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Les techniques de manipulation mentale : le conditionnement (8).

Découvrez les Secrets des Techniques de Manipulation Mentale : Un Voyage au Cœur du Conditionnement

Dans cet article approfondi, nous plongeons dans l’univers fascinant des techniques de manipulation mentale et du conditionnement, explorant comment nos pensées, émotions et comportements peuvent être influencés de manière subtile mais puissante. Voici ce que vous découvrirez :

  • Les Fondements de la Manipulation Mentale : Comprenez les bases psychologiques sur lesquelles reposent ces techniques, depuis les travaux pionniers jusqu’aux applications modernes.
  • Les Méthodes Employées par les Experts : Décryptez les stratégies utilisées par les publicitaires, les politiciens et les médias pour orienter nos décisions et perceptions.
  • Les Effets sur l’Individu et la Société : Examinez les conséquences profondes de la manipulation mentale sur nos vies personnelles et notre tissu social.
  • Comment Se Prémunir : Armez-vous de connaissances et de stratégies pour reconnaître et résister à ces influences omniprésentes.
  • Cas d’Étude et Analyses : Plongez dans des exemples concrets et des analyses critiques qui illustrent la manipulation mentale en action.

Que vous soyez fasciné par la psychologie, soucieux de l’impact des médias, ou simplement curieux de comprendre les forces invisibles qui façonnent notre monde, cet article offre des insights précieux et des révélations surprenantes. Préparez-vous à changer votre manière de voir la manipulation mentale et à découvrir comment protéger votre esprit contre ces techniques sophistiquées.

Voici l’avant-dernier article de ma série sur les techniques de manipulation mentale. Nous sommes d’ailleurs à la limite de la manipulation mentale et de la propagande. La manipulation mentale s’adresse au individu, alors que la propagande s’adresse à la masse. Cet article va donc explorer autant la manipulation mentale, que la propagande.

Le grand Jacques Ellul, l’un de mes maîtres à pensée, divisait la propagande en deux phases :

« Il faut diviser deux phases dans la propagande.

Il y a la pré-propagande, ou sub-propagande, et la propagande active. Ceci se rattache à ce que nous disions plus haut du caractère continu, permanent, de la propagande. Ce n’est évidemment pas la propagande active, intense, de crise qui doit être continue : c’est la sub-propagande. Celle-ci a pour but de mobiliser les individus, c’est-à-dire, au sens étymologique, de les rendre mobiles, de les rendre mobilisable, afin de les lancer dans l’action au moment venu. » (Jacques Ellul, propagandes, p. 42)

Ce texte est d’une très grande importance, je ne saurais assez le souligner à la sagacité de mes lecteurs. Chaque mot doit être médité avec intensité.

Selon Jacques Ellul, il y aurait donc deux phases dans la propagande :

  • La première phase : la pré-propagande.
  • La deuxième phase : la propagande active.

« La pré-propagande aura essentiellement pour objet de préparer l’homme à une certaine action, de le rendre sensible à telle influence, de le mettre en condition pour qu’au moment venu il puisse effectivement, sans retard, sans hésitation, participer au mouvement. (…) Elle procède par des manipulations psychologiques, par des modifications caractérielles, la création de sentiments ou de stéréotypes utilisables le moment venu. Elle doit être continue, lente, imperceptible. Il s’agit de pénétrer l’homme pour modifier progressivement telle tendance. Il s’agit même de le faire vivre dans un certain climat. » (Jacques Ellul, propagandes, p. 43)

La pré-propagande a pour objectif de préparer l’homme, de le rendre sensible à une influence, de le mettre en condition pour le moment venu. En gros, la pré-propagande est là pour préparer la propagande. Bien comprendre que sans la pré-propagande, il n’y a pas de propagande possible, c’est parce que la population a été préparée psychologiquement par la pré-propagande que la campagne de propagande va réussir. C’est le véritable secret du bon propagandiste. Il est nécessaire de distinguer habillement les deux phases.

La pré-propagande utilise des techniques de manipulation mentale, dont j’ai tenté de vous expliquer la méthode dans les précédents articles. Ces techniques ont pour objectif de modifier le caractère, de créer des sentiments et des stéréotypes. Ces éléments seront utilisés lors de la phase active de la propagande.

  • Première phase : création de caractères, sentiments et stéréotypes par des techniques de manipulation mentale.
  • Deuxième phase : utiliation des caractères, sentiments et stéréotypes.

La pré-propagande doit être continue, lente, imperceptible. Il faut pénétrer dans la psychologie de l’homme de manière progressive. Il faut faire vivre dans un certain climat. La pré-propagande est donc un long travail de sape qui nécessite plusieurs années avant que la propagande active puisse entrer en action.

« Les deux grandes voies que va emprunter cette sub-propagande, ce sont le réflexe conditionné et le mythe.

On essaie Tout d’abord de créer chez l’individu des réflexes conditionnés par un véritable dressage qui, en présence de certains mots, de certains signes, de symboles, et aussi en présence de certaines personnes ou de certains faits, provoquent des réactions immanquables.

(…)

D’autre part, l’on essaie également de créer des mythes dans lesquels l’homme va vivre et qui répondent à son sens du sacré. Nous désignerons ici par mythe une image motrice globale, une espèce de vision des objectifs souhaitables, mais qui ont perdu leur caractère matériel, pratique, pour être devenus une image fortement colorée, maîtrisante, globale, contenant tout le souhaitable, refoulant hors du champ de la conscience tout ce qui ne se rapporte pas à elle. Et cette image pousse l’homme à l’action précisément parce qu’y sont inclus tout le bien, toute la justice, toute la vérité pour cet homme. » (Jacques Ellul, propagandes, p. 43)

Il existe deux grandes techniques en matière de pré-propagande :

  • Le réflexe conditionné.
  • Le mythe.

Nous verrons dans cet article le réflexe conditionné, alors que dans un autre article, nous aborderons le mythe. Ce sera d’ailleurs pour moi l’occasion d’évoquer dans le détail le mythe du sauveur et du Grand Monarque en Occident.

Pour cela, il faut d’abord aborder la théorie des réflexes conditionnés (I) avant de la mettre en œuvre en matière de propagande politique (II).

I. La théorie des réflexes conditionnés.

« On essaie Tout d’abord de créer chez l’individu des réflexes conditionnés par un véritable dressage qui, en présence de certains mots, de certains signes, de symboles, et aussi en présence de certaines personnes ou de certains faits, provoquent des réactions immanquables. » (Jacques Ellul, propagandes, p. 43)

Le réflexe conditionné est un dressage de l’individu pour le faire réagir à certains mots, symboles, faits ou personnes. Cela provoquera une action le moment voulu lorsque la propagande sera active lors de la deuxième phase.

La théorie des réflexes conditionnés est née en Russie chez le psychologue Ivan Pavlov (A) avant d’être reprise par John Watson (B) et Burrhus Skinner (C).

A. Ivan Pavlov (1890-1924).

A partir de 1889, le psychologue russe Ivan Pavlov (1849-1936), réalise des recherches sur la salivation du chien lors de la prise des repas. C’est un peu par hasard qu’il va théoriser les réflexes conditionnés. Pour ses travaux, il recevra le prix Nobel de Médecine en 1904. Il sera le premier Russe à obtenir ce prix et sera également le premier à faire son exposé en langue russe.

Ivan Pavlov par Mikhaïl Nesterov

La Révolution russe fut un moment pénible pour lui, car il vécut dans la misère, son laboratoire n’ayant plus aucune subvention. Il refusa de s’installer en Suède, par patriotisme et par attachement à sa Terre-Natale, où on lui proposa de construire entièrement un laboratoire afin de continuer ses recherches.

Très respecté dans la Russie soviétique, il parvint tout de même à continuer ses travaux sous le nouveau régime. Toutefois, ce n’est qu’avec Staline que la théorie des réflexes conditionnés sera intégrée dans les techniques de propagande soviétique où elle constituera l’un des piliers majeurs.

La théorie de Pavlov est appelée « conditionnement classique ». Elle met en évidence deux processus antagonistes, celui d’être excité par des réflexes conditionnés (1) et celui de freiner par des inhibiteurs (2).

1 : Les réflexes conditionnés (1890-1904).

Pavlov avait remarqué que son chien salivait avant même que la nourriture ne lui soit présentée. Il anticipait le repas dès qu’il voyait la gamelle, qu’il entendait le bruit des pas, puis la porte s’ouvrir et l’entrée de la personne chargée de la remplir. Pavlov cherche à comprendre le phénomène de plus près.

Il va mettre en évidence deux types de réflexes : les réflexes innés qui sont présents dès la naissance, et les réflexes conditionnés, ceux que l’on acquiert par l’apprentissage. Dans les réflexes conditionnés, il faut distinguer ceux de premier ordre (1) et ceux du second ordres (2).

a : Le conditionnement de premier ordre.

Les expériences d’Ivan Pavlov se déroulent toujours en trois phases une première phase (a), une deuxième phase (b) et une troisième phase (c).

a-1. La première phase.

Nous avons des chiens affamés à qui on donne de la nourriture. On mesure leur niveau de salivation.

Le chien de Pavlov au Pavlov Museum.

La salivation est appelée « réponse inconditionnelle » et la nourriture est nommée « stimulus inconditionnel« . Pardon pour tous ces mots techniques. Ce sont ceux que l’on utilise en psychologie. Il faut garder ses mots à l’esprit, car nous les utiliserons constamment.

Il y a toujours salivation dès que l’on présente devant les yeux du toutou, une gamelle pleine de croquette ou de viande.

Pour l’instant, les choses sont simples : croquette = salivation.

C’est la même chose lorsque l’on voit de la pub pour du chocolat ou de la boisson gazeuse. La simple vue du chocolat ou de la boisson entraîne la salivation, avant même qu’elle soit consommée.

Nous sommes dans le cadre des réflexes innés. La réponse est dite inconditionnelle car elle est innée.

Serge Tchakhotine dans son livre « Le viol des foules par la propagande politique » avait établi l’existence de quatre pulsions fondamentales.

La pulsion n°1 : la pulsion combattive, violente.

La pulsion n°2 : la pulsion alimentaire.

La pulsion n°3 : la pulsion sexuelle.

La pulsion n°4 : la pulsion parentale.

La question du lien entre les pulsions fondamentales et les travaux sur le conditionnement n’est jamais évoquée par la littérature sur le sujet. C’est pourtant un élément essentiel. Le docteur Pavlov va utiliser la pulsion n°2, celle sur la nourriture, pour conditionner le chien.

Comprendre également que la publicité est une forme de conditionnement pour amener le consommateur à acheter un produit, comme le conditionnement politique doit amener les gens à agir d’une certaine manière. La publicité Perrier citée plus haut utilise elle aussi la pulsion n°2 pour conditionner le consommateur à acheter la petite bouteille en cas de chaleur.

a-2. La deuxième phase.

Ivan Pavlov fait tinter une cloche au moment où il présente les croquettes au chien. La cloche est un « stimulus neutre« . Le son de la cloche ne déclenche pas naturellement de salivation chez le chien. Le stimulus est dit neutre, car il ne provoque aucun réflexe.

Après avoir fait sonner la cloche plusieurs fois, en même temps que la nourriture, le chien va associer le tintement avec la nourriture. Il faut entre quarante et soixante associations pour que cela fonctionne.

Par exemple, dans une publicité, on présente une belle femme en même temps qu’une voiture ou qu’une bouteille de Perrier, si possible dans une position lascive. L’homme salive d’abord sur la belle femme (nous sommes d’accord), en même temps qu’il voit la voiture ou la bouteille de Perrier, puis il salive lorsqu’il voit uniquement la voiture ou la bouteille de Perrier.

Perrier utilise dans cette publicité la pulsion n°3 dite sexuelle.

Enfin, cette dernière affiche de Perrier utilise la pulsion n°1, la combativité, la violence.

Le responsable de la publicité chez Perrier a sans doute lu, comme moi, Tchakhotine. C’est pour cela que sa campagne publicitaire est restée un modèle du genre.

Comme je l’ai dit, la publicité utilise massivement le principe du réflexe conditionné. C’est pour cela que les messages publicitaires sont répétés un certain nombre de fois par heure afin de créer une association entre le produit et la pulsion fondamentale qu’on lui associe.

a-3. La troisième phase.

Désormais, le chien est conditionné. Il salive à chaque fois qu’il entend le son de la cloche, alors qu’il n’y a pas de nourriture. On parle alors de « réponse conditionnelle« . Le son de la cloche, qui était au départ un « stimulus neutre » devient un « stimulus conditionnel« , car il y a eu conditionnement.

Le nombre d’associations nécessaires pour arriver à la troisième phase est variable selon les animaux. Le psychologue remarque cependant que si l’expérience est réalisée sur plusieurs générations de chiens, le nombre de séances se réduit. Il y a donc transmission du conditionnement à sa progéniture.

A l’inverse, les effets du conditionnement diminuent en fonction du temps qui sépare la deuxième et la troisième phase. On parle d’extinction. Le conditionnement disparaît si on ne l’utilise plus.

Dans la publicité, à force d’associer une belle femme à une voiture ou à une bouteille de Perrier, la seule présence de la voiture ou de la bouteille de Perrier va associer l’un à l’autre. Une association d’images va se réaliser entre la belle femme et l’objet qui lui a été associé. Avoir une voiture de cette marque permettra d’avoir de belles femmes qui voudront monter dedans. Idem avec la bouteille de Perrier.

Au moment de vendre un produit ou un homme politique, il faut rechercher à quelle pulsion fondamentale vous pouvez l’associer. C’est la base de la publicité, en tout cas de la bonne publicité… car oui, il y a de la bonne et de la mauvaise publicité, comme il y a de la bonne ou de la mauvaise propagande.

b : Le conditionnement de deuxième ordre.

Pavlov montre que le conditionnement classique peut être généralisé à d’autres objets ou circonstances qui n’ont jamais été présentés simultanément avec le stimulus inconditionnel. On parle de conditionnement de deuxième ordre.

Le son de la cloche fait saliver le chien. Mais si le son de la cloche est associé à un deuxième stimulus inconditionnel (de l’eau à la place de la viande), celui-ci va commencer à provoquer la réponse inconditionnelle. Le deuxième stimulus va pouvoir être associé à un troisième. Chaque nouvelle étape opère selon un conditionnement classique moins fort que le niveau précédent. Il faut qu’il y ait un certain écart entre le deux stimuli inconditionnels pour que l’association fonctionne.

Dans l’exemple de la publicité, le conditionnement de la jolie femme avec une voiture va s’étendre à toute la gamme de véhicules de la marque, une campagne sur les véhicules Audi va s’étendre à toutes les Audi, idem pour Porsche ou Ferrari.

De plus, Pavlov va montrer que l’association entre le stimulus inconditionnel et le stimulus conditionnel se généraliser à d’autres stimuli qui possèdent des qualités similaires au stimulus conditionnel (une sonnerie, une trompette, un klaxon).

2 : Les inhibitions (1924).

Ivan Pavlov s’est aperçu de l’importance du phénomène de l’inhibition lors de l’inondation de Leningrad en 1924. L’inondation toucha son laboratoire d’étude où se trouvaient les chiens qui servaient aux expériences. L’eau était montée si haut dans le chenil que les chiens nageaient avec la seulement la tête hors de l’eau. Ils étaient terrorisés. Une fois l’eau retirée et les dégâts réparés, le docteur put reprendre ses travaux. C’est alors qu’il s’aperçut que les chiens avaient perdu leurs conditionnements. La terreur éprouvée durant l’inondation avait provoqué un intense stress qui avait effacé le conditionnement. Il fallait tout recommencer de zéro.

Cet événement amena Pavlov à étudier le phénomène de l’inhibition qui va mettre fin au conditionnement. Souvent, ce point-là de la théorie du conditionnement est négligé par les auteurs et pourtant, il revêt une certaine importance.

Selon Pavlov, il existe deux types d’inhibitions les inhibitions externes (a) et les inhibitions internes (b).

a : Les inhibitions externes.

Les inhibiteurs externes concernent les événements qui surgissent de l’extérieur.

Pour agir, il doit survenir instantanément.

Lorsque l’expérimentateur agite la cloche devant le chien pour le faire saliver, on introduit brutalement un chat dans la pièce. Le chien arrête immédiatement de saliver. L’association ne fonctionne plus. C’est également le cas si quelqu’un entre soudainement dans la pièce.

L’arrivée du chat ou d’une personne dans la pièce va générer un stress, comme l’inondation dans le laboratoire. SI un stress survient, il annule le conditionnement déjà réalisé. Cet inhibiteur doit intervenir au moment du conditionnement. Il doit être immédiat. Pas avant, pas après, mais pendant le conditionnement. L’inhibiteur doit venir perturber l’association entre le stimulus conditionnel et la réponse conditionnelle.

Dans le domaine de la publicité, il faut que la personne qui regarde une publicité à la télé, au cinéma ou l’écoute à la radio ne soit pas perturbée dans son écoute ou son audition, sinon il y a inhibition. Cela arrive souvent. C’est la « pause pipi » lors de la coupure publicitaire au milieu d’un film ou à la mi-temps d’un match de foot ou de rugby. Ce phénomène est bien connu des publicitaires, c’est pour cela qu’ils ont trouvé des parades depuis très longtemps en incluant des pubs durant l’événement lui-même, à l’intérieur du film ou du match. A ce moment-là, le spectateur est attentif et concentré. Ce sont les publicités sur les maillots des joueurs, voir des arbitres, les panneaux publicitaires autour du stade, les placements de produits à l’intérieur du film, etc.

