Pendant mille cinq cent ans, l’astrologie n’a posé aucun problème au christianisme. Il n’y a jamais eu d’interdiction ou de limitation de sa pratique. Avec l’émergence du protestantisme, la question de la science des astres va se poser avec une vive acuité dans l’Europe chrétienne. Lors de la querelle entre Saint-Augustin et le moine Pelagus, la question du libre arbitre et de la prédestination furent posé au sujet de l’astrologie. L’astrologie reste conforme au dogme de l’église dès lors qu’elle respect le principe de la simple prédestination (volonté de Dieu sur le destin des hommes) et du libre arbitre limité (libre arbitre uniquement dans les domaine qui n’ont pas été déterminé par dieu) par cette simple prédestination.
Le protestantisme va remettre en cause la conception catholique de la simple prédestination en prônant la double prédestination. Dieu contrôle l’ensemble de la vie des individus. Un riche est riche parceque Dieu la voulu et un pauvre est pauvre par la volonté du seigneur. C’est l’idée récurrente chez les protestants de la croyance dans le destin exceptionnel des hauts dirigeants politiques et religieux. Dès lors plus de libre arbitre. Il faut donc interdire a tous pris l’astrologie pour empêcher de vérifier dans les astres si un homme a réellement un destin exceptionnel. C’est uniquement pour cela que les protestants vont s’attaquer à l’astrologie.
Les deux principaux ennemis de l’astrologie sont Jean Calvin et Pic de la Mirandole qui vont tous les deux publier un recueil contre elle.
Calvin publia en 1539, «advertissement contre ’astrologie qu’on appelle judiciaire». Il dit, à la page 3 de son livre :
« Il y a eu de longtemps une folle curiosité de juger par les astres de tout ce qui doit advenir aux hommes, et d’enquérir de là et prendre conseil de ce qu’on avoit à faire. Nous montrerons tantôt au plaisir de Dieu, que c’est une superstition diabolique. De fait elle a été rejetée d’un commun accord comme pernicieuse au genre humain. Aujourd’hui elle se remet au-dessus, en sorte que beaucoup de gens qui s’estiment de bon esprit, et aussi en ont eu la réputation, y sont quasi ensorcelés. » (Jean Calvin, Avertissement contre l’astrologie judiciaire, p. 109). »
Selon Calvin, l’astrologie serait de nature diabolique. Etrange accusation. Le fondateur du protestantisme, Martin Luther, parlait avec le diable, dans la cellule de son monastère.
I. L’astrologie et le concile de Trente.
Les critiques de l’église par les Protestants vont amener l’Eglise à répondre sur le terrain religieux. C’est le concile de Trente de 1545 à 1563.
Dans le catéchisme qui fut rédigé à l’occasion du Concile, il est dit explicitement :
« Car non seulement Dieu a formé les cieux dont le Prophète a dit qu’ils sont l’ouvrage de ses doigts, mais c’est Lui qui les a ornés de la clarté du soleil, de la lune et de tous les autres astres, pour les faire servir de signes, afin de distinguer les saisons. les jours et les années. » (Catéchisme du Concile de Trente).
L’astrologie prédictive est donc conforme au dogme catholique. C’est écrit noir sur blanc.
Le Concile va distinguer deux formes d’astrologies, l’astrologie illicite et l’astrologie licite. La frontière entre les deux est l’idée de prédestination. L’astrologie chrétienne doit considérer que les astres influencent, mais ne régissent pas la vie des hommes.
II. L’ordonnance d’Orléans de 1560.
Charles IX va publier une ordonnance royale dite d’Orléans, qui dans son article XXVI réglemente la publication des almanachs astrologiques :
« Ceux qui se mêlent de pronostiquer les choses à venir, publiant leurs almanachs et pronostications, passent les termes d’astrologie, contre l’exprès commandement de Dieu, chose qui ne doit être tolérée par Princes Chrétiens : nous défendons à tous Imprimeurs et Libraires à peine de prison et d’amende arbitraire, d’imprimer ou exposer en vente aucuns Almanachs et pronostications. que premièrement n’aient été visités par l’archevêque ou évêque, »
Vous noterez avec moi que le texte ne condamne pas l’astrologie, mais la publication des almanachs astrologiques sans autorisation des autorités ecclésiastique. Un almanach astrologique qui recevrait l’autorisation pourra être publié. Le régime de l’autorisation est imposé afin de permettre le contrôle sur le contenu du texte. Entre l’astrologie licite et illicite. La licité ou l’illicite n’étant pas définit par l’ordonnance.
