monde trois classes : la classe supérieure, la classe moyenne et la classe inférieure. (…) Les buts de ces trois groupes sont absolument inconciliables. » (George Orwell, 1984, folio, p. 261-262).
Toutefois, deux classes son membre du Parti et vont s’opposer à la troisième. Il y a le Parti et ceux qui n’en sont pas adhérents. C’est un système pyramidal typique d’un système antinomique.
« Il y a partout la même structure pyramidale, le même culte d’un chef semi-divin, le même système économique existant par et pour une guerre continuelle. » (George Orwell, 1984, folio, p. 279-280).
Au sommet de la pyramide, nous avons « Big Brother ». C’est la pointe de la pyramide.
« La structure générale de la société océanienne. Au sommet de la pyramide, est placé Big Brother.
Big Brother est infaillible et tout-puissant. Tout succès, toute réalisation, toute victoire, toute découverte scientifique, toute connaissance, toute sagesse , tout bonheur, toute vertu, sont considérés, comme émanant directement de sa direction et son inspiration. Personne n’a jamais vu Big Brother. Il est un visage sur les journaux, une voix au télécran. Nous pouvons, en toute lucidité, être sûrs qu’il ne mourra jamais et, déjà, il y a une grande incertitude au sujet de la date de sa naissance. Big Brother est le masque sous lequel le Parti choisit de se montrer au monde. Sa fonction est d’agir comme un point de concentration pour l’amour, la crainte et le respect, émotions plus facilement ressenties pour un individu que pour une organisation. » (George Orwell, 1984, folio, p. 295).
Le visage de « Big Brother » avec sa petite moustache noire et sa mèche de cheveux fait penser à Adolf Hitler. Il est clair qu’aujourd’hui nous pourrions mettre Emmanuel Macron ou d’autre chef d’Etat moderne anciens ou actuels à la place de Big brother.
Big Brother se traduit par « Grand Frère » en français. On comprend très vite que le Grand Frère pourrait être un Grand Maître d’une super loge. La forme pyramidale de la société et le terme frère ne sont pas mis au hasard. Pensons au slogan, « Big Brother is watching you » (Le Grand Frère vous regarde). L’œil en haut de la pyramide… Cela ne vous dit rien.
En dessous de « Big Brother », nous avons les membres du parti intérieur. C’est l’oligarchie qui dirige le pays. Le parti de l’extérieur est au service du parti intérieur, il est là pour réaliser des tâches d’exécutions.
« En dessous de Big Brother vient le Parti intérieur, dont le nombre est de six millions, soit un peu moins de deux pour cent de la population de l’Océania. En dessous du parti intérieur, vient le parti extérieur qui, si le parti intérieur est considéré comme le cerveau de l’Etat, peut justement être comparé aux mains de l’Etat. » (George Orwell, 1984, folio, p. 296).
Le prolétariat est relégué en marge de la société.
« Le Parti enseignait que les prolétaires étaient des inférieurs naturels, qui devaient être tenus en état de dépendance, comme les animaux, par l’application de quelques règles simples. En réalité, on savait peu de choses des prolétaires. Il n’était pas nécessaire d’en savoir beaucoup. Aussi, longtemps qu’ils continueraient à travailler et à engendrer, leurs autres activités seraient sans importance. Laissés à eux-mêmes, comme le bétail lâché dans les plaines de l’Argentine, ils étaient revenus à un style de vie qui leur paraissait naturelle, selon une sorte de canon ancestral. Ils naissaient, ils poussaient dans la rue, ils allaient au travail à partir de douze ans. Ils traverseraient une brève période de beauté florissante et de désir, ils se mariaient à vingt ans, étaient en pleine maturité à trente ans et mourraient à soixante ans. » (George Orwell, 1984, folio, p. 105-106).
Les zones où vivaient les prolétaires étaient sordides et délabrées.