Il y a quelques années, le PDG de TF1, Etienne Mougeotte, avait expliqué que ses émissions de télévision n’avaient pour unique objectif que de vendre « du temps de cerveau disponible« . On ne peut comprendre réellement le sens de cette phrase que dans le cadre de la théorie du réflexe conditionné et plus particulièrement dans son aspect inhibition. Le phénomène de l’inhibition externe est un problème pour les publicitaires. Il faut captiver le téléspectateur pour rendre inopérante l’inhibition. La captation de l’attention du spectateur est une sorte d’hypnose qui permet de rendre la personne disponible au conditionnement. Moins il y a d’inhibition externe, plus le conditionnement est efficace. C’est ce que sous-entendait Etienne Mougeotte.

b : Les inhibitions internes.

L’inhibition interne concerne le mécanisme cérébral.

Contrairement à l’inhibition externe qui doit survenir immédiatement, l’inhibition interne doit être progressive pour agir.

Alors que l’on conditionne le chien à la réception de la nourriture avec le son d’une cloche, on tente en même temps d’associer au conditionnement initial (une cloche) un signal lumineux. Cette association n’entraîne pas de salivation. Si on associe le son et la lumière, il n’y a plus de salivation. Le deuxième conditionnement inhibe le premier.

Les inhibitions internes peuvent à leur tour être inhibées. Les excitations nouvelles annulent les précédentes. Pavlov parle de désinhibition alors que le conditionnement bien établi ne subit aucune modification.

B. John Watson (1920).

Les théories de Pavlov vont être appliquées par Burrhus Watson (1878-1958) et sa femme, Rosalie Rayner, au conditionnement des troubles psychiques chez l’homme. C’est Watson qui va faire connaître Pavlov en Europe et en Occident.

John Broadus Watson at Johns Hopkins c. 1908-1921

Là où Pavlov avait mené ses expériences uniquement sur des chiens, Watson les appliquées à l’homme. Il va donc montrer que le conditionnement concerne également l’homme.

Ce n’est pas la seule innovation.

Ivan Pavlov avait conditionné des chiens sur un élément positif, la nourriture, alors que Watson a conditionné un enfant sur un élément négatif, ce qui n’est pas posé de problèmes éthiques. Faire peur à un bébé et regarder sa réaction est douteux. Ce genre de recherche ne serait plus possible aujourd’hui. Mais bon, la recherche a beaucoup avancé grâce à cette expérience restée célèbre. Ne chipotons pas.

L’expérience date de 1920 et dont les conséquences seront repris par le fascisme italien à partir de 1920 et par le nazisme dans les années trente au niveau politique. C’est le passage de Pavlov à Watson qui va rendre célèbre le réflexe conditionné et permettre l’utilisation de la peur dans le conditionnement. Nous en reparleront dans la deuxième partie. C’est en effet d’une très grande importance pour la propagande, dont nous vivons encore les conséquences.

Avec les travaux de John Watson, il faut distinguer le conditionnement (1) du déconditionnement (2).

1 : Le conditionnement.

John Watson distingue trois phases dans son expérience, la première (a), la deuxième (b) et enfin une troisième (c).

a : La première phase.

Watson va conditionner Albert, un petit garçon de neuf mois. Il veut lui apprendre à avoir peur des rats blancs.

Comment vont-ils s’il prendre ?

Lorsque l’on frappe sur une barre de fer à côté d’un bébé, cela produit un bruit effrayant. Le bruit métallique fait peur au nourrisson.

On associe le bruit effrayant à un rat blanc que l’on présente à l’enfant simultanément.

Nous avions souligné lors de l’expérience de Pavlov que la salivation du chien au moment de la nourriture correspondait à la pulsion n°2 de Tchakhotine.

Pour John Watson, il s’agit de la pulsion n°1 la violence, la peur. Cela deviendra d’ailleurs un grand classique de la propagande politique avec le communisme, le fascisme italien et le nazisme allemand. Aujourd’hui, le libéralisme utilise allègrement la peur comme arme de propagande par le conditionnement.

Le conditionnement par la peur est parfois utilisé dans la publicité. C’est le cas de la sécurité routière. On fait peur aux gens pour les amener à respecter la vitesse ou la conduite sans alcool.

b : La deuxième phase.

Désormais, lorsque l’on montre un rat blanc au bébé, sans aucun bruit, celui est pris d’une crise de panique.

On a réussi à associer le rat à un objet qui fait peur. Le « stimulus conditionnel », le rat provoque une « réponse conditionnelle », la peur.

c : La troisième phase.

Comme l’avait observé Pavlov, avec la faim, la peur va se généraliser à tous les objets qui ressemblent au rat, comme par exemple une boule de coton blanche, un masque blanc, un lapin blanc, etc. Albert est devenu phobique. Il y a généralisation.

C’est l’un des grands principes du conditionnement. Lorsqu’il y a conditionnement, il y a généralisation à tout ce qui ressemble à l’objet qui a été conditionné. C’est le fameux danger de l’amalgame. Lorsqu’il y a amalgame, c’est qu’il y a conditionnement. Ceux qui nous conditionnent tente parfois de nous empêcher de faire des amalgames sur d’autres cibles qui elles ne sont pas autorisées. Une campagne de conditionnement produit toujours une généralisation.

La chaîne de télé CNews diffuse sur son antenne de multiples reportages ou organise des débats sur les rodéos urbains, les refus d’obtempérer afin de mettre en cause les populations étrangères délinquantes. C’est une forme de conditionnement. Mais le public va généraliser ce conditionnement par la peur contre l’ensemble des étrangers. Il y a généralisation à l’ensemble des étrangers qu’ils soient délinquants ou non.

Nous avons qu’il y a conditionnement, car il y a répétition d’une seule et même information. Ensuite, un deuxième indice nous dit qu’il y a conditionnement, c’est que l’on voit les gens lutter contre la généralisation par l’intermédiaire du pas d’amalgame.

2 : Le déconditionnement.

Notons qu’il est possible de déconditionner une personne. Il suffit de faire un conditionnement inversé. On va mettre l’enfant en présence d’un rat blanc à plusieurs reprises sans produire de bruit, afin de l’habituer à sa présence et de l’aider à surmonter sa peur. A la fin, il associera le rat à une stimulation agréable. C’est tout l’objet des fameuses TCC, c’est-à-dire des Thérapies Cognitivo-comportementales. Un bon moyen de soigner les phobies.

C. Burrhus Skinner (1937-1938).

Burrhus Skinner (1904-1990) va donner naissance au béhaviorisme un très important courant de la psychologie moderne. Ce courant sera remis en cause par les critiques de Noam Chomski dans les années cinquante. On lui reproche d’être trop mécaniste et de considérer le cerveau comme une sorte de boîte noire. Il sera remplacé comme courant dominant par le cognitivisme. Toutefois, le béhaviorisme va ressurgir sous une forme modernisée et donnera naissance au néo-béhaviorisme. Il intégrera les acquis de la psychologie cognitive.

Skinner va s’inspirer des travaux d’Edward Torndike sur l’apprentissage par l’erreur (1) pour les appliquer dans ses propres recherches (2).

1 : L’apprentissage par « essais et erreurs » chez Thorndike.

Edward Torndike (1874-1949) va étudier la psychologie du chat et du chien dans l’apprentissage.

Edward Lee Thorndike.

AvanThordike, les scientifiques pensaient que la résolution de problèmes chez les chiens et les chats était due au hasard.

Dans une expérience restée célèbre, il va enfermer des chats dans des cages sans nourriture. Pour manger et se libérer, le chat doit activer un mécanisme.

Au début, les félins bougent dans la cage de manière aléatoire. Mais très vite, ils découvrent par hasard le moyen de sortir pour se nourrir. Après plusieurs essais, ils parviennent à s’échapper et à manger les croquettes. Ils sortent de plus en plus vite dès qu’ils ont compris le mécanisme. Il y a apprentissage par essais et erreurs. C’est un mécanisme très important de la psychologie animale.

L’appareil original de Thorndike utilisé dans ses expériences sur les boîtes à puzzles, comme on le voit dans Animal Intelligence (juin 1898)

2 : L’apprentissage par essais et erreurs chez Skinner.

Skinner va utiliser une boîte dans laquelle il enferme un rat. Elle contient un levier. Si l’animal découvrait par hasard que la pression de la barre lui permettait d’avoir de la nourriture, il avait tendance à répéter cette action.

Selon lui, les actions sont renforcées par leurs conséquences. L’apprentissage d’un comportement peut être facilité ou au contraire freiné en fonction des conséquences (positives ou négatives) qu’il entraîne pour le sujet. C’est la notion de renforcement.

Le renforcement peut être positif (a) ou négatif (b).

a : Le renforcement positif.

Un renforcement positif (gratification matérielle, affective ou sociale) aura tendance à fixer un comportement.

Une étude de Staats et Staats en 1958 montre que le conditionnement peut porter sur des pays pour amener la population à en aimer ou en détester d’autres. Les participants devaient regarder le nom d’un pays (stimulus conditionnel) projeté sur un écran tout en répétant un mot (stimulus inconditionnel) prononcé par l’expérimentateur. Ce mot devait provoquer une réaction affective (réponse inconditionnelle). Quatre des six pays sont associés systématiquement avec des mots neutres. Un pays est associé avec un mot positif (cadeau, heureux, etc.) et un autre avec un mot négatif (échec, laid, etc.). A la fin de la séance, la personne devait donner son avis sur les pays. Le pays associé positivement est jugé plus favorablement que celui associé négativement.

Dans une expérience, Mullen (1986) cherche à voir comment les présentateurs des journaux télés influencent le vote des électeurs. Il étudie le sourire du journaliste au moment où il parle d’un candidat ou d’un autre. Sur les chaînes CBS et NBC, il ne se passe rien de particulier, alors que sur ABC, le présentateur va sourire à chaque fois qu’il parle de Ronald Reagan (républicain), alors qu’il reste neutre pour Walter Mondale (démocrate). Des enquêtes réalisées à la sortie des urnes montre que les électeurs qui regardent ABC ont voté pour Reagan.

b : Le renforcement négatif.

Au contraire, un renforcement négatif ou aversion (comme les punitions, la douleur ou la désapprobation sociale) aura pour effet d’amener le sujet à éviter le comportement qui l’a provoqué.

Skinner a établi aussi que le renforcement positif permet un meilleur apprentissage que le renforcement négatif.

II. Le conditionnement politique.

Dans la première partie, nous avons surtout parlé du conditionnement dans la publicité, afin de garder l’utilisation du conditionnement dans la politique pour cette partie de l’exposé.

Il faut bien comprendre le cheminement historique de l’utilisation du conditionnement en matière de propagande. Le conditionnement a d’abord été pratiqué par le régime communiste en URSS. Ensuite, les fascistes italiens vont reprendre le modèle de propagande communiste afin de l’appliquer à leur propre courant d’idées. Ensuite, Hitler adoptera les grands concepts de la propagande chez les Italiens et donc, de manière indirecte, aux communistes russes. Toutefois, c’est la diffusion des idées de Pavlov via les travaux de Watson, en 1920, que cela va se faire.

En résumé :

  • 1895-1904 : travaux de Pavlov.
  • 1905 :première révolution russe.
  • 1917 : prise du pouvoir par les communistes grâce à la propagande.
  • 1920 : travaux de Watson qui font découvrir Pavlov au reste du monde.
  • 1922 : prise de Pouvoir de Mussolini en Italie via la propagande.
  • 1933 : prise de pouvoir d’Hitler à Berlin via la propagande.
  • 1937-1938 : travaux de Skinner.

A l’origine, nous avons donc la Russie (A) qui inventa et diffusa la propagande dans le reste du monde, en Italie (B), puis en Allemagne (C). Il ne s’agit pas ici de présenter l’ensemble de la propagande soviétique, italienne ou allemande, mais uniquement de la présence du conditionnement dans celle-ci. Le sujet sera trop vaste.

A. Le conditionnement soviétique (1917-1991).

Au sein de la propagande soviétique, il convient de distinguer entre la propagande léniniste (1) et la propagande stalinienne (2). Ce que je vais vous décrire à partir de maintenant n’a jamais été dit. Il a parfois été esquissé d’une manière incomplète, par certains auteurs anciens, comme Jean-Marie Domenach ou Serge Tchakhotine, mais jamais donné de manière aussi complète comme je vais le faire. Il m’a paru important de reconstruire ce qui s’est passé en matière de propagande entre 1917 et 1991. C’est un élément essentiel de la propagande politique encore en usage de nos jours. Ce qui explique sans doute le silence complaisant qui concerne ce sujet. Chacun tente de l’utiliser avec plus ou moins de talent, et ne souhaite donc pas que leur grand secret soit révélé à un large public.

1. Le conditionnement léniniste (1917-1924).

Lénine va prendre le pouvoir en 1917. A l’époque, Watson n’a pas encore mené ses expériences sur le conditionnement par la peur. Seuls existe les travaux d’Ivan Pavlov. Lénine va donc se servir uniquement du conditionnement pavlovien. C’est l’une des pièces essentielles qui explique la prise du pouvoir par Lénine en 1917. La technique utilisa la pulsion n°1, mais uniquement dans son aspect positif, c’est-à-dire l’enthousiasme.

C’est à partir de 1915 que va se mettre en place la propagande communiste en Russie.

« La propagande a pris une ampleur extraordinaire dans la Révolution russe et surtout pendant la guerre civile en Russie.

Déjà, en été 1915, il s’était formé en Russie une organisation qui portait le nom de « Comité du facteur moral » et faisait partie du Comité d’Aide technique militaire, englobant toutes les organisations techniques et scientifiques de Russie ; il avait pour but de relever et de diriger le moral de la population et de l’armée pour mener à bon terme la guerre. » (Serge Tchakhotine, Le viol des foules par la propagande, p. 328-329).

Les Bolcheviques vont très rapidement prendre le contrôle du Comité du facteur moral. Ils vont s’en servir pour réaliser des expériences psychologiques et mettre en œuvre des techniques qu’ils utiliseront ensuite massivement à partir de 1917. Sans ce comité, il n’y aurait sans doute jamais eu de prise de pouvoir en octobre 1917.

a : La première étape.

A la base de la théorie de Pavlov, nous avons une pulsion fondamentale. Lénine va exploiter la pulsion n°1 qui semble être celle que les mouvements politiques utilisent toujours pour prendre le pouvoir. Nous l’avons déjà dit, chaque pulsion peut avoir un côté positif et un côté négatif. Pavlov permet d’utiliser le côté positif (l’enthousiasme), alors qu’avec Watson, nous exploitons le côté négatif (la peur).

Nous trouvons donc un stimulus inconditionnel et une réponse inconditionnelle.

Le stimulus inconditionnel, c’est donc la volonté de combattre.

La réponse inconditionnelle, c‘est l’enthousiasme.

Lorsqu’il y a volonté de combattre, il y a enthoudiasme.

Le stimulus inconditionnel entraîne toujours la réponse inconditionnelle.

Nous retrouverons toujours ce schéma, à la base d’une prise de pouvoir, quel que soit le parti politique et sa prise de pouvoir, lorsque celui-ci utilise le principe de Pavlov. La difficulté étant de savoir incarner cet enthousiasme afin d’arriver au pouvoir.

b : La deuxième étape.

Une fois la pulsion fondamentale identifiée, il va falloir lui associer le parti bolchevique pour provoquer l’enthousiasme et lui permettre de prendre le pouvoir.

Le parti politique représente le stimulus neutre.

Le parti politique va s’incarner à travers des symboles et des slogans. Le symbole occupe le sommet de la pyramide de la propagande établie par Serge Tchakhotine dans « le viol des foules par la propagande politique« . Nous trouvons ensuite le slogan. Ce sont les deux éléments les plus importants qui permettent d’incarner un parti politique.

Le stimulus neutre est donc représenté par un symbole et un slogan.

Le symbole du Parti communiste, c’est la faucille et le marteau. Nous avons également l’étoile à cinq branches ou le drapeau rouge. Le symbole peut également être un signe de reconnaissance comme le poing levé. Le chef du parti peut aussi devenir un symbole lui-même.

L’utilisation de ces symboles va être diffusée par deux catégories de personnes : le propagandiste et l’agitateur.

« Il distinguait nettement deux fonctions différentes dans la propagande, portées par deux types d’agents :

  • le propagandiste, qui touche beaucoup moins de personnes (des centaines, dit-il), parce que, selon nous, c’est celui qui tâche à persuader, à gagner des futurs militants.
  • et l’agitateur, qui a affaire à des dizaines de mille, qui doit chercher les mettre en mouvement (c’est, selon nous, la propagande émotive), en les sensibilisant et entraînant.

Ainsi se créent des milliers de canaux, par lesquels se répandent facilement les mots d’ordre lancés par les centres, si ces mots d’ordre correspondent aux besoins aigus d’une classe et d’une époque, ce qui était le cas à l’époque de la Révolution d’octobre.