L’ordonnance vise, sans le citer, Nostradamus. La famille royale est traumatisé par la double prédiction de la mort d’Henri II et de François II. Le prophète provençale publiait depuis de nombreuse année dans almanachs astrologiques où ils donnait ses prédictions pour le futur.
En 1559, le quatrain I-35 annonce la mort d’Henri II.
I-35 :
Le lyon jeune le vieux surmontera,
En champ bellique par singulier duelle,
Dans caige d’or les yeux lui crevera :
Deux classes une, puis mourir, mort cruelle.
Le roi de France trouva la mort dans un duel (« le champ bellique par singulier duel ») avec le jeune comte de Montmorency qui portait lors du combat un lion comme emblème (« le lyon jeune »). Le vieux lyon qu’il surmonta était le roi de France. Le lion étant le roi des animaux.
Le Roi de France lui, portait ce jour-là, un heaume doré (« dans caige d’or ») et fut tué par la lance brisée qui traversa le heaume et lui creva l’oeil (« les yeux lui crevera »). Le duel fut organisé à l’occasion du mariage de son fils. Il y eut deux affrontements (« deux classes ») et c’est lors du troisième que le drame se déroula (« puis mourir mort cruelle »). La mort fut effectivement très cruelle, car il décéda dans d’atroces souffrances dix jours plus tard.
François II succède Henri II. Nostradamus va récidiver avec le quatrain X-39. Une prédiction qui va mettre en émoi toute l’Europe.
X-39 :
Premier fils vefve malheureux mariage,
Sans nuls enfans deux Isles en discord :
Avant dixhuict incompetant eage,
De l’autre pres plus bas sera l’accord.
François II, fils aîné (« premier fils ») de Catherine de Médicis, la veuve d’Henri II (« vefve »), deviendra roi à moins de dix huit ans (« avant dix-huict »). Un âge trop tendre pour être compétent à de telle fonction (« incompetant eage »). Il mourra à dix-sept ans dix mois et quinze jours et laissera Marie Stuart (« veuve ») sans enfants, après un malheureux mariage qui aura durée moins de deux années.
Marie Stuart, reine d’Ecosse, n’aura pas d’héritier. La mort de son mari fera éclater une grande discorde avec Elisabeth, la reine d’Angleterre (« deux isles en discord »). L’Ecosse n’est pas une île, mais l’expression signifie seulement que l’île de Grande-Bretagne est divisée en deux nations distinctes. Marie Stuart périra sur l’échafaud, le 8 février 1587, à cause des manigeances d’Elisabeth.
Pierre Brind’amour explique que le texte fut connu à l’époque. En novembre 1560, alors âgé de dix-sept ans, il tomba malade. La cour sombra dans l’inquiétude à la lecture du texte de Nostradamus. L’auteur était déjà connu dans l’Europe entière. Un échange de lettre entre l’ambassadeur toscan à Paris et son souverain (le 30 décembre 1560) est éloquant à ce sujet :
« Le salut du roi est toujours incertain… Voilà ce que les gens racontent, et en particulier Nostradamus, par esprit prophétique, lequel, dans ses pronostics concernant ce mois, dit qu’un plus jeune perdra la monarchie de maladie inopinée » (Pierre Brind’amour, Nostradamus astrophile, p. 40 ; Abel Desjardins, Négociations diplomatiques de la France avec la Toscane, documents recueillis par Guiseppe Canestrini, t. III, Paris, 1865, p. 427-428.).
Dans un autre échange de lettre entre l’ambasseur d’Espagne et le roi Philppe II (le 12 janvier 1561), l’auteur rappelle le quatrain I-35 qui avait annoncé la mort d’Henri II :
« On a remarqué qu’en un mois sont morts le premier et le dernier personnage de la maison royale. Le jour après que le roi vint à trépasser passa près de lui un morveux (?) sur un grand cheval qui ne le blessa pas peu en lui donnant quelques ruades à la tête. Ces tragédies ont stupéfié la cour, avec menaces de ce Nostredamus qu’on ferait mieux de châtier que de laisser vendre ses pronostications qui encouragent de vaines et supersticieuses crédulités. » (Pierre Brind’amour, Nostradamus astrophile, p. 40 ; Archives nationales, microfilm 21 MI/97. )
L’ordonnance de 1560 n’instaure pas un contrôle des publication astrologique en raison de sa contradiction avec le culte catholique, mais parceque de telle publication porte atteinte gravement à l’ordre public.