« Il se trouvait quelque part dans les quartiers sordides et vagues, peints de brun, vers le Nord-Est de ce qui, à une époque, avait été la gare de Saint-Pancrace. Il remontait une rue grossièrement pavée, bordée de petites maisons à deux étages dont les portes délabrées ouvraient directement sur le trottoir et donnaient curieusement l’impression de trous à rats. (…) Un nombre étonnant de gens fourmillaient : filles en pleine floraison, aux lèvres violemment rougies, garçons qui poursuivaient les filles, femmes enflées à la démarche lourde, images de ce que seraient les filles dans dix ans, créatures vieilles et courbées traînant des pieds-plats , enfants pieds nus et haillonneux. » (George Orwell, 1984, folio, p. 121).
Les quartiers et les lieux de travail du parti intérieur étaient protégés militairement contre les intrusions.
« Le ministère de la Vérité comprenait, disait-on, trois mille pièces au-dessus du niveau du sol, et des ramifications souterraines correspondantes. Disséminé dans Londres, il n’y avait que trois autres constructions d’apparence et de dimensions analogues. Elles écrasaient si complètement l’architecture environnante que, du toit du bloc de la Victoire, on pouvait les voir toutes les quatre simultanément. C’étaient les locaux des quatre ministères entre lesquels se partageait la totalité de l’appareil gouvernemental. Le ministère de la Vérité, qui s’occupait des divertissements, de l’information, de l’éducation et des beaux-arts. Le ministère de la Paix, qui s’occupait de la guerre. Le ministère de l’Amour qui veillait au respect de la loi et de l’ordre. Le ministère de l’Abondance, qui était responsable des affaires économiques. Leurs noms en novlangue étaient : Miniver, Minipax, Miniamour, Miniplein.
(…)
Le ministère de l’Amour était le seul réellement effrayant. Il n’avait aucune fenêtre. Winston n’y était jamais entré et ne s’en était même jamais trouvé à moins d’un kilomètre. C’était un endroit où il était impossible de pénétrer, sauf pour affaire officielle, et on n’y arrivait qu’à travers un labyrinthe de barbelés enchevêtrés, de portes d’acier, de nids de mitrailleuses dissimulés. Même les rues qui menaient aux barrières extérieures étaient parcourues par des gardes en uniformes noirs à face de gorille, armés de matraques articulés. » (George Orwell, 1984, folio, p. 15).
Dans le roman de Franz Kafka, « le château« , K. (initial du nom de famille Kafka) arrive dans un village pour travailler comme arpenteur. Il rencontre les pires difficultés pour commencer sa tâche, pour se faire accepter par la population et l’administration. C’est une sorte de lutte des classes en miniature qui s’instaure entre lui et le village. Le village est dirigé par le comte Westwest depuis un château.
« Ce village appartient au Château ; y habiter ou y passer la nuit, c’est en quelque sorte habiter ou passer la nuit au Château. Personne n’en a le droit sans la permission du comte. Cette permission, vous ne l’avez pas ou du moins vous ne l’avez pas montrée. » (Franz Kafka, le château, folio, p. 8).
Le château surplomb le village en haut d’une colline.
« Maintenant, il voyait le Château qui se détachait nettement là-haut dans l’air lumineux.
(…)
En somme, tel qu’on le voyait ainsi de loin, le Château répondait à l’attente de K. Ce n’était ni un vieux Château féodal ni un palais de date récente, mais une vaste construction composée de quelques bâtiments à deux étages et d’un grand nombre de petites maisons pressées les unes contre les autres ; si l’on n’avait pas su que c’était un Château, on aurait pu croire qu’on avait affaire à une petite ville. K. ne vis qu’une tour et ne put discerner si elle faisait partie d’une maison d’habitation ou d’une église. Des nuées de corneilles décrivaient leurs cercles autour d’elle. » (Franz Kafka, le château, folio, p. 15-16).
Le village et son Château disposent d’un impressionnant système administratif et de surveillance. On peut voir que l’administration aime écrire des rapports sur les administrés pour pouvoir les classer et les ranger dans des catégories. Cela facilite la gestion humaine de la société (et donc le contrôle des individus). C’est un leitmotiv de l’administration kafkaïenne dans presque tous ses textes. C’est l’administration supérieure qui souhaite surveiller le prolétariat.