Lénine avait trouvé les deux mots fatidiques qui exprimaient les deux revendications fondamentales des millions de soldats-paysans de l’armée russe : « Terre et Paix ! ».

Les cellules propagandistes, qui correspondaient à l’idée de Lénine, exposée ci-dessus, et qui reçurent le nom de « Agit-prop » ont été créées partout dans chaque usine, administration, école, etc.

Le point de départ de la propagande bolchevik en URSS était naturellement le « Credo » en espèce du « Manifeste communiste », rédigé par Marx et Engels, en 1848, mais Lénine en a apporté des corrections essentielles de sorte qu’aujourd’hui la ligne de conduite communiste orthodoxe est désignée comme « marxisme-léninisme ». » (Serge Tchakhotine, Le viol des foules par la propagande, p. 334-335).

Les propagandistes et les agitateurs sont des milliers de canaux qui vont diffuser les symboles et les slogans bolcheviques et ainsi conditionner la population. Ils vont créer l’enthousiasme autour du parti et favoriser sa prise de pouvoir.

c : La troisième étape.

Une fois que l’association a été suffisamment répétée, la masse est conditionnée. Il y a une réponse conditionnée au stimulus conditionné. L’apparition du symbole, du slogan ou du chef provoque une réaction d’enthousiasme et donc de soutien.

Le meilleur exemple du rôle des symboles et des slogans associés avec le conditionnement pouvant soulever l’enthousiasme de la masse, c’est le film de Sergeï Eisenstein, « oktiabr » que l’on peut traduire en français par « Octobre« . Un véritable monument cinématographique resté dans l’histoire du cinéma. Il n’est pas présomptueux de parler de ce film, comme de l’un des plus grands chefs d’œuvre de l’histoire, qui marqua très profondément la mémoire des peuples.

Le réalisateur va mettre en scène les symboles et les slogans pour montrer qu’ils ont soulevé un peuple enthousiaste lors d’un meeting de Lénine et qui ira prendre d’assaut le palais d’Hiver à Saint-Pétersbourg.

La scène du meeting de Lénine à la gare de Finlande a lieu à la neuvième minute, il va montrer l’immense talent de la mise en scène d’Eisenstein. Le film est muet et tourné en pellicule noir et blanc, ce qui va lui permettre de jouer sur les ombres et la lumière et de suggérer l’enthousiasme par une utilisation de l’esthétique.

Le symbole politique qui joue le rôle de stimulus inconditionnel, c’est Lénine lui-même. On le reconnaît à sa moustache et à sa barbichette. Il est debout en hauteur sur un blindé. Il domine la foule. Le blindé symbolise la force. Il est éclairé entouré de fumée pour montrer le côté surnaturel du chef. Il harangue la foule avec des gestes vifs qui montre son enthousiasme. La foule à ses pieds est enthousiasmée par son discours, elle comporte de nombreuses banderoles avec des slogans dessus.

En une scène, je dirais même en une photo, Sergeï Eisenstein montre que Lénine est un homme puissant, un dieu vivant capable d’exercer le pouvoir. Il faut jouer sur une telle image pour lutter contre un Tsar censé être le représentant de Dieu sur terre, avec derrière lui la puissance de l’Eglise orthodoxe.

L’image marquera tellement les esprits qu’elle sera rejouée presque à l’identique quatre-vingt ans plus tard lors du coup d’Etat de 1991. Boris Eltsine gardera le pouvoir en montant sur un char pour parler à la foule devant la Maison Blanche de Moscou. Il ira même jusqu’à ajouter le drapeau à ses côtés, comme pour Lénine dans le film « Octobre« .

Ensuite, la scène de la prise du palais d’hiver est une mise en scène de la chute de la monarchie et de l’Eglise orthodoxe. Sur la porte d’entrée du palais d’hiver, se trouve l’aigle bicéphale, symbole de la monarchie. En arrière-plan, on trouve un ange avec une croix qui symbolise le christianisme orthodoxe.

Puis la porte est enfoncée par la foule en arme. C’est la porte du pouvoir qui s’ouvre amenant le renversement du Tsar et de l’Eglise. La symbolique est suffisamment simple pour être comprise par l’ensemble du peuple russe.

Ce qui frappa tous les esprits dans le film d’Eisenstein, c’est le rôle de la masse. La masse au pied de Lénine lors de son discours, la masse qui enfonce les portes du palais d’hiver à Saint-Pétersbourg. C’est la première fois que la masse est mise en scène dans le cinéma comme acteur décisif de l’histoire politique. La masse devient un élément moteur de la prise du pouvoir.

Le film date de 1927, pour les dix ans de la Révolution russe. Les fascistes italiens ont déjà pris le pouvoir en Italie, en revanche, il jouera un rôle important dans la montée vers le pouvoir du nazisme. Il sera vu et analysé minutieusement par Leni Riefensthal qui en reprendra les principaux mécanismes en les améliorant. Il y a une filiation directe entre le « triomphe de la volonté » et « Oktiabr« , dans la manière de filmer et de mettre en scène les réunions de Nuremberg de 1936. Nous verrons cela ensuite.

2. La propagande stalinienne (1924-1953).

Avec l’arrivé au pouvoir Staline, la propagande va changer de modèle, elle va intégrer dans son système de conditionnement les travaux de Watson en utilisant l’aspect négatif de la pulsion n°1, c’est-à-dire la peur.

Cela va donner deux types de pulsion n°1 :

  • La pulsion n°1 positive : l’enthousiasme.
  • La pulsion n°1 négative : la peur.

« Naturellement, après le triomphe de la Révolution d’octobre, la propagande du parti bolcheviste a pu jouer en plein pour retenir et consolider le pouvoir, et là elle a pu déjà appliquer, en pleine efficience, comme sa base, la pulsion n°1, la pulsion agressive : la terreur fonctionnait comme élément « rafraichissant » les réflexes conditionnés formés. » (Serge Tchakhotine, Le viol des foules par la propagande, p. 332).

Le conditionnement stalinien va servir à fabriquer un soutien populaire au nouveau régime. Il y aura également une utilisation de cette méthode pour la mise en œuvre des plans quinquennaux pour le réarmement. La pulsion n°1 positive ne disparaît pas totalement, mais elle passe au second plan. Staline va surtout s’imposer par la peur et la violence sur la masse. C’est d’ailleurs ce que dénoncera Nikita Khrouchtchev lors du XXe congrès du Parti communiste.

« Durant la vie de Lénine, le Comité Central du Parti fut la réelle expression de la direction collective du Parti et de la nation. Etant un militant marxiste-révolutionnaire, toujours inflexible sur les questions de principe, Lénine n’imposa jamais par la force ses opinions à ses collaborateurs. Il essayait de les convaincre.

Staline n’agissait pas par persuasion, par explication et patiente collaboration avec autrui, mais en imposant ses idées et en exigeant une soumission absolue. Quiconque s’opposait à ses conceptions ou essayait d’expliquer son point de vue et l’exactitude de sa position était destiné à être retranché de la collectivité dirigeante et, par la suite, « liquidé » moralement et physiquement.

Il vaut la peine de signaler le fait que pendant que se déroulait la furieuse lutte idéologique contre les trotskistes, les zinovievistes, les boukhariniens et les autres, on n’avait jamais pris contre eux des mesures extrêmes de répression. La lutte se situait sur le terrain idéologique. Mais quelques années plus tard, alors que le socialisme était fondamentalement édifié dans notre pays, alors que les classes exploitantes étaient généralement liquidées, alors que la structure sociale soviétique avait radicalement changé, alors que la base sociale pour les mouvements et les groupes politiques hostiles au Parti s’était extrêmement rétrécie, alors que les adversaires idéologiques du Parti étaient depuis longtemps vaincus politiquement, la répression contre eux fut déclenchée.

Staline fut à l’origine de la conception de « l’ennemi du peuple ». Ce terme rendit automatiquement inutile d’apporter la preuve des erreurs idéologiques de l’homme ou des hommes engagés dans une controverse : il rendit possible l’utilisation de la répression la plus cruelle, violant toutes les normes de la légalité révolutionnaire, contre quiconque, de quelque manière que ce soit, était en désaccord avec Staline. Pour l’essentiel et en fait, la seule preuve de culpabilité dont il était fait usage, contre toutes les normes de la science juridique actuelle, était la « confession » de l’accusé lui-même, et, comme l’ont prouvé les enquêtes faites ultérieurement, les « confessions » étaient obtenues au moyen de pressions physiques sur l’accusé. Des arrestations et des déportations de plusieurs milliers de personnes, des exécutions sans procès et sans instruction normale, créèrent des conditions d’insécurité, de peur et même de désespoir.

(…)

Le danger menaçant suspendu sur notre patrie dans la première période de la guerre était dû en grande partie aux méthodes fautives de Staline lui-même, quant à la direction de la Nation et du Parti. Ceci pour le début de la guerre et l’extrême désorganisation de notre armée qui causa de si lourdes pertes. Mais longtemps après, la nervosité et l’hystérie dont Staline faisait preuve, s’opposant à l’efficacité des opérations militaires, pesèrent d’un poids considérable dans la balance (…). Ce n’est pas Staline, mais bien le Parti tout entier, le gouvernement soviétique, notre héroïque armée, ses chefs talentueux et ses braves soldats, la nation soviétique toute entière, qui ont remporté la victoire dans la grande guerre patriotique.

(Longue tempête d’applaudissements).

Camarades, venons-en à d’autres faits. L’Union soviétique est à juste titre considérée comme un modèle d’Etat multinational parce que nous avons, dans la pratique, assuré l’égalité des droits et l’amitié de toutes les nations qui vivent dans notre vaste Patrie. D’autant plus monstrueux sont les actes dont l’inspirateur fut Staline. Nous voulons parler des déportations en masse de nations entières (les Kalmouks, les Tchétchènes, les Ingouches, les Balkars), arrachées à la terre natale avec tous les communistes et komsomols sans exception. Les Ukrainiens n’évitèrent le même sort qu’à cause de leur trop grand nombre ; il n’y aurait jamais eu assez de place pour les déporter tous. Autrement, on n’aurait pas manqué de le faire.

(Hilarité et mouvements divers).

L’obstination de Staline se manifesta non seulement dans le domaine des décisions qui concernaient la vie intérieure du pays, mais également dans celui des relations internationales de l’Union soviétique. « L’affaire yougoslave » ne comportait aucun problème qui n’eût pu être résolu par des discussions entre camarades du Parti. Il n’existait pas de base sérieuse pour le développement de cette « affaire ». Il était parfaitement possible d’éviter la rupture de nos relations avec ce pays.

(…)

Et quand Staline affirme qu’il a lui-même écrit le Précis de l’histoire du PC (bolchevik) de l’Union Soviétique, on doit pour le moins s’en étonner. Convient-il à un marxiste-léniniste de se mettre ainsi en vedette et de se hausser jusqu’au ciel ? Mais, parlons un peu des prix Staline. Les tsars eux-mêmes n’ont jamais fondé de prix portant leurs noms. Staline a reconnu comme le meilleur texte d’hymne national de l’Union soviétique un poème qui ne contient pas un mot sur le Parti communiste ; mais il contient l’éloge sans précédent de Staline. Est-ce à l’insu de Staline que beaucoup des plus grandes villes et des plus grandes entreprises ont pris son nom ? Est-ce à son insu que des monuments à Staline ont été élevés dans tous le pays ?  » (Extraits du rapport au XXème Congrès du Parti communiste de l’URSS, 24 février 1956. Cité par F.FETJÖ, Chine-URSS, le fin d’une hégémonie, Paris, Plon, 1964, pp. 244-272.)

Nikita Khrouchtchev au XXe congrès.

Il est important de bien comprendre le mécanisme en jeu et comment Staline s’y est pris pour s’imposer et garder jalousement le pouvoir. La aussi la technique sera reprise tant par les fascistes italiens que par les nazis. Nous ne sommes plus vraiment dans le mécanisme créé par Pavlov, mais dans celui de Watson avec le petit Albert, le bruit effrayant et le rat (a), mais également dans celui du conditionnement vicariant de Skinner (b).

a : Staline et le conditionnement de Watson.

Dans son discours du XXe congrès, Khrouchtchev dénonce le culte de la personnalité autour de Staline. Un culte de la personnalité qui relève du conditionnement de Watson fondé sur la peur et la violence.

a-1. La première étape.

Dans le schéma de Watson, le stimulus inconditionnel, c’est le bruit effrayant » et la réponse inconditionnelle, c’est la peur. Dans le cadre politique et mis en œuvre par Staline, le stimulus inconditionnel, c’est la menace, alors que la réponse inconditionnelle, c’est la soumission, une soumission qui se manifeste par le soutien fondé sur la peur ou le vote par intimidation. L’intimidation et la peur entraînent une sorte de conformisme. C’est une réaction logique en matière de psychologie. C’est une technique bien connue de la mafia, qui menace, intimide les commerçants pour obtenir d’eux le paiement d’une taxe. Lorsqu’ils payent, on les laisse tranquilles, s’ils ne paient pas, on les attaque. Par peur d’avoir des ennuis, ils vont obéir. C’est simple, si vous voulez être obéit, faites peur.

Ensuite, on va associer la menace à un parti politique représenté par un slogan, un symbole et un chef. C’est le stimulus conditionnel.

La menace que va utiliser Staline est une terrible répression policière, une élimination impitoyable des opposants politiques, y compris dans son propre camp. C’est également un vaste système de surveillance des individus par un système de type panoptique. Chaque individu est inséré depuis l’enfance dans des groupes chargés de le contrôler et de le surveiller, depuis les pionniers jusqu’aux syndicats professionnels en passant par les komsomols. L’objectif est de soumettre en faisant peur. En cas de déviance, la mise en œuvre du conditionnement de Skinner intervient pour punir le récalcitrant.

Le panoptique a été inventé par Jeremy Bentham en 1786 et qui fut exploité au moment de la Révolution française.

« Si l’on trouvait un moyen de se rendre maître de tout ce qui peut arriver à un certain nombre d’hommes, de disposer tout ce qui les environne, de manière à opérer sur eux l’impression que l’on veut produire, de s’assurer de leurs actions, de leurs liaisons, de toutes les circonstances de leur vie, en sorte que rien ne pût échapper ni contrarier l’effet désiré, on ne peut pas douter qu’un moyen de cette espèce ne fût un instrument très-énergique et très-utile que les gouvernements pourraient appliquer à différents objets de la plus haute importance. » (Jeremy Bentham, le panoptique, BoD, p. 19)

Jeremy Bentham cherche le moyen de contrôler la société. Avec le panoptique, un seul individu peut surveiller un grand nombre de personnes. »

« Mais comment un homme seul peut-il suffire à veiller parfaitement sur un grand nombre d’individus ? Comment même un grand nombre d’individus pourrait-il veiller parfaitement sur un seul ? Si l’on admet, comme il le faut bien, une succession de personnes qui se relayent, il n’y a plus d’unité dans leurs instructions, ni de suite dans leurs méthodes.

On conviendra donc facilement qu’une idée aussi utile que neuve, serait celle qui donnerait à un seul homme un pouvoir de surveillance qui, jusqu’à présent, a surpassé les forces réunies d’un grand nombre. » (Jeremy Bentham, le panoptique, BoD, p. 19-20)

Jeremy Bentham expose le principe du panoptique en ces termes : »

« L’ensemble de cet édifice est comme une ruche dont chaque cellule est visible d’un point central. L’inspecteur invisible lui-même règne comme, un esprit ; mais cet esprit peut au besoin donner immédiatement la preuve d’une présence réelle.

Cette maison de pénitence serait appelée panoptique, pour exprimer d’un seul mot son avantage essentiel, la faculté de voir d’un coup d’oeil tout ce qui s’y passe. » (Jeremy Bentham, le panoptique, BoD, p. 25)

Voir sans être vu afin de surveiller les individus qui composent la société.

Il faut bien comprendre ce point essentiel, le conditionnement watsonien fondé sur la peur, est indissolublement lié au panoptique. Sans panoptique, il n’y a pas de conditionnement possible. C’est parce que l’individu se sent possiblement surveillé qu’il a peur et contrôle son comportement. Voir sans être vu est l’élément essentiel du panoptique, car en se sachant surveillé, tout en ne voyant pas qui, et quand on nous surveille, on ne peut pas relâcher son comportement par intermittence. Il y a obligation de toujours se contrôler pour échapper à la punition. Il est donc nécessaire de contrôler totalement la société, ou du moins de faire croire que l’on contrôle totalement la société.

C’est par exemple ce que montre des romans comme « 1984 » de George Orwell. George Orwell reprendra ses idées dans d’autres romans antérieurs, comme « le Procès » ou « le château » de Kafka.

Le panoptique est très présent dans l’œuvre du génie praguois. J’ai abordé la question dans mon mémoire de DEA de droit public, science politique. C’est un sujet que je connais très bien depuis de nombreuses années. Monsieur K, que ce soit dans « le Procès » comme dans « le Château » est victime du système panoptique, il se bat en vain contre lui.

