Cet article sera exclusivement consacré à l’Enuma Elish. Le texte, tardif dans l’histoire de la Mésopotamie, date probablement du XIIe siècle avant Jésus-Christ, c’est-à-dire de l’époque Babylonienne, mais reprend des traditions plus anciennes, si l’on prend la peine de comparer ce texte avec l’autre texte mésopotamien, lui plus ancien, « Enki, ordonateur du monde« . L’Enuma elish parle de la création du monde (I) et comporte de nombreuses références à l’astrologie (II).
I : La création du monde dans l’enuma elish.
L’Enuma elish décrit une guerre primordiale entre les anciens et les nouveaux dieux (A) qui va permettre la création du monde (B).
A : La guerre primordiale.
« Lorsque là-haut
Le Ciel n’était pas encore ferme
N’était pas appelée d’un nom,
Seuls Apsû-le-premier
Leur progéniteur,
Et Mère (?)-Tiamat,
Leur génitrice à tous,
Mélangeaient ensemble
Leurs eaux :
Ni bancs-de-roseaux n’y étaient encore agglomérés
Ni cannaies n’y étaient discernables. »
(Jean Botéro, Lorsque les dieux faisaient l’homme, p. 604).
Tiamat est la déesse mère primordiale qui donna naissance aux dieux du panthéon sumérien. Elle est mariée avec Apsû. Une guerre va éclater entre les dieux et le couple primordial.
Tiamat, le dragon ou le serpent de la mer va donner naissance à une kyrielle de démons qui vont combattre les dieux.
« Tiamat entre en rage. Aidé par Qingu, son nouveau conjoint, elle décide de supprimer tous les dieux et crée pour les anéantir une cohorte de monstres terrifiants : gigantesques serpents venimeux, dragons enragés, lions furieux, chiens écumants, démons-ouragans. Ils sont menés au combat par Qingu, chef de guerre à qui Tiamat a donné la tablette des Destins comme insigne d’autorité. » (Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, bouquins, p. 848).
Seul Mardouk, rejeton d’Ea, accepte de les combattre avec l’aide des vents qu’il maîtrise et de ses armes divines.
On retrouve la même idée dans la mythologie grecque.
« Le premier à étendre sa domination sur le monde fut Ouranos. Il épousa Gaia, et leurs premiers enfants furent les Centimanes1, Briarée, Gyès et Cottos. Nul n’était plus grands ou plus forts qu’eux, et chacun d’eux avait cent bras et cinquante têtes.
Après eux, d’Ouranos Gaia enfanta les Cyclopes, Argès, Stéropès et Brontès, qui avaient un seul oeil au milieu du front. Mais Ouranos enchaîna ses propres enfants et les jeta dans le Tartare (la région ténébreuse au fond de l’Hadès, aussi loin de la surface de la terre que la terre l’est du ciel).
Naquirent ensuite les Titans, Océan, Coéos, Hypérion, Japet, et Cronos le plus jeune. Et leurs sœurs furent elles aussi appelées Titanides : Thétis, Rhéa, Mnémosyne, Phobé, Dioné et Thya. » (Apollodore, la bibliothèque, p. 17)
- Les cent bras.
Ouranos, c’est le Ciel et Gaïa, c’est la Terre. De leur union, va naître les premiers dieux qui vont peupler le monde. Ouranos, c’est Apsû et Gaïa, c’est la Terre. Dans la mythologie grecque, le rôle de Mardouk est joué par Cronos qui tue Ouranos afin de fonder le monde.
« Mais Gaia souffrait beaucoup à cause de la perte de ses fils précipités dans le Tartare ; c’est pourquoi elle persuada les Titans d’attaquer leur père : puis, comme arme, elle donna à Cronos une faucille d’acier. Ils l’assaillirent tous ensemble, sauf Océan. Cronos coupa les parties génitales de son père et les jeta dans la mer ; du sang gicla, et des gouttes naquirent les Érinyes : Alecto, Tisiphone et Mégère. Ainsi les Titans détrônèrent-ils leur père. Ils ramenèrent à la lumière leurs frères emprisonnés dans le Tartare, et confièrent le pouvoir à Cronos. » (Apollodore, la bibliothèque, p. 17-18)
Le début de l’Enuma elish fait penser à l’ouverture de la Genèse.
« Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. La terre était informe et vide ; les ténèbres couvraient l’abîme, et l’Esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. » (Genèse, I : 1-2)
Au début du monde, Dieu flottait au-dessus de l’eau. Il créa le Ciel et la Terre. Le Ciel, c’est Apsû, alors que la Terre, c’est Tiamat.
A l’origine du monde il n’y a que de l’eau, que ce soit dans la Genèse comme dans l’Enuma elish. Les eaux du Ciel et de la Terre sont mélangées. Il faudra attendre le troisième jour pour que Dieu sépare les eaux du bas et celle du haut par le firmament.
« Dieu dit : » Qu’il y ait un firmament entre les eaux, et qu’il sépare les eaux d’avec les eaux. » Et Dieu fit le firmament, et il sépara les eaux qui sont au-dessous du firmament d’avec les eaux qui sont au-dessus du firmament. Et cela fut ainsi. Dieu appela le firmament Ciel. Et il y eut un soir et il y eut un matin ; ce fut le second jour. » (Genèse, I : 6-8)
§ 2 : La création du monde.
Marduk tue Tiamat. Il coupe son corps en deux comme un poisson et forme avec l’une des moitiés, le Ciel et l’autre moitié la Terre. C’est la séparation en deux des eaux par le Dieu judéo-chrétien. Nous retrouvons la même filiation religieuse au cœur de Sumer. C’est l’objectif derrière cette série d’articles. Et derrière, elle, se cache l’astrologie. Une science des étoiles qui est la véritable clef de compréhension du monde depuis la Mésopotamie jusqu’au Christ. Une clef fondamentale tombée dans l’oubli.
« A tête reposée, le Seigneur
De Tiamat contemplait le cadavre :
Il voulait débiter la chair monstrueuse
Pour en fabriquer des merveilles.
Il la fendit en deux,
Comme un poisson à sécher,
(…)
Ayant alors disposé la tête de Tiamat
Il entassa par-dessus une montagne
Où il ouvrit une source
En laquelle un flot frissonna.
Il ouvrit dans ses yeux
L’Euphrate et le Tigre.
Il obstrua ses narines
Qu’il réserva à (…)
Sur ses mamelles, il entassa
Les Montagnes lointaines,
Et il creusa des fontaines
Pour s’écouler en cascades.
Enfin, il recourba sa Queue
Et l’attacha au Grand-Câble
Au-dessous duquel
Il (…) l’Apsû.
Il disposa la croupe (?) de Tiamat
Pour soutenir le Ciel
Et plafonna son autre moitié (?)
Pour consolider la Terre,
Son œuvre ainsi parachevée,
Il équilibra à l’intérieur de Tiamat ;
Puis, déployant son filet,
l le développa de toutes parts,
Formant ainsi une enveloppe
Pour le Ciel et la Terre,
Et assurant parfaitement
(…) leur cohésion. »
(Jean Botéro, Lorsque les dieux faisaient l’homme, p. 633-634).
Certaine partie de son corps serviront à construire des lieux géographiques. Sa tête formera une montagne d’où s’écoulera l’Euphrate et le Tigre de chacun de ses yeux.
« Il en tendit la peau
Y installant des gardes
Auxquels il donna pour mission
D’Empêcher ses eaux de déborder.
Traversant alors le Ciel,
Il y étudia des Salles-de-Cérémonie
Pour en faire une réplique de l’Apsû,
L’Habitacle de Nudimmud.
Et le Seigneur ayant pris les cotes
Du plan de l’Apsû,
Edifia sur son modèle,
Le grand-Temple de l’Esarra :
Qu’il édifia ainsi, c’est le Ciel !
Il y fit occuper leur place
A Anu, Enlil et Ea. »
(Jean Botéro, Lorsque les dieux faisaient l’homme, p. 631).
Il crée le Ciel, en édifiant le palais des dieux, l’Esarra.
Il est également question de la triade divine An, Enlil et Ea, dont nous avons déjà vu qu’elle occupait un rôle fondamental en Mésopotamie.