Si le thème n’est pas très présent dans « Le procès », il est quasi-permanent dans « Le Château », où l’on peut voir l’administration inondée sous des tonnes de papiers tellement elle écrit de rapports sur le moindre sujet. Cela peut d’ailleurs surprendre de voir autant de papiers écrits pour un si petit village. Le Château comme le Procès fournit tout un catalogue de technique de manipulation mentale pour permettre de maintenir à distance le gueux qui souhaiterait entrer dans l’oligarchie. Tout s’y trouve, il ne manque rien. Un véritable guide de survie dans un régime oligarchique.
Il faut maintenant comprendre que les deux pourcent du Parti de l’intérieur, comme l’administration du Comte Westwest existe réellement. Elle domine la France, l’Occident, et même au-delà. C’est une forme de dictature douce, modéré qui s’impose par l’ingénierie sociale et la psychologie sociale. Ce genre de méthode est de caractère luciférien. Lucifer est le prince du mensonge. Lorsqu’un système politique ou social utilise la manipulation et le mensonge pour se maintenir au pouvoir, le diable est tapis dans l’ombre.
En réalité, la thématique de la dictature d’une minorité sur une masse inculte ne remonte pas au XIXe siècle. L’idée est très ancienne. Il faut se replonger dans la littérature politique du XVe siècle et des siècles suivant. Lire Luther, Hobbes ou Bossuet au moment de la naissance de l’absolutisme. C’est là, que va commencer à émerger la lutte des classes entre bourgeoisie et prolétariat. Elle a pris naissance dans le protestantisme. C’est pour cette raison qu’elle fut exprimé par des auteurs anglo-saxons adepte de cette religion.
Martin Luther (1483-1546) est le premier penseur politique à s’intéresser à la nature de l’homme comme fondement du pouvoir politique.
Il considère que la nature de l’homme est mauvaise en raison du péché originel. Les bonnes actions ne vont pas suffire pour réparer le péché originel. La rédemption n’est qu’un don gratuit de Dieu dans lequel toute participation de l’homme est inopérante. Il y a un rejet du libre-arbitre. Le gueux est en bas de l’échelle en raison de sa perversion. L’homme mauvais par nature, cherchera à voler, tuer ses concitoyens. Ce sont les Morlocks de Wells ou les Prolétaires d’Orwell.
Pour empêcher le désordre, le pouvoir politique, c’est-à-dire le roi, le prince, le seigneur ou même le président, doit disposer de l’épée et ne pas hésiter à l’utiliser pour maintenir la vie sociale et la cohésion de la société. Ils ont été placés par Dieu à la tête de l’Etat. C’est le « Big Brother » d’Orwell.
Martin Luther déteste la démocratie qu’il considère comme le règne de la foule et la négation de toute autorité.
Il faut ici rappeler que Luther entretenait de long dialogue, la nuit dans la cellule de son monastère, avec le diable. Il a même écrit un livre sur le sujet pour nous faire partager ses entretiens diaboliques.
Thomas Hobbes (1588-1679) va reprendre les idées de Luther pour en faire une théorie politique complète. Il va distinguer deux temps dans l’histoire du monde : l’état de nature et l’état de société. L’état de nature permet de montrer la nature de l’homme. Elle va permettre de déterminer ensuite le type de construction politique nécessaire pour compenser la nature de l’homme et permettre la vie en société, c’est-à-dire l’état de société.
Chez Hobbes comme chez Luther, la nature de l’homme est mauvaise. Elle est égoïste et individualiste. Les hommes sont perpétuellement en concurrence les uns envers les autres. Ils veulent la même chose ou ne tolèrent pas les désirs des autres qu’il juge mauvais. Les hommes sont sur un pied d’égalité. Les plus fort ont toujours le risques d’être attaqué par les plus faibles et les plus faibles sont obligé de pratiquer la ruse pour se défendre vis-à-vis des plus forts. Personne n’est garanti d’être en sécurité. Il y a un état de guerre permanent et un risque de destruction de la société. C’est la célèbre formule « L’homme est un loup pour l’homme ».