Le roman « 1984 » concerne lui aussi le système de surveillance panoptique. George Orwell ne prend pas sa source d’inspiration chez Kafka, mais dans un roman soviétique, moins connu, de Evgueni Zamiatine « Nous« . Publié en 1920, « Nous » est considéré comme le premier chef-d’œuvre de la Science-fiction. Il est le roman qui servit de base à toute la littérature de SF. Kafka est resté dans l’histoire, alors que Zamiatine est totalement tombé dans l’oubli, alors qu’il devrait figurer, lui aussi, tout en haut dans le Panthéon de la littérature.

Autres chefs d’œuvres de la Science-fiction qui aborde la question du panoptique, le cycle des « Seigneurs de l’Instrumentalité » de Cordwainer Smith. Un monument qui influença profondément toute la littérature jusqu’à nos jours. Je me rappelle l’immense choc que j’ai ressenti lorsque j’ai lu pour la première fois les vingt-sept nouvelles et surtout (surtout) le roman « Norstralie« . Tous les thèmes que j’aborde dans mes livres ou mes articles étaient déjà présents dans le cycle des Seigneurs de l’Instrumentalité. Il y a en particulier le conditionnement psychologique et son corollaire, le panoptique. La société de l’Instrumentalité est fondée sur ces deux piliers.

a-2. La deuxième étape.

Une fois l’association obtenue entre la menace et les symboles ou le chef, le citoyen va se soumettre au pouvoir. C’est d’une redoutable efficacité, il va se soumettre, car il a peur de subir la répression. Une peur rendue possible par la mise en place d’un système de surveillance panoptique.

Autre point important, il faut pour que cette méthode soit efficace pour qu’elle soit accompagnée d’un contrôle total des moyens médiatiques.

« La propagande doit être totale. Il faut que le propagandiste utilise l’ensemble des moyens techniques mis à sa disposition. Ces moyens sont essentiellement : presse, radio, T.V., cinéma, affiches, réunions, porte à porte. La propagande moderne doit utiliser tous ces moyens. Il n’y a pas de propagande tant que l’on use de façon sporadique et un peu au hasard, tantôt d’un article de journal, tantôt d’une affiche, tantôt d’une émission de radio … Quelques réunions et discours, quelques inscriptions sur les murs : ce n’est pas de la propagande. » (Jacques Ellul, propagandes, p. 21)

La propagande doit utiliser l’ensemble des moyens de communication pour être efficace, tels que la presse, le cinéma, les affiches, les réunions, le porte-à-porte. Moyens utilisés à l’époque de Staline, auquel nous pouvons ajouter pour les époques ultérieures la télévision ou Internet. C’est pour cela qu’un régime politique, s’il veut garder le pouvoir, doit prendre le contrôle de tous les médias et d’en user pour conditionner sa population. C’est ce que feront Staline, Mussolini ou Hitler, mais aussi Emmanuel Macron. Il ne faut aucune voix discordante pour donner l’illusion de l’unanimité, l’unanimité donnant l’illusion de la force. Personne n’ose résister lorsqu’il y a l’illusion de la force du pouvoir. Parfois, l’illusion s’évanouit et permet l’émergence d’une résistance.

b : Staline et le conditionnement de Skinner.

Joseph Staline va également reprendre et utiliser dans un sens politique le conditionnement créé par Bhurrus Skinner. Il va reprendre les deux aspects de ce conditionnement, le renforcement positif (b-1) et le renforcement négatif (b-2). Dans le langage populaire, on dirait que c’est la technique de la carotte et du bâton. Ce n’est rien d’autre que du conditionnement par essai et erreur théorisé par Skinner.

b-1. Le renforcement positif.

Le renforcement positif permet de fixer le bon comportement. Il a une fonction éducative du comportement. C’est une fonction très importante pour le conditionnement politique. Il fut utilisé massivement en URSS sous Staline, mais pas seulement. Il sera repris par Hitler, et même dans nos, soit disant « démocratie ». Il remplit les grilles de programmes de nos chaînes de télévision, comme d’ailleurs le renforcement négatif (l’un ne va pas sans l’autre, comme nous le verrons.).

Il faut récompenser le bon citoyen, le montrer en exemple au peuple et surtout montrer qu’il a été récompensé pour ce comportement. Ainsi, on indique au petit peuple quel comportement il doit adopter pour lui aussi être un jour (peut-être) avoir une récompensé.

Staline va multiplier les cas de figure.

C’est d’abord le cas d’Alexeï Stakhanov (1906-1977) dont les cadences de travail vont être montrée en exemple afin de motiver les ouvriers dans la reconstruction et le réarmement du pays. Il travaillait dans une mine de charbon de Donetsk. Le 31 août 1935, il aurait extrait cent deux tones de charbon en six heures de travail, alors que la normes de productivité était de sept tonnes.

Alexeï Stakhanov dans une mine de charbon.

L’exploit supposé fera l’objet d’un article dans la presse locale, puis exploité plus massivement dans la « Pravda« . Il est présenté comme un ouvrier modèle par la propagande. Il fera même la « une » du journal le Time, le 16 décembre 1935.

On parle alors de stakhanovisme. Le stakhanovisme n’est que le renforcement positif sous un autre nom. Il recevra, en grande pompe et avec tout le battage médiatique qui va avec, les plus grandes recompose accordées en Union soviétique :

  • Deux fois l’Ordre de Lénine.
  • Une fois le titre de héros soviétique du travail.
  • Une fois le titre de l’ordre du Drapeau rouge du Travail.
  • Une fois l’insigne de Gloire du mineur.

Vous noterez avec moi le caractère pompeux et grandiloquent de ces titres censés flatter l’ego des hommes qui les recevaient. Ils seront largement utilisés pour mettre en valeur les bons comportements que doivent adopter les citoyens soviétiques.

L’ordre de Lénine date de 1930.

Le titre de « Héros de l’Union soviétique » fut créé en 1934.

Le titre de « Héros socialiste du travail » fut instauré en 1938.

Etoile de héro socialiste du travail.

Il y aura d’autres héros qui seront mis en valeur par l’Union soviétique pour leurs comportements exemplaires. L’un des cas les plus célèbres de l’histoire fut Zinaida Mareseva, une infirmière d’origine modeste qui eux plusieurs fois un comportement héroïque lors de la terrible bataille de Koursk, en 1943, et dont le destin tragique fut largement exploité durant et après la guerre par la propagande. Elle sauvera trente-huit soldats blessés le 8 février. Le 2 août, face à la déroute de son régiment face à une offensive allemande, elle décide de s’emparer d’une arme et de combattre seule. Elle tuera cent cinquante Allemands, capturera huit mitrailleuses, deux mortiers et vingt lance-grenades. Elle trouvera ensuite le temps de transporter seule soixantes quatre soldats blessés et de les soigner.

Zinaida Mareseva.

C’est Rambo version féminine et russe.

Elle trouvera la mort le lendemain. Elle sera faite héroïne de l’Union soviétique et recevra l’ordre de Lénine, à titre posthume.

Il s’agit toujours du même processus un homme ou une femme d’origine modeste dont l’exploit est monté en épingle médiatiquement, puis que l’on couvre de titres de gloire et de récompenses pompeuses.

Une méthode redoutablement efficace.

b-2. Le renforcement négatif.

Au renforcement positif, il faut joindre le renforcement négatif. Les deux sont indissociables pour être efficaces.

Il s’agit de punir très durement les comportements qui ne vont pas dans le sens voulu par le régime. Il faut dissuader les contrevenants.

Le renforcement négatif débouche toujours sur la fuite. Il faut monter en épingle, comme pour le renforcement positif, des cas typiques et frapper très fort, afin de dissuader les autres d’agir comme eux. C’est pour cela qu’il y a fuite. La personne va fuir, va s’abstenir d’agir pour éviter la répression et la punition. Il faut frapper très fort pour faire peur.

Dans le cas du régime stalinien, le renforcement négatif va concerner principalement les procès staliniens, les déportations dans les goulags ou l’internement dans les hôpitaux psychiatriques.

Les procès staliniens sont des procès à grand spectacle truqué dès le départ. Leur objectif n’est pas de rendre le droit, mais de faire peur à l’opinion afin de la dissuader d’agir contre le régime.

Pour la période stalinienne qui nous intéresse, il y a six grands procès :

  • Le procès des ingénieurs (1928).
  • Le procès du Parti paysan du travail (1930).
  • Le procès des 29 assassins de Kirov (1934).
  • Le procès des six ingénieurs britanniques (1933).
  • Le procès de Moscou (1936-1938).
  • le procès des 16 (1945).

Nous avons plusieurs conditions pour parler de procès stalinien :

  • Le coupable est connu d’avance car il a reconnu les faits à la suite d’une torture psychologique.
  • Le déroulement du procès et le jugement sont impitoyables.
  • Respect des règles du procès.

Ce qui est très intéressant dans les procès staliniens, c’est que l’on ne se contente pas de punir durement le récalcitrant, on cherche à tout prix à obtenir ses aveux publics. S’il n’y a pas d’aveux, il n’y a pas de procès stalinien. Le régime va utiliser tous les moyens pour amener la personne qu’elle veut condamner à avouer. Elle va utiliser toutes les techniques possibles et imaginables de tortures psychologiques. Cela peut aller jusqu’aux menaces sur les amis ou la famille.

C’est la technique de l’autocritique. La personne reconnaît les faits et avoue avoir dévié par rapport à ce que la société attendait de lui.

Les images des aveux sont diffusées très largement au public, par la presse ou le cinéma.

Ensuite, le jugement s’abat sur le récalcitrant qui reçoit une punition exemplaire : peine de mort ou goulag pour une longue durée.

Le procès a alors une vertu éducative. Il montre quel comportement est considéré comme déviant et que la peine est très lourde.

En acceptant de collaborer, l’accusé espère que le tribunal sera indulgent avec lui. Or, ce n’est pas ce qui se produit, car l’objectif est ailleurs. Il faut montrer ce qui est interdit et dire que ce qui est interdit est puni très sévèrement. Il faut faire peur à la société pour la faire obéir. Le procès stalinien n’est pas là pour rendre la justice et faire respecter le droit. Ce n’est pas son rôle.

Il faut se rappeler de la fin du roman « 1984 » pour comprendre comment on obtient la collaboration d’une personne que l’on veut faire condamner. Nous avons également le roman d’Arthur Koestler, « le zero et l’infini » qui montre très bien comment se déroulaient les procès staliniens et leur rôle dans le maintien au pouvoir de Staline. Dans « le Procès » de Kafka, nous voyons l’hypothèse où l’accusé refuse de collaborer quoi qu’il en coûte. Il est exécuté clandestinement, ni vu, ni connu, le procès ne doit surtout pas se transformer en tribune politique pour l’accusé.

B. La propagande italienne (1922-1945).

Après cette analyse détaillée du conditionnement dans la propagande soviétique, abordons son rôle dans le fascisme italien. Il y a un passage de l’un à l’autre. 1917 et la Révolution russe vont servir de modèle à Benito Mussolini.

« Il est curieux de constater que les bolcheviks, anciens sociales-démocrates, ont adopté les méthodes de propagande du parti social-démocrate allemand, et tandis que ce dernier a de plus en plus négligé de s’en servir, avec élan et efficacité, ce furent les bolcheviks russes, qui transplantèrent les méthodes socialistes classiques émotives dans leur pays.

Plus tard, Mussolini fit observer et étudier les méthodes russes et les implanta, parfois même servilement, en Italie fasciste ; de là, elles furent reprises par Hitler, qui les employa sur une grande échelle et avec une violence inouïe, pour arriver au pouvoir en Allemagne. » (Serge Tchakhotine, Le viol des foules par la propagande, p. 334).

En 1922, Benito Mussolini va observer la manière dont les communistes russes ont pris le pouvoir en 1917. Il va ensuite tenter de l’appliquer à son propre pays afin d’accéder lui-même aux plus hautes fonctions de l’Etat, et va tenter de reproduire ce modèle. C’est la propagande soviétique qui va passer en Italie, en subissant de manière évidente une adaptation aux spécificités de l’Italie. Ce point-là n’est jamais soulevé par ceux qui parlent de la propagande. Mussolini étant lui-même un socialiste, il est logique qu’il prenne modèle sur un autre pays socialiste.

Dans le cadre de l’Italie, nous constatons la disparition du modèle de Pavlov, au profit des modèles de Watson (1) ou de Skinner (2).

1. Le fascisme italien et le conditionnement de Watson.

Le conditionnement sur le modèle de Watson va surtout s’observer à travers la marche sur Rome. C’est un modèle du genre pour la prise du pouvoir fondé sur la peur et l’intimidation. Car la pulsion n°1 négative, la peur fut utilisée en URSS par Staline pour garder le pouvoir. Benito Mussolini va s’en servir pour accéder au poste de Premier ministre. A l’origine, se trouve le mouvement de grève insurrectionnelle de la gauche pour instaurer un régime marxiste en Italie (a). Cela va permettre à Mussolini de militariser son mouvement (b) afin de soumettre la gauche (c) puis la droite (d) qui aboutira à la marche sur Rome (e). C’est un cas de figure très intéressant qui sera reproduit presque à l’identique en Allemagne par Hitler et Goebbels.

a : Le « biennio rosso » (1919-1920).

Après la fin de la Première Guerre mondiale, en 1918, les communistes italiens vont tenter de prendre le pouvoir en Italie. Ils vont organiser des grèves insurrectionnelles afin de renverser la monarchie italienne. Nous sommes deux ans après la révolution bolchevique en Russie. La guerre civile russe n’est pas encore terminée. Il faut bien comprendre le contexte politique de ces événements pour bien établir comment Benito Mussolini va marcher progressivement vers le pouvoir.

Pendant deux ans, les Rouges vont tenter de prendre le pouvoir. C’est pour cela que les Italiens parlent de « deux années rouges », « biennio rosso » en italien. La période se terminera par l’intervention très violente, aidée par la police et l’armée, du mouvement fasciste de Mussolini. Cela commencera par des émeutes de la faim, puis la grève avec occupation des usines. Les occupations se feront parfois avec des ouvriers armés. Finalement, le gouvernement enverra l’armée qui mettra fin aux occupations, après un bilan sanglant de deux cent vingt-sept morts.

b : La militarisation du mouvement fasciste (1920-1922).

C’est dans ce contexte-là que va monter le fascisme italien. Le patronat italien cherche à endiguer le mouvement ouvrier qui monte et donc le risque de revivre une sorte de Révolution bolchevique en Italie. Le mouvement fasciste va prendre la décision de se militariser. C’est la naissance du « squadrisme », c’est-à-dire l’organisation d’escadrons de militants armés de bâtons et en uniforme pour lutter contre les mouvements révolutionnaires de gauche.

Escouade de fasciste en 1922.

La militarisation à travers le squadrisme est le stimulus inconditionnel et il provoque la soumission.

Le squadrisme va être associé à un certains nombres de symboles associés au parti fasciste et à Benito Mussolini.

Le symbole, c’est le « faisceau« , le « fasci » en italien, dont nous verrons dans le prochain article, quel mythe politique se rattache à lui en Italie.

Nous avons également la militarisation progressive du chef du mouvement, qui va passer publiquement de l’uniforme civil de l’homme politique à l’uniforme militaire.

Benito Mussolini, en uniforme lors de la marche sur Rome, en 1922.

D’ailleurs, pour être précis, il ne fera pas tout de suite et pas tout le temps. Lors de la marche sur Rome, il portait encore parfois le costume-cravate, uniforme typique de l’homme politique. Ce qui le rend moins impressionnant. Il est entouré d’hommes en uniforme militaire, mais lui doit porter le costume et des petits souliers vernis afin de rassurer ses futurs alliés politiques. Il fait cela, car il espère prendre le pouvoir par la voie légale. Il faut ne pas faire trop peur. Il faut rassurer. Un principe qu’oubliera Adolf Hitler. Mussolini va alterner les scènes en costume-cravate et en uniforme de l’armée afin de faire passer le message par alternance au monde politique et au petit peuple. Ordre et discipline militaire d’un côté et de l’autre la respectabilité de l’homme politique bourgeois.

Mussolini lors de la marche sur Rome

En revanche, une fois au pouvoir, il enfilera la tenue militaire afin d’impressionner ses adversaires, ses alliés et la masse. Regarder la différence avec les photos précédentes. Désormais, l’autorité émane de lui. Une autorité qui peut rassurer, mais qui fait également peur. C’est fait exprès. L’objectif est de soumettre les gens par la peur.

Mussolini et Hitler à Muniche, en 1937.

C’est la répétition des symboles associés à la militarisation du mouvement qui va faire entrer dans les esprits la menace, d’abord chez les adversaires de Mussolini, puis chez ses alliés politiques, afin d’instaurer une dictature. Nous retrouvons les trois étapes dans la prise du pouvoir par Benito Mussolini.

c : Soumettre la gauche (1922).

Mussolini va d’abord s’attaquer à la gauche au cours des cinq premiers mois de l’année 1921. Il y aura des combats de rue contre des militants de gauche, des expéditions punitives contre les journaux, les imprimeries de gauche. On attaque les bourses du travail. Il y aura des morts. Il sera aidé, en cela, par une partie de l’armée.

Il mettra ainsi au pas la gauche qui n’osera plus s’opposer par la suite aux fascistes. Mécaniquement, la droite va s’allier avec Mussolini afin de remettre en ordre le pays et d’empêcher la Révolution. Cette alliance aura lieu lors des législatives de mai 1921.