« Pour consolider la Terre,
Son œuvre ainsi parachevée,
Il équilibra à l’intérieur de Tiamat ;
Puis, déployant son filet,
Il le développa de toutes parts,
Formant ainsi une enveloppe
Pour le Ciel et la Terre,
Et assurant parfaitement
(…) leur cohésion. »
(Jean Botéro, Lorsque les dieux faisaient l’homme, p. 633-634).
Marduk ayant tués les dragons, les géants et les serpents de Tiamat, il jeta un immense filet sur la surface de la terre pour en assurer l’équilibre.
« Ayant ouvert leur bouche,
Déclarèrent aux Igigi :
Auparavant Marduk
N’était que notre fils bien-aimé :
C’est, désormais, votre Roi :
Prenez-garde à ses ordres !
Et, reprenant la parole,
Ils dirent, à l’unanimité :
Son nom est Lugal.dimmer.ankia :
Confiez-vous à lui !
Lorsqu’ils eurent, de la sorte,
Conféré la Royauté à Marduk,
Ils prononcèrent également pour lui
La Formule de Bonheur et de Réussite :
A dâter de ce jour,
Sois le Curateur de nos Lieux-de-culte !
Tout ce que tu ordonneras,
Nous l’exécuterons !
Aussi Marduk, ayant ouvert la bouche,
Prit-il la parole
Pour adresser ce discours
Aux dieux, ses pères :
Au-dessus de l’Apsû,
Habitacle que vous occupez ;
En réplique à l’Esarra
Que j’ai moi-même édifié pour vous,
Mais plus bas : en un emplacement
Dont j’ai consolidé l’assise,
Je veux me construire un Temple
Qui sera mon Habitacle de choix,
Au beau-milieu duquel
J’implanterai mon Sanctuaire
Et j’assignerai mes appartements,
Pour y établir mon règne.
Lorsque vous quittez l’Apsû,
Pour monter à l’Assemblée,
Lorsque vous quitterez le Ciel
Pour descendre à l’Assemblée,
Ce sera là votre étape,
Pour vous recevoir tous-ensemble !
Je lui donnerai pour nom Babylone :
Le temple des Grands-Dieux,
Et c’est là
Que nous ferons nos fêtes, nous autres !
Les dieux ses pères,
L’ayant ouï parler,
Firent cette requête
A leur rejeton Marduk :
Sur tout
Ce que tes mains ont édifié,
Qui, plus que toi
Aurait autorité ?
Sur cette assise
Que tes mains ont édifiée,
Qui plus que toi,
Aurait autorité
A Babylone,
Dont tu as prononcé le Nom,
En ce propre lieu, à jamais,
Etablis notre résidence :
Que là même on nous apporte
Nos prestations-quotidiennes »
(Jean Botéro, Lorsque les dieux faisaient l’homme, p. 636-637).
Une fois sa tache achevée, Marduk devient roi de la terre. Il s’installe à Babylone.
Dans la mythologie grecque, la guerre primordiale créatrice du monde se déroule en deux temps.
Dans un premier temps Cronos tua son père Ouranos.
Dans un deuxième temps, le fils de Cronos, Zeus va tuer son propre père, comme le relate si bien la merveilleuse œuvre d’Apollodore :
« Mais la première mesure de Cronos fut d’enfermer de nouveau tous ses frères dans le Tartare ; après quoi, il épousa sa sour, Rhéa. Gaia et Ouranos, cependant, lui avaient fait une prophétie : qu’un fils lui naîtrait qui lui arracherait le pouvoir. Aussi, dès qu’un de ses enfants naissait, Cronos, aussitôt, l’avalait. La première à naître – et à être avalée – fut Hestia ; puis Déméter et Héra, et enfin Hadès et Poséidon.
Furieuse, Rhéa s’enfuit en Crète : elle était enceinte de Zeus, et c’est justement en Crète qu’elle le mit au monde, dans une caverne du mont Dicté. Puis elle le confia aux Curètes et aux Nymphes Adrastée et Idas, les filles de Mélissé.