Pour sortir de la situation chaotique, les hommes vont imaginer la construction d’un état de société afin d’assurer l’ordre. Les hommes vont signer un contrat social. Le contrat social va créer « le léviathan ». Le léviathan n’est pas un membre de la société humaine, il est une puissance extérieure a qui les hommes vont transférer tous les pouvoirs. Chaque individu renonce à l’ensemble de ses droits pour les donner au Léviathan. En échange, ils jouiront de la paix et de la sécurité.
Le Léviathan est un souverain absolu. Il n’est lié par aucune obligation, ne dispose d’aucun droit. Il n’y a aucune division de sa souveraineté sous forme de séparation des pouvoirs. Il concentre en lui tous les pouvoirs. Il peut sanctionner et faire la guerre, il est législateur, juge et pouvoir exécutif. Il n’y a aucune limite à sa souveraineté. Il n’est pas tenu au respect de sa propre loi, sinon cela limiterait sa puissance.
Notons également l’influence clairement sataniste de la pensée de Hobbes. L’Etat qu’il propose de créer porte le nom d’un monstre sortie des enfers. Ce qui est quand même très étonnant. Saint-Augustin parlait de « cité de Dieu » et de « cité terrestre ». Hobbes prend le nom d’un démon. Le choix des mots ne relève jamais du hasard. Il y a beaucoup à dire sur le Léviathan.
Le Léviathan apparaît plusieurs fois dans le livre de Job. Nous le savons, Job est la victime du déchaînement du démon contre lui afin d’éprouver sa foi en Dieu. Il relate le combat entre le bien et le mal dans l’âme des fidèles.
« Il arriva un jour que, les fils de Dieu étant venus se présenter devant Yahvé, Satan vint aussi au milieu d’eux se présenter devant Yahvé. Et Yahvé dit à Satan : «D’où viens-tu ?» Satan répondit à Yahvé et dit : «De parcourir le monde et de m’y promener.» Yahvé dit à Satan : «As-tu remarqué mon serviteur Job ? Il n’y a pas d’homme comme lui sur la terre, intègre, droit, craignant Dieu et éloigné du mal. Il persévère toujours dans son intégrité, quoique tu m’aies provoqué à le perdre sans raison.» Satan répondit à Yahvé et dit : «Peau pour peau ! L’homme donne ce qu’il possède pour conserver sa vie. Mais étends ta main, touche ses os et sa chair, et on verra s’il ne te maudit pas en face.» Yahvé dit à Satan : «Voici que je le livre entre tes mains ; seulement épargne sa vie !»
Et Satan se retira de devant la face de Yahvé. Et il frappa Job d’une lèpre maligne depuis la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête. Et Job prit un tesson pour gratter ses plaies et il s’assit sur la cendre. Et sa femme lui dit : «Tu persévère encore dans ton intégrité ! Maudis Dieu et meurs !» Il lui dit : «Tu parles comme une femme insensée. Nous recevons de Dieu le bien, et nous n’en recevrions pas aussi le mal ?» En tout cela, Job ne pécha point par ses lèvres. » (Job, II : 1-10).
Job ayant résisté à toutes les tentations du diable reçoit les félicitations de Dieu. Celui-ci va alors lui faire la description de deux monstres qui joueront un rôle à la fin des temps. Nous avons d’abord la Léviathan, un monstre marin qui règne sur les mers.
« Tireras-tu Léviathan avec un hameçon, et lui serreras-tu la langue avec une corde ? Lui passeras-tu un jonc dans les narines, et lui perceras-tu la mâchoire avec un anneau ? T’adressera-t-il d’ardentes prières, te dira-t-il de douces paroles ? Fera-t-il une alliance avec toi, le prendras-tu toujours à ton service ? Joueras-tu avec lui comme avec un passereau, l’attacheras-tu pour amuser tes filles ? Les pêcheurs associés en font-ils le commerce, le partagent-ils entre les marchands ? Cribleras-tu sa peau de dards, perceras-tu sa tête du harpon ? Essaie de mettre la main sur lui : souviens-toi du combat, et tu n’y reviendras plus. » (Job, XL : 25-32).