L’alliance de droite l’emporte d’une courte majorité, mais les fascistes n’auront que trente-six députés, dont Benito Mussolini. Les candidats fascistes seront intégrés sur les listes du bloc national qui comprendra également le Parti Libéral Italien et les sociaux-démocrates.

Assemblée italien de mai 1921.

Une fois au pouvoir, la droite va trahir le chef des fascistes et gouvernera seule. Cela va amener Benito Mussolini à user de la violence contre la droite afin de conquérir le pouvoir.

d : Soumettre la droite (1921-1922).

Mussolini tirera les leçons de la trahison électorale. Au congrès de Rome de septembre 1921, il créera officiellement le Parti fasciste. C’est un parti organisé, structuré et hiérarchisé avec une milice armée. Cette milice portera un uniforme commun, l’arditi, c’est-à-dire une chemise noire. L’ensemble du mouvement fasciste se militarisa.

C’est une évolution importante vers la prise du pouvoir.

Mussolini a compris que si l’épreuve de force a fait suffisamment peur à la gauche, elle n’a pas assez impressionné la droite. La droite est au pouvoir, et de ce fait, elle dispose de l’armée et de la police pour lutter contre elle avec efficacité. Mussolini a servi de supplétif pour vaincre la gauche, mais à la fin, il est jeté dans les poubelles de l’histoire. Mussolini ne l’entend pas comme cela.

Le congrès de Rome est un coup de génie politique. Il comprend que pour faire peur à la droite et prendre les rênes du pouvoir, il doit non seulement posséder des groupes militaires actifs, mais également d’un parti politique lui-même militarisé.

En septembre 1921, la guerre civile russe vient de s’achever. Les bolcheviques sont parvenus à vaincre les Russes blancs grâce à l’Armée rouge et au Parti communiste soviétique qui dirigeait l’Armée rouge. Mussolini va s’inspirer de ce modèle avec le succès que nous connaissons.

C’est la mise en œuvre pratique et concrète de la distinction entre branche militaire et branche politique d’un mouvement insurrectionnel efficace.

En février 1922, va éclater une grève insurrectionnelle avec occupation des usines. Les troupes de chemises noires vont se jeter à l’assaut des usines, des sièges des syndicats ou des partis politiques de gauche pour briser la grève. Les fascistes vont obliger les grévistes à reprendre le travail à coups de bâton. C’est le scénario du coup d’État de Kornilov, en juillet 1917, qui se reproduit en Italie. Ensuite, les bolcheviques marcheront vers le pouvoir quelques mois plus tard. Entre juillet et octobre 1917, nous trouvons à peine quatre mois. Comme quoi, il ne faut pas des années de luttes électorales pour renverser un régime, comme le pense Lucien Cerise.

Benito Mussolini entend reproduire le scénario du coup d’État de Kornilov. Tout le monde le presse de prendre le pouvoir par la force. Il feint de jouer la légalité constitutionnelle. Il organisera un congrès à Naples en octobre 1922. La date n’est pas choisie au hasard, il entend mimer jusqu’au bout son modèle bolchevique.

Octobre 1917-octobre 1922, même combat.

Le 24 octobre 1922, c’est le congrès de Naples qui réunira des milliers de chemises noires hystérisées qui acclameront Benito Mussolini. Ils le poussent à prendre le pouvoir par la force contre la classe politique. Le chef du mouvement fasciste revendiquera trois cent mille adhérents. Un chiffre très largement exagéré, comme l’ont montré de nombreux historiens.

C’est tout un scénario politique qui se met en place pour prendre le pouvoir.

  1. Feindre de ne pas vouloir prendre le pouvoir par la force.
  2. Organiser une demande de prise du pouvoir émanant de la base.
  3. Répondre favorable à cette demande.

Bien sûr, dans un troisième temps, le chef accepte, à contre-cœur, de répondre à la demande populaire, c’est la marche sur Rome.

Il faut ajouter à ce scénario que cela ne peut fonctionner que si l’on montre ses muscles. Faire croire que l’on est fort et puissant afin de faire peur et d’impressionner. C’est dans ce cadre-là, qu’intervient le défilé militaire devant le chef. On donne l’illusion du nombre pour écraser sous la masse l’adversaire. C’est pour cela que Mussolini annonce 300 000 adhérents, alors qu’ils ne sont que quelques dizaines de milliers tout au plus.

e : La marche sur Rome (27-30 octobre 1922).

Trois jours après le congrès de Naples, Benito Mussolini va répondre favorablement à la demande des chemises noires. Le 27 octobre 1922, commence la marche sur Rome. La marche réunira au maximum 30 000 chemises noires, alors qu’il arrivera à faire croire qu’ils sont 300 000. Un bluff sur le nombre mené avec succès en raison du congrès de Naples, qui aura créé l’illusion d’une foule innombrable pour les médias et les hommes politiques. C’est en raison du conditionnement visant à donner l’illusion de la force et du nombre de la milice mussolinienne que la marche sur Rome fut menée avec succès.

Les troupes qui protègent Rome sont également 20 000, mais bien armées et avec de l’artillerie. Les chemises noires sont seulement dotées d’un bâton. Elles n’auraient pas fait un pli face à la troupe italienne.

Le roi Victor-Emmanuel refusera, malgré les demandes insistantes du pouvoir, d’établir l’état de siège. Il agit de cette manière, car il sait qu’il a derrière lui l’ensemble de la bourgeoisie industrielle qui perçoit chez Mussolini un chef capable de rétablir l’ordre.

Le 28 octobre, le roi et une partie de la classe politique proposent le poste de ministre de l’Intérieur à Mussolini dans un futur gouvernement. Il refusera, pour finalement accepter le poste de Premier ministre, le 29 au matin. En trois jours d’épreuve de force et de menace de coup d’État, les fascistes arrivent au pouvoir.

Premier Conseil des ministres présidé par Mussolini. Il est entouré de deux monarchistes, le général Diaz à la Guerre et Thaon di Revel à la Marine.

Lors de son premier discours devant l’assemblée italienne, il ne ménagera pas ses menaces contre la classe politique. Il n’a pourtant que trente-six députés, mais pourtant, il se présente en maître de la vie politique. Il règne par la peur.

Lisez ce discours qui est un modèle du genre :

« Messieurs !

Ce que je fais aujourd’hui dans cette Assemblée est un acte de déférence formelle à votre égard et pour lequel je ne vous demande aucune gratification particulière. Pendant de nombreuses années, en effet, pendant trop d’années, les crises gouvernementales avaient été posées et résolues par la Chambre des députés par des manœuvres et des embuscades plus ou moins tortueuses, à tel point qu’une crise était régulièrement qualifiée d’assaut et le ministère représenté par une diligence postale branlante.

C’est la deuxième fois en l’espace d’une décennie que le peuple italien – dans le meilleur des cas – contourne un ministère et se donne un gouvernement en dehors, au-dessus et contre toute désignation du parlement. La décennie dont je parle s’étend de mai 1915 à octobre 1922. Je laisse aux fanatiques mélancoliques du super-constitutionnalisme le soin d’argumenter plus ou moins plaintivement à ce sujet. J’affirme que la révolution a ses droits.

J’ajoute, pour que tout le monde le sache, que je suis ici pour défendre et renforcer au plus haut degré la révolution des « chemises noires », en l’insérant intimement comme une force de développement, de progrès et d’équilibre dans l’histoire de la nation.

J’ai refusé de gagner et je pouvais l’emporter. Je me fixe des limites. Je me suis dit que la meilleure sagesse est celle qui ne vous abandonne pas après la victoire. Avec 300 000 jeunes hommes entièrement armés, déterminés à tout et presque mystiquement prêts à recevoir mon ordre, je pouvais punir tous ceux qui diffamaient et essayaient de salir le fascisme. J’aurais pu faire de cette chambre sourde et grise un bivouac de manipules : j’aurais pu fermer le Parlement et mettre en place un gouvernement exclusivement de fascistes. Je le pouvais, mais je n’en avais pas envie, du moins au début. » (

C’est un discours d’une grande violence, où le « duce » menace de transformer le Parlement en casernement pour soldats, de mettre fin au parlementarisme de la manière la plus brutale, si celui-ci refuse de voter la confiance. N’ayant que trente-six députés, il obtiendra tout de même le soutien de trois cent six députés. Le 25 novembre, il obtiendra le vote des pleins pouvoirs. C’est dire que la menace a porté ses fruits. La menace est toujours une arme efficace en politique.

2. Le fascisme italien et le conditionnement de Skinner.

Benito Mussolini va reprendre le principe du renforcement du régime qu’il vient d’instaurer en utilisant les règles du conditionnement de Skinner. A ma connaissance, il n’utilisa que renforcement négatif lors de l’assassinat de Matteotti (a) et lors des tentatives d’assassinat contre Mussolini par l’opposition (b).

a : Le renforcement négatif : l’assassinat de Matteotti (1924).

En 1924, il fera voter une nouvelle loi électorale (dite Acerbo) qui prévoit une prime du quart des sièges supplémentaires pour la liste arrivée en tête. Signalons à toute fin utile que le même type de loi électorale existe également dans la République française depuis 1983 pour les scrutins municipaux et régionaux. C’est censé permettre de dégager une majorité dans les Conseils municipaux ou régionaux. Là encore, nous voyons une filiation directe entre le socialisme et le communisme avec le fascisme. Un régime italien qui inspira donc également la République française, sans que cela soit dit ouvertement. D’ailleurs, il faut également dire que ce système électoral municipal favorise l’instauration de véritables républiques bananières au niveau local. On imagine le même système à l’échelle d’un pays. Ne jamais sous-estimer l’importance du système électoral dans la fraude. Là encore, des choses qui dépassent totalement l’entendement d’un Lucien Cerise qui pousse les gens à voter quoi qu’il en coûte.

Avec un système électoral aussi favorable, Benito Mussolini obtiendra, aux législatives de 1924, trois cent soixante-quatorze sièges à l’assemblée.

Assemblée italienne, 1924.

La fraude est si massive qu’elle provoquera la contestation du résultat par l’un des chefs de l’opposition, Giacomo Matteotti. Il produira, à l’appui de son discours, des documents pour prouver qu’il y a eu fraudé en faveur des fascistes. Il demande l’invalidation de l’élection des députés mussoliniens et l’organisation d’un nouveau scrutin.

Giacomo Matteotti sur la dernière photo prise de lui avant sa mort

Président. :  M. Matteotti a demandé la parole. Elle a le droit de la faire.

Giacomo Matteotti.Nous avons reçu une proposition de la Commission électorale pour valider un certain nombre de collègues. Il est certain qu’aucun des membres de cette Assemblée, à l’exception, je crois, des membres du Bureau des élections, ne serait en mesure de reproduire la liste des noms lue pour validation, aucun, ni dans l’hémicycle, ni dans les tribunes de la presse.

(Vies interrompues à droite et au centre)

Dario Lupi. : L’époque où l’on parlait pour les tribunes est révolue !

Giacomo Matteotti. : Bien sûr, la publicité est pour vous une institution du stupide dix-neuvième siècle. (Bruits forts. Interruptions à droite et au centre) Toutefois, comme je le disais, la Chambre n’a actuellement aucune connaissance exacte du sujet sur lequel elle délibère. Ce n’est que pour les quelques noms que nous avons pu saisir à la lecture que nous pouvons imaginer qu’ils représentent une partie de la majorité. Maintenant, contre leur validation, nous présentons cette exception pure et simple : à savoir, que la liste majoritaire du gouvernement, qui a nominalement obtenu un vote de quatre millions et de nombreuses voix…

(Interruptions).

Des voix au milieu : « Et encore plus ! »

Giacomo Matteotti. : … Cette liste ne les a pas obtenus, en fait et librement, et il est donc douteux qu’elle ait obtenu le pourcentage nécessaire. (Protestations) pour conquérir, même selon votre loi, les deux tiers des places qui lui ont été attribuées ! Il se pourrait que les noms lus par le président soient ceux qui resteraient élus même si, au lieu de la prime de majorité, la représentation proportionnelle pure était appliquée dans chaque circonscription. Mais comme personne n’a entendu les noms, et qu’aucune déclaration générale de ce genre n’a été introduite, il est probable que tous ne le sont pas, et c’est pourquoi nous contestons ici et dans le coffre la validité de l’élection de la majorité (Bruits très forts). Je voudrais au moins demander à mes collègues, dont l’élection est jugée aujourd’hui, de s’abstenir au moins de faire du bruit, sinon de voter. (Commentaires en direct – Manifestations – Interruptions à droite et au centre)

Maurizio Maraviglia. : Il n’y a personne à contester, sinon il s’abstiendrait.

Giacomo Matteotti.Nous contestons…

Maurizio Maraviglia.Alors vous vous y opposez !

Giacomo Matteotti.Bien sûr, ce serait merveilleux s’il s’opposait à elle ! L’élection, à notre avis, est essentiellement invalide, et nous ajoutons qu’elle n’est pas valide dans toutes les circonscriptions. En premier lieu, nous avons la déclaration faite explicitement par le gouvernement, répétée par tous les organes de la presse officielle, répétée par les orateurs fascistes à tous les rassemblements, que les élections n’avaient qu’une valeur très relative, puisque le gouvernement ne se sentait pas soumis à la réponse électorale, mais que dans tous les cas – comme il l’a dit à plusieurs reprises – il maintiendrait le pouvoir par la force. même si… (Lively s’interrompt vers la droite et le centre. Mouvements de l’honorable président en exercice du Conseil)

Des voix à droite : « Oui, oui ! Nous avons fait la guerre ! (Applaudissements à droite et au centre)

Giacomo Matteotti.Vos applaudissements confirment clairement la validité de mes arguments. Par conséquent, par votre propre confirmation, aucun électeur italien n’était libre de décider de sa volonté… (Bruissements, protestations et interruptions à droite) Aucun électeur n’était libre de répondre à cette question…

Maurizio Maraviglia.Huit millions d’Italiens ont voté !

Giacomo Matteotti. … : c’est-à-dire s’il approuvait ou n’approuvait pas la politique ou, plutôt, le régime du gouvernement fasciste. Personne n’était libre, parce que chaque citoyen savait a priori que, même s’il osait affirmer le contraire à la majorité, il y avait une force à la disposition du gouvernement qui annulerait son vote et sa réponse. (Bruits et interruptions à droite)

Une voix à droite : « Qu’en est-il des deux millions de voix que les minorités ont prises ? »

Roberto Farinacci. : Tu aurais pu faire une révolution !

Maurizio Maraviglia. : Ils auraient été deux millions de héros !

Giacomo Matteotti. : Pour renforcer cette intention du Gouvernement, il y a une milice armée… (Applaudissements nourris et prolongés de la droite et cris de « Vive la milice »)

Des voix à droite : « Vous brûlez la milice ! »

Giacomo Matteotti. : … Il y a une milice armée… (Interruptions à droite, bruits prolongés)

Des voix : « Assez ! Assez !

Président. : Monsieur Matteotti, tenez-vous-en au sujet.

Giacomo Matteotti. : Monsieur le Président, peut-être ne me comprenez-vous pas ; Mais je parle des élections. Il y a une milice armée… (Interruptions à droite) qui a ce but fondamental et déclaré : soutenir un chef de gouvernement spécifique bien désigné et nommé à la tête du fascisme et non, contrairement à l’armée, le chef de l’État. (Interruptions et bruits à droite)

Voix : À droite : « Et les gardes rouges ? »

Giacomo Matteotti. : Il existe une milice armée, composée de citoyens d’un seul parti, qui a pour tâche déclarée de soutenir un gouvernement particulier par la force, même s’il n’y a pas de consensus. (Commentaires) En plus et surtout… (Interruptions) alors que selon la loi électorale la milice aurait dû s’abstenir, étant en opération ou quand elle était en opération, et alors qu’en fait dans toute l’Italie, en particulier l’Italie rurale, nous avons noté à cette époque la présence de milices nationales en grand nombre… (Interruptions, bruits)

(…)

Giacomo Matteotti.Dans la plupart des cas, cependant, il n’y avait pas besoin de sanctions, parce que les paysans pauvres savaient que toute résistance était inutile et devaient se soumettre à la loi du plus fort, à la loi du patron, en votant, pour la tranquillité d’esprit de la famille, le trio assigné à chacun par le dirigeant local du syndicat fasciste ou par les fascistes. (Bruits forts, interruptions)

Giacono Suardo. : M. Matteotti ne m’insulte pas, moi, le député : il insulte le peuple italien et, pour moi, je quitte l’hémicycle pour moi. (Bruits – Commentaires) Ma ville à genoux a fait l’éloge du Duce Mussolini, et je mets M. Matteotti au défi de prouver ses affirmations. Au nom de ma dignité de soldat, je quitte cet hémicycle. (Applaudissements, commentaires)

Attilio Teruzzi. M. Suardo est médaillé d’or ! Honte à vous, Monsieur Matteotti. (Bruits à l’extrême gauche)

Président.Soyez silencieux! Monsieur Matteotti, concluez !