Elles nourrirent l’enfant avec le lait d’Amalthée, alors que les Curètes, en armes, surveillaient le nouveau-né à l’intérieur de la caverne, en frappant fortement leurs lances contre leurs boucliers, afin que cette clameur empêchât Cronos d’entendre les vagissements de son fils. Entre-temps, Rhéa enveloppa une pierre dans des langes, et elle la présenta à Cronos : et celui-ci, imaginant bien qu’il s’agissait du dernier né, l’engloutit.
Zeus étant parvenu à l’âge viril, appela à son aide Métis, fille de l’Océan; elle fit prendre à Cronos un breuvage qui lui fit vomir d’abord la pierre, ensuite les enfants qu’il avait avalés, avec lesquels Zeus fit la guerre aux Titans et à Cronos. Après avoir combattu dix ans, Gaïa prédit la victoire à Zeus, s’il appelait à son secours les fils d’Ouranos que Cronos avait précipités dans le Tartare. Zeus ayant tué Campé, gardienne de leur prison, les délivra, et les Cyclopes lui donnèrent le tonnerre, l’éclair et la foudre. Ils donnèrent à Pluton le casque, et le trident à Poséidon. Revêtus de ces armes, ils vainquirent les Titans, et les enfermèrent dans le Tartare, où ils leur donnèrent pour gardiens ceux qu’on nomme à cent bras ; ils divisèrent ensuite l’empire du monde en trois parts, qu’ils tirèrent au sort : le Ciel échut à Zeus, la Mer à Poséidon, et l’Hadès à Pluton. » (Apollodore, la bibliothèque, p. 18-19)
Je ne l’ai pas encore dit, mais il faut bien comprendre le caractère astrologique qui se cache derrière cette guerre primordiale. Cronos, en Grèce, c’est Saturne à Rome. Zeus, en Grèce, c’est Jupiter à Rome. Deux astres majeurs dans l’astrologie mondiale qui détermine les cycles du monde. Tous les vingt ans, les deux planètes se retrouvent en conjonctions selon un rythme très précis qui permet de calculer les ères astrologiques et le destin des civilisations. J’ai déjà traité de cette question dans mon livre « Nostradamus et l’astrologie mondiale« , ainsi que dans plusieurs articles, dont voici les liens :
A la fin de la guerre, le monde est divisé en trois secteurs avec chacun son souverain. Nous l’avons déjà vu dans le premier article de la série. Le choix du domaine de chacun se fait par tirage au sort.
S’en suit alors une description de la création du monde, des montages, des rivières et des astres qui copie presque point par point celle de l’Enuma elish. Et je ne parle pas de la création du monde en six jours par Dieu. Nous avons un schéma archétypale.
II : Les éléments astrologique dans l’enuma elish.
Anu est le dieu du Ciel et le père de tous les autres Dieux. La cinquième tablette de l’enuma elish décrit la création des astres et des constellations. Texte d’une grande importance pour l’astrologie.
« Il y aménagea leurs Stations
Pour les Grands-Dieux ;
Il y suscita en Constellations
Les Etoiles qui sont leurs Images.
Il définit l’Année,
Dont il traça le cadre ;
Et, pour les douze mois,
Il suscita à chacun trois Etoiles. »
(Jean Botéro, Lorsque les dieux faisaient l’homme, p. 631-632).
Les étoiles sont regroupées pour former des constellations. Elles sont les représentantes des dieux dans la vie des hommes. Chaque signe se voit associer à un grand dieu, un arbre, une plante, une pierre et un nombre. Elles servent d’intermédiaire entre les hommes et les dieux.
Nous avons douze constellations dans le ciel correspondant aux douze mois de l’année. C’est donc une division du Ciel en douze secteurs de trente degrés chacun. Ce sont les douze signes du zodiaque correspondant aux douze mois de l’année.
Chaque signe se subdivise lui-même en trois étoiles. Cela supposerait que chaque étoile occuperait dix degrés du signe pour former les trente-six décans.
Le nom d’Anu en sumérien s’écrit en forme d’étoile. Une étoile à huit branche.
Or, pour montrer que chaque signe se divise en trois décans, le nom des douze signe du zodiaque commence par le mot « mul » qui est le triplement du nom d’Anu : il comporte trois étoiles.