« Voici que le chasseur est trompé dans son attente ; la vue du monstre suffit à le terrasser. Nul n’est assez hardi pour provoquer Léviathan : qui donc oserait me résister en face ? Qui m’a obligé, pour que j’aie à lui rendre ? Tout ce qui est sous le ciel est à moi.
Je ne veux pas taire ses membres, sa force, l’harmonie de sa structure. Qui jamais a soulevé le bord de sa cuirasse ? Qui a franchi la double ligne de son râtelier ? Qui a ouvert les portes de sa gueule ? Autour de ses dents habite la terreur. Superbes sont les lignes de ses écailles, comme des sceaux étroitement serrés. Chacune touche sa voisine ; un souffle ne passerait pas entre elles. Elles adhèrent l’une à l’autre, elles sont jointes et ne sauraient se séparer. Ses éternuements font jaillir la lumière, ses yeux sont comme les paupières de l’aurore. Des flammes jaillissent de sa gueule, il s’en échappe des étincelles de feu. Une fumée sort de ses narines, comme d’une chaudière ardente et bouillante. Son souffle allume les charbons, de sa bouche s’élance la flamme. Dans son cou réside la force, devant lui bondit l’épouvante. Les muscles de sa chair tiennent ensemble ; fondus sur lui, inébranlables. Son cœur est dur comme la pierre, dur comme la meule inférieure. Quand il se lève, les plus braves ont peur, l’épouvante les fait défaillir. Qu’on l’attaque avec l’épée, l’épée ne résiste pas, ni la lance, ni le javelot, ni la flèche. Il tient le fer pour de la paille, l’airain comme un bois vermoulu. La fille de l’arc ne le fait pas fuir, les pierres de la fronde sont pour lui un fétu ; la massue, un brin de chaume ; il se rit du fracas des piques. Sous son ventre sont des tessons aigus : on dirait une herse qu’il étend sur le limon. Il fait bouillonner l’abîme comme une chaudière, il fait de la mer un vase de parfums. Il laisse après lui un sillage de lumière, on dirait que l’abîme a des cheveux blancs. Il n’a pas son égal sur la terre, il a été créé pour ne rien craindre. Il regarde en face tout ce qui est élevé, il est le roi des plus fiers animaux. » (Job, XLI : 1-26)
Léviathan est accompagné de Béhémoth, le monstre de la terre.
« Vois Béhémoth, que j’ai créé comme toi : il se nourrit d’herbe, comme le bœuf. Vois donc, sa force est dans ses reins, et sa vigueur dans les muscles de ses flancs ! Il dresse sa queue comme un cèdre ; les nerfs de ses cuisses forment un solide faisceau. Ses os sont des tubes d’airain, ses côtes sont des barres de fer. C’est le chef-d’œuvre de Dieu ; son Créateur l’a pourvu d’un glaive. Les montagnes produisent pour lui du fourrage, autour de lui se jouent toutes les bêtes des champs. Il se couche sous les lotus, dans le secret des roseaux et des marécages. Les lotus le couvrent de leur ombre, les saules du torrent l’environnent. Que le fleuve déborde, il ne craint pas ; il serait calme, si le Jourdain montait à sa gueule. Est-ce en face qu’on pourra le saisir, avec des filets, et lui percer les narines ? » (Job, XL : 15-24).
Nous avons là deux monstres, l’un de la mer et l’autre de la terre. Cela correspond aux deux bêtes de l’Apocalypse, la bête de la mer et la bête de la terre.
La bête de la mer, c’est le Léviathan.