Giacomo Matteotti. : Je peux documenter et nommer des noms. Dans d’autres endroits, en revanche, les certificats électoraux ont été thésaurisés, une méthode qui avait été utilisée dans certaines petites circonscriptions même dans l’Italie préfasciste, mais qui, à partir de l’Italie fasciste, a eu l’honneur d’être étendue à de très vastes régions du sud ; Une forte abstention d’électeurs qui ne se considéraient pas libres d’exprimer leurs pensées, les certificats ont été collectés et confiés à des groupes d’individus, qui se sont rendus dans les bureaux de vote pour voter sous différents noms, au point que certains ont voté dix ou vingt fois, et des jeunes gens de vingt ans se sont présentés aux bureaux de vote et ont voté au nom de quelqu’un qui avait rempli le 60 ans. (Commentaires) Dans quelques bureaux de vote, il n’y avait que quelques magistrats compétents qui, ayant constaté le fait, réussirent à l’empêcher.

Edoardo Torre.Ça y est, arrêtez ça ! (Bruits, commentaires) Que faisons-nous ici ? Devrions-nous tolérer qu’il nous insulte ? (Bruits – Certains députés descendent dans l’hémicycle) Pour vous, nous avons besoin d’une domiciliation obligatoire et non du Parlement ! (Commentaires – Bruits)

Des voix : « Allez en Russie ! »

Président. : Soyez silencieux! Et vous, Monsieur Matteotti, concluez !

Giacomo Matteotti. : Ceux qui ont eu la chance de voter et d’accéder aux isoloirs, ont eu la visite de ceux qui étaient chargés de vérifier leurs votes, à l’intérieur des isoloirs, dans de nombreuses municipalités, en particulier dans les campagnes. Si le Conseil électoral voulait ouvrir les enveloppes et vérifier les piles de bulletins de vote qui ont été votés, il pourrait constater que de nombreux votes de préférence ont été écrits sur les bulletins de vote de la même main, tout comme d’autres votes de liste ont été annulés, ou même lus à l’envers. Je ne veux pas entrer dans les détails des nombreux autres systèmes utilisés pour empêcher la libre expression de la volonté du peuple. Le fait est que seule une petite minorité de citoyens a pu voter librement : la plupart du temps, presque exclusivement ceux qui ne pouvaient pas être soupçonnés d’être socialistes. Nos hommes ont été entravés par la violence ; D’autre part, il était plus facile pour les nouveaux et les indépendants de voter pour nous, qui, n’étant pas considérés comme socialistes, échappaient au contrôle et exerçaient librement leurs droits. À ces nouvelles forces qui manifestent la réaction de la nouvelle Italie contre l’oppression du nouveau régime, nous adressons nos remerciements. (Applaudissements à l’extrême gauche. Bruits provenant d’autres parties de l’hémicycle) Pour toutes ces raisons, et pour les autres que, face à vos bruyantes sollicitations, je m’abstiens d’exécuter, mais que vous connaissez bien parce que chacun de vous en a été témoin au moins… Pour ces raisons, nous demandons l’annulation de l’élection majoritaire en bloc.

Voix à droite : « Nous acceptons » (Vifs applaudissements à droite et au centre)« 

J’ai reproduit les passages les plus intéressants du discours de Matteotti. Le texte me semble d’une actualité brûlante. On observe que durant tout le discours de M. Matteotti, les députés fascistes lui coupent la parole, l’invective et le tourne en dérision, c’est une forme de censure, encore utilisée de nos jours. Il note que l’utilisation abusive de la violence par les trois cent mille miliciens de Mussolini est une forme de fraude et d’intimidation qui a fait peur aux électeurs, les contraignant à voter pour lui par peur de représailles. C’est exactement la mise en œuvre du renforcement négatif. Enfin, il parle de l’abstention (comme de nos jours) et, du vote multiple de certains électeurs (comme de nos jours, à travers les procurations).

Une ligne rouge a été franchie par l’opposition. Il faut faire taire le récalcitrant afin de montrer que l’opposition ne saurait être tolérée que si elle ne met pas en danger le pouvoir de Mussolini. Evoquer la fraude et demander l’invalidation des députés fascistes, c’est aller trop loin.

Benito Mussolini va envoyer un escadron de fascistes pour enlever Matteotti et le tuer.

Le scandale est considérable. Les députés de l’opposition vont quitter l’Assemblée nationale italienne pour aller siéger sur le mont Aventin, comme jadis les plébéiens.

Le 3 janvier 1925, le Duce tient un discours d’une grande violence politique. Il constitue l’acte de naissance du régime fasciste.

« Messieurs !

Le discours que je m’apprête à prononcer devant vous n’est peut-être pas considéré comme un discours parlementaire. Il se peut qu’en fin de compte, certains d’entre vous constatent que ce discours est lié, même si le temps passe, à celui que j’ai prononcé dans cette même Assemblée le 16 novembre. Un tel discours peut ou non déboucher sur un vote politique. Quoi qu’il en soit, il faut savoir que je ne suis pas à la recherche de ce vote politique. Je n’en veux pas : j’en ai eu trop. L’article 47 du Statut dispose : « La Chambre des députés a le droit de mettre en accusation les ministres du Roi et de les traduire devant la Haute Cour de justice. » Je voudrais demander formellement s’il y a quelqu’un, dans cette Assemblée ou en dehors de cette Assemblée, qui souhaite invoquer l’article 47.

Mon intervention sera donc très claire et de nature à apporter une clarification absolue. Vous voulez dire qu’après avoir marché longtemps avec des compagnons de voyage à qui nous devrions toujours être reconnaissants pour ce qu’ils ont fait, il est nécessaire de s’arrêter pour voir si le même chemin avec les mêmes compagnons peut encore être parcouru à l’avenir.

C’est moi, Messieurs, qui porte l’accusation contre moi-même dans cette Assemblée.

On disait que j’allais fonder une Tchéka.

Où ? Quand ? Comment ? Personne ne pouvait le dire. En effet, il y a eu une Tchéka en Russie qui a exécuté entre 150 000 et 160 000 personnes sans procès, selon des statistiques quasi officielles. Il y avait en Russie une Tchéka qui exerçait systématiquement la terreur sur toutes les classes bourgeoises et sur certains membres de la bourgeoisie, une Tchéka qui prétendait être l’épée rouge de la révolution. Mais la Tchéka italienne n’a jamais existé.

Personne ne m’a jamais refusé jusqu’à ce jour ces trois qualités : une intelligence juste, beaucoup de courage et un mépris souverain pour l’argent vil.

Si j’avais fondé une Tchéka, je l’aurais fondée selon les critères que j’ai toujours fixés pour me prémunir contre cette violence qui ne peut être expulsée de l’histoire. J’ai toujours dit, et c’est ce que me rappellent ceux qui m’ont suivi au cours de ces cinq années de dur combat, que pour que la violence soit décisive, il faut qu’elle soit chirurgicale, intelligente et chevaleresque. Or, les actes de cette soi-disant Tchéka ont toujours été inintelligents, incohérents et stupides.

Mais pouvez-vous vraiment penser que je pourrais ordonner le lendemain de celui de Noël, le jour où tous les esprits sont conduits à de pitoyables et bonnes images, pouvez-vous penser que je pourrais ordonner une attaque à dix heures du matin dans la via Francesco Crispi, à Rome, après le discours le plus pacificateur que j’aie prononcé sous mon gouvernement ?

Épargnez-moi, messieurs, de me croire si stupide. Et aurais-je comploté avec la même inintelligence les agressions mineures de Misuri et de Forni ? Vous vous souvenez certainement de mon discours du 7 juin. Il vous est peut-être facile de revenir à cette semaine de passions politiques enflammées où, dans cette Assemblée, la minorité et la majorité s’affrontaient quotidiennement, à tel point que certains désespéraient de pouvoir rétablir les conditions nécessaires de cette coexistence politique et civile entre les deux parties opposées de l’hémicycle. Ce fut une succession de discours violents de part et d’autre. Enfin, le 6 juin, M. Delcroix a brisé l’atmosphère chargée et orageuse avec son discours lyrique, plein de vie et de passion.

Le lendemain, j’ai donné une conférence qui a complètement illuminé l’atmosphère. Je dis à l’opposition : je reconnais votre droit idéal et aussi votre droit contingent ; vous pouvez dépasser le fascisme en tant qu’expérience historique ; vous pouvez mettre sur le terrain de la critique immédiate toutes les mesures du gouvernement fasciste.

Je me souviens, et j’ai encore, dans les yeux la vision de cette partie de l’hémicycle, où tout le monde sentait qu’à ce moment-là, j’avais prononcé de profondes paroles de vie et que j’avais établi les conditions de cette nécessaire coexistence sans laquelle aucune assemblée politique d’aucune sorte n’est possible. Comment pourrais-je, après un succès — permettez-moi de dis-le sans fausse modestie et modestie ridicule — après un succès si retentissant que toute l’Assemblée a admis, y compris l’opposition, que l’hémicycle rouvrait le mercredi suivant dans une atmosphère idyllique, comment pourrais-je penser, sans être frappé par une folie morbide, que je ne commettrais pas un crime, mais pas même le moindre crime ? La défiguration la plus ridicule de cet adversaire que j’estimais parce qu’il avait une certaine crânerie, un certain courage, qui ressemblait à mon courage et à mon obstination à soutenir les thèses ?

Qu’est-ce que j’étais censé faire ?

Ce sont les petits cerveaux de grillons qui m’ont demandé à cette occasion des gestes de cynisme que je n’avais pas envie de faire, parce qu’ils répugnent au fond de ma conscience, ou des gestes de force.

De quelle force ? Contre qui ? Dans quel but ? Quand je pense à ces messieurs, je me souviens de ces stratèges qui, pendant la guerre, pendant que nous mangions les tranchées, élaboraient des stratégies avec des épingles sur les cartes. Mais lorsqu’il s’agit de cas concrets, dans le lieu de commandement et de responsabilité, alors nous voyons les choses d’un autre côté et d’un autre point de vue. Pourtant, je n’avais pas manqué d’occasions de montrer mon énergie. Je n’ai pas encore été inférieur aux événements.

J’ai liquidé une révolte de gardes royaux en 12 heures. En quelques jours, j’ai joint une sédition insidieuse à une sédition attachante, en 48 heures j’ai conduit une division d’infanterie et une demi-flotte à Corfou. Ces actes d’énergie, et ceux-ci étonnèrent même l’un des plus grands généraux d’une nation amie, montrent que ce n’est pas l’énergie qui manque à mon esprit.

Peine de mort ? Mais on plaisante là, messieurs ! Tout d’abord, la peine de mort devra être introduite dans le Code pénal, et ensuite, de toute façon, la peine de mort ne pourra pas être une mesure de représailles contre un gouvernement.

Elle doit être appliquée après un jugement régulier, voire très régulier, lorsqu’il s’agit de la vie d’un citoyen ! C’est à la fin de ce mois, qui est profondément marqué dans ma vie, que j’ai dit : je veux qu’il y ait la paix pour le peuple italien, et je veux établir la normalité de la vie politique.

Mais comment avez-vous réagi à ce principe qui est le mien ? D’abord avec la sécession de l’Aventin, une sécession anticonstitutionnelle et nettement révolutionnaire. Puis avec une campagne journalistique qui a duré dans les mois de juin, juillet, août, une campagne sale et misérable qui nous a déshonorés pendant trois mois. Les mensonges les plus fantastiques, les plus horribles, les plus macabres ont été largement énoncés dans tous les journaux. Il y eut en effet une crise de nécrophlie.

Des inquisitions ont également été faites sur ce qui se passait sous terre : les gens ont inventé, ils savaient qu’ils mentaient, mais ils ont quand même menti ! J’ai toujours été calme et tranquille au milieu de cette tempête dont se souviendront ceux qui viendront après nous avec un sentiment de honte intérieure. Il y a un résultat de cette campagne ! Le 11 septembre, quelqu’un a voulu venger l’homme tué et a abattu l’un de nos meilleurs hommes, qui est mort pauvre. Il avait soixante lires dans sa poche. Cependant, je poursuis mes efforts de normalisation ou de normalité. Je réprime l’illégalisme. Ce n’est pas un mensonge quand je dis qu’il y a encore des centaines de fascistes dans les prisons aujourd’hui.

Ce n’est pas un mensonge que de rappeler que j’ai rouvert régulièrement le Parlement à la date fixée et que presque tous les budgets ont été discutés, non moins régulièrement.

Le serment de la milice n’est pas un mensonge, et la nomination de généraux pour tous les commandements de zone n’est pas un mensonge.

Enfin, nous avons été saisis d’une question qui nous passionnait : la demande d’autorisation de procéder à la démission de M. O’Neill. Comité. La Chambre clique. Je comprends le sens de cette révolte et même après 48 heures je plie une fois de plus, profitant de mon prestige, de mon influence, je plie cette assemblée rebelle et réticente, et je dis : « Que la démission soit acceptée » et la démission est acceptée.

Mais ce n’est pas suffisant : je fais un dernier geste de normalisation : le projet de réforme électorale. Comment réagissez-vous à tout cela ? Ils répondent par une accentuation de la campagne et crient : « Le fascisme, c’est une horde de barbares campés dans la nation et un mouvement de bandits et de maraudeurs » et la question morale est mise en scène, messieurs ! Nous connaissons la triste histoire des questions morales en Italie.

Mais alors, messieurs, quels papillons allons-nous chercher sous l’Arc de Titus ? Eh bien, je déclare ici, en présence de cette Assemblée et en présence de tout le peuple italien, que j’assume seul la responsabilité politique, morale et historique de tout ce qui s’est passé. Si des phrases plus ou moins mutilées suffisent à pendre un homme, dehors avec le pieu et dehors avec la corde ! Si le fascisme n’était rien d’autre que de l’huile de ricin et de la matraque et non une superbe passion de la meilleure jeunesse italienne, c’est ma faute ! Si le fascisme était une association criminelle, si toute la violence était le résultat d’un certain climat historique, politique, moral, j’en suis responsable, parce que j’ai créé ce climat historique, politique et moral avec une propagande qui va de l’intervention à nos jours.

Ces derniers jours, non seulement les fascistes, mais de nombreux citoyens se demandent : y a-t-il un gouvernement ? Ces hommes ont-ils une dignité en tant qu’hommes ? En ont-ils aussi un en tant que gouvernement ? C’est moi qui voulais que les choses atteignent ce point extrême. Mon expérience de vie de ces six mois est riche. J’ai mis le Parti à l’épreuve. De même que pour sentir la trempe de certains métaux, il faut les frapper avec un marteau, de même j’ai senti la trempe de certains hommes. J’ai vu ce qu’ils valent et pour quelles raisons à un certain moment où le vent est traître, ils prennent la tangente. Je me suis testé. Et regardez, je n’aurais pas eu recours à ces mesures si les intérêts de la nation n’avaient pas été en jeu. Un peuple ne respecte pas un gouvernement qui se laisse vilipender. Le peuple veut que sa dignité se reflète dans la dignité du gouvernement, et le peuple, avant même que je ne le dise, a dit : ça suffit ! La mesure est pleine !

Et c’était plein, pourquoi ? Parce que la sédition de l’Aventin a un arrière-plan républicain.

Cette sédition de l’Aventin a eu des conséquences, car en Italie aujourd’hui, les fascistes risquent encore leur vie ! Rien qu’au cours des mois de novembre et décembre, onze fascistes ont été tués, dont l’un a eu la tête écrasée au point d’être réduit à une armée sanglante, et un autre, un vieillard de soixante-treize ans, a été tué et jeté du haut d’un mur. Puis il y a eu trois incendies en un mois, trois incendies mystérieux dans les chemins de fer : l’un à Rome, l’autre à Parme et un troisième à Florence. Donc un réveil subversif à tous les niveaux, que je documente parce qu’il faut le documenter à travers les journaux d’hier et d’aujourd’hui :

Un chef d’escouade de la milice grièvement blessé par des subversifs.

Un conflit entre carabiniers et subversifs à Genzano.

Tentative d’assaut contre le siège du parti fasciste à Tarquinia.

Un fasciste blessé par des subversifs à Vérone.

Un soldat de la milice blessé dans la province de Crémone.

Des fascistes blessés par des subversifs à Forlì.

Embuscade communiste à S. Giorgio di Pesaro.

Des subversifs scandant « Drapeau rouge » et attaquant des fascistes à Monzambano.

En seulement trois jours de janvier 1925, et dans une seule zone, il y eut des incidents à Mestre, Pionca, Valombra : cinquante subversifs, armés de fusils, parcouraient la ville en chantant « Drapeau rouge » et en faisant exploser des pétards ; à Venise, le soldat Pascai Mario est attaqué et blessé ; à Cavaso di Treviso, un autre fasciste blessé ; à Crespano, la caserne des carabiniers envahie par une vingtaine de femmes turbulentes, un chef de groupe attaqué et jeté à l’eau ; à Favara di Venezia, des fascistes attaqués par des subversifs ; à Mestre, à Padoue, d’autres fascistes blessés par des subversifs.

J’attire votre attention sur ce point, car c’est un symptôme : le 192 direct lapidé par des subversifs avec du verre brisé.

à Moduno di Livenza, un chef de la foule a été attaqué et battu.

Vous pouvez voir à partir de cette situation que la sédition de la colline de l’Aventin a eu de profondes répercussions dans tout le pays. Et puis vient le moment où l’on se dit : ça suffit ! Lorsque deux éléments sont en conflit et irréductibles, la solution est en vigueur. Il n’y a jamais eu d’autre solution dans l’histoire et il n’y en aura jamais.