III. L’ordonnance de Blois de 1579.
Une deuxième ordonnance royale va réitérer la réglementation de l’astrologie et des almanachs. Elle est l’oeuvre d’Henri III.
Dans l’article XXXVI on peut lire que :
“Tout devin faiseur de pronostications et almanachs qui sortira des bornes de l’astrologie licite et naturelle, sera puni extraordinairement et corporellement, & défendons à tous imprimeurs et libraires, sur les mêmes peines, d’imprimer ou exposer en vente, aucuns almanachs ou prognostications que premièrement ils n’aient été vus, et visités par l’Archevêque, Évêque, ou ceux qu’ils auront députés expressément à cet effet, et approuvés par leurs certificats, signés de leurs mains, et qu’il n’y ait aussi permission de Nous, ou de nos juges ordinaires “.
Le texte précise que l’astrologie licite est celle qui concerne la météo, les travaux d’agriculture, ainsi que des traversées nautiques. Les textes sont soumis au contrôle de l’Église avant impression. Les prédictions astrologiques de nature politiques sont donc totalement interdite, sans que cela soit explicitement indiqué.
C’est une définition de l’astrologie licite très contestable. Une prédiction politique qui respecterait le principe de la simple prédestination serait licite du point de vue religieux. L’interdiction n’est pas religieuse mais politique. Il faut éviter a tout prix que n’émerge un nouveau Nostradamus.
IV. La déclaration du 20 janvier 1628.
Une dernière réglementation royale du 20 janvier 1628 reprend et complète l’ordonnance de 1579.
« Louis, etc…ayant considéré que ceux qui se mêlent de composer des almanachs et prédictions, au lieu de demeurer dans les bornes du devoir, y emploient plusieurs choses inutiles et sans fondements certains, qui ne peuvent servir qu’à embarrasser les esprits faibles qui y ont quelque croyance, nous avons résolu de faire cesser ces abus à l’avenir; Nous par ces causes et autres à ce nous mouvant, suivant le 36e article de l’ordonnance de Blois, avons fait et faisons défense à toute personne de faire ni composer aucun almanachs et prédictions hors les termes de l’astrologie licite, mesme d’y comprendre les prédictions concernant les États et personnes, les affaires publiques et particulières, soit en termes exprès ou couverts et généraux, n’y autres quelconques, et d’y employer et mettre autre chose que les lunaisons, éclipses et diverses dispositions et tempéraments de l’air, et dérèglements d’icelui et en la manière portée par le dit article, à peine de confiscation et de punition corporelle, et de 500 livres d’amende, défendant aussi très expressément et sur les mêmes peines à toute personne de les imprimer et publier, mandons à notre prévôt de Paris ou son lieutenant civil, etc… »
L’interdiction porte sur les prédictions au sujet des affaires de l’état et la publication des cartes du ciel des hommes politiques. Le contexte est là aussi très lourd. Richelieu doit mener le siège de La Rochelle contre les Protestants. Un très grands nombres d’almanachs comportent des prédictions astrologiques. Ils circulaient dans le royaume. Elle spéculaient sur l’issu de la guerre mettant gravement en danger l’ordre public. La carte de naissance ou les révolutions solaires de Richelieu étaient publiés en France ou en Europe permettant de se faire une idée de la victoire possible du cardinal qui surviendra en 1628.
On le voit, sous prétexte de religion, l’astrologie est surtout une cible politique, car elle peut mettre en danger le pouvoir légitime.
Actuellement, circule tous un discours dans le milieu catholique traditionnaliste ou conciliaire contre l’astrologie. Elle émane surtout d’une certaine bourgeoisie qui a un intérêt au maintien du système en place. Ceux-ci ne procède jamais la distinction entre astrologie licite et illicite conformément au magistère de l’église. Distinction qui est toujours présente dans tous les textes de l’Ancien régime.