« Puis je vis monter de la mer une bête qui avait sept têtes et dix cornes, et sur ses cornes dix diadèmes, et sur ses têtes des noms de blasphème. La bête que je vis ressemblait à un léopard ; ses pieds étaient comme ceux d’un ours, et sa gueule comme une gueule de lion. Le dragon lui donna sa puissance, son trône et une grande autorité. Une de ses têtes paraissait blessée à mort ; mais sa plaie mortelle fût guérie, et toute la terre, saisie d’admiration, suivit la bête, et l’on adora le dragon, parce qu’il avait donné l’autorité à la bête, et l’on adora la bête, en disant : » Qui est semblable à la bête, et qui peut combattre contre elle ? » Et il lui fut donné une bouche proférant des paroles arrogantes et blasphématoires, et il lui fût donné pouvoir d’agir pendant quarante-deux mois. Et elle ouvrit sa bouche pour proférer des blasphèmes contre Dieu, pour blasphémer son nom, son tabernacle et ceux qui habitent dans le ciel. Et il lui fut donné de faire la guerre aux saints et de les vaincre ; et il lui fût donné autorité sur toute tribu, tout peuple, toute langue et toute nation. Et tous les habitants de la terre l’adoreront, ceux dont le nom n’a pas été écrit dans le livre de vie de l’Agneau immolé, dès la fondation du monde. » (Apocalypse, XIII : 1-8).
La bête de la terre correspond à Béhémoth.
« Puis je vis monter de la terre une autre bête, qui avait deux cornes semblables à celles d’un agneau, et qui parlait comme un dragon. Elle exerçait toute la puissance de la première bête en sa présence, et elle amenait la terre et ses habitants à adorer la première bête, dont la plaie mortelle avait été guérie. Elle opérait aussi de grands prodiges, jusqu’à faire descendre le feu du ciel sur la terre, à la vue des hommes, et elle séduisait les habitants de la terre par les prodiges qu’il lui était donné d’opérer en présence de la bête, persuadant aux habitants de la terre de dresser une image à la bête qui porte la blessure de l’épée et qui a repris vie. Et il lui fut donné d’animer l’image de la bête, de façon à la faire parler et à faire tuer tous ceux qui n’adoreraient pas l’image de la bête. Elle fit qu’à tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves, on mit une marque sur la main droite ou sur le front, et que nul ne pût acheter ou vendre, s’il n’avait pas la marque du nom de la bête ou le nombre de son nom.
C’est ici la sagesse ! Que celui qui a de l’intelligence compte le nombre de la bête ; car c’est un nombre d’homme et ce nombre est six cent soixante-six. » (Apocalypse, XIII : 11-18).
La bête de la mer (Léviathan) est la bête principale. Elle comporte dix cornes et sept têtes. Les dix cornes portent chacune une couronne. Elle est assise sur un trône. On le comprend bien, cette bête correspond à la forme politique du pouvoir né dans la pensée politique de Thomas Hobbes. Je parle uniquement de l’Etat moderne qui considère que la nature de l’homme est mauvaise et qui donne le pouvoir à un démon (léviathan). C’est souvent un régime politique qui distingue entre une élite éclairé, doté de haute capacité intellectuelle et une masse informe de gueux mauvais, laid et inutile.
La monarchie de droit divin n’est pas concernée. C’est également le cas des régimes démocratiques de type athénien ou romain. Ils sont tous conforment à la volonté de Dieu. Il y avait un certain équilibre institutionnel et il donnait une place à chacun selon ses capacités et les besoins de la société.
C’est pour cette raison que je ne vote jamais aux élections. Je ne suis même pas inscrit sur les listes électorales. Je refuse de donner ma caution à un système politique fondé sur l’incarnation du diable à travers un démon de la mer. Il faut contester le régime actuel dans son intégralité et refuser de participer à la désignation du maître. Discuter sur des points de détails, c’est cautionner l’ensemble.
La bête de la mer serait donc une organisation étatique sataniste. Dès lors, nous avons-là, la clef de compréhension des allusions sans cesse répété du pouvoir macronien à la bête et à son nombre.
Ce fut le cas lorsque le président parla de « la bête de l’événement qui arrive« .
Emmanuel Macron ne cesse de faire des clins d’œil au nombre de la bête.
Il fut élu, en 2017, par le score de 66, 06 % au deuxième tour.