Maintenant, j’ose dire que le problème sera résolu. Le fascisme, gouvernement et parti, est en pleine action. Messieurs, vous vous êtes fait des illusions ! Vous avez cru que le fascisme était fini parce que je le réprimais, que le Parti était mort parce que je le punissais, et puis j’ai eu la cruauté de le dire. Si je mettais la centième partie de l’énergie que je mets à le comprimer pour le libérer, oh, vous verriez alors…

Mais il n’y en aura pas besoin, car le gouvernement est assez fort pour mettre fin une fois pour toutes à la sédition de la colline de l’Aventin.

L’Italie, Messieurs, veut la paix, elle veut la tranquillité, elle veut le calme laborieux ; Nous le leur donnerons par amour, si possible, ou par force s’il le faut. Vous pouvez être assurés que dans les 48 heures qui suivront mon intervention, la situation sera éclaircie dans toute la région, comme on dit. Et nous savons tous que ce n’est pas le caprice d’une personne, que ce n’est pas la convoitise du gouvernement, que ce n’est pas une passion ignoble, mais c’est seulement un amour sans bornes et puissant pour la patrie.« 

Benito Mussolini va mettre fin au parlementarisme en exerçant des menaces à peine voilées devant les députés. Leur annonçant qu’il n’a pas besoin de leur vote comme soutien et qu’il n’a pas peur de leur censure. Demandant même, aux députés présents, comme une sorte de défi, si l’un d’entre eux veut le mettre en accusation. Bien sûre personne ne se lèvera et n’osera le défier. Il avait instauré un climat de terreur sur eux par le renforcement négatif. Chacun avait encore à l’esprit la mésaventure tragique de Matteotti.

Ce fut le cas avec Emmanuel Macron lors de l’affaire Benalla, qui, à la manière de Mussolini, demandera aux gens d’aller le chercher. Les gilets jaunes le prendront au mot et tenteront d’aller le chercher au palais de l’Elysée. Il en profitera pour laisser s’abattre une terrible répression, couvert par le silence des médias très (trop) complaisants. C’est le même schéma que celui de Mussolini en janvier 1925. Le mouvement d’Emmanuel Macron s’appelle « En marche », comme la marche sur Rome. Macron va reprendre beaucoup de choses en matière de propagande à Mussolini ou à Hitler. Je dis cela sans aucune provocation. C’est l’analyse minutieuse des mécanismes mise en œuvre qui me permettent d’arriver à cette conclusion.

Pierre Jovanovic évoque souvent la technique de manipulation mentale de nos dirigeants qui consiste à prendre des décisions importantes, le 15 août, le 28 décembre ou le 3 janvier afin de passer sous les radars médiatiques et de ne provoquer aucune réaction populaire.

Justement, c’est le 3 janvier 1926 que Mussolini prononce son discours. Ecoutez bien ce qu’il dit à ce sujet :

« Mais pouvez-vous vraiment penser que je pourrais ordonner le lendemain de celui de Noël, le jour où tous les esprits sont conduits à de pitoyables et bonnes images, pouvez-vous penser que je pourrais ordonner une attaque à dix heures du matin dans la via Francesco Crispi, à Rome, après le discours le plus pacificateur que j’aie prononcé sous mon gouvernement ?

Épargnez-moi, messieurs, de me croire si stupide.« 

Il dit qu’il ne veut pas utiliser la violence politique le lendemain de Noël, mettant même en jeu son éventuelle stupidité. Et pourtant, il est en train de le faire sous les yeux ébahis des députés.

De même, il dit qu’il ne fera pas comme les Bolcheviques en Russie en créant une « Tchéka », alors même qu’il a pris le pouvoir grâce à l’appui des escadrons de fascistes qui ont terrorises l’ensemble de la société.

Dire que l’on ne fait pas quelque chose que l’on est en train de réaliser, c’est un grand classique de la manipulation mentale. Cela est censé désarmer la résistance de l’adversaire et le prendre de court. Il abaisse les mécanismes de défense de l’adversaire. Or, c’est l’inverse, c’est justement parce que la personne le dit qu’elle le fait. Toujours mettre en alerte son attention lorsque quelqu’un vous dit qu’il ne fait pas quelque chose. Cela signifie qu’il est en train de le faire.

Plus loin, il définit lui-même le fascisme :

« Eh bien, je déclare ici, en présence de cette Assemblée et en présence de tout le peuple italien, que j’assume seul la responsabilité politique, morale et historique de tout ce qui s’est passé. Si des phrases plus ou moins mutilées suffisent à pendre un homme, dehors avec le pieu et dehors avec la corde ! Si le fascisme n’était rien d’autre que de l’huile de ricin et de la matraque et non une superbe passion de la meilleure jeunesse italienne, c’est ma faute ! Si le fascisme était une association criminelle, si toute la violence était le résultat d’un certain climat historique, politique, moral, j’en suis responsable, parce que j’ai créé ce climat historique, politique et moral avec une propagande qui va de l’intervention à nos jours.« 

Selon Mussolini, le fascisme, c’est un chef qui décide seul. Le fascisme, c’est l’huile de ricin et la matraque. Le fascisme, c’est la jeunesse au pouvoir. Le fascisme, c’est la création d’un climat de violence. Enfin, le fascisme, c’est l’utilisation de la propagande comme arme de gouvernement. Nous retrouverons d’ailleurs tous ces éléments dans le macronisme. Il faut le souligner.

Nous retrouvons une liste lancinante de crimes commis par des gauchistes contre des fascistes, puis Mussolini jette une phrase à la figure des députés, comme une menace à peine voilée :

« Mais il n’y en aura pas besoin, car le gouvernement est assez fort pour mettre fin une fois pour toutes à la sédition de la colline de l’Aventin.« 

Le fascisme, c’est un chef qui décide seul. Mussolini est le chef et il décide de mettre fin au désordre.

« L’Italie, Messieurs, veut la paix, elle veut la tranquillité, elle veut le calme laborieux ; Nous le leur donnerons par amour, si possible, ou par force s’il le faut. Vous pouvez être assurés que dans les 48 heures qui suivront mon intervention, la situation sera éclaircie dans toute la région, comme on dit. Et nous savons tous que ce n’est pas le caprice d’une personne, que ce n’est pas la convoitise du gouvernement, que ce n’est pas une passion ignoble, mais c’est seulement un amour sans bornes et puissant pour la patrie.« 

Mussolini veut remettre de l’ordre dans le pays. Il veut restaurer la paix et la tranquillité.

La paix et la tranquillité, pour qui ? Au profit de qui ?

Ce discours est un modèle du genre en matière de propagande qui inspirera nos hommes politiques modernes.

b : Le renforcement négatif : instrumentalisation des attaques contre les fascistes.

Dans son discours du 3 janvier 1925 Mussolini monte en épingle une série d’attaques contre des fascistes.

Ces attaques vont justifier une reprise en main du pouvoir afin de rétablir l’ordre dans la société et de garantir la paix sociale.

Un grand classique du fascisme qui sera également utilisé par Adolf Hitler quelques années plus tard.

On observe d’ailleurs qu’en réalité, c’est une fausse paix sociale et un faux ordre qui sont instaurés par le fascisme. Sous leur règne, il n’y a en réalité que des violences politiques instrumentalités qui justifie toujours plus de violence contre l’opposition et toujours plus de répression politique. Une paix assurée par l’huile de ricin et la matraque, comme le dit si bien Benito Mussolini. Ce n’est pas exactement la vision que le petit peuple peut se faire de l’ordre et de la paix.

Une terrible répression va s’abattre contre l’opposition à partir du 3 janvier 1925.

Nous entrons parfaitement dans le modèle du renforcement négatif. L’utilisation de la force contre les gens qui ose s’opposer au fascisme est censée montrer aux gens qu’il ne faut pas s’opposer à eux. Cela est une forme d’intimidation afin de dissuader l’opposition. Méthode redoutablement efficace.

C. La propagande allemande (1933-1945).

« On a reproché à ces pratiques russes qu’elles sont les mêmes qu’employait Hitler. Oui et non. Oui, du point de vue technique. Oui, en tant que dans les deux cas, la base physiologique de la propagande affective est la même – la pulsion n°1 ou agressive. Non, parce que chez Hitler, c’était surtout l’élément de peur qui servait à faire marcher les masses dans la direction voulue par l’État, en URSS la force motrice est le côté inverse de la pulsion combative – l’enthousiasme. » (Serge Tchakhotine, Le viol des foules par la propagande, p. 337).

Dans le nazisme, nous trouvons peu de traces du conditionnement pavlovien, c’est-à-dire par la pulsion n°1 positive, l’enthousiasme. Il va mettre le paquet sur l’aspect négatif de la pulsion n°1 en utilisant la peur et l’intimidation, comme le fit Watson dans ses expériences (1) ou dans le renforcement négatif de Skinner (2).

1. Le IIIe Reich et le conditionnement de Watson.

Adolf Hitler va parvenir à prendre le pouvoir en utilisant le conditionnement politique de Watson. Une technique déjà bien éprouvée avec un grand succès en URSS ou en Italie. Nous l’avions vu lors d’un discours de Benito Mussolini devant l’Assemblée nationale italienne, lorsque celui-ci évoquait son modèle, la tchéka, avec plus ou moins de sous-entendus. Adolf Hitler va le dire plus ouvertement dans son livre « mein Kampf« . Il intitule le chapitre VI « Propagande de guerre « . Il commence ce chapitre en disant :

« En suivant attentivement tous les événements politiques, je m’étais toujours extraordinairement intéressé à l’activité de la propagande. Je voyais en elle un instrument que précisément les organisations socialistes-marxistes possédaient à fond et savaient employer de main de maître. Par là j’appris de bonne heure que l’emploi judicieux de la propagande constitue véritablement un art qui, pour les partis bourgeois,
restait presque inconnu. Seul le mouvement chrétiensocial, particulièrement du temps de Lueger, parvint à une certaine virtuosité sur cet instrument et lui dut également beaucoup de ses succès.

Mais c’est seulement, pour la première fois, au cours de la guerre, que je pus me rendre compte à quels prodigieux résultats peut conduire une propagande judicieusement menée. Ici encore, toutefois, il fallait malheureusement tout étudier chez la partie adverse, car l’activité de notre côté restait sous ce rapport plus que modeste. Mais précisément l’absence complète d’une propagande d’envergure du côté allemand devait crûment sauter aux yeux de chaque soldat. Tel fut le motif pour lequel je m’occupai encore plus à fond de cette question.

J’avais d’ailleurs le temps plus que suffisant pour la réflexion ; quant à la réalisation pratique, un exemple ne nous était que trop bien donné par l’ennemi. Car ce qui était manqué chez nous était exploité par l’adversaire avec une habileté inouïe et un à-propos
véritablement génial. Dans cette propagande de guerre ennemie, je me suis énormément instruit. Mais le temps passait sans laisser la moindre trace dans la tête de ceux qui auraient justement dû profiter au plus tôt de ces enseignements ; les uns se croyaient trop fins pour accepter des enseignements d’autrui, les autres manquaient de l’honnête bonne volonté nécessaire.
 » (Adolf Hitler, Mein Kampf, chapitre VI)

Comme je l’ai expliqué jusqu’à présent, il y a une continuité idéologique de la gauche, de Lénine à Hitler en passant par Mussolini. Il est donc logique de tous les voir utiliser la propagande comme arme de guerre. Dans ce cadre-là, Hitler va utiliser avec une intensité rarement vu la violence et l’intimidation (a). Hitler et Goebbels vont également théoriser la notion de propagande totale (b).

a : La violence dans le nazisme.

Le nazisme va utiliser la pulsion n°1, c’est-à-dire la violence qui génère la peur. C’est l’expérience de Watson. Il va la reproduire, mais dans le domaine politique, comme cela avait été le cas avec Benito Mussolini. Le national-socialisme va la pousser jusqu’à des excès jamais vus dans l’histoire. Hitler va devenir le symbole même de l’instrumentalisation de l’intimidation et de la menace comme arme de gouvernement.

il y a le « stimulus inconditionnel » qui correspond aux « menaces » et la « réponse inconditionnelle » qui correspond à la « soumission » des électeurs et des autres partis.

Hitler va reprendre les techniques inventées par Staline et améliorées par Mussolini. Elle va jouer sur la violence et l’intimidation afin de susciter de la peur, comme le note à juste titre Serge Tchakhotine.

« Parmi les émotions qui avaient le plus de prise sur ces éléments passifs, il faut d’abord mentionner la crainte : c’est pourquoi cette propagande par symboles populaires opérait essentiellement par intimidation. » (Serge Tchakhotine, Le viol des foules par la propagande, 1952, p. 262)

La pulsion n°1 combattive est la plus importante en matière de propagande politique. La violence utilisée par ce type de propagande peut être physique ou psychique. Toutefois, c’est surtout la violence psychique qui prédomine.

La campagne de propagande s’adresse autant aux électeurs afin qu’ils votent pour Adolf Hitler. Mais pas seulement. Il faut aussi parler aux partis pour qu’ils acceptent de s’unir à lui ou pour les empêcher de s’opposer.

a-1. Le discours enflammé.

L’un des arguments d’Adolf Hitler et de ses admirateurs modernes est d’expliquer que les nazis ont pris le pouvoir sans aucune violence physique, légalement par les urnes.

« Pour légitimer leurs conquêtes, les dictateurs faisaient souvent valoir qu’elles se sont effectuées pour la plupart pacifiquement, ou tout au moins, sans emploi de violence physique. Ce n’est vrai qu’en apparence ; l’absence de guerre n’empêche pas l’emploi d’une violence non moins réelle qu’est la violence psychique.

La menace – les discours de Hitler – associée à la vue de l’arme meurtrière – la mobilisation de l’armée allemande – voilà la formule exacte, selon laquelle les dictateurs modernes exercent la violence psychique : c’est précisément ce qui s’est passé, par exemple, en Europe en septembre 1938, ce qui a amené la capitulation des vieilles démocraties européennes à Munich. » (Serge Tchakhotine, Le viol des foules par la propagande, 1952, p. 13)

S’il n’y a pas de violence physique (et encore, cela est contestable, comme nous allons le voir), il y a une indéniable violence psychologique. C’est une violence bien réelle, comme le note, à juste titre Tchakhotine.

Adolf Hitler va s’appuyer sur la pulsion n°1 pour agir sur la masse. L’intimidation correspond à un type de discours axé sur la violence qui sera perçu par la foule comme très combattif et comme menaçant. Cela provoque une réaction de peur chez ceux qui l’écoute. La peur provoque la soumission.

« Que faisait donc Hitler ?

Par des discours enflammés, dégagés de toute entrave, il attirait sur lui l’attention ; il attaquait violemment le gouvernement républicain, il critiquait, il l’injuriait, il proférait des menaces inouïes : « Les têtes vont tomber », « la nuit des longs couteaux », le document de Boxheim, telles étaient les menaces de la propagande nazie qui avait, et qui devait avoir, une énorme influence sur les masses ; cela pour deux raisons : en premier lieu, ces masses, rendues facilement excitables par la misère matérielle, prêtaient volontiers l’oreille à toutes les critiques ; en second lieu, le fait que cette propagande se faisait impunément, éveillait la conviction que les pouvoirs répressifs et les moyens de défense de l’État étaient entièrement paralysés, et qu’on ne pouvait plus espérer, de ce côté-là, l’heureux dénouement d’une situation insupportable. » (Serge Tchakhotine, Le viol des foules par la propagande, 1952, p. 260)

Hitler prononçait des « discours enflammés », selon l’expression de Serge Tchakhotine. Il hurlait et éructait en allemand, ce qui rendait encore plus impressionnant le spectacle. Mais pas seulement. Il attaquait ses adversaires avec une grande violence, menaçant des pires représailles les uns et les autres.

Adolf Hitler parle dans « mein kampf » de la question du discours politique dans les meetings.

« La force qui a mis en branle les grandes avalanches historiques dans le domaine politique ou religieux, fut seulement, de temps immémorial, la puissance magique de la parole parlée.

La grande masse d’un peuple se soumet toujours à la puissance de la parole. Et tous les grands mouvements sont des mouvements populaires, des éruptions volcaniques de passions humaines et d’états d’âme, soulevées ou bien par la cruelle déesse de la misère ou bien par les torches de la parole jetée au sein des masses, – jamais par les jets de limonade de littérateurs esthétisants et de héros de salon.
Seule, une tempête de passion brûlante peut changer le destin des peuples ; mais seul peut provoquer la passion celui-là qui la porte en lui-même. Elle seule octroie à ses élus les paroles qui, comme des coups de marteaux, ouvrent les portes du coeur d’un peuple.

Celui qui ne connaît pas la passion, celui dont la bouche est close, celui-là n’est pas élu par le ciel pour proclamer sa volonté. » (Adolf Hitler, Mein Kampf, chapitre III)

Hitler utilise une formule étonnante, en disant qu’il faut ouvrir les portes du cœur à coups de marteaux. Il dit également que les discours doivent être une tempête de passion brûlante, des éruptions volcaniques de passions ou une torche jetée au milieu de la masse. Le vocabulaire utilisé évoque bien le caractère enflammé de ses discours qui sera sa marque de fabrique quelques années plus tard. « mein Kampf » a été rédigé en 1924 lors de son séjour en prison.