Lors de ses vacances d’été au fort de Brégançon, il fait du jet-ski sur un engin immatriculé avec le numéro « 666 ».
Cet été, lors de la canicule, le gouvernement a mis en place un numéro vert plein de « 6 ».
Au moment de l’instauration du couvre-feu. Plusieurs personnes ont été étonnées de la présence de trois chiffres « 6 ». Le couvre-feu se termine à 6 h, il durera six semaines et les rassemblements ne devront pas comporter plus de six personnes..
Pour le deuxième confinement, les Français pourront aller se promener pour une durée de 3 heures sur 20 kilomètres. Si l’on divise 20 km par 3 km, on obtient 6, 66 km.
La fameuse amende de 135 euros, contient en lui-même le chiffre « 666 ». Pour cela, il faut totaliser le prix de l’amende (135) avec son inverse (531). 135 euros + 531 = 666. Le satanisme aime inverser les nombres et les mots.
Cela devient logique. La bête de la mer n’est pas Emmanuel Macron, mais le type d’Etat totalitaire né de la pensée de Hobbes reprit par Wells et Orwell. C’est la dictature sanitaire qui c’est installée depuis mars 2020. Sans dévoiler le contenu du dernier article de la série, plusieurs prophètes de l’Ancien Testament parlent de la destruction du Léviathan à la fin des temps. Il faut redonner un peu d’espoir à mes lecteurs, devant une telle avalanche de mauvaise nouvelle. Patience.
La bête de la mer sera aidée dans son œuvre par la bête de la terre. La bête de la mer (Béhémoth) dispose de deux cornes. La première corne concerne la banque et la deuxième les médias. Pour plus de détail, je vous renvoie à la lecture de mes deux livres sur l’Apocalypse de Saint-Jean.
Un autre livre moins connu (et à ma connaissance jamais traduit en français), de Thomas Hobbes porte le nom de « Béhémoth ». Cela ne devrait pas vous étonner. Il faut le dire, sans avoir peur du ridicule, nous sommes en pleine démonologie. D’autant plus que Hobbes n’est pas n’importe quel auteur. Il est une référence absolue en matière de science politique. Un des maîtres à penser de notre époque. Alors que l’on ne vienne pas me dire que je suis ridicule à parler de la « stratégie de Satan pour la domination du monde ». Ce n’est pas moi qui utilise des noms de démons tout droit sortie de l’enfer. Je ne fais que constater une réalité que certain ne veulent pas voir. Il suffit de lire les livres de Hobbes pour observer que lui-même parle de « démonologie » (le mot figure dans le titre de plusieurs chapitre) et de « ténèbres ». C’est même une obsession chez lui. Je n’invente rien, lisez ses livres.
Le texte d’Isaïe dit que la dictature s’imposera sans aucune résistance ni opposition. Les gens se laisseront mettre la corde au cou par le dictateur. Intéressons-nous au processus psychologique et politique qui permet un tel exploit.
Dans le roman « 1984 », il est fait référence a un opposant qui porte le nom d’Emmanuel Goldstein. Oui… oui… Emmanuel.
Goldstein aurait écrit un petit fascicule intitulé « Théorie et pratique du collectivisme oligarchique » et dirigerait une fraternité qui préparerait un immense complot contre « Big Brother ». En réalité Emmanuel Macron… heu pardon, Emmanuel Goldstein a été créé de toute pièce par le régime en place pour permettre de repérer les futurs opposants et les éliminer. C’est donc la première technique utilisé par la bête de la mer pour empêcher toute révolte du peuple. On crée sa propre opposition contrôlée pour empêcher une vraie opposition spontanée, d’émerger. Elle occupe tout le terrain médiatique pour bloquer les véritables dissidents, leur interdirent de se faire connaître. Aujourd’hui, le système fonctionne à plein régime. Les faux opposants ont tribune ouverte dans les médias classique ou de la dissidence, leurs publications étant boostées par les algorithmes de YouTube ou de Facebook.