Hitler utilise une étrange expression lorsqu’il parle du caractère magique de la parole. La masse se soumet toujours à la puissance de la parole. Il conçoit cela comme de la magie.

« La grande masse d’un peuple ne se compose ni de professeurs, ni de diplomates. Elle est peu accessible aux idées abstraites. Par contre, on l’empoignera plus facilement dans le domaine des sentiments et c’est là que se trouvent les ressorts secrets de ses réactions, soit positives, soit négatives. Elle ne réagit d’ailleurs bien qu’en faveur d’une manifestation de force orientée nettement dans une direction ou dans la direction opposée, mais jamais au profit d’une demi-mesure hésitante entre les deux. Fonder quelque chose sur les sentiments de la foule exige aussi qu’ils soient extraordinairement stables. La foi est plus difficile à ébranler que la science, l’amour est moins changeant
que l’estime, la haine est plus durable que l’antipathie. Dans tous les temps, la force qui a mis en mouvement sur cette terre les révolutions les plus violentes, a résidé bien moins dans la proclamation d’une idée scientifique qui s’emparait des foules que dans un fanatisme animateur et dans une véritable hystérie qui les emballait follement.

Quiconque veut gagner la masse, doit connaître la clef qui ouvre la porte de son coeur. Ici l’objectivité est de la faiblesse, la volonté est de la force. » (Adolf Hitler, Mein Kampf, chapitre XII)

Dans cet autre passage, Adolf Hitler parle d’une véritable hystérie qui emballerait follement la masse. Elle serait la clef qui ouvrirait le cœur de la masse. L’hystérie est un mot remarquablement bien choisi par le Führer pour qualifier ses discours. L’hystérie est une forme de névrose célèbre pour ses crises de colère spectaculaires.

« On ne peut gagner l’âme du peuple que si, en même temps que l’on lutte pour atteindre son propre but, on veille à détruire tout ennemi qui cherche à y faire obstacle.

Dans tous les temps, le peuple a considéré l’attaque sans merci de ses adversaires comme la preuve de son bon droit ; pour lui, renoncer à les détruire, c’est douter de ce bon droit ; c’est même nier qu’il existe.

La masse n’est qu’une partie de la nature : ses sentiments ne lui permettent pas de vivre en bonne harmonie avec des hommes qui ne se cachent pas de vouloir le contraire de ce qu’elle veut elle-même. Elle ne conçoit que la victoire du plus fort et l’anéantissement du plus faible ou tout au moins son assujettissement sans conditions. » (Adolf Hitler, Mein Kampf, chapitre XII)

Ce passage de « mein kampf » ouvre un aspect intéressant des discours enflammés du Führer. Un aspect presque jamais soulevé par ceux qui évoque la propagande nazie. Ce type de discours, par sa violence contre ses adversaires, est une épreuve de force qui permet de montrer sa force et d’anéantir verbalement (avant un anéantissement physique) les adversaires. L’absence de réaction des concurrents d’Hitler permet de mettre en évidence leurs faiblesses. On laisse Hitler s’exprimer, on ne le jette pas en prison. C’est une grave erreur qui coûta le pouvoir à ceux qui n’ont pas réagi. Dans ce genre de situation, il faut accepter l’épreuve de force et rendre coup pour coup. Interdire les meetings et jeter en prison ceux qui tiennent ce genre de discours, Emmanuel Macron, mais également le CRIF ou la LICRA ont très bien compris ce principe en ne laissant rien passer à leurs opposants. C’est là que nous devons comprendre que les chefs de la dissidence ne sont pas à la hauteur de l’enjeu en acceptant d’être dominés, et même anéantis par le pouvoir. Ils perdent volontairement l’épreuve de force, comme des idiots utiles du système. Ils permettent au pouvoir de renforcer sa légitimité. Or, ce que ces gens-là ne comprennent pas, c’est que justement Hitler peut tenir ce genre de discours violent, car il disposait d’une force militarisée qui intimidait le pouvoir et lui permit de résister physiquement en cas de tentative de répression. C’est ce que nous verrons ensuite. L’un ne va pas sans l’autre. C’est très important de le comprendre.

Nous sommes pleinement dans le cadre du conditionnement, car Hitler répète la technique jusqu’à ce que les idées entrent dans l’esprit des gens.

« La faculté d’assimilation de la grande masse n’est que très restreinte, son entendement petit, par contre, son manque de mémoire est grand. Donc toute propagande efficace doit se limiter à des points fort peu nombreux et les faire valoir à coups de formules stéréotypées aussi longtemps qu’il le faudra, pour que le dernier des auditeurs soit à même de saisir l’idée. Si l’on abandonne ce principe et si l’on veut être universel, on amoindrira ses effets, car la multitude ne pourra ni digérer ni retenir ce qu’on lui offrira. Ainsi le succès sera affaibli et finalement annihilé. » (Adolf Hitler, Mein Kampf, chapitre VI)

Ailleurs dans le sixième chapitre de « mein kampf« , Hitler dit qu’il faut répéter constamment les mêmes idées.

« Mais tout le génie déployé dans l’organisation d’une propagande n’aboutirait à aucun succès, si l’on ne tenait pas compte d’une façon toujours également rigoureuse d’un principe fondamental. Elle doit se limiter à un petit nombre d’objets, et les répéter constamment. La persévérance, ici comme dans tant d’autres choses au monde, est la première et la plus importante condition du succès. » (Adolf Hitler, Mein Kampf, chapitre VI)

a-2. Les défilés militaires.

Les outrances verbales d’Adolf Hitler ne sont possibles que par la présence des SA. En cela, il reprend le modèle de Benito Mussolini qui menaçait les députés de l’opposition que parce qu’il disposait de 100 000 escadrons fascistes. L’opposition ne pouvait pas répondre sans risquer la guerre civile. Emmanuel Macron utilise des outrances verbales, sur le modèle d’Hitler que, parce qu’il sait que des compagnies de CRS vont le protéger jusqu’à la mort. Pour pouvoir tenir un discours violent, il faut pouvoir recourir à la violence physique pour se défendre, et même attaquer. C’est la base de la bonne propagande. Aucun des chefs de la dissidence actuels n’a compris ce principe fondamental, ce qui pose comme question la compétence de ces gens-là pour prendre le pouvoir. Jouer l’épreuve de force psychologique sans avoir les moyens physiques de faire respecter celle-ci, c’est donner au pouvoir le moyen de démontrer que c’est lui qui est le plus fort. On peut s’étonner de cela, surtout lorsqu’on connaît les liens entre cette dissidence et la police. Je ne donnerais pas de noms, ce n’est pas le but. Il s’agit de monter comment fonctionne la propagande et de donner des armes efficaces pour résister et faire tomber le système.

Au sujet de la démonstration de force par les troupes militaires, il faut lire le livre de Joseph Goebbels, « Combat pour Berlin » On y voit comment Goebbels, alors responsable du parti nazi pour Berlin, utilisa la SA pour acquérir de l’influence auprès de la population. Il prend le contrôle de la rue afin de prendre le contrôle de l’esprit des gens. Le coup de force contre les adversaires communistes est quasi permanent dans le livre. De la bataille de rue contre des militants, de l’attaque de salle de réunion à l’affrontement dans un train puis dans la gare. C’est le fil rouge du livre.

Ce que Joseph Goebbels relate par écrit, Leni Riefensthal va le mettre en images dans un des plus grands chefs d’œuvres de l’histoire du ciné et sans doute le plus grand documentaire politique de l’histoire, « Le triomphe de la volonté« . Il servira de modèle pour les générations suivantes jusqu’à nos jours. Il est difficile de ne pas rester insensible face à une telle mise en scène du pouvoir. Un génie mis au service du mal. C’est bien dommage. Dans le prochain article, j’évoquerai son autre chef d’œuvre, « Olympia » qui met admirablement en images les mythes politiques qui vont renforcer le pouvoir d’Adolf Hitler.

« Le triomphe de la volonté » met admirablement en valeur le principe de la démonstration de force comme arme politique.

Il y a de nombreux défilés militaires dans les rues de Nuremberg.

Défilé sur le Hauptmarkt, en arrière-plan l’église Saint-Sébald, au milieu à droite, Hitler et Riefenstahl avec son équipe, 9 septembre 1934.

Hitler prend la parole devant plusieurs centaines de milliers de soldats bien alignés et en ordre parfait, donnant une impression de puissance et de discipline. Un chef et son armée. Un chef qui contrôle sa troupe. C’est la mise en image idéale du modèle politique que propose le parti nazi.

Cela donne l’image d’une masse indifférenciée où chacun n’est qu’un pion interchangeable dans un système qui n’a pas besoin de lui. Un pion qui respecte la discipline et l’ordre. C’est une société militarisée. Dans une société normale, seule l’armée est disciplinée. Dans la société totalitaire du nazisme, la discipline militaire s’étend à l’ensemble de la société. C’est ce que montre le film de Leni Riefensthal. Cela peut plaire à certains. Moi, cela me terrifie.

Un autre aspect important du travail de Riefensthal est la manière de montrer le chef lorsqu’il s’adresse à la masse. Il est filmé en contre-plongé, c’est-à-dire du bas, afin de montrer qu’il domine la masse. C’est un chef qui s’adresse à une masse inférieure à lui. C’est un rapport de force que montre cette mise en scène de manière géniale, la réalisatrice allemande.

Sur certains plans filmés en contre-plongé, on peut voir le public, ce qui donne également l’impression que l’orateur domine la foule.

b : La propagande totale dans le nazisme.

Le conditionnement en matière de propagande politique doit être total, ce qui implique la mise en œuvre de deux règles importante, la règle de saturation de l’espace public (b-1) et la règle d’orchestration (b-2) deux éléments extrêmement importants pour le conditionnement, comme nous allons le voir.

b-1. La règle de la saturation de l’espace public.

La saturation de l’espace public fait partie du conditionnement par la pulsion n°1 dans sa tendance négative. Cela signifie que par domination de l’espace public, on montre au public que l’on est le plus fort, le plus puissant. C’est une forme de violence symbolique qui table sur la peur que l’on va susciter chez les citoyens, mais également sur les concurrents, les adversaires.

Avec la règle de la saturation de l’espace public, il faut occuper tout l’espace public. L’ensemble des journaux, toutes les radio et même plus tard la totalité des chaînes de télévision ou Internet doivent proclamer en chœur le même message. Cela donne une impression de force et de puissance qui impressionne la population et les adversaires.

C’est un principe très important qui fut mis en œuvre pour la première fois par Adolf Hitler.

La règle de la saturation interdit toute voix discordante. Une personne qui accéderait à l’espace médiatique pour contredire le discours officiel est impossible. Laisser s’exprimer une opposition, même modeste, montre au public qu’il est possible de s’opposer. Il faut donc écraser toute résistance au système pour faire perdre espoir au peuple. On doit créer l’illusion que l’opposition au système est sans espoir. On reconnaît une fausse opposition lorsque celle-ci vous explique que toute espoir est perdu, que résister est impossible. Le citoyen qui ne peut espérer résister va alors entrer dans le processus psychologique du conformisme et se soumettre. Il va obéir.

C’est ce mécanisme qui sera mis en œuvre, à partir des années trente, par Staline.

Ce sera également le cas en 2017 en France avec « l’élection » d’Emmanuel Macron qui satura l’espace médiatique avec une intensité que n’aurait pas envié Adolf Hitler. Il était à la Une de tout les magasine, occupait l’antenne de toutes les chaînes de télévision et de radio.

b-2. La règle de l’orchestration.

Pour être efficace, la propagande doit répéter inlassablement les mêmes thèmes. C’est ce que nous explique Jean-Marie Domenach dans son « que-sais-je ? »sur « la propagande politique« .

« Cependant la répétition pure et simple engendrerait vite la lassitude. Il s’agit donc, tout en maintenant obstinément le thème central, de le présenter sous des aspects variés. » (Jean-Marie Domenach, la propagande politique, p. 55).

Or, la répétition d’un seul et même message peut lasser le public. Il faut faire varier les thèmes autour d’un thème central.

« La permanence du thème, alliée à la variété de sa présentation, c’est la qualité maîtresse de toute campagne de propagande. L’orchestration d’un thème consiste en sa répétition par tous les organes de propagande dans des formes adaptées aux divers publics et aussi variées que possible. » (Jean-Marie Domenach, la propagande politique, p. 56).

Une bonne campagne de propagande basée sur le conditionnement comporte donc deux niveaux :

  • Un thème central qui est permanent.
  • Une variété de présentation du thème central.

L’orchestration consiste donc à répéter un seul et unique thème central, mais sous différentes formes.

Par exemple, CNews va traiter du thème de l’invasion migratoire en évoquant alternativement les rodéos urbains, les refus d’obtempérer, les agressions au couteau, etc.

« Une grande campagne de propagande réussit lorsqu’elle s’amplifie en échos indéfinis, lorsqu’elle parvient à susciter un peu partout les reprises les plus diverses du même thème, et que s’établit entre ceux qui l’ont lancée et ceux qui la répercutent un véritable phénomène de résonance dont le rythme peut être suivi et amplifié. » (Jean-Marie Domenach, la propagande politique, p. 57-58).

La propagande s’orchestre en écho successif. Elle doit être reprise et amplifiée. On parle de phénomène de résonnance.

 » Il est d’ailleurs évident que, pour que cette résonance soit obtenue, l’objectif de la campagne doit correspondre à un désir plus ou moins conscient dans l’esprit de larges masses. » (Jean-Marie Domenach, la propagande politique, p. 58).

La propagande, pour être efficace, devait correspondre au désir conscient ou inconscient de la masse. Nous verrons cela dans le détail dans le prochain article sur les mythes politiques.

« Poursuivre et développer une campagne de propagande exige qu’on en suive de près la progression, qu’on sache la nourrir continuellement d’informations et de slogans nouveaux et qu’on la relance au bon moment sous une forme différente et aussi originale que possible (rallyes, votes, collectes de signatures, manifestations de masse, etc.). » (Jean-Marie Domenach, la propagande politique, p. 58).

Il faut suivre minutieusement la campagne de propagande. Il faut la nourrir pour la relancer. On la nourrit par de nouveaux slogans qui tombent au bon moment et sous une forme différente afin de ne pas lasser le public. C’est tout un art, dont sont devenus maîtres nos hommes politiques et leurs relais médiatiques.

Nous retrouvons toujours trois étapes :

  • Un événement est mis en exergue afin d’accrocher le public sur le thème principal.
  • La campagne va se développer progressivement sur cette évènement.
  • Pour atteindre l’apothéose par une manifestation chargée de canaliser la colère que l’on a fait artificiellement monter jusqu’à l’atteinte d’un objectif. Cela peut être une manifestation de rue ou le vote d’une loi ou une élection.

« Une campagne a sa durée et son rythme propres : elle doit « accrocher » au départ à un événement spécialement important, se développer aussi progressivement que possible et finir en apothéose, généralement par une manifestation de masse. C’est un véritable feu d’artifice où les fusées se succèdent, de plus en plus nourries, échauffant l’enthousiasme jusqu’à un comble qui sera atteint avec l’envoi du « bouquet ».

« La rapidité est en tout cas le facteur primordial d’une campagne de propagande. Il faut « sortir » continuellement des révélations, des arguments nouveaux, à un rythme tel que, lorsque l’adversaire y répondra, l’attention du public soit déjà portée ailleurs. Ses réponses successives ne parviendront pas à rattraper le flot montant des accusations, et sa seule ressource sera de ressaisir l’initiative, s’il le peut, et d’attaquer avec plus de rapidité encore. » (Jean-Marie Domenach, la propagande politique, p. 57-58).

Une campagne de propagande doit être rapide et sortir aussi rapidement que possible des nouveaux faits afin que les adversaires n’aient pas le temps de répondre. L’adversaire ne pourra se sortir de cette campagne qu’en prenant lui-même l’initiative.

Adolf Hitler a mis en œuvre régulièrement le principe de l’orchestration comme forme de conditionnement. Ce fut le cas, par exemple, après l’incendie du Reichstag. L’événement, monté en épingle permis de lancer la répression contre les communistes et de mettre fin au parlementarisme. Cela ressemble à ce que faisait Benito Mussolini en instrumentalisant de faux attentats contre lui ou contre ses partisans. A la différence qu’Adolf Hitler organisera de véritables campagnes de presse afin de monter l’opinion publique contre les ennemis qu’il désigne : communistes, protestants, catholiques, Juifs, etc.

2. Le IIIe Reich et le conditionnement de Skinner.

Le nazisme, comme le fascisme, n’utilisera que le conditionnement négatif comme arme de propagande. Les escadrons de fascistes vont être remplacés par la terrible Gestapo, de sinistre mémoire. Il y aura également les noms moins terribles des camps de la mort afin de mettre au pas l’opposition. La violence est à peine voilée et intimide particulièrement ceux qui vivaient sous son régime. Personne ne voulait être arrêté par la Gestapo et terminer sa vie dans un camp de concentration. C’est sans doute l’arme de conditionnement la plus efficace qui fut mise en œuvre par le nazisme.

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