« Elle refusait de croire qu’une opposition vaste et organisée existât ou pût exister. Les histoires sur Goldstein et son armée clandestine, disait-elle, n’étaient qu’un tas de balivernes que le Parti avait inventée pour des fins personnelles et qu’on devait faire semblant de croire. » (George Orwell, 1984, folio, p. 218).
Le régime de Big Brother était en guerre permanente. Parfois, des bombes tombaient sur les quartiers pauvres de Londres provoquant des explosions incontrôlé de colère.
« L’une d’elle tomba sur un cinéma bondé de Stepney et ensevelit sous les décombres plusieurs centaines de victimes. Toute la population du voisinage sortit pour les funérailles. Elle forma un long cortège qui dura des heures et fut, en fait, une manifestation d’indignation . Une autre bombe, tomba dans un terrain abandonné qui servait de terrain de jeu. Plusieurs douzaines d’enfants furent atteints et mis en pièces. Il y eut d’autres manifestations de colère. On brûla l’effigie de Goldstein. (…) Un grand nombre de magasins furent pillés dans le tumulte. Puis le bruit courut que des espions dirigeaient les bombes par ondes, et on mit le feu à la maison d’un vieux couple suspect d’être d’origine étrangère. » (George Orwell, 1984, folio, p. 214).
Les émeutes violentes, les pillages de magasins et le tumulte dont parle Orwell me font immédiatement pensé aux événements actuels des gilets jaunes et des manifestations du même type qui eurent lieu depuis 2018. Une colère très spontanée et non contrôlée, donc inutiles pour faire tomber le pouvoir. Je n’inclus pas le mouvement initial des gilets jaunes qui se déroulait sur les Champs Elysée et avait pour unique objectif de marcher sur le palais de l’Elysée. Ensuite, la récupération gauchiste a éloigné les gilets jaunes de leur objectif initial pour le rendre moins dangereux pour le régime. C’est un simple constat qui permet de comprendre que nous avons eux à faire avec une opposition contrôlée.
« Le travail physique épuisant, le souci de la maison et des enfants, les querelles mesquines entre voisins, les films, le football, la bière et, surtout, le jeu, formaient tout leur horizon et comblaient leurs esprits. Les garder sous contrôle n’était pas difficile. Quelques agents de la Police de la Pensée circulaient constamment parmi eux, répandaient de fausses rumeurs, notaient et élimineraient les quelques individus qui étaient susceptibles de devenir dangereux. » (George Orwell, 1984, folio, p. 105-106).
Cela ne veut, bien sûr, pas dire qu’il ne faut pas agir. Il faut des manifestations insurrectionnelles. Il manque également aux gilets jaunes, une vision globale du monde, des idées précises sur le monde du futur et les moyens d’y arriver. Lorsque je vois certains manifestants demander le retrait de la loi sur la sécurité, la démission de Macron ou la contestation du port du masque, je me dit que nous n’irons pas très loin. Il faut contester le régime républicain dans son ensemble, dans sa globalité, dénoncer les mécanismes de domination à l’œuvre et proposer une contre modèle. Il faut également savoir comment l’attaquer et où se trouve les vrais lieux de pouvoir. Les vrais lieux de pouvoirs ne sont pas seulement à l’Elysée. Autant le dire, ce ne sont pas les crétins incultes sans aucune culture politique qui vont nous mener à la victoire. Que peut-on espérer d’un Sylvain Baron, d’un Maxime Nicole (Fly Rider), d’un Eric Drouet, d’un Jérôme Rodrigues ou d’un Etienne Chouard.
« On n’essayait pourtant pas de les endoctriner avec l’idéologie du Parti. Il n’était pas désirable que les prolétaires puissent avoir des sentiments politiques profonds. (…) Ainsi, même quand ils se fâchaient, comme ils le faisaient parfois, leur mécontentement ne menait nulle part =, car il n’était pas soutenu par des idées générales. Ils ne pouvaient le concentrer que sur des griefs personnels et sans importance. Les maux plus grands échappaient invariablement à leur attention. » (George Orwell, 1984, folio, p. 105